Les Cahiers d'Outre-Mer. No. 116. Octobre - Décembre 1976, p. 321-347
Résumé. — Après plus de quinze ans d'une indépendance jalonnée d'expériences diverses et parfois peu concluantes en matière d'assistance technique et de développement, la Guinée mise aujourd'hui sur ses deux principales ressources : la bauxite et le minerai de fer, en vue de favoriser une meilleure intégration territoriale. Lui sera-t-il possible, grâce à la réalisation du projet de chemin de fer Transguinéen, reliant la Guinée forestière à Conakry, où l'on prévoit l'installation d'un super-part minéralier, d'assurer le désenclavernetit des espaces périphériques et d'amorcer des flux entre régions complémentaires ?
Summary. — Recent projects, and prospects of growth in Guinea. After 15 years of independence, marked out of various experiences in several cases inconclusive as far as technical assistance and development are concerned, Guinea today is taking on its two main natural resources : bauxite and iron ore to reach a significient territorial integration. Will it be possible therefore, throughout the completion of the Transguinean Railroad Project, connecting Forest Guinea to Conakry, where the setting up of a mineral harbour bas been foreseen, to open up marginal areas and to generate plans between complementary regions ?
Pays-carrefour de lAfrique de l'Ouest, si l'on tient compte de sa position moyenne dans le cadre tropical, la Guinée s'était quelque peu retranchée à la fois de l'Occident et de l'ensemble des pays africains au cours de la dernière décennie. En dépit d'abondantes ressources naturelles et d'un potentiel de croissance jugé alors excellent, les progrès économiques au cours de cette période ont été lents, entraînant un déficit budgétaire et une balance commerciale nettement défavorable. La Guinée, rappelons-le, continue de dépendre d'importations massives de denrées alimentaires en dépit du fait que les deux tiers de ses habitants soient des agriculteurs ou des pasteurs.
Depuis l'Indépendance obtenue en 1958, en avait procédé à une réorganisation systématique des activités socioéconomiques en vue d'établir une économie de type socialiste. A mesure que diminuait l'importance du secteur privé, la relève devait, en principe, être assurée par le gouvernement, les organismes para-gouvernementaux et les sociétés d'Etat.
Depuis quelques années, le gouvernement guinéen a établi des contacts avec des pays aussi divers que l'Algérie, les Etats-Unis, le Japon, le Nigeria, le Koweït et la Yougoslavie pour ne citer que ceux-là, à la recherche de nouvelles sources de financement pour l'exploitation de ses richesses naturelles, pour la réorganisation de ses moyens de transports et de communications et pour un niveau de qualifications plus élevé de sa main-d'oeuvre. La politique de la main tendue semble être au premier plan des préoccupations du gouvernement guinéen, qui multiplie les missions commerciales en divers points du globe. La plus récente et la plus fructueuse a conduit à l'accord signé à Tokyo en avril 1973 entre la société guinéenne Mifergui et la Nippon-Koei en vue de la construction d'une voie ferrée pour évacuer le riche minerai de fer des monts Nimba et du Simandou, et du réaménagement portuaire de Conakry 1. Lors d'une visite à Conakry, le 18 juillet 1973, le sous-secrétaire d'Etat américain s'est dit « réjoui de voir renouer des liens d'amitié entre les Etats-Unis et la Guinée » . Il se faisait ainsi l'écho de la nouvelle attitude des autorités guinéennes et de leur souci de diversifier l'origine des investissements étrangers 2.
Le recensement du 31 décembre 1972 établissait à 5.143.284 le nombre des habitants en Guinée. La population aurait donc augmenté de plus de 1.300.000 habitants, si l'on se réfère aux estimations de l'année 1968, soit 3.781.000 habitants. On peut donc supposer que le taux de croissance naturelle est demeuré à la hausse, se situant probablement au-delà de 2,8 %. Par ailleurs, la région de Conakry regrouperait aujourd'hui, selon ledit recensement, environ 1 million d'habitants, soit une augmentation supérieure à 35 % en cinq ans, résultat, semble-t-il, d'une très forte immigration rurale que le gouvernement aurait été impuissant à enrayer. D'où la nécessité, d'une part, de stabiliser les populations locales de l'intérieur en créant sur place des sources d'emploi et en favorisant les échanges interrégionaux dans un contexte de complémentarité, et d'autre part de diminuer les pressions que ne manqueraient pas d'exercer les masses de chômeurs « déguisés ou non » qui s'entassent dans les zones d'habitat précaire de Conakry.
La Guinée regroupe quatre régions naturelles aux paysages et aux ressources suffisamment contrastés pour avoir donné lieu à des systèmes d'occupation et à des réseaux de relations originaux.
Une politique mouvante et, à l'occasion, le fracas des complots déjoués, des procès radiodiffusés, situent assez souvent la Guinée au premier plan de l'actualité internationale ; par contre, ses productions n'apparaissent guère sur le canevas des marchés internationaux. Malgré une ouverture récente qui se traduit par un chassé-croisé accéléré de missions commerciales à Conakry, l'économie du pays demeure stagnante, les échanges extérieurs restent faibles et surtout fort peu diversifiés.
Près des deux tiers de la population active guinéenne se consacrent aux cultures vivrières et industrielles dont la gamme variée des produits correspond à la diversité, des conditions naturelles qu'offre le pays. Le manioc, le riz et le maïs viennent en tête des cultures alimentaires qui incluent également la patate douce, le mil, l'arachide et un peu de sorgho (tableau I). En dépit d'une croissance régulière à partir de 1967-1968 3 la production de denrées de base a été inférieure à la demande locale et l'on a dû annuellement recourir à l'importation d'importantes quantités de riz, de sucre et de farine de blé pour combler le déficit. La récolte de riz a été, particulièrement affectée par une sécheresse prolongée en 1970-1971 et malgré un accroissement des surfaces irriguées de 15 000 hectares en Basse-Guinée et de près de 30 000 hectares en Haute-Guinée, grâce à l'aide de techniciens chinois, le gouvernement a dû acheter 15 000 tonnes de riz américain au coût de $ 2,9 millions 4. En 1971-1972, plus de 2.000 tonnes de semences améliorées ont été distribuées dans les campagnes et on attend un accroissement sensible de la production.
On notera au contraire que la production d'arachide, cultivée dans les régions voisines du Sénégal, a baissé de 20 % en 1970-1971. La majeure partie de la récolte était exportée antérieurement. Aujourd'hui, les arachides sont traitées dans les huileries locales de Dabola et Kassa qui n'opèrent pas à pleine rapacité et qui sont défavorisées par leur éloignement des aires productives.
