Paris. L'Harmattan. 1996. 111 p. : ill.
Le 9 avril, lors de la session plénière de l'Assemblée territoriale, Yacine Diallo présente deux observations très brèves :
1. En s'adressant aux Travaux Publics, il leur a demandé dans l'exécution des travaux, de renoncer « au provisoire » dans la construction des ponts. A cet égard, il dira «faites des ponts définitifs et en définitive, c'est une économie réalisée». 2. Selon lui, on a beaucoup parlé des économies à faire. Mais, poursuit-il, « l'administration et tout le monde savent qu'il y a une autre source de richesse, c'est le tourisme. Il faudrait qu'on ne néglige pas les routes touristiques de la Guinée Française, c'est une véritable source de richesse. Je pense que lorsqu'il s'agit d'un territoire complet comme la Guinée Française, nous avons intérêt à le faire connaître et pour cela il faut des routes touristiques. J'insiste sur ce point ! ».
Le 10 avril, les conseillers noteront une vive altercation qui oppose Sékou Touré et Yacine Diallo, lors de la plénière au sujet d'une subvention en faveur de Keita Fodéba. Répondant à la proposition de Sékou, Yacine Diallo avait notamment déclaré : « Tout d'abord, je dois déplorer que l'intervention de notre collègue Sékou Touré ait porté sur des idées politiques. Nous sommes une assemblée territoriale, donc essentiellement économique et sociale. Nous connaissons les idées de Monsieur Sékou Touré et de Monsieur Fodéba Keita. Alors qu'il nous fasse grâce de ce passage de son intervention. Il ne s'agit pas tant de se placer sur le plan politique pour savoir si l'on doit donner satisfaction aux demandes de subvention ; plaçons-nous sur le terrain artistique. Je connais Kéita Fodéba, il a du mérite, il ajoué au théâtre des Champs-Elysées. Il a eu du succès ; il est certain que beaucoup d'associations, comme le dit Sékou Touré, demandent des subventions ; mais il y en a d'autres qui se subviennent à elles-mèmes. Il ne faut pas transformer une demande de subvention en dette. Ce n'est pas du tout le problème posé à l'Assemblée. Je ne serais pas hostile à ce que l'Assemblée lui accorde une subvention ».
Certaines sources ont souvent indiqué que le député Yacine Diallo est mort le 12 avril 1954.
Non !
En effet le mardi 13 avril 1954, Yacine Diallo occupe encore son siège habituel. Sans aucun signe prémonitoire. Plus serein que lors de la session du 10 avril.
A propos des dépenses du territoire, Yacine s'est montré sensible à la déclaration préliminaire de Sékou Touré :
« Nous avons entendu l'intervention un peu pathétique de Monsieur Sékou Touré en ce qui concerne les dépenses du territoire et des économies à réaliser. Cela me rappelle certaines interventions parlementaires lorsqu'au moment de la discussion budgétaire, une commission de comptabilité propose une adaptation de l'indemnité parlementaire aux conditions de vie. Il y a toujours chez nous à l'Assemblée Nationale un parti qui vote contre cette augmentation mais qui ne s'empêche pas de la toucher au même titre que les autres parlementaires. »
Et Yacine de poursuivre :
« Alors, vraiment ; je ne pense pas qu'il soit raisonnable de comparer la vie des étudiants aux charges d'un parlementaire métropolitain… »
Les Commissions des Affaires diverses et des Finances ont été très humaines en se penchant sur le sort des parlementaires qui se trouvent en métropole. Je vous demanderai tout à l'heure de voter deux rapports pour obtenir l'unanimité. Vous ferez oeuvre d'humanisme et nous vous serons reconnaissants. »
Voici la toute dernière prière faite par Yacine Diallo devant ses collègues avant de quitter l'Assemblée territoriale pour son domicile sis à quelques centaines de mètres de là. Il ne reverra plus le siège de la dite Assemblée. Le 14 Avril 1954, Yacine Diallo meurt à son domicile à Boulbinet des suites d'une embolie.
