Institut Français d'Afrique Noire — Centre de Guinée
Numéro 2. 1947
Aide technique du Centre IFAN de Guinée 1
Les Tyapi constituent en Guinée française, dans les Cercles de Boké et de Gaoual, un petit groupe ethnique de 8 000 individus
2. Ils forment des îlots le longs des rivières Lingourou, Féfiné
et Teminé. Ceux de Kadé faisant l'objet de cette étude, peuplent
les villages de Kitchar, Kankedy, Dombia et Kalatchi, entre Gaoual
et Kadé.
Les Tyapi, encore appelés Tiapidie par leurs voisins Foula, sont probablement d'origine Soninké. Premiers possesseurs du
sol, ils passèrent sous la domination de races envahissantes et
ne forment aujourd'hui qu'une population résiduelle. Ils se trouvent
fortement mélangés aux Landouma de la côte maritime du Rio Nunez dont ils parlent la langue et
ne semblent d'ailleurs constituer qu'un sous-groupe.
Les Tyapi ou Landouma de l'intérieur, bien que naturellement influencés
par leurs voisins musulmans, conservent dans l'ensemble un particularisme
nettement marqué. Ils demeurent des agriculteurs sédentaires et
animistes.
La famille Tyapi, comme presque partout en Afrique Noire, s'entend au sens
de famille étendue, comprenant les descendants d'un ancêtre commun
sous une même autorité. Elle est patriarcale avec cependant les
traces apparentes d'un premier régime de matriarcat. Il arrive
que la mère conduise la famille et que son animal interdit devienne
celui des enfants.
Le père a droit au respect et à l'obéissance de ses enfants et des membres
de sa famille. La mère jouit des mêmes prérogatives et pourrait
même présider à l'élection des chefs. Le père n'exerce pas droit
de vie ou de mort sur les membres de la famille. Il ne pouvait
ni les vendre, ni les mettre en gage. Son devoir est d'administrer
avec sagesse les biens de la collectivité. La femme mariée est
extrêmement libre et relativement heureuse chez les Tyapi. Elle
jouit d'une grande considération et peut, dans bien des cas, prendre
des décisions. La veuve épouse généralement son beau-frère sans
pour cela qu'elle y soit obligée. Elle se remarie suivant son
gré.
Le divorce, actuellement connu et pratiqué chez les Tyapi, semble avoir
été emprunté aux Foula musulmans, leurs voisins. Il peut se produire
par autorité de justice ou par consentement mutuel. Si le divorce
provient de la volonté de la femme, le mari obtient la restitution
de la dot. Elle la conserve dans le cas contraire. La répudiation
se pratique également.
La polygamie existe chez les Tyapi. Mais elle ne donne pas lieu à des abus
d'accaparement de femmes par les plus riches. Le montant de la
dot et les modalités de son payement, le consentement obligatoire
des jeunes filles à leur mariage permettent à tous les jeunes
gens de se pourvoir. La prostitution est presque inconnue dans
la société tyapi. L'inceste, extrêmement rare, était sanctionné autrefois par la peine capitale.
Dans le ménage polygame, la première femme a une autorité relative
sur les autres et peut-être plus considérée.
Mais les épouses tyapi vivent généralement sur le pied d'égalité. Les enfants
ont les mêmes droits et sont égaux entre eux.
L'adultère, jadis puni de mort, donne lieu aujourd'hui, soit au divorce,
soit au versement d'une indemnité en argent par le coupable au
mari lésé.
Les jeunes gens ne deviennent indépendants qu'après le mariage de la première
femme. Le père a le devoir de marier ses fils. La jeune fille
ne peut être contrainte à épouser un homme qu'elle refuse. Mais
même mariés, les enfants doivent respect, obéissance et soumission
à leurs parents.
Le mariage tyapi a le caractère d'un contrat définitif, précédé de fiançailles.
Celles-ci interviennent parfois avant la nubilité de la jeune
fille. Le mariage ne se fait qu'après l'excision et sur le consentement
de la jeune fille obligatoirement consultée. Les fiançailles se
nouent en envoyant aux parents de la jeune fille des cadeaux que
le prétendant éconduit reprend. Le fiancé peut aussi verser des
arrhes, également rendues au cas où la jeune fille refuse de s'allier
à l'homme choisi par ses parents dès son bas âge.
Le garçon se marié à 17, 18 ans, la jeune fille à 12, 13 ans.
La fiancée continue de vivre dans sa famille et n'est conduite
au domicile conjugal que le jour du mariage conclu avec le consentement
des contractants et de leurs parents. Le lendemain matin des noces,
se déroule la cérémonie de présentation à la mère de la mariée
du pagne taché de sang.
La mère exerce une influence très grande dans le mariage de ses filles,
relative en ce qui concerne celui de ses fils. Mais elle n'entrave
jamais le libre choix de ses enfants et pousse les garçons à la
polygamie.
Les empêchements au mariage semblent être nettement empruntés
aux règles du droit musulman, avec cette différence importante
que la volonté de la femme tyapi, toujours respectée, conditionne
en dernier lieu l'union.
La dot remise au père ou à la mère de la jeune fille représente une
valeur très variable. Elle comporte un minimum et un maximum.
Toujours fixée de façon précise par la famille, elle peut s'acquitter
en un ou plusieurs versements.
Les Tyapi forment ainsi un petit groupe ethnique dispersé au milieu
d'une population nombreuse. Ils maintiennent en grande partie
leurs traditions en donnant à la famille une organisation solide
et harmonieuse. L'autorité des parents est toujours respectée,
les intérêts de la collectivité familiale se concilient parfaitement
avec les droits de l'individu. Le divorce, les empêchements au
mariage pour infirmité, maladies graves, sont dus à l'influence
islamique. Ils constituent des réformes d'une portée sociale certaine,
des réformes librement acceptées qui ne bouleversent rien, les
enfants portant constamment respect et obéissance à leurs parents.
Le caractère dominant la société tyapi est la liberté, rarement permise aux autres africaines, pour la femme
de se marier selon son cur. Cela confère beaucoup de stabilité aux unions conjugales. La
mère de famille jouit d'une grande considération, et exerce une
influence réelle. La famille tyapi constitue un exemple intéressant
de régime agnatique heureusement tempéré par les survivances du matriarcat et l'influence de la loi coranique. C'est une organisation stable, conférant de la liberté à l'individu
et surtout à la femme.
Notes
1. D'après la réponse de l'Administrateur François de Coutouly,
en 1910, à un questionnaire de Le Myre de Viliers, Président de
la Société anti-esclavagiste de France, sur l'organisation de
la famille, les fiançailles et le mariage chez les indigènes des
Colonies françaises d'Afrique.
2. 8 179 d'après les statistiques démographiques de 1933.
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