Tableau I. — La production agricole de 1960 à 1971 (en milliers de tonnes métriques) | |||||||
1960-1961 | 1965-1966 | 1966-1967 | 1967-1968 | 1968-1969 | 1969-1970 | 1970-1971 | |
Cultures vivrières | |||||||
Riz | 323 | 360 | 275 | 350 | 375 | 400 | 420 |
Manioc | 433 | 273 | 400 | 450 | 475 | 500 | 525 |
Maïs | 361 | 328 | 275 | 300 | 325 | 350 | 400 |
Mil | 43 | 65 | 60 | 70 | 70 | 70 | 70 |
Patates sucrées | 55 | 60 | 75 | 85 | 85 | 90 | 95 |
Arachides | 8 | 15 | 17 | 19 | 25 | 25 | 20 |
Sorgho | 7 | 8 | 7 | 8 | 8 | 8 | 8 |
Cultures d'exportation | |||||||
Bananes | 75 | 90 | 69 | 50 | 75 | 75 | 60 |
Café | 14 | 11 | 13 | 10 | 13 | 13 | 23 |
Palmistes | 26 | 28 | 24 | 25 | 28 | 30 | 32 |
Ananas | 11 | 12 | 13 | 15 | 25 | 25 | 30 |
Agrumes | 3 | 5 | 8 | 7 | 9 | — | — |
En conséquence, le coût élevé des aliments de base (céréales, féculents, huile, fruits, légumes) demeure une constante qu'accentuent les pénuries locales artificielles ou non, reliées soit à la rétention volontaire des producteurs, à l'absence de facilités de stockage, à une mauvaise distribution, soit encore à la contrebande avec les pays riverains. A ceci il faut ajouter les réticences qu'éprouvent de nombreux Guinéens à consommer le riz « trop collant » produit en « rizières » au lieu du traditionnel riz pluvial ou de montagne à faible rendement et cultivé dans des conditions archaïques.
Depuis l'Indépendance le secteur des productions agricoles d'exportation a connu de nombreux avatars en dépit des efforts du gouvernement pour pallier la situation. Ainsi, selon les chiffres officiels (tableau II), les exportations de bananes et de café auraient sensiblement décliné de 1965/1966 à 1971/1972, passant respectivement de 1040 millions FG et 1311 millions FG à 200 millions FG et 689 millions FG. Durant cette période, les exportations de palmistes se maintenaient en valeur, toujours selon les statistiques officielles, autour de 660 millions FG avec un sommet de 937 millions FG en 1968-1969. Par contre, les exportations d'ananas doublaient de 1965-1966 à 1970-1971 passant de 658 millions FG à 1.336 millions FG.
Tableau II. — Les exportations de la Guinée (en millions de francs guinéens). | ||||||
1965-1966 | 1966-1967 | 1967-1968 | 1968-1969 | 1969-1970 | 1970-1971 | |
Produits agricoles | 3.989 | 4.072 | 4.550 | 5.079 | 4.721 | 2.979 |
Bananes | 1.040 | 1.003 | 744 | 960 | 591 | 200 |
Café | 1.311 | 741 | 1.500 | 1.375 | 1.393 | 689 |
Palmistes | 683 | 685 | 700 | 937 | 668 | 664 |
Ananas | 658 | 712 | 827 | 1.000 | 1200 | 1.336 |
Arachides | 100 | 470 | 32 | 30 | — | — |
Autres | 197 | 461 | 747 | 777 | 869 | 90 |
Minéraux | 8.824 | 8.478 | 8.516 | 8.953 | 9.168 | 9.417 |
Bauxite | 193 | — | 115 | 375 | 400 | 448 |
Alumine | 8.118 | 8.208 | 8.325 | 8.400 | 8.717 | 8.969 |
Fer | 441 | 132 | — | — | — | — |
Diamants | 70 | 104 | 67 | — | 33 | — |
Autres | 2 | 34 | 9 | 178 | 18 | — |
Autres | 27 | 15 | — | — | — | — |
Total | 12.840 | 12.565 | 13.066 | 14.032 | 13.889 | 12.396 |
Il est toutefois difficile de se faire une juste idée de la production agricole guinéenne, tant en ce qui concerne l'apport vivrier que les cultures d'exportation, puisque la concentration des activités de collecte, de distribution et d'exportation des produits entre les mains de l'Etat de même que la fixation des prix suscitent un important marché noir parallèle, voire même d'importantes exportations clandestines de bétail, de palmistes et surtout de café en direction des pays voisins, entre autres vers la Sierra Leone et le Liberia.
Le café, cultivé en Guinée forestière, appartient à la variété Robusta. Depuis 1964 les 3/4 des plants ont été systématiquement remplacés par des variétés plus résistantes et à rendement plus élevé. On aurait ainsi produit 23.000 tonnes en 1970-1971 et l'on s'attendait à une récolte de quelque 40.000 tonnes en 1972-1973. Des mesures contre la contrebande prises par les pays riverains pourraient contribuer à ce résultat. A titre de membre de l'Accord international sur le café, la Guinée n'a pu atteindre le quota qui lui avait été alloué (167.600 sacs en 1970-1971) avec un total exportable de 100.300 sacs seulement. C'est pourquoi ce quota a été réduit à 105.400 sacs ou 6.324 tonnes pour la saison 1971-1972 5. En 1970, la Guinée a exporté officiellement 4 500 tonnes de café vers les pays de l'Est. Mais on estime que la production réelle aurait été de l'ordre de 10 à 12.000 tonnes 6.
C'est toutefois la production bananière qui a le plus souffert au cours de la dernière décennie. En 1971-1972, avec 60.000 tonnes, la production était inférieure de 25 % à la production annuelle moyenne de l'époque coloniale, et, en valeur, elle représentait un apport en FG ne constituant plus que 20 % des rentrées pour la saison 1965-1966 (tableau 2). L'exode des « planteurs » français, l'apparition d'une maladie cryptogamique, la cercosporiose, et sans doute, la faiblesse des prix versés aux producteurs, ont favorisé la stagnation de la culture bananière. En dix ans, par contre, soit de 1960-1961 à 1970-1971, la production d'ananas est passée de 11.000 à 30.000 tonnes, et on s'attend à ce qu'elle double d'ici 1975. L'U.R.S.S., la R.D.A. et la Yougoslavie ont absorbé la plus grande partie des 11.000 tonnes d'ananas et des 7.000 tonnes de bananes exportées en 1970-1971. Le déclin de la production bananière et l'essor de la culture de l'ananas dépendent de la meilleure rentabilité de cette dernière et, d'autre part, de l'insuffisance du prix payé aux producteursde bananes malgré une hausse de 40 % en 1968-1969. De leur côté, les autorités guinéennes tendent à réduire le problème à une simple question de contrôle de la maladie qui affecte les plantations de bananiers alors que c'est la commercialisation du produit qui est en cause, si l'on s'en remet aux doléances exprimées par les pays de l'Europe de l'Est, les principaux clients et concernant les taux de perte élevés aux arrivages.
On n'exporte plus guère d'agrumes autrement que sous forme d'essences d'orange, de citron ou de bergamote vers le marché français. Sur le marché guinéen, seule une faible partie est transformée, depuis 1963, en jus de fruits dans les conserveries de Mamou et de Kankan 7. Une production nouvelle et originale, la mangue greffée, s'ajoute à cette liste et pourrait bientôt devenir un produit d'exportation. Enfin, le gouvernement de la Guinée tente par tous les moyens de promouvoir la culture du thé et du tabac afin de répondre aux besoins du marché interne.
Si les plantations traditionnelles ont disparu au profit des coopératives agricoles, il n'en subsiste pas moins un nombre important de petites exploitations en faire-valoir direct, mais dont l'Etat est le seul propriétaire. Chaque coopérative regroupe habituellement des producteurs qui s'adonnent à une seule culture industrielle ou d'exportation. Dans les milieux gouvernementaux, on estime que dès la fin de 1973, les 3/4 des producteurs devaient être intégrés à une coopérative. Il n'en va pas ainsi pour ceux qui pratiquent les cultures vivrières traditionnelles et aucun effort d'intégration n'a été entrepris au niveau des villages, indépendamment du type de culture.