Le témoignage du même Alpha Ousmane Kakoni Diallo est en soi révélateur :
« Il siégeait comme nous à l'Assemblée Territoriale. Mais alors, ce jour-là on ne l'a pas vu. En fin de matinée, le chef de Lélouma, qui était conseiller général, s'est approché de moi pour me dire : “Tu as appris que Yacine est malade, il est couché chez lui”. J'ai sauté à la maison. Mais il ne parlait plus. Le médecin qui était à côté m'a dit que c'était trop tard. Il m'a appris que c'était une hémorragie cérébrale et qu'il ne s'en sortirait pas. »
Comme prévu, Yacine décède quelques instants après. Ce mercredi 14 avril 1954, la séance plénière de l'après-midi est reprise à 16 heures, sous la présidence de Eric Allégret, en présence du Gouverneur Parisot, accompagné du Secrétaire Général L'église et des Chefs de Services. Le Président particulièrement ému commence :
« Messieurs, cette séance sera consacrée au souvenir de notre collègue Yacine Diallo et reprise demain matin à 9 heures ».
Puis, il donne lecture d'une lettre reçue du Gouverneur :
« Monsieur le Président, devant le brusque disparition de M. Yacine Diallo, député de la Guinée Française à l'Assemblée Nationale, Conseiller Territorial, je tiens à vous exprimer ainsi qu'à Messieurs les Membres de l'Assemblée Territoriale de la Guinée Française, la part que je prends au deuil qui frappe si douloureusement à travers chacun de nous le territoire tout entier. Je vous demande de bien vouloir transmettre à vos Collègues les condoléances émues du Gouvernement de la République et les assurer de toute ma sympathie dans cette épreuve ».
Ensuite, pendant près d'un quart d'heure, le Président de l'Assemblée, Eric Allégret retrace la vie et l'oeuvre de l'homme que l'Afrique et la France pleurent ensemble.
« Ses activités, mes Chers Collègues, vous les connaissez : il nous en parlait à chaque session et nous lui avons confié maintes missions. Avec quel sérieux il étudiait les problèmes ! Avec quel dévouement inlassable il travaillait ! Avec quel souci du juste et du vrai il proposait des solutions ! », a-t-il lancé.
Et Eric Allégret, la mort dans l'âme, de poursuivre :
« Qu'il s'agisse des étudiants, auxquels il consacrait tant de temps et qu'il entourait de tant de sages conseils, des attributions des Assemblées Territoriales, du projet de loi dont ses pairs lui avaient confié le rapport, ou des municipalités à l'étude desquelles il apportait son expérience et son intelligence, notre collègue Yacine Diallo fut inlassablement sur la brèche. Nous lui en sommes tous profondément reconnaissants.
Sa valeur fut reconnue, et sur le plan parlementaire, il obtient une juste récompense, car il avait l'honneur d'être le vice-président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale. La médaille de la résistance, l'Etoile Noire du Bénin, l'Ordre du Ouissam Alaouite dont il était commandeur, ajoutaient les reflets des honneurs à la qualité de l'homme. Une fois encore, la mort a porté sa faux dans nos rangs : Yacine Diallo n'est plus. Notre douleur, mes Chers Collègues, entoure sa famille et tous les siens, à qui nous disons notre très profonde sympathie. Pendant une minute, je vous invite à vous recueillir dans le silence, en souvenir de Yacine Diallo ».
Puis, c'est au tour de Almamy Ibrahima Sori Dara de prendre la parole pour remercier le Président :
« Monsieur le Président, Je vous remercie du fond du coeur, au nom de toute la Guinée et en particulier du Fouta. Ce deuil nous atteint tous et sera ressenti dans toute la Guinée ».
Quant à Diawadou Barry, il demande au Gouverneur, devant le deuil qui frappe toute l'Union Française, « de bien vouloir ordonner que le travail soit suspendu pour une journée en guise de deuil ».
Et le Gouverneur Parisot de répondre :
— C'est déjà fait. Avant d'ajouter :
« Messieurs, je m'associe de tout coeur à l'allocution qui vient d'être prononcée par le Président Allégret : la perte que nous venons d'éprouver est considérable; avec le député Yacine Diallo disparaît un des meilleurs défenseurs des intérêts de la Guinée, un parlementaire sagace et déjà instruit des choses du parlement, qui apportait au sein des commissions comme rapporteur de nombreux projets de loi sa note personnelle de clairvoyance, d'équité, de pondération et de bon sens. Il avait été en effet le bon artisan des principaux textes qui sont sortis de la Constitution et qui consacrent cette grande oeuvre qu'est l'Union Française ».
(Applaudissements)
Avant de suspendre la séance, le président rappelle aux conseillers que le cortège se forme à 17 heures devant la maison mortuaire.
