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Histoire / Idéologie / Politique
Alpha Condé
Guinée : Albanie d'Afrique ou néo-colonie américaine ?

Paris. Editions Git le Coeur. 1972. 270 p.


Chapitre VII. — La Société guinéenne en 1956

Nous avons vu les caractéristiques économiques et sociales de la Guinée, voyons les caractéristiques politiques et culturelles.

I. — Caractéristiques politiques

A. — La supériorité écrasante d'un parti

Le PDG a su assurer son emprise sur les populations guinéennes, et réduire ses opposants, groupés au sein du PRA, au rôle de simples figurants. Son appareil est contrôlé par la bourgeoisie naissante depuis que les éléments qui s'opposaient au nouveau cours découlant de la Loi-cadre, ont été brutalement éliminés lors de l'affaire de la section de Mamou. Le comité directeur et surtout le secrétaire général, M. Sékou Touré, assument le rôle essentiel. Depuis la dissolution de la section de Mamou, les cadres sont entièrement soumis au comité directeur qui dirige, sans contrôle réel de la base. Le comité directeur est dominé par deux hommes, M. Sékou Touré et M. Diallo Saifoulaye, dont dépendent les décisions principales. D'autre part, M. Sékou Touré, jouit d'une immense popularité, principalement en Basse-Guinée et chez les femmes. Cette popularité, si elle est moindre au Fouta et en Haute-Guinée, n'en est pas moins incontestable sur tout le territoire. En revanche, les forces progressistes favorables à un changement radical des structures socio-économiques de la Guinée sont en dehors du PDG et manquent d'assises populaires réelles. Les étudiants et les jeunes intellectuels en constituent l'élément prépondérant. Cependant, à l'intérieur même du PDG, certains cadres partagent leurs vues. Certains dirigeants mêmes du PDG se disent favorables à ces éléments progressistes. C'est le cas de M. Diallo Saifoulaye qui aime s'entourer de mystère et manie avec aisance la dialectique marxiste. En dépit de sa trahison à l'égard de la section de Mamou, il continue à apparaître comme le « leader » des progressistes. C'est aussi le cas de M. Touré Ismaël, frère de M. Sékou Touré, qui affiche des idées progressistes, plus d'ailleurs par ambition personnelle que par conviction ; enfin de M. Keïta Fodeba, ministre de la Défense [Erratum. Fodéba était ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de la Loi-cadre. C'est en 1960 qu'il cumulera l'Intérieur et la Défense. — T.S. Bah]
Les éléments progressistes voient leur influence théorique renforcée par le « non » guinéen. Comme le constate si justement B. Ameillon, le succès du « non », constitue un succès pour les positions théoriques de la fraction politique guinéenne avancée. Celle-ci peut légitimement espérer renforcer son audience. Mais, dans la réalité de l'an 1958, un immense fossé sépare le prestige qui entoure leurs positions théoriques de leur emprise politique réelle dans le pays, dans le parti (PDG) et dans l'appareil d'état.