Malheureusement, plusieurs facteurs tels le déboisement, l'érosion, l'épuisement des sols, les maladies cryptogamiques, l'absence de fertilisants tout autant que la quasi-inexistence de circuits commerciaux ont freiné l'essor agricole. Par ailleurs, le plan de sept ans (1964-1971) n'accordait aucune priorité à l'agriculture et les crédits mis en disponibilité par la Banque nationale de développement se sont avérés trop peu importants. Ce n'est donc qu'à la fin de 1969 que le gouvernement guinéen a pris la décision d'augmenter les prix versés aux producteurs dans le cas des cultures d'exportation. Mais, entre les prix officiels et ceux des marchés parallèles l'écart demeurait d'autant plus considérable qu'il se trouvait amplifié par une redistribution très inadéquate des produits importés dans les régions rurales ; d'où l'absence de résultats positifs dans l'immédiat.
L'élevage bovin (1,7 million de têtes) se concentre pour les 2/3 sur les plateaux du Fouta-Djallon. Peu productif, en raison des parasitoses qui affectent le bétail, il revêt davantage une valeur de symbole pour les populations locales dont il demeure un signe extérieur de richesse. La transhumance, encore largement répandue, favorise d'autre part une contrebande active en direction des pays frontaliers.
Les eaux littorales guinéennes sont poissonneuses, mais la pêche pratiquée de façon artisanale n'a pas fourni de prises annuellement supérieures à 2.000 tonnes au cours de ces dernières années. Faute de moyens de conservation et de transport adéquats, le poisson n'est guère consommé en dehors de l'agglomération de Conakry et d'une étroite frange littorale. Conscient de l'apport en protéines qu'une exploitation plus rationnelle pourrait fournir à la ration alimentaire très déficitaire du Guinéen, le gouvernement a signé un accord avec la Compagnie K.L.M., aux termes duquel celle-ci s'engage à mettre sur pied une société de pêche, Afrimar, qui assurera le ravitaillement des industries locales du poisson 8. Plus récemment les Etats-Unis et le Japon ont accepté d'équiper des unités de pèche avec du matériel moderne et de familiariser le personnel avec son emploi.
Rappelons que les limites des eaux territoriales guinéennes ont été portées à 130 milles marins 9.
Bien qu'elle recèle d'importants massifs de forêts denses où l'on retrouve encore aujourd'hui de nombreuses essences commerciales, la région de la Haute-Guinée, handicapée par sa position en cul-de-sac, n'a pu développer une véritable industrie forestière. Elle doit obligatoirement faire transiter ses produits par le Liberia en utilisant soit la route en direction de Monrovia, soit le rail à destination de Buchanan. D'autre part, les taux de fret, les frais de port et les tarifs douaniers entament largement les marges bénéficiaires. En 1952, on évaluait à 150.000 hectares la surface productive. Toute exploitation devait toutefois s'effectuer dans le cadre d'un règlement visant à assurer la capacité de reconstitution de la forêt dans les zones où elle doit subsister 10. L'usine actuelle de sciage et de contre-plaqué de N'Zérékoré, mise en place avec l'aide de l'U.R.S.S. en 1964, alimente exclusivement le marché guinéen. Elle emploie environ 280 personnes et traite les bois locaux : niangon, azobé, acajou, sipo, framiré, etc. Elle a une capacité de production de 50.000 mètres cubes de bois brut, 22.500 mètres cubes de bois sciés et plus de 6 000 mètres cubes de contre-plaqués. En 1971, elle fonctionnait à moins de 50 % de sa capacité 11. Conscient de l'importance de ce potentiel, le gouvernement guinéen examine avec la participation de l'Algérie la réalisation d'un projet commun d'exploitation des ressources forestières pour l'ensemble de la Guinée 12.
La stagnation des exportations d'origine agricole au cours des dernières années a permis au secteur minier de s'affirmer en tant que principale source de devises convertibles avec les deux tiers de la valeur totale des exportations guinéennes. Les gisements bauxitiques de la Guinée devraient, compte tenu de leur importance, (4,2 milliards de tonnes, l'Australie et la Guinée concentrant 65 % des réserves mondiales prouvées), de leur caractère homogène et de leur haute teneur (58 % à Sangaredi avec un indice de silice inférieur à 1 %) constituer à court terme entre les mains du gouvernement, un atout non négligeable dans la course au développement. Actuellement, seuls les dépôts des îles de Loos (Kassa et Tamara) en face de Conakry, et ceux dispersés autour du mont Kimbo (Fria) ont fait l'objet d'une exploitation (tableau III).
Les gisements des îles de Loos, peu importants (7 millions de tonnes) mais faciles d'accès, ont été exploités à partir de 1968. Ils ont fourni 1,2 million de tonnes en 1971, et sont presque épuisés aujourd'hui. La relève sera largement assurée dans l'immédiat par les gisements de Boké qui doivent produire 5 millions de tonnes par an. On extrait annuellement environ 2 millions de tonnes de bauxite à ciel ouvert de différentes calottes d'un contenu de 5 à 6 millions de tonnes en moyenne, dispersées autour du mont Kimbo sous une faible couverture de stériles. Depuis 1960, une usine gérée par le groupe français Péchiney-Ugine 13 transforme cette bauxite en alumine. Sa capacité est actuellement de 700 000 tonnes, mais on projette de la porter éventuellement à 1,1 million de tonnes. Depuis 1965, la production s'est maintenue au-dessus de 500 000 tonnes et avait atteint le plafond de 700 000 tonnes en 1972.
L'exploitation des dépôts diamantifères a repris en 1969 avec l'aide d'une compagnie belge et la production de diamants industriels avait atteint 74 000 carats en 1970. Les réserves sûres sont actuellement estimées à 2 millions de carats dont 1,5 million sont exploitables. Par ailleurs, l'exploitation industrielle de l'or a cessé en 1950 et l'orpaillage est en voie de disparition.
Tableau III. — Guinée : la production minière (en milliers de tonnes métriques) | ||||||||
1960 | 1965 | 1966 | 1967 | 1968 | 1969 | 1970 | 1971 | |
Bauxite | 541 | 241 | — | 23 | 549 | 837 | 1044 | 1198 |
Alumine | 189 | 520 | 525 | 530 | 531 | 572 | 610 | 665 |
Fer | 777 | 705 | 264 | — | — | — | — | — |
Diamants (en milliers de carats) | 37 | 56 | 29 | — | — | 37 | 74 | — |
Quant au minerai de fer dont les réserves du Nimba-Simandou (plus de 4 millions de tonnes en Guinée forestière) sont à la fois considérables et de haute teneur (65 à 70 %), c'est à moyen terme qu'il devrait s'associer à la bauxite et à l'alumine afin de promouvoir la mise en valeur de l'hinterland guinéen. On a par contre cessé, depuis 1967, d'extraire la limonite de la péninsule de Kaloum à l'est de Conakry, en partie à cause de la trop faible teneur du minerai et des difficultés d'entretien de l'équipement.
L'industrie manufacturière guinéenne, encore embryonnaire, ne rassemblait guère, en 1971, qu'une quarantaine d'entreprises largement concentrées à Conakry, la capitale, et employant moins de 10.000 personnes 14. A l'inventaire, on y retrouve les entreprises classiques d'un pays ayant accédé récemment à l'Indépendance :
Les plus importantes sont soit des entreprises d'Etat, soit des entreprises d'économie mixte dans lesquelles l'Etat détient une participation majoritaire. Le marché local absorbe l'essentiel de la production, quoique certaines entreprises dont Sifra (800 employés) réussissent à exporter une partie de leur production de jus et de tranches d'ananas en boîtes de conserves. Notons également la nouvelle briqueterie nationale de Kankan, réalisée dans le cadre de la coopération sino-guinéenne qui a commencé à produire à son rythme normal le 15 février 1973. Elle emploie 220 travailleurs dont 40 techniciens chinois. Les réserves d'argile locale devraient permettre une exploitation pendant quarante ans 15.