La mort de Yacine Diallo aussitôt annoncée par Radio-banane 17 plonge ses compatriotes de tous les bords dans un deuil sans précédent. Un deuil encore plus consternant et insoutenable pour les compagnons de l'homme et surtout pour ces millions de guinéens qui l'ont tant aimé.
Devant la maison mortuaire (son domicile) une foule compacte, profondément affligée fond en larmes. Conakry était dans l'hystérie totale. Et la cérémonie funèbre, digne de mémoire, couronnera la vie du premier parlementaire guinéen, si riche en enseignements. Comme prévu, le cortège funèbre se forme au domicile de Yacine Diallo. Prières et bénédictions à la mosquée de Boulbinet, située à quelques mètres seulement de sa résidence ; puis, l'impressionnant cortège s'ébranle vers le cimetière de Cameroun 18. Des pleurs, des sanglots : les habitants de Conakry n'ont rien ménagé pour conduire à sa dernière demeure l'illustre disparu ; tous derrière le cercueil recouvert du tricolore de l'Union française. Le cortège est accueilli à l'entrée du cimetière par des centaines et des centaines d'autres compatriotes. Moment pathétique que celui de l'inhumation. Quelques allocutions devant une foule énorme. Le Gouverneur Parisot, Diawadou Barry, Sékou Touré, tour à tour, ont magnifié l'oeuvre impérissable de Yacine Diallo.
Les messages étaient quasiment identiques et semblaient tous dire :
« Yacine, tu es mort, après de bons et loyaux services à la Guinée française, à l'Afrique. Dors tranquille, ton oeuvre sera poursuivie ».
Le clairon aux morts retentit, annonçant la descente du corps dans la fosse. L'on se bouscule, chacun voulant participer physiquement à l'enterrement. Au bout de quelques instants, le bosquet est élevé. Certains métropolitains y mettront des bouquets de fleurs et des couronnes.
La foule se disperse, laissant derrière une tombe et un jeune manguier planté le même jour et qui la protège aujourd'hui contre l'ardeur du soleil.
La consternation subjuguera des jours et des nuits chaque famille guinéenne. Quant aux télégrammes de condoléances, ils proviendront de partout, tous magnifiant les vastes connaissances de l'homme, son immense érudition et son caractère qui inspiraient le regret.
La séance plénière du jeudi 15 avril 1954 de l'Assemblée Territoriale sera en partie consacrée à la lecture des télégrammes de condoléances reçus par le Président.
Origine: Mali. Date 15.
Veuillez transmettre Membres Assemblées et famille Député Yacine Diallo expression très vives condoléances.
Chef Canton BaraOrigine : Gaoual Date, 15.
Anciens Combattants et nom personnel adressons condoléances attristées famille et amis Député Yacine Diallo. Douleur profonde.
Adjudant CellouOrigine: Saint-Louis. Date, 15.
Origine Assemblée Territoriale Sénégal.
N°315. Vous prie transmettre votre Assemblée et famille Député Yacine Diallo en mon nom personnel et au nom Assemblée Territoriale Sénégal, sincères condoléances. Considérations distinguées.Origine: Abidjan. Date, 15.
Président Assemblée Territoriale Guinée Française, Conakry.
N° 410 AT-P- Apprends mort subite Yacine Diallo. Vous prie accepter en mon nom et en celui membres notre Assemblée mes sincères condoléances.
Houphouët-BoignyOrigine: Porto-Novo. Date, 15.
Président Assemblée Territoriale Guinée Française, Conakry.
N° 128- AT. Priorité absolue.
Douloureusement surpris nouvelle décès Député Yacine Diallo. Vous adresse pour vous et Assemblée Territoriale Guinée mes condoléances attristées et celles unanimes Assemblée Territoriale Dahomey. Vous prie en faire part famille éplorée. Haute considération.
Apithy
Après la lecture de ces télégrammes, le Président de l'Assemblée informe les Conseillers d'un Voeu présenté par Canousse et Farah Touré, tendant à décerner la Légion d'Honneur, à titre posthume, au Député Yacine Diallo.
Voeu présenté à l'Assemblée Territoriale par les Conseillers Canousse et Touré Farah.
Considérant les immenses services rendus à la Guinée et à l'Union Française par notre collègue Yacine Diallo ;
Considérant que pendant la durée de son mandat un parlementaire ne peut ètre soit élevé, soit promu dans l'Ordre National de la Légion d'HonneurL'Assemblée Territoriale de la Guinée Française,
A l'unanimité, proclame qu'elle serait heureuse que le Gouvernement de l'Union Française décerne la Légion d'Honneur à titre posthume ;
Au Député Yacine Diallo, Conseiller Territorial de la Guinée, mort à son poste. Conakry, le 15 avril 1954
Ce voeu est adopté à l'unanimité.