B. — Problèmes de l'unité nationale

La Guinée est formée de plusieurs peuples dont les trois plus importants numériquement sont les Peuls, les Malinkés et les Soussous ; ils sont suivis par les Kissis, les Tomas, les Guerzés et les Manons dans la région forestière ; les Bagas, Nalous, Landoumas, Mikhiforés, en Basse-Guinée ; les Coniaguis et les Bassaris au Fouta. L'histoire précoloniale a créé certaines contraditions entre ces peuples. Par exemple, entre les Soussous et les Peuls, existe une méfiance tenace liée à l'exode des premiers devant l'action des guerriers foulas. [Erratum. Les Peuls musulmans fondateurs de l'état théocratique du Fuuta-Jalon forcèrent à l'exil les Jalonka non-reconvertis à l'Islam, et non les Soussou. — T.S. Bah]
Ces contradictions sont des contradictions non antagoniques, ce sont des « contradictions au sein du peuple ». Le renforcement de l'exploitation colonialiste les a sérieusement atténuées et les contradictions à base socio-économiques ont pris le pas sur elles, sans que pour cela elles disparaissent. Mais la lutte politique a ravivé, à partir de 1954, ces contradictions entre les peuples de Guinée. En effet, alors que l'appui principal des forces colonialistes les plus rétrogrades est constitué par l'aristocratie peule, l'appui principal du PDG à partir de 1954, est la Basse-Guinée, c'est-à-dire la région des Soussous. Nous avons vu que c'est en Basse-Guinée que l'érosion des structures traditionnelles est la plus poussée. Du fait du développement des villes, de la concentration des rares industries et du développement de grandes plantations (bananes, ananas) dans cette région, les Soussous sont les plus intégrés au système de l'économie moderne. En revanche, au Fouta les structures traditionnelles ont été très peu touchées, l'économie moderne ayant à peine effleuré cette région. C'est ce qui explique la persistance de l'emprise de l'aristocratie peule sur les paysans foulas. Ainsi, une sorte d'opposition à base économique existe entre les Soussous plus intégrés à l'économie moderne, plus politisés, plus individualistes et les Peuls, plus figés dans l'économie traditionnelle. Cette opposition se double, dans une certaine mesure, de l'opposition villes-campagnes, car Mamou est la seule ville du Fouta intégrée à l'économie moderne (axe Mamou-Kindia-Conakry) alors que les villes les plus intégrées à l'économie capitaliste se trouvent presque toutes en Basse-Guinée (Conakry, capitale, principal port et principale ville industrielle ; Kindia ; les ports de Benty et Boké ; Forécariah, Dubréka et Coyah, centres bananiers). L'inégal développement du territoire a eu ainsi pour conséquence une sorte de division économique entre régions. Enfin,

les Soussous qui furent les premiers employés car ils étaient dans la zone exploitée la première par les européens, sont ipso facto les premiers à se syndiquer. Constituant, pour cela, une main-d'oeuvre moins malléable que les Foulas venus individuellement et récemment de leurs montagnes intérieures, ils se trouvent dévalorisés aux yeux des employeurs européens. Systématiquement, les patrons engagent des Foulas de préférence aux soussous. Etant donné que le principal marché d'embauche, Conakry, est situé en pays soussou, ces derniers s'estiment de nouveau envahis par les Foulas 1.

Ces différences entre les deux régions et les peuples qui y habitent sont exploitées par certains cadres et notables ambitieux, opportunistes et soucieux d'utiliser leur région comme tremplin politique. Ce sont la chefferie et ses alliés d'une part, les dirigeants du PDG de l'autre.

La chefferie guinéenne essaye de tirer parti de cette rivalité à la fois économique et ethnique pour susciter des troubles susceptibles de mettre en difficulté le gouvernement PDG. Le mouvement prit d'autant plus d'ampleur que les soutiens étaient relativement nombreux et les arguments avancés, démagogiques. Avec les chefs en effet disparaissent les privilèges de tous les profiteurs qui vivaient dans leur entourage et à leurs dépens, non seulement leur famille, mais aussi leurs fournisseurs, leurs griots, ces troubadours africains, leurs « clients » en quelque sorte, au sens antique du mot. Ce fut donc un réseau spontané de comploteurs [2] qui se forma dès l'application de l'arrêté supprimant la chefferie. Il groupait tout à la fois une multitude de sous-fifres aussi obscurs que dévoués et les dirigeants des partis d'opposition, Barry III et Barry Diawadou 3.

De leur côté, les dirigeants du PDG, désireux d'imposer leur domination, attisent cyniquement la haine entre les deux peuples. Leurs commandos s'en prennent systématiquement aux Foulas lors des incidents de mai 1958 (la majorité des victimes sont des Foulas). Ameillon affirme avoir vu de ses propres yeux un dirigeant du PDG pousser les militants à agresser un petit marchand Foula 4.

Les incidents de 1954, 1956 et 1958 laissent incontestablement des traces. Beaucoup de ceux qui ont perdu des êtres chers et qui voient les tueurs et les incendiaires se pavaner à Conakry, rêvent d'une revanche. D'autres, qui ont échappé de justesse au massacre, se sont enfuis dans les colonies françaises voisines, attendant l'heure de la revanche. Ces faits sont préjudiciables à la formation d'une véritable unité nationale. Cependant, d'autres facteurs agissent dans le sens de cette unité : les conditions de vie misérables des paysans, des ouvriers et des artisans, qu'ils soient malinkés, foulas, guerzé, toma ou soussous ; la solidarité qui se développe dans la lutte commune pour la défense des intérêts de la classe ouvrière et des paysans ; enfin la lutte politique menée côte à côte. Au moment de l'indépendance, ces facteurs sont décisifs, d'autant plus que l'unification des partis au sein du PDG peut être un facteur d'unification nationale.