Plusieurs de ces entreprises fonctionnent cependant au ralenti pour diverses raisons : approvisionnement sporadique en matières premières, absence de pièces de rechange, mauvaise gestion ou tout simplement inefficacité du réseau de distribution et étroitesse du marché national. Ainsi, la fabrique de meubles de Conakry éprouve de façon permanente des difficultés, car elle ne peut obtenir à un coût raisonnable le bois qui lui vient de la Guinée forestière.
L'augmentation des coûts unitaires résultant de cette sous-utilisation a pour effet immédiat de rendre les entreprises très vulnérables financièrement et surtout étroitement dépendantes du crédit bancaire. Malgré les mesures prises (importations de pièces de rechange, réorganisation technique et administrative interne), les progrès enregistrés dans ce secteur d'activité sont peu spectaculaires. Néanmoins, le gouvernement guinéen continue d'accorder priorité à l'industrialisation et prévoit de nouvelles implantations d'usines. L'exode rural massif que connaît aujourd'hui la Guinée ne lui laisse guère d'autre choix, et l'énorme main-d'oeuvre disponible dans les quartiers populaires de la capitale le force à l'entériner.
La mise en place d'un réseau adéquat de communications et l'exploitation rationnelle de son potentiel hydro-électrique sont des préalables indispensables à l'essor de l'économie guinéenne, mal partagée en sources d'énergie traditionnelles et en moyens de transports.
Le réseau routier actuel est diffus. Au total, 5.000 kilomètres de routes nationales et 2.500 kilomètres de routes régionales ouvertes à la circulation en toute saison. A ceci, il faut ajouter 6.500 kilomètres de pistes impraticables en saison des pluies. Une seule route goudronnée relie aujourd'hui l'intérieur du pays (Kissidougou et Faranah) à la capitale par le Fouta-Djallon, Mamou et Kindia. Une bretelle rattache depuis peu Labé et Pita à Mamou et sera prolongée d'ici peu de temps jusqu'à Mali où l'on construit maintenant une importante cimenterie. Entre-temps, les travaux se poursuivaient sur l'axe Mamou-Dabola-Kouroussa-Kankan, parallèle au tracé du chemin de fer Conakry-Niger, également sur l'axe Kissidougou-Guekédou-Macenta-N'Zérékoré, sur l'axe Kissidougou-Kankan sous la responsabilité d'une équipe cubaine et sur l'axe Boké-Mali. Il est à noter que les villes minières de Boké (bauxite) et Fria (alumine) sont déjà reliées à Conakry par des routes consolidées, mais non bitumées et risquent, à l'occasion, d'être isolées en saison des pluies.
Une fois ce nouveau réseau routier complété, les marges frontalières du pays peulh au nord et les enclaves des pays kissi et de la Guinée forestière au sud-ouest seront plus faciles d'accès sans pour autant être intégrées. Il en va de même de la Haute-Guinée, victime de la dégradation des services ferroviaires au cours de la dernière décennie, qui sera jusqu'à un certain point reconquise par la route. Les quelque 60 heures requises pour effectuer le trajet en wagon entre Conakry et Kankan ne laissent guère d'illusion sur l'efficacité du chemin de fer. On récupérera ainsi, au profit de la capitale, une partie de la production agricole qui s'écoulait vers la Sierra Leone et le Liberia, tout en favorisant les échanges avec les régions adjacentes d'économie complémentaire. Une frange limitrophe de 50 à 100 kilomètres de profondeur s'étendant de la frontière avec le Sénégal à celle de la Côte d'Ivoire échappera encore pendant une période indéterminée à ce long processus d'annexion de l'arrière-pays.
Mais, dans le domaine des transports routiers, le point faible reste le mauvais état des véhicules par suite d'un entretien défectueux et de la pénurie des pièces détachées. En 1972, le parc automobile totalisait environ 20.000 véhicules dont la moitié étaient des voitures privées et commerciales 16. Aussi, le taux de motorisation de 4 %, est-il extrêmement faible et fournit une juste idée des difficultés à surmonter. Utilisés de façon intensive et souvent dans des conditions très dures, les véhicules ne résistent pas. D'autre part, le trop large éventail des marques en usage complique au maximum l'importation des pièces de rechange. Pendant ce temps, la Guinée continue d'importer presque à l'unité (tableau IV) des automobiles et des camions d'à peu près tous les pays producteurs à l'exclusion de l'U.R.S.S-, mais depuis 1971 seulement. Seule une vigoureuse volte-face dans ce domaine mettrait un frein à l'actuelle anarchie.
On trouve en Guinée trois réseaux de chemin de fer. Le réseau d'Etat Conakry-Kankan compte 661 kilomètres de voie unique métrique 17 (la ligne a été doublée sur une distance de 140 kilomètres correspondant au tronçon Conakry-Kindia) en vue d'acheminer la bauxite qu'on y extrait depuis peu. Le réseau minier se subdivise en deux lignes : la ligne de Fria (145 kilomètres de voies métriques), réservée aux besoins de la Société, Friguia ; la ligne Kamsar-Boké (137 kilomètres de voies de 1,44 m) sera utilisée pour acheminer les bauxites du gisement de Sangaredi en direction du port de Kamsar, mais le public pourra également l'utiliser 18.
Si l'on met de côté les deux lignes minières dont le rôle intégrateur est pour l'instant négligeable puisque leur principale fonction consiste à transporter la matière première entre l'aire de production et le port et à acheminer au retour les produits de première nécessité, le réseau d'Etat est le seul à assumer la responsabilité de la desserte régionale. Or, ce chemin de fer qui aurait pu jouer un rôle majeur au niveau de la collecte et de la distribution des produits en tant qu'agent d'intégration économique régionale, se trouve aujourd'hui dans un situation lamentable : un seul train par semaine entre Conakry et Kankan et quelques convois entre Conakry et Mamou à l'époque de la récolte de la banane. Aussi était-il normal que le camion vienne relayer le chemin de fer pour le transport des marchandises. Cette quasi-suppression du trafic ferroviaire s'explique par le mauvais état des voies et le nombre très réduit des locomotives en état de marche. Au moment de l'Indépendance, certaines parties des voies étaient arrivées à la limite de l'usure tolérable et seulement 28 kilomètres de rails avaient été renouvelés. L'obstacle du Fouta-Djallon avait imposé au tracé un parcours sinueux avec des courbes souvent très raides, de 120 mètres de rayon sur le réseau moderne Conakry-Fria 19. Aussi, les 100 wagons tchèques, achetés en 1961, n'ont-ils pu résister et, après avoir provoqué maints déraillements, ont dû être retirés du service. Le matériel roulant est aujourd'hui réduit à une trentaine de vieux wagons de voyageurs, environ 200 wagons de marchandises, 9 wagons-citernes réfrigérants. Les rails de 26 kilogrammes par mètre à l'origine, montés sur 1350 traverses par kilomètre, n'ont été renouvelés que sur une distance de 170 kilomètres (Conakry-Mamou) avec un matériel plus lourd, soit des rails ouest-allemands de 30 kilogrammes par mètre ou chinois de 38 kilogrammes par mètre.
