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Deuxième république
Conseil Transitoire de Redressement National (CTRN)


LOI N°91/16/CTRN
LOI ORGANIQUE PORTANT ETAT D'URGENCE ET ETAT DE SIEGE


Le Conseil Transitoire de Redressement National, après en avoir délibéré, a adopté
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

ARTICLE 1er — L'état d'urgence et l'état de siège sont institués par décret dans les conditions prévues à l'article 74 de la Loi Fondamentale.

TITRE PREMIER — L'ETAT D'URGENCE

ARTICLE 2 — L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République de Guinée, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas de menées subversives de nature à compromettre la sécurité intérieure, soit en cas d'événements présentant par leur nature et leur gravité, un caractère de calamité publique.
Le décret instituant l'état d'urgence détermine la ou les collectivités territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur. Les pouvoirs énumérées aux articles 3 à 13 ci-dessous ne peuvent être exercés que dans la limite de ces collectivités territoriales.

ARTICLE 3 — La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir à l'autorité administrative compétente :

  1. de réglementer ou d'interdire la circulation des personnes, des véhicules ou des biens dans certains lieux et certaines heures;
  2. d'instituer des zones de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ou interdit;
  3. d'interdire le séjour dans tout ou partie d'une ou de plusieurs collectivités territoriales visées à l'article 2 alinéa 2 à toute personne cherchant à entraver de quelque manière que ce soit l'action des pouvoirs publics;
  4. d'interdire à titre général ou particulier, les cortèges, défilés, rassemblements et manifestations sur la voie publique.

ARTICLE 4 — L'autorité administrative compétente peut instituer aux abords des frontières terrestres et maritimes et autour des aéroports, des zones de sécurité. Elle réglemente les conditions d'entrée ou de séjour dans ces zones.
Elle fixe également, après consultation des ministres intéressés, les points de passage réservés à l'entrée sur le territoire national et à la sortie de ce territoire.

ARTICLE 5 — L'autorité administrative compétente peut donner l'assignation à résidence dans une collectivité territoriale ou une localité déterminée à toute personne dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité ou l'ordre public ou qui cherche à entraver l'action des pouvoirs publics.
L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération. En aucun cas l'assignation à résidence ne peut avoir lieu à l'intérieur d'un camp.
L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leurs familles.
Toute personne ayant fait l'objet d'une assignation à résidence ou d'une interdiction de séjour individuelle peut adresser une demande de retrait de cette mesure à une commission consultative de contrôle qui doit donner obligatoirement son avis à l'autorité administrative compétente.
L' autorité administrative compétente doit faire connaître sa décision à l'intéressé dans un délai de quinze jours .
La composition et le fonctionnement de la commission consultative, qui devra être présidée par un magistrat, sont fixés par décret.

ARTICLE 6 — L'autorité administrative compétente peut :

  1. décider de la fermeture provisoire des lieux publics, tels que salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunions ;
  2. interdire, à titre général ou particulier, les réunions publiques ou privées, de quelque nature qu'elles soient, propres à provoquer ou à entretenir le désordre.

ARTICLE 7 — L'autorité administrative compétente peut:

  1. faire procéder à la recherche et à l'enlèvement et s'il y lieu, ordonner la remise aux autorités désignées à cet effet des armes et des munitions correspondantes en vue de leur dépôt dans des lieux déterminés, ainsi que des explosifs et de tous engins meurtriers ou incendiaires
  2. faire procéder à la recherche et à l'enlèvement et s'il y a lieu ordonner la remise ou le dépôt des stations radioélectriques privées d'émission ou de réception autres que les postes récepteurs de radiodiffusion ou de télévision;
  3. décider de la mise en fourrière de tous véhicules dont les conducteurs auront tenté de se soustraire au contrôle des services de sécurité.

ARTICLE 8 — L'autorité administrative compétente peut prendre la décision d'interdire, à tire général ou particulier, la circulation des aéronefs civils sur tout ou partie du territoire national et des eaux territoriales et des navires dans tout ou partie des eaux territoriales.
Elle peut également ordonner le retrait de tous titres permettant d'exercer une activité aérienne ou maritime civile.

ARTICLE 9 — La déclaration de l'état d'urgence ouvre le droit de réquisition des personnes, des biens et des services dans les conditions et sous les pénalités prévues par la loi.

ARTICLE 10 — Le décret instituant l'état d'urgence peut par une disposition expresse :

  1. conférer aux autorités judiciaires compétentes ainsi qu'au Ministre chargé de l'Intérieur, Ministres résidents, Préfets, le Gouverneur de Conakry ou aux Maires, et en cas d'empêchement leurs adjoint le pouvoir d'ordonner en tous lieux des perquisitions de jour et de nuit.
  2. habiliter l'autorité administrative compétente à prendre toutes mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales.

ARTICLE 11 — Le décret instituant l'état d'urgence peut par une disposition expresse, conférer à l'autorité administrative compétente le pouvoir de prononcer l'internement administratif des personnes dont l'activité présente un danger pour la sécurité publique.
Cette mesure peut être prononcée pour un délai maximum d'un mois, renouvelable une seule fois pour une durée égale. Les personnes ayant fait l'objet d'une telle mesure peuvent demander l'examen de leur situation à la Commission Consultative de contrôle prévue à l'article 5.