II. — Les caractéristiques culturelles

A. — La persistance d'une culture féodale et patriarcale

Le colonisateur a trouvé les sociétés guinéennes à des stades différents de développement. Certaines avaient atteint le stade d'Etat organisé alors que d'autres étaient encore au stade patriarcal. L'Etat colonial a modelé ces sociétés selon ses besoins, laissant souvent en place les structures qui ne lui servaient pas immédiatement et les transformant au fur et à mesure des besoins nouveaux. Les transformations apportées par l'Etat colonial concernent surtout l'infrastructure économique et sociale. La superstructure est relativement peu touchée car l'enseignement colonial n'atteint qu'une infime minorité. Cependant si les mythes coloniaux véhiculés par les « évolués » ont déteint sur les populations, la persistance des éléments culturels féodaux et patriarcaux reste encore vivace, et varie selon les régions. Dans certaines, ce sont plutôt les aspects féodaux qui l'emportent ; dans d'autres les aspects patriarcaux. Une forte persistance de la culture féodale peut être observée principalement chez les Peuls et les Malinkés, et secondairement chez les Soussous. Il s'agit tout d'abord du mépris pour les anciens esclaves ou descendants d'esclaves. Dans la mentalité de ces peuples, l'esclave reste un esclave en dépit de la proclamation de l'égalité. Certains esclaves eux-mêmes conservent une attitude servile, c'est-à-dire continuent à vénérer la famille de leur ancien maître. Ce phénomène peut être illustré par le procès retentissant opposant Barry Diawadou à Ray Autra en 1949. Dans un article du journal Réveil du 11 juillet 1949, Ray Autra avait écrit, parlant de la soumission de Diawadou au gouverneur :

« Pensez ! La promesse de réhausser son père au rang Almany afin de diviser le Foutah en deux et jouer sur deux tableaux ne suffisait plus pour expliquer l'attitude de jour en jour plus misérable de Barry Diawadou vis-à-vis du patron Pré : Un machoudo de l'ancien Fouta ne peut être plus soumis à son Poullo.

M. Diawadou fait poursuivre l'auteur pour diffamation et injures. Dans son arrêt du 18 août 1949, le tribunal de première instance de Conakry constate dans un de ses attendus, que « la comparaison d'un homme public au surplus de condition élevée avec un machoudo de l'ancien Foutah est une injure, encore qu'il n'ait pas été traité directement et franchement de machoudo, et plus loin :

« Attendu que le préjudice doit être apprécié eu égard aux contingences locales, au retentissement dont les allégations diffamatoires ou les injures sont susceptibles dans la société locale eu égard également à la personnalité sociale des victimes, Ray Autra est condamné à payer des dommages-intérêts.

Ainsi, le colonisateur qui a officiellement aboli l'esclavage et déclaré tous les citoyens égaux laisse sa propre justice continuer de distinguer l'esclave et l'homme de « condition élevée » 5. Diawadou, homme politique qui brigue les voix des anciens esclaves, trouve injurieux d'être comparé, lui, descendant des Almamys de la branche Soriya, à ces esclaves.
Au mépris pour les esclaves s'ajoute le mépris à l'égard des anciennes appartenances de castes. Les griots, les forgerons, les tisserands sont toujours fort peu considérés. Ce double mépris s'accompagne du refus de certaines « mésalliances » : il est inconcevable pour un homme « libre », et à plus forte raison de condition « noble », d'épouser une esclave, une griote ou une fille de forgeron ou de tisserand. Mais, surtout, il est inconcevable pour lui de donner sa fille, sa soeur ou une autre fille de la famille à un esclave, un forgeron ou un griot. D'ailleurs, ces derniers n'osent presque jamais prétendre à cet « honneur ».
La déférence devant la « noblesse » est générale au Fouta en dépit de la suppression de la chefferie, les Peuls, dans leur grande majorité continuent de vénérer les Almamys et les chefs. L'aristocratie conserve encore une grande partie de son prestige. Il en est de même, dans une moindre mesure, chez les Malinkés et chez les Soussous. D'ailleurs, n'est-il pas frappant de constater que M. Sékou Touré, chef du parti qui a « supprimé » la chefferie, a honte de son origine de « roturier » et se prétend descendant de l'Almamy Samory, chef malinké prestigieux ! Il est à noter aussi que lors de la campagne électorale de décembre 1955-janvier 1956, le PDG comparait Saifoulaye à La Fayette 6.