Au-delà de Mamou, tout serait à refaire. Il est donc peu vraisemblable, dans ces conditions, qu'on décide de prolonger l'actuel réseau de Kouroussa jusqu'à Siguiri et de là jusqu'à Bamako au Mali. Il apparaît évident, à l'analyse, que le gouvernement guinéen a davantage accordé ses faveurs au secteur routier comme l'avait d'ailleurs fait avant lui l'administration française entre 1950 et 1960. S'il a poursuivi, avec des résultats concrets, comme nous l'avons vu, cette politique de consolidation et d'extension routière depuis 1960, il faut constater qu'il a laissé se dégrader le réseau Conakry-Niger à un degré d'usure dangereux. De longues tractations entre le gouvernement guinéen et la société japonaise Nippon Koei 20 ont abouti à la signature d'un contrat pour l'établissement de plans détaillés en vue de la construction d'une ligne de chemin de fer transguinéenne qui reliera les gisements de fer des monts Nimba (près de N'Zérékoré) et Simandou (près de Beyla) au port de Conakry. Il s'agirait là d'un puissant facteur d'intégration de l'économie nationale dont les perspectives de réalisation prochaine semblent devoir confirmer la décision du gouvernement de la Guinée d'abandonner à son sort le réseau Conakry-Niger.
Mis à part les nouvelles installations portuaires de Kamsar, prévues pour l'exportation exclusive de la bauxite de Sangaredi-Boké, la Guinée n'a qu'un seul grand port, Conakry, et quatre petits ports sans importance : Kassa, Benty, Boffa et Victoria. Si l'on excepte l'aménagement, au cours des dernières années, de nouvelles aires de stockage pour l'alumine de Fria et la bauxite de Kindia, rien d'autre n'a été fait au port de Conakry. De 1968-1969 à 1970-1971, le trafic portuaire a augmenté de 1,8 million à 2,3 millions de tonnes. Il est d'ailleurs peu animé et les opérations de chargement et de déchargement sont ralenties par la détérioration des équipements et l'accès limité des navires aux quais à cause de l'envasement rapide. Le port de Conakry doit en effet faire face à des coûts de dragage très élevés que lui impose une sédimentation accélérée. Malheureusement, les opérations de dragage ont cessé en 1969 et on estimait, en 1972, qu'il faudrait déplacer quelque 1,5 million de mètres cubes de dépôts sédimentaires autour des quais et tout autant dans l'axe de la voie balisée conduisant vers la haute mer pour réhabiliter le port 21. On compte bien sûr que ces problèmes pourraient être enfin résolus au moment de l'établissement de nouveaux quais au port de Conakry dans le cadre de la construction du Transguinéen. Les énormes tonnages (jusqu'à 50 millions de tonnes de minerai) qui seront acheminés du Nimba et du Simandou pour le fer, de Dabola et de Tougué pour la bauxite, nécessiteront alors des aménagements portuaires exceptionnels afin de permettre le mouillage de minéraliers de 125.000 et peut-être même de 250.000 tonnes. La Nippon Koei est également chargée des plans détaillés du site portuaire. Il s'agit là d'un problème d'une grande complexité compte tenu des impacts considérables d'une telle implantation sur l'environnement urbain de Conakry.
Paradoxalement, les principales régions de la Guinée sont assez bien reliées à Conakry et entre elles par des vols réguliers d'Air Guinée. En sus de celui de la capitale, très actif à cause des vols internationaux et locaux, il existe depuis peu deux nouveaux aéroports internationaux Faranah, petite ville qui se situe approximativement au centre géométrique du pays, et qui s'anime à l'époque des grands pèlerinages à La Mecque, et à Kankan, seconde ville du pays, important marché régional et centre religieux traditionnel.
Six aéroports régionaux assez bien distribués :
Ces installations complètent le réseau d'aérodromes. Air Guinée a abandonné depuis bon nombre de mois les vols à destination des pays voisins. Comme elle ne dispose que de quelques appareils Ilyushin 18 et Antonov 24, elle limite ses activités aux villes de l'intérieur de la Guinée, ce qui ne l'empêche pas de continuer à accuser de sérieux déficits.
Actuellement dépourvue de charbon et de pétrole, la Guinée doit plus que jamais mettre en valeur ses importantes ressources hydroélectriques pour se procurer à meilleur compte l'énergie dont elle a besoin pour assurer son développement. La construction de nombreux barrages de dimension modeste au cours des dernières années a permis d'augmenter de façon substantielle la production d'énergie électrique. De 1960 à 1971, le secteur public (S.N.E.) a produit treize fois plus d'énergie soit 310 millions de kilowatts-heure. La production de Friguia a même augmenté de 80 % au cours de cette période et a atteint 139,7 millions de kilowatts-heure.
Le barrage de Tinkisso, terminé il y a quelques années à peine avec la collaboration des techniciens de la République populaire de Chine, est assez représentatif du type d'installations qui se sont multipliées en Guinée au cours des dernières années. Erigé en travers de la rivière Tinkisso, à 9 kilomètres de Dabola, il s'agit d'un barrage mixte de béton et de terre avec centrale hydro-électrique détachée et alimentée par une conduite forcée. Trois turbines de 500 kilowatts produisent annuellement 4.120.000 kilowatts-heure 22. Une autre de même puissance, à Dinguiraye sur le Tinkisso, a été terminée en juillet 1974. Dans un avenir plus ou moins rapproché, on prévoit la mise en place sur le Konkouré, à proximité de Fria, d'un puissant barrage et d'une centrale hydro-électrique d'une capacité de 60 milliards de kilowatts-heure. Ce serait un premier jalon important dans le cadre du programme d'équipement des rivières guinéennes qui représentent un important potentiel. La réalisation de ce projet considérable favoriserait l'intégration du réseau de distribution d'énergie électrique, son extension à l'échelle du pays et une baisse substantielle des tarifs.
Certes, la faiblesse des infrastructures risque de laisser subsister encore longtemps des enclaves importantes à l'intérieur du territoire national guinéen et de retarder d'autant l'interpénétration des complémentarités naturelles. L'exploitation à moyen terme des gisements de fer et de bauxite de l'arrière-pays grâce à la mise en place d'une nouvelle infrastructure qui tiendrait compte en même temps des vocations régionales et de la volonté du gouvernement de les respecter, pourrait dans On large mesure, contribuer à réaliser une véritable intégration à l'échelle de la nation guinéenne.
Jusqu'en 1965, les investissements totaux en Guinée 23 correspondaient en valeur à 20 % environ de la production brute annuelle dont 8 % étaient fournis par l'épargne locale. De 1965 à 1970, la disparition des surplus budgétaires entraîne un ralentissement marqué des investissements étrangers et une baisse sensible de l'épargne domestique.
Une reprise très nette s'est depuis manifestée, sous l'action combinée des investissements étrangers, dans les activités minières et le secteur public, grâce aux emprunts à l'extérieur et à l'épargne locale, mais grâce surtout à l'appui du crédit offert par la Banque de Guinée.
Les plans de développement n'ont pourtant pas fait défaut depuis l'Indépendance. De 1960 à 1963, un premier plan triennal avait accordé la priorité à la modernisation des transports, soit les trois cinquièmes du budget; mais un usage abusif, semble-t-il, du crédit bancaire, avait entraîné un sérieux déséquilibre de la balance commerciale.
Dès 1964, les autorités guinéennes mettaient sur pied un plan septennal (1964-1971) beaucoup plus ambitieux, mais qui se contentait de décliner une longue liste de projets sans référence aux taux de croissance anticipés. Une fois de plus, les infrastructures se taillaient la part du lion, avec près de la moitié des investissements prévus, pendant que le domaine de l'agriculture restait le parent pauvre avec moins de 10 %. Certaines sources extérieures additionnelles de financement ne fournirent pas l'apport attendu au cours de cette période. On profita en contrepartie des contributions plus massives que prévues des entreprises d'Etat. Toutefois, ces rentrées exceptionnelles dépendaient d'importantes avances préalablement consenties par la Banque centrale, ce qui ne fit qu'accroître l'endettement envers le système bancaire national.