Son décès est annoncé publiquement à l'Assemblée Nationale à Paris le 4 mai 1954, lors de la première session qui a suivi sa disparition.
Aujourd'hui encore, les souvenirs de Yacine sont vivaces dans la mémoire de ceux qui l'ont connu et qui vivent encore :
« Yacine était une personnalité instruite en arabe. Il connaissait parfaitement bien le Coran, la culture islamique et priait beaucoup ».
Concernant sa vie à proprement parler, son collègue Alpha Ousmane Kakoni se souvient encore :
« Il avait une modeste maison. Le salon était rempli de livres ; c'était une véritable bibliothèque composée de livres coraniques et de livres français. Il lisait, lisait beaucoup. Ses livres étaient ses compagnons les plus inséparables ».
« Ce n'était pas un homme public à proprement parler. Il n'aimait pas la démagogie. Il n'aimait pas se montrer. Il ne cherchait même pas à se faire connaître», confiait Mamba Sano, peu avant sa mort
« Il n'aimait pas le luxe. Il s'habillait le plus simplement possible, même lorsqu'il a été élu Député. Seulement, pendant les cérémonies officielles, il enfilait une écharpe tricolore pour la circonstance. Puis, il s'en débarrassait aussitôt après. Pas de grand boubou, sauf à la mosquée de Toulelnouma, je l'ai vu une fois, le turban autour de la tête entrain de lire le Coran. A Conakry, je l'ai généralement vu en costume sans cravate », fait remarquer Alpha Ousmane, le sourire aux lèvres.
Un des témoignages les plus vivants recueilles sur Yacine Diallo est celui de Emile Tompapa. Voici le récit d'un bienfait inoubliable :
« J'ai connu Monsieur Yacine Diallo entre 1939 et 1941 en compagnie de mon père dont il était un grand ami. Ils avaient tous deux la même inclination pour la musique en général et la musique classique en particulier. A partir de ma dixième année, j'ai grandi auprès de deux grands mélomanes.
Yacine était un grand violoniste, et mon père était pianiste. Alors que j'avais à peine onze ans à la même époque, mon père décidera de m'apprendre à jouer du piano parce que visiblement je l'agaçais à la maison en m'amusant avec le clavier. Cela indisposait parfois l'entourage et les visiteurs souvent alléchés par les spiritueux et le vin de palme qui n'étaient point rares sous notre toit.
La gent huppée, autrement dit l'élite de Conakry, se retrouvait les après-midi vaporeux pour écouter mon père et quelques musiciens dont Yacine Diallo, interpréter des airs sud-américains en vogue à l'époque.
Je ne décrirai pas ici la tenue vestimentaire (trois pièces, canne, chapeau melon, bretelles, cravate, ceinture, lunettes ovales à monture argentée, chaîne accrochée à la montre à gousset, queue de pie ou redingote, etc), dont le port soigné était calqué sur les colons.
Bref, Monsieur Yacine Diallo me donnera de bon coeur des cours de solfège pour compléter les leçons de musique dispensées à la Mission Catholique que je fréquentais. C'est avec lui et sous son contrôle que je fis mes premières mains au piano, alors qu'il m'accompagnait tantôt avec son violoncelle, tantôt avec son violon ou sa flûte bôhm à la maison.
Avec mon père et d'autres musiciens, ils formaient un quatuor (flûte, piano, violon, accordéon) pour égayer les amis et parfois le Gouverneur de la Guinée Française ou le Maire de Conakry. Parmi les géants de l'enseignement laïc et public en Guinée, pendant la seconde guerre mondiale (1939-1945), les noms de fils illustres que nos parents aimaient citer en référence élogieuse étaient : Chaikou Baldé, Léon Maka, Nabi Youla, Bâ Madani Sabitou, Robert Casabianca et tout naturellement Yacine Diallo En mars 1943, je vis « Oncle Yacine », le mouchoir mouillé de larmes, me tenant par l'épaule devant le cercueil de mon père le jour de son enterrement au cimetière indigène de Boulbinet aujourd'hui désaffecté. Certain que j'étais en bonnes mains chez les Curés auxquels il me recommandera avec insistance.