ARTICLE 12 — Le décret instituant l'état d'urgence peut par une disposition expresse, conférer à l'autorité administrative compétente le pouvoir de prendre toutes dispositions permettant le contrôle des correspondances postales, télégraphiques et téléphoniques.

ARTICLE 13 — Le décret instituant l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, conférer à l'autorité administrative compétente le pouvoir, par décision immédiatement exécutoire, de procéder à la mutation ou à la suspension de tout fonctionnaire ou de tout agent de l'Etat ou des collectivités locales, de tout agent des établissements publics ou des services publics de l'Etat ou des collectivités locales exploités en régie ou par voie de concession dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité publique. Les mutations décidées en application du présent article peuvent conserver leur effet après la fin de l'état d'urgence.

ARTICLE 14 — Les pouvoirs énoncés aux articles 10, 11, 12, et 13 ci-dessus peuvent au cas où ils n'auraient pas été prévus expressément par le décret instituant, l'état d'urgence, être conférés postérieurement et pendant la durée de l'Etat d'urgence, par un nouveau décret.

TITRE II — L'ETAT DE SIEGE

ARTICLE 15 — L'Etat de siège peut être déclaré sur tout ou partie du territoire de la République de Guinée en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat.
Le décret instituant l'état de siège détermine la ou les collectivités territoriales dans lesquelles il entre en application. Les pouvoirs énumérés aux articles 16 à 18 ci-dessous ne peuvent être exercés que dans la limite de ces collectivités territoriales Dans ces collectivités territoriales la déclaration de l'état de siège met fin immédiatement à l'état d'urgence si celui-ci y était en vigueur.

ARTICLE 16 — Dès la déclaration de l'état de siège, les pouvoirs normalement conférés à l'autorité civile pour le maintien de l'ordre et pour la police sont transférés à l'autorité militaire correspondante dans des conditions déterminées par décret.

ARTICLE 17 — L'autorité militaire est en outre investie des pouvoirs énumérés aux articles 3 à 13 du titre I. Les modalités d'exercice desdits pouvoirs demeurent applicables.

ARTICLE 18 — L'autorité militaire peut ne pas dessaisir l'autorité civile de certains des pouvoirs prévus à l'article 16 dont celle-ci était investie au moment de la déclaration de l'état de siège.
Elle peut restituer à l'autorité civile l'exercice de tout ou partie des pouvoirs qui lui ont été conférés en application des dispositions contenues dans les articles 16 et 17 ci-dessus.

TITRE III — DISPOSITIONS COMMUNIES

ARTICLE 19 — Lorsque l'état d'urgence ou l'état de siège sont déclarés, les personnels de la police en uniforme et les personnels des forces armées chargés de mission de police et de maintien de l'ordre, sans préjudice des dispositions prévues en la matière par la législation en vigueur, sont habilités, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, à faire usage de leurs armes :

  1. lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
  2. lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les installations qu'ils protègent les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue autrement que par la force des armes ;
  3. lorsque les personnes invitées à s'arrêter cherchent à échapper à leur garde ou à leur investigations et ne peuvent être contraint de s'arrêter que par l'usage des armes ;
  4. lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt.

ARTICLE 20 — Le décret instituant l'état d'urgence et l'état de siège peut autoriser la juridiction compétente à se saisir des crimes et délits de toute nature commis en relation avec les événements ayant motivé l'institution.

ARTICLE 21 — Les infractions aux mesures prises par les autorités compétentes en application de l'état d'urgence ou de l'état de siège seront punies d'un emprisonnement de deux mois à deux ans et d'une amende de 50.000 à 500.000 FG, ou de l'une de ces deux peines seulement sans préjudice de l'application d'autres sanctions prévues par la loi.

ARTICLE 22 — L'exécution d'office par l'autorité administrative ou l'autorité miliaire des mesures prescrites en application des dispositions de la présente loi peut être assurée indépendamment de toute action pénale.
Les mesures de sûreté, interdiction de séjour, assignation à résidence, internement administratif ne peuvent être maintenues à l'encontre des membres de l'Assemblée Nationale qu'avec l'accord de l'Assemblée Nationale obtenu dans les trois jours.

ARTICLE 23 — La date à laquelle prend fin l'état d'urgence ou l'état de siège est fixée par décret lorsque cette date se situe avant l'expiration du délai de douze jours prévu à l'article 74 de la Loi Fondamentale. Elle est fixée par une loi quand elle se situe après la prorogation de l'état de siège autorisée par l'Assemblée Nationale.
L'effet des mesures prescrites en application de la présente loi, sous réserve des dispositions des articles 13 et 20, cesse lorsque prend fin l'état d'urgence ou l'état de siège.

TITRE IV — DISPOSITIONS FINALES

ARTICLE 24 — La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires.

ARTICLE 25 — La présente loi organique sera publiée au Journal Officiel de la République de Guinée et exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Conakry, le 23 décembre 1991

Général Lansana Conté


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