Depuis le 2 octobre 1973, un nouveau plan, quinquennal cette fois, est entré en vigueur. Au cours de la période 1973-1978, les financements publics seraient de l'ordre de 21 milliards de Sylis et se retrouveraient dans le secteur minier 24. Ce plan comporte un premier volet qui semble mettre l'accent sur les vocations régionales selon une méthode d'élaboration très décentralisée, et un second qui établit des prévisions pour les différents secteurs de l'économie.
L'encadrement et les incitations prévus nous apparaissent par ailleurs insuffisants pour garantir le succès de la première partie de ce programme, qui vise davantage à augmenter les productions vivrières pour susciter des excédents au profit des régions urbaines. Une fois de plus, le développement industriel concentre la presque totalité des investissements prévus. En effet, l'aménagement hydro-agricole, l'équipement du secteur rural, les cultures d'exportations, l'élevage, la reforestation et la pêche se partagent moins de 10 % des investissements. Une tranche de 35 % ira au secteur des travaux publics, urbanisme et habitat ; une autre de 9 % à l'éducation ; 9 % également aux transports et télécommunications ; 4 % respectivement au développement social et aux banques et plus de 20 % enfin au développement industriel. D'une certaine façon, on a donné priorité au développement des ressources énergétiques en lui accordant, d'une part, 10 % environ des investissements publics et, d'autre part, en constituant un fonds de financement dit semi-public de l'ordre de 6 milliards de Sylis. On pourra ainsi entreprendre les travaux de construction des centrales hydro-électriques prévues de Grandes Chutes II, Koukoulemta et Kamarata sur les rivières Konkouré, Loffa et Marona. On songe également à construire de nouvelles cimenteries et à installer une papeterie, une ferblanterie, une usine de sel et éventuellement... une raffinerie de pétrole d'une capacité de 800.000 tonnes, avec la participation de l'Algérie, et une aciérie !
Dans l'immédiat, l'ouverture récente, le 2 août 1973, du complexe Boké-Kamsar reste l'événement marquant de la vie économique guinéenne 25, car elle inaugure un long processus de mise en valeur des ressources minières dont le dispositif semble définitivement arrêté.
Avec 1750 millions de tonnes de bauxite, soit environ 30 % des réserves mondiales prouvées, les gisements de Sangaredi-Boké offraient un intérêt exceptionnel pour les sociétés désireuses de s'assurer des sources d'approvisionnement abondantes et de haute qualité. Les gisements guinéens (4,2 milliards de tonnes de réserves prouvées) offrent en effet le double avantage de la quantité (épaisses couches bauxitiques lenticulaires, exploitables à ciel ouvert après décapage de quelques centimètres de sol et de matière organique) et de la qualité : très haute teneur en alumine, de l'ordre de 51,9 à 59,6 % avec un indice de silice souvent inférieur à 2 et même 1 %. Il était donc largement justifié de consentir les investissements pour la mise en place des infrastructures qui permettraient d'acheminer le minerai depuis les gisements de Sangaredi jusqu'à l'embouchure du rio Nunez, soit la construction d'une voie ferrée de 137 kilomètres à 1,44 m. d'écartement et d'un port en eau profonde regroupant les installations les plus modernes pour le chargement de minéraliers allant jusqu'à 100000 tonnes.
A l'origine du projet, se trouve la Compagnie des Bauxites de Guinée (C.B.G.) société d'économie mixte, créée en 1964 avec la participation de l'Etat guinéen (49 %) et de la Halco Mining Company (51 %) 26. La Banque mondiale a financé dès 1968 le projet initial en consentant un prêt de $ 64,5 millions pour l'infrastructure. Le solde des $ 835 millions nécessaires à la mise en chantier du projet a été fourni par l'Agence Américaine pour le Développement International (A.I.D.). Avant que ne soient complétés les travaux, la C.B.G. décidait de donner suite à un rapport favorable, issu d'une étude des marchés, et d'augmenter la capacité originale de production de 6,6 millions à 9,2 millions de tonnes de bauxite, à la faveur d'un prêt supplémentaire de S 9 millions de la Banque mondiale. Les ventes produiront alors une rente annuelle de $70 millions 27. On aura investi au total $339 millions 28 dans ce projet dont 60 % auront été fournis par le groupe Halco et le reste par le gouvernement guinéen grâce à des prêts de la Banque mondiale ($73,5 millions) et A.I.D. ($22 millions). Le gouvernement de la Guinée devait en tirer un bénéfice de $ 16 millions dès 1975 et la rente annuelle devrait se stabiliser à $ 28 millions à partir de 1980, puisque le partage des bénéfices nets au sein de la C.B.G. établit à 65 % du total la part de l'Etat 29.
Plus récemment, soit le 17 janvier 1975, on annonçait la création d'une société guinéo-arabe d'aluminium incluant la participation des pays suivants : Egypte, Libye, Koweït et Arabie saoudite. L'exploitation du gisement d'Ayekoe (région de Boké) est estimée à 500 millions de tonnes. Ce nouvel accord pourrait signifier pour la Guinée l'amorce d'un processus irréversible en vue de la transformation partielle ou totale de ses produits miniers, puisqu'il prévoit entre autres la création d'une usine d'aluminium d'une capacité de 2 millions de tonnes par an (si le projet se concrétise, l'usine absorbera à elle seule une production annuelle de 9 millions de tonnes de bauxite brute), la construction d'une nouvelle ligne de chemin de fer et d'une cité ouvrière.
C'est également une société d'économie mixte, la Sotramar, qui transportera la bauxite depuis le port de Kamsar. D'ici à ce que soit créée une société navale guinéenne, la Sotramar pourra acheter, louer ou réparer des bateaux. D'autres projets importants concernant l'exploitation de la bauxite sont aussi en cours de réalisation.
Signé en 1969, l'accord soviéto-guinéen assure à l'Office des Bauxites de Kindia (O.B.K.) l'assistance financière et technique de l'U.R.S.S. pour le réaménagement des quais qu'utilisait antérieurement la compagnie minière de Conakry pour l'expédition du minerai de fer de la péninsule de Kaloum, pour la construction d'une voie ferrée de 98 kilomètres reliant les champs bauxitiques de Débélé (près de Kindia) à Conakry, ainsi que pour l'aménagement d'une mine et la construction d'une cité minière à Débélé. Les réserves exploitables à ciel ouvert atteignent probablement près de 100 millions de tonnes de bauxite à teneur moyenne de 48 % en alumine et 1,7 % en silice. Le marché soviétique absorbera 90 % des 2,5 millions de tonnes de bauxite produites par le complexe de Kindia. La moitié servira à l'amortissement des coûts d'implantation et le reste permettra l'extinction, dans un délai de trente ans, de la dette consolidée de la Guinée envers l'U.R.S.S. et d'autres pays de l'Europe de l'Est 30.
