Assistant d'Ethnologie à l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN)
Les Masques Kono (Haute-Guinée Française):
leur rôle dans la vie religieuse et politique
Paris. Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A. 1952. 200 p.
Appendice
Remarques générales sur les sacrifices dans le pays kono
A plusieurs reprises nous avons parlé, dans le texte qui précède, des offrandes, des sacrifices..., sans jamais en donner le détail, sans expliquer leur mécanisme coutumier.
Aussi ne jugeons-nous pas superflu d'ajouter ici quelques notes sommaires à ce sujet.
Les Kono appellent leur divinité suprême : Alatanga ou Latangana. C'est le Créateur du monde. On ne lui voue aucun culte visible, et s'il arrive qu'on lui adresse une prière directe, c'est surtout lorsqu'on se trouve sérieusement embarrassé, ou lorsqu'on sollicite de Lui une faveur particulièrement importante. Dans ce cas, on répand sur la terre (la terre qui apparaît comme son support matériel, bien qu'il se présente dans d'autres aspects de son existence comme une divinité céleste) du sang sacrificiel, et parfois quelques noix de kola. Et, suivant l'importance du moment, on lui offre des poulets, des moutons, des boucs et chèvres ou même des bufs.
Plus fréquemment, on communique avec Alatanga par l'intermédiaire d'un des rites magico-religieux du pays (y compris les masques cérémoniaux). En pareille circonstance, l'agent sacerdotal dirige les paroles de la prière qui accompagne son offrande, vers le masque ou vers un autre support matériel, avec le même effet que s'il s'adressait au dieu même.
Et voici le schéma habituel d'un sacrifice individuel ou familial :
Le devin recommande à l'homme A 1 d'offrir un sacrifice à l'une des divinités locales.
« A » charge alors son neveu utérin (= le fils aîné de sa sur) « B » du rôle sacerdotal, gardant lui-même la présidence de la cérémonie.
Lieu du sacrifice : un poulet sera égorgé à l'intérieur de la case de « A », et le bétail, dans la cour.
Les objets rituels qui recevront le sang sacrificiel sont disposés dans un van posé à terre.
Toute la famille est présente, y compris les femmes et les enfants.
« B », instruit auparavant par « A » sur la nature de sa prière, interprète à l'adresse de la divinité l'objet du sacrifice. Ce faisant, il saisit le poulet de sa main gauche et un couteau (ordinaire) de sa main droite, et il immole la victime tout en continuant la prière (en faveur et au nom de l'intéressé, nous le répétons). Ensuite, il arrose avec du sang versé les objets magiques. Dans le cas d'un mouton, d'un bouc, ou d'un buf, les hommes de la famille tiennent l'animal sacrificatoire couché par terre (mais non lié).
Dans le cas d'un poulet :
Pour apprendre si l'offrande a été favorablement reçue par la divinité sollicitée, le poulet agonisant est jeté par terre : s'il expire sur le dos, la réponse est favorable 2.
Les mains de femme ne devant pas toucher à ce moment à l'animal sacrificiel, le poulet sera plumé et vidé par « B », ou par un des hommes de Ia famille ; les intestins seront jetés aux chiens 3 qui rodent alentour, le foie et le cur étant donnés, à l'état cru, aux enfants qui les mangeront, après les avoir grillés au feu.
La dépouille est ensuite remise aux femmes, et cuite au riz.
Le plat, une fois cuit, est servi par les femmes pour être consommé, « B » se charge alors du partage cérémoniel de telle sorte que les pattes, les ailes, la tête, le cou et le gosier, avec une boulette de riz trempée dans de I'huile de palme, sont ensuite disposés dans un panier contenant des objets
cultuels. Ce faisant, il répète sa prière.
Ensuite il partage le plat en trois parts à peu près égales, dont la première appartiendra aux hommes, la deuxième, aux femmes et la troisième, aux enfants;
Le repas fini, « B » reprend la tête du poulet qui reposait jusqu'ici, en offrande symbolique, sur le van, et il l'offre à son oncle « A » en tant que « titulaire » du sacrifice qui vient d'être ainsi accompli. Il en garde le reste (pattes, ailes, gosier) pour lui-même.
A la fin de la cérémonie, « B » remercie les assistants.
Quand il s'agit de quadrupèdes, le partage rituel est analogue ; toutefois, la tête et les quatre pattes appartiendront au postulant « A » ; qui, seul, devra obligatoirement les consommer.
Notes 1. Nous supposons ici le cas le plus simple : « A » est le chef de la famille: c'est lui qui organisera le sacrifice pour tous les membres de la famille. A lui aussi de fournir la victime. 2. Dans le cas contraire, le devin devra donner son avis. Parfois il faudra répéter le sacrifice ou recourir à un autre procédé propitiatoire. 3. Le chien lui-même étant une des victimes préférées pour les cérémonies sacrificatoires du poro.