Enfin, il existe un sentiment exacerbé de l'honneur, qualité la plus considérée dans les sociétés peule et malinké. Plutôt mourir que d'être déshonoré. L'humiliation est insupportable. Ce sentiment d'honneur se manifeste dans le mariage par l'exigence de la virginité de l'épouse. En effet, si la virginité de la mariée est fêtée et vantée — car elle apporte honneur et considération à sa famille — en revanche, le fait de perdre, avant le mariage, cette virginité fait rejaillir tout le déshonneur et le discrédit sur elle et sur sa famille. Dans ce dernier cas, on la soumet souvent à un traitement des plus humiliants.
A côté de la persistance des éléments de la société féodale, nous avons des séquelles de la culture patriarcale. Il s'agit essentiellement des sacrifices pratiqués pour rendre les dieux favorables, du fétichisme, de l'excision des femmes et de la croyance aux forces surnaturelles.
Enfin nous trouvons des phénomènes qui sont à la fois des séquelles féodales et patriarcales : la superstition qui se manifeste sous deux formes. D'abord sous la forme du « maraboutage », lié au développement de l'Islam et à la féodalité. C'est la croyance naïve aux vertus surnaturelles des gris-gris copieusement distribués, moyennant finances, par les marabouts (musulmans lettrés). Ensuite la croyance aux sorciers, aux djinns bienfaisants et malfaisants. Celle-ci vient des sociétés patriarcales qui l'ont transmise aux sociétés féodales. Dans la région forestière (sociétés patriarcales), les fétichistes sont craints et vénérés ; les chefs eux-mêmes n'osent pas les affronter. La peur de la sorcellerie freine d'ailleurs ces chefs dans leur pillage des populations. Le « maraboutage » est le fait des sociétés islamisées qui sont en même temps celles qui ont connu la féodalité (Peul, Malinkè, Sousou).
A ces caractéristiques culturelles, sécrétées par les sociétés guinéennes au cours de leur évolution, se superposent les mythes importés par le colonisateur.

B. — Les mythes et culture coloniaux

Le colonisateur a tout fait pour convaincre le Noir de son infériorité. Il a inculqué ses mythes aux agents noirs qu'il a formés. Ceux-ci, à leur tour, les ont véhiculés au sein des masses qui en ont été inconsciemment imprégnées. C'est ainsi que, pour les masses, la couleur noire est maléfique et que la plupart des charlatans conseillent de ne pas épouser une femme trop noire car elle porte malheur. D'ailleurs, très souvent, les masses identifient les blancs aux djinns et, par voie de conséquence, leur attribuent des pouvoirs surnaturels. Pour les sacrifices, les marabouts demandent, la plupart du temps, des noix de cola blanches, des coqs blancs ou du tissu « percale ». Enfin, le degré de noirceur du corps est un indice du degré de méchanceté : A foré kinakhé a bonyê foro khi na kinné 7. Tous ces mythes sont le reflet du mépris des civilisations autochtones. Les noirs, conditionnés par des années de propagande et de lavage de cerveau, ont fini par adhérer en partie aux mythes coloniaux.