Enfin, la Guinée a signé des conventions pour la création de sociétés d'économie mixte en vue de l'exploitation des gisements bauxitiques à haute teneur (+ 60 % en alumine) de Tougué et de Dabola, dont les réserves prouvées atteignent respectivement 2 milliards et 400 millions de tonnes. A Tougué, une société mixte, Guinée-Aluminium Suisse, extraira des champs locaux 8 millions de tonnes par année. A Dabola, une autre société mixte, Guinée-Energoprojekt (Yougoslavie) serait en mesure de produire annuellement 5 millions de tonnes. On envisage à court terme l'installation dans la région d'une usine d'alumine d'une capacité annuelle de 800 000 à 1200 000 tonnes 31. Dès la mise en route de ce complexe, l'Algérie et le Zaïre prévoient d'acheter de l'alumine à la Guinée. A long terme, une firme italienne, la Sicai, serait intéressée par l'implantation d'une usine d'aluminium dès que les travaux de construction d'un barrage et d'une centrale hydro-électrique sur le Konkouré seront complétés.
La bauxite mise à part, les projets de développement minier concernent les énormes et riches gisements des monts Nimba et Simandou en Guinée forestière. Les sondages qu'y ont effectués, au cours des dernières années, des sociétés belge et espagnole permettent d'établir les réserves pour le cordon du Nimba à 300 millions de tonnes au minimum et à plus d'un milliard de tonnes pour le Simandou. Ces gisements sont constitués de quartzites à magnétite à haute teneur qui atteignent près de 70 % au-dessus de 1400 mètres d'altitude, soit au niveau des crêtes résiduelles remarquables par leur horizontalité et d'une planité surprenante, limitées par des encorbellements dominant des abrupts vertigineux. Au-dessous, les coupes à la cote d'altitude de 1250 mètres nous ont permis d'observer un minerai qui se présente sous forme de biscuits ou de feuillets schisteux à teneur plus faible, certes, mais dont le contenu en magnétite reste encore tout près de 60 %.
Toutefois, la réalisation de ce dernier projet auquel s'ajoutent ceux de Tougué et Dabola (bauxite) reste étroitement liée à la construction de plus de 1100 kilomètres de voie ferrée (Transguinéen moderne) entre la Guinée forestière et Conakry en y incluant les bretelles vers Tougué et Dabola, ainsi qu'à la mise en place de nouvelles installations portuaires à Conakry. Officiellement, on évalue le coût de ces infrastructures à plus de $1.600 millions.
Dans une première phase d'exploitation des gisements des monts Nimba, le gouvernement guinéen devait poursuivre les négociations entamées il y a trois ans avec la Liberian Swedish Mining Company (Lamco). Celle-ci exploite en territoire libérien un gisement de minerai de fer à l'extrémité méridionale des monts Nimba et achemine vers le port de Buchanan le minerai extrait par chemin de fer. Il s'agissait donc de conclure un accord en vertu duquel le transit annuel d'une dizaine de millions de tonnes de minerai de fer guinéen serait assuré par la voie ferrée de la Lamco, de même que l'expédition depuis le port de Buchanan, après renforcement du réseau ferroviaire et réaménagement du port, puisque la production libérienne n'a jamais dépassé plus de 12 millions de tonnes annuellement. On a abouti tout récemment à un accord de principe entre les deux parties en vue de l'utilisation des infrastructures existantes en territoire libérien et à l'incorporation de la Lamco à un « comité technique de coordination » .
Pour la première fois en Afrique, cinq pays africains se sont regroupés au sein d'une société d'économie mixte dénommée Société des Mines de Fer de Guinée (Mifergui), pour l'exploitation des gisements miniers. En effet, l'Algérie, le Liberia, le Nigeria et le Zaïre sont les nouveaux partenaires de la Guinée associés aux firmes internationales Alusuisse, Rudis et Energoprojekt (Yougoslavie), Michimen et Nippon Koei (Japon), Bexa (Belgique), Ini (Espagne) en plus de l'Inter-Maritime Bank.
Le 5 février 1973, les différents partenaires acceptaient de signer une convention de base créant deux sociétés d'économie mixte : Mifergui-Nimba et Mifergui-Simandou 32. La première aura une cadence annuelle d'exploitation établie à 15 millions de tonnes de minerai. La seconde, dont le projet de statut est en chantier et dont le démarrage est prévu pour 1982, aura une production de 25 millions de tonnes par année. Ces deux sociétés permettront à la Guinée d'exporter à partir de 1982, à la fois par le port de Buchanan au Liberia et par le port de Conakry, 40 millions de tonnes de minerai de fer, en sus des 26 millions de tonnes de bauxite et au moins 2 millions de tonnes d'alumine 33. Aux termes de la convention créant la société Mifergui-Nimba, la Guinée détiendra 50 % des actions et la présidence du conseil d'administration. La convention prévoit en outre la construction d'une usine de boulettage, soit à Conakry, soit à proximité du site d'extraction, ainsi que la création d'une aciérie dans la zone N'Zérékoré-Macenta-Beyla-Kérouané.
La mise en place du Transguinéen demeure donc le préalable indispensable à la réalisation de ce vaste complexe de mise en valeur des ressources naturelles de la Guinée. Un prêt de 7 millions de dollars du gouvernement japonais a permis à la Nippon Koei de dresser la topographie de la voie ferrée et du site portuaire. Ces travaux devaient s'étaler sur une période de trois ans et être complétés avant 1976.
Rappelons ici que le Transguinéen aura une longueur totale de 1148 kilomètres. Il sera à voie unique et à écartement standard, soit 1,435 mètre. La voie pourra éventuellement être doublée sur le tronçon le plus fréquenté, c'est-à-dire entre Conakry et Bambafouga où se situe la majorité des 38 tunnels prévus 33, qui, mis bout à bout, représentent 46 kilomètres.
L'implantation du chemin de fer selon le tracé étudié et proposé par la firme japonaise Nippon Koei Co. Ltd. devrait s'effectuer en quatre phases distinctes (fig. 3),
Au cours de la première, on prévoit de construire un tronçon de 15 kilomètres reliant la partie guinéenne des monts Nimba aux installations ferroviaires de la Lamco, à Yéképa, site de l'exploitation libérienne. Des travaux complémentaires renforceraient cette ligne et augmenteraient la capacité d'entreposage et de chargement du port de Buchanan aux niveaux requis. Simultanément on implanterait un complexe multifonctionnel dans la capitale et des installations à 80 millions de dollars.
La seconde phase sera la plus importante et la plus coûteuse, car elle requiert des investissements pour un montant total de $1.246 millions. On mettra alors en place un complexe port-chemin de fer qui permettra d'évacuer 40 millions de tonnes de minerai par année en provenance des gisements de Tougué et Dabola pour la bauxite, de Simandou pour le fer. Il s'agira donc d'installer 1.010 kilomètres de voie ferrée depuis Conakry et d'y aménager des installations portuaires par lesquelles pourront transiter à bord de minéraliers de 100.000 à 250.000 tonnes les énormes tonnages prévus sans pertuber l'environnement urbain. A cet égard l'une des îles de Loos, celle de Kassa, pourrait servir de point d'appui au port minéralier en fournissant l'aire de stockage pour le minerai et les assises pour le terminus ferroviaire. Une digue-chaussée relierait alors l'île à la terre ferme et permettrait à la fois la circulation des trains et des véhicules. L'avantage de cette situation est de préserver Conakry dans une large mesure des inévitables méfaits de la pollution, ce qui ne manquerait pas de se produire si on relevait la péninsule de Kaloum comme point d'appui du port minéralier.
Durant la troisième phase, c'est le dernier tronçon de la voie ferrée reliant les gisements de Nimba et de Simandou, d'une longueur de 123 kilomètres qui sera mis en place. On prévoit également de doubler les tunnels entre Conakry et Bambafouga au cours de cette période et d'augmenter la capacité des installations portuaires de 40 à 50 millions de tonnes. Les 10 millions de tonnes supplémentaires de minerai de fer proviendront alors des monts Nimba, Le coût de réalisation de cette phase est estimé à $313 millions.