Yacine Diallo me consola ainsi que ma mère, mes frères et mes soeurs désemparées. Il ne cessa de nous aider à subvenir à nos besoins matériels avec une sollicitude des plus désintéressées …
En juin 1943, les quatre plus jeunes impétrants de Conakry aux épreuves du Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires : Bâ Mamadou, Baldé Mountaga, Gontran Maka et Emile Tompapa se retrouvent sur le premier table-banc à l'École Urbaine de Garçons de Conakry. Monsieur Yacine Diallo, Instituteur Principal et Directeur de ladite Ecole, était notre examinateur. De bon matin, nos parents nous avaient conduits à la porte de l'École.
A la proclamation des résultats, les quatre petits espiègles des rues et des plages de Conakry, que nous étions, furent tous brillamment admis au CEPE.
Après deux années d'application dans la syntaxe de la Langue Française et dans les rudiments du latin, «Oncle Yacine», bien qu'occupé par la naissance des partis politiques en Guinée, en 1946 épaula Mgr Raymond Lerouge, évêque a me faire inscrire au Lycée Van Vollenhoven de Dakar, dont la fréquentation était adroitement réservée aux « fils des coloniaux ».
Le 14 avril 1954, c'est l'effet inattendu d'une bombe qui ébranla les populations guinéennes à l'annonce de la mort subite et inexpliquée du Premier Représentant de la Guinée Française au Palais Bourbon le Député Yacine Diallo. Le Troisième Boulevard à Conakry inondé par la foule de Conakry en larmes fut aussitôt d'un accès impossible avec un service d'ordre débordé aux abords de la maison mortuaire. »
Jouissant apparemment d'une parfaite santé et affichant un dynamisme hors pair, il faut dire aujourd'hui que personne ne s'attendait à cette disparition annoncée par saccades à Radio-Conakry par un speaker étreint par une intense émotion.
C'est connaissant son opposition obstinée à l'injustice et à l'arbitraire envers ses frères, son inclination farouche à défendre leurs intérêts que toute la Guinée et particulièrement les habitants de Conakry, par grappes sur les arbres, et à pieds ont accompagné à sa dernière demeure l'homme dont la perspicacité, la témérité alliée à la finesse leur ont permis de recouvrer une bonne partie de leur dignité.
En évoquant les souvenirs de mon enfance, liés à Yacine Diallo, premier Député de la Guinée Française, qu'il me soit permis quarante ans après sa mort d'affirmer que la poussière de l'oubli qui parfois recouvre si vite l'empreinte d'un homme et la mémoire de ses bienfaits ne réussira à étendre son voile funeste sur l'amitié qui le liait à mes parents.
Si Yacine Diallo est né d'un sol, qui est la Guinée, d'un milieu ambiant qui est le Fouta, son génie politique et culturel reste la trame essentielle pour laquelle les générations futures doivent l'honorer en tant que « pionnier de l'indépendance guinéenne ».
Son tombeau se trouve au cimetière de Cameroun, non loin de la Mosquée Faïçal de Conakry et du Mausolée National où reposent les Samori Touré, Alpha Yaya Diallo, Sékou Touré …
Le tombeau, recouvert de granit et frappé d'étoiles, attire l'attention de milliers de Guinéens qui se rendent au cimetière. Sur la plaque qui couvre le chevet on peut lire distinctement : «Yacine Diallo 1897-1954 ».
Au-dessus et de chaque côté trône un pot de fleurs. Aujourd'hui, il y pousse des herbes sauvages, notamment en saison hivernale.
Quarante ans après son enterrement, la tombe de Yacine Diallo garde encore sa modeste parure.
Honneur à celui qui s'est dédié entièrement à la cause de la Patrie ! Celle-ci lui a rendu des honneurs fort mérités.
Notes
17. Station de Radio installée à l'ex-carrefour Nafaya et qui s'adressait surtout aux planteurs de bananes et de fruits exotiques.
18. Cimetière situé entre la Mosquée Faïçal et l'actuel Pont Fidel Castro, ouvert en 1947. [Errratum. — L'autoroute qui longe le cimetière de Camayenne porte le nom de Fidel Castro. Mais le pont, lui, s'appellait Pont — désormais l'Echangeur — des Pendus du 25 janvier 1971. T.S. Bah]
19. Elève de Yacine Diallo, ancien directeur de la Radiodiffusion Nationale , Compagnon de l'Indépendance, ethnomusicologue, ancien Membre du CTRN (Comité Transitoire de Redressement National), Membre du CNC (Conseil National de la Communication).
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