C. — La faiblesse quantitative et qualitative de la formation

L'enseignement colonial étant destiné à une minorité, l'immense majorité de la population en était exclue. Les quelques rares privilégiés qui y ont eu accès n'ont pu atteindre un niveau élevé. C'est ainsi qu'en 1945, il n'y avait qu'un seul universitaire en Guinée. Cependant, après la deuxième guerre mondiale, le colonisateur est obligé d'entrouvrir les portes de l'enseignement supérieur aux Guinéens. Toutefois, le nombre de ceux qui sont envoyés en France est extrêmement faible. Le gouvernement de M. Sékou Touré de 1957, loin de s'engager dans la voix de la scolarisation massive prônée par les enseignants, continue la politique suivie par le colonisateur. Aussi, lors de l'indépendance, la Guinée connait-elle une grande pénurie de cadres.
Telle est la société guinéenne en 1958, au moment de l'indépendance. Avec celle-ci, deux voies s'offrent au pays. Soit continuer dans le sens de la reconversion voulue par les grands trusts en renforçant l'emprise des forces exploiteuses et en maintenant une culture réactionnaire ; c'est l'évolution qui convient le plus à la bourgeoisie naissante et qu'elle souhaite ardemment ; soit transformer radicalement les structures socio-économiques, détruire les fondements de la nouvelle bourgeoisie, extirper les influences féodales, patriarcales et coloniales de la culture et créer une véritable culture nationale, une culture qui naît et se développe dans la lutte des paysans et des ouvriers ; c'est la voie souhaitée par les forces progressistes. En apparence, il semble exister un certain équilibre entre les deux camps. Mieux, le, forces progressistes ont même l'illusion de pouvoir contrôler la situation.
Mais si nous essayons de voir de plus près la situation réelle, nous constatons que les forces progressistes ont réussi à faire triompher l'indépendance ; que le contexte politique caractérisé par l'hostilité agissante de la France soutenue par ses alliés occidentaux, par l'appui important apporté par les pays socialistes dès les premiers mois de l'indépendance, leur est favorable. L'indépendance ayant enthousiasmé les masses populaires, les idées progressistes y trouvent de larges échos. D'autre part, les forces progressistes sont renforcées par l'arrivée massive de cadres progressistes africains de toutes les autres colonies françaises, surtout un bon nombre de militants du Parti Africain de l'Indépendance, parti qui prône le socialisme scientifique.
La bourgeoisie naissante, quant à elle, a l'avantage d'occuper la place. Elle contrôle effectivement le parti et l'appareil d'Etat. L'intégration du PRA [au PDG] et l'entrée au gouvernement de ses éléments dits modérés ont renforcé son emprise. Surtout, elle bénéficie du soutien du capital financier : dans les jours qui suivent l'indépendance, alors que le gouvernement français tente d'organiser le boycot de la Guinée, les principaux grands trusts qui ont des intérêts en Guinée (Péchiney, l'Aluminium Canadien, Steel Iran Co.) et ceux qui espèrent y pénétrer, félicitent le gouvernement pour son vote négatif. Mieux, l'Assemblée Générale Extraordinaire de Fria, réunie le 3 décembre 1958, décide une augmentaton du capital de 3 à 4 millions de francs CFA.
Ainsi, l'indépendance qui répond aux espoirs des forces progressistes et des masses populaires répond aussi aux objectifs du grand capital financier international. Or, les aspirations des masses guinéennes sont antagonistes de celles de ce capital financier. L'indépendance ne peut servir en même temps ces intérêts antagonistes, un des deux doit être nécessairement soumis à l'autre. Aussi, comme le note Ameillon, le problème, en 1958 est de :

« savoir » si la Guinée indépendante réaliserait ou non la seconde révolution économique et sociale que réclamaient les tenants des thèses socialistes 8.

Comment la Guinée indépendante fait-elle face aux problèmes fondamentaux qui se posent à elle sur le plan économique, politique, social et culturel ?

Notes
1 . Ameillon, op. cit., page 27.
2. [L'usage du mot comploteur est ainsi ancré dans la tradition de violence verbale et physique du P.D.G. et d'auteurs de gauche comme B. Ameillon. Sa fréquence deviendra exponentielle avec le “Complot Permanent” de Sékou Touré. — T.S. Bah]
3. Ameillon, op. cit., page 28.
4 Ameillon, op. cit., p. 33.
5. Souligné par l'auteur.
6. Liberté, 27 décembre 1955.
7. La noirceur de son corps est à l'image de la noirceur de cœur (dicton soussou).
8. Ameillon, op. cit., page 75.