Enfin, dans une quatrième phase, il y aurait la possibilité de doubler le tronçon ferroviaire Conakry-Bambafouga, ce qui équivaudrait à augmenter dans des proportions presque illimitées la capacité du Transguinéen.
Cependant, le financement d'une entreprise aussi titanesque présente bien des aléas, ne serait-ce que sur le plan technique où la fréquence et le volume des convois qui transiteront dans un milieu difficile nécessiteront l'application des normes les plus rigoureuses en ce qui concerne le poids du rail, le nombre de dormants au kilomètre ou encore le rayon de courbure.
On observera, par ailleurs, que le tracé initial que propose la société Nippon Koei vise d'abord à dégager dans les meilleures conditions d'exploitation et de rentabilité la bauxite de Tougué et de Dabola à court terme et le minerai de fer des monts Nimba et Simandou à moyen terme. Ce tracé ignore a priori la route de l'actuel Transguinéen (Conakry-Kankan) et emprunte le secteur sud du massif du Fouta-Djallon, le plus perméable, de façon à réduire au minimum le nombre d'ouvrages d'art et de tunnels. Cependant, à partir de Bambafouga, le Transguinéen fonce résolument en direction du centre-sud du pays, via Faranah et Kerouané. Sa position devient dès lors parallèle à celle du premier Transguinéen tout en se situant à une centaine de kilomètres plus au sud. En outre, on a pris soin d'associer à l'essor régional que ne manquera pas de susciter la mise en service du Transguinéen, deux métropoles régionales importantes, Kankan et Kissidougou. Elles seront alors reliées au passage du Transguinéen par un axe routier asphalté qui le croisera en un lieu appelé à connaître un essor rapide et à devenir un important noyau de développement régional, Carrefour Niandah (fig. 3). Une équipe cubaine est déjà à l'oeuvre depuis le début de 1975 afin que cet axe puisse véritablement jouer son rôle lorsque le rail le croisera au début des années 1980. Kankan, rappelons-le, est la capitale traditionnelle de l'intérieur, c'est-à-dire de la Haute-Guinée ; c'est un centre-relais essentiellement commercial au contact de la savane et de la steppe sahélienne. Kissidougou occupe également une position de contact entre les piémonts à cuirasses latéritiques du Fouta-Djallon et la Guinée forestière bien arrosée et investie de nombreux villages.
Comment dans ces conditions évaluer, sur le plan national, l'impact du Transguinéen ? Quelle est l'importance des aires qui échapperont au rayonnement du Transguinéen et qui s'en trouveront d'autant marginalisées ? Signalons tout de suite que le gouvernement guinéen poursuit deux objectifs complémentaires en matière de politique régionale : l'intégration des régions naturelles à l'ensemble national fondée sur le rôle des complémentarités et l'intensification des flux et, corollairement, le développement des centres régionaux susceptibles de faire contrepoids à l'influence centralisatrice de Conakry.
Or, le Transguinéen, tout en établissant un réseau de flux ferroviaires à l'intérieur du pays, se propose de relier les deux régions excentriques du pays, Guinée maritime et Guinée forestière, en y associant étroitement la région charnière de la Haute-Guinée grâce à l'axe routier Kankan-Carrefour Niandah-Kissidougou. Déjà le transguinéen desservira 15 des 29 régions administratives et plus de 60 % de la population. Une des premières conséquences sera donc de rendre le pays plus compact en comprimant des distances que l'actuel réseau routier étire de façon excessive en saison de pluies. L'espace deviendra plus homogène tant au niveau de l'accessibilité qu'à celui de l'espace relatif grâce à une intensification des échanges. Les flux potentiels conjugués permettront d'identifier des seuils-carrefour d'importance variable parmi lesquels émergeront à coup sûr Bambafouga et Carrefour Niandah.
Ces positions-carrefour, à condition qu'elles soient bien équipées et parce qu'elles coïncident avec les zones de plus fortes polarisations spatiales pourraient contribuer dans une mesure non négligeable à retenir à l'intérieur du pays des groupes de populations qui risqueraient fort de se retrouver rapidement dans l'orbite de Conakry. Avec un minimum d'infrastructures et d'équipements, d'autres centres régionaux pourraient également remplir ce rôle, surtout si l'on insiste sur les vocations régionales et si les complémentarités naturelles jouent à plein par le biais de circuits d'échanges efficaces et bien contrôlés.
En somme, si l'on excepte la Guinée maritime au nord de l'axe Conakry-Kindia, soit une aire possédant déjà son infrastructure industrielle et favorisée en outre par le voisinage de la capitale, le rayonnement démographique et commercial du Transguinéen recouvrirait la plus grande partie du pays, ne laissant guère subsister, à titre d'enclaves au nord et à l'ouest, que d'étroites écharpes de territoire dont l'intégration dans l'immédiat est loin d'être essentielle au développement de la Guinée.
L'ancien projet de liaison ferroviaire Conakry-Niger du début des années 1960 semble donc définitivement relégué aux oubliettes ! Quant au Transguinéen (version japonaise) dont nous venons d'esquisser le potentiel catalyseur pour un meilleur équilibre de l'espace guinéen, peut-on y voir là uniquement l'instrument de pénétration néo-colonialiste assurant le dégagement au plus bas prix des matières premières convoitées ? Soulignons ici que la réalisation du Transguinéen répondra aux voeux du peuple guinéen et que son tracé, malgré les inévitables compromis, a été conçu d'un commun accord avec les autorités guinéennes concernées et demeure conforme aux orientations de la politique économique du gouvernement de la Guinée.
Certes, il faudra faire preuve de beaucoup de prudence à l'occasion de cette irruption massive de techniques industrielles sophistiquées au coeur d'une société encore mal préparée à en subir l'impact et à en assimiler les retombées immédiates. Que l'on songe un instant aux risques que l'urbanisation accélérée peut entraîner dans un pays dont les zones rurales sont aussi mal équipées pour retenir une population qui n'aura d'yeux alors que pour les signes extérieurs du progrès.
Il y a là cependant un défi à relever à la mesure des risques encourus, dont l'enjeu est le développement et que la Guinée accepte d'assumer. Peut-on la blâmer de vouloir courir sa chance ?
Notes
1. Quaterly Economic Review, no. 2, 1973, p. 9-10.
2. Marchés Tropicaux. 27 juillet 1973, p. 2344.
3. Au cours de la période 1967-1968 /1971-1972, la production de maïs a augmenté de 53 % et 45 %.
4. Guinea, Recent Economic Development, Washington : International Moretary Fond, p. 74.
5. Guinea, Recent Economic Development, op. cit., p. 5.
6. Marchés Tropicaux, 20 novembre 1971, p. 3489.
7. Industries et Travaux d'Outre-Mer, 6 août 1970, p. 684.
8. Marchés Tropicaux, 14 avril 1972, p. 963.
9. Marchés tropicaux, 9 juin 1973, p. 370.
10. Adam (J.-G.), Les possibilités de la région forestière de la Haute-Guinée, Bois et forêts des tropiques, no. 24, juillet-août 1952, p. 232.
11. Guinea, Recent Economic Development, op. cit., p. 9.
12. Marchés tropicaux, 2 mars 1973, p. 697.
13. La Compagnie Internationale pour la production d'alumine (Fria) regroupait à l'origine :
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