Lorsque, après la chute de l'Empire, Saint-Louis et Gorée eurent été restitués à la France en exécution du second traité de Versailles, le Gouverneur Schmaltz s'est attaché d'abord à coloniser la vallée du Sénégal ; l'échec de cette politique devait amener très vite son successeur à porter ses efforts dans un autre sens et à chercher en premier lieu le développement des relations commerciales avec les indigènes. L'insécurité était trop grande dans l'intérieur des terres pour que l'on pût songer à y fonder des établissements; c'est donc au long des côtes et de préférence vers l'embouchure des rivières accessibles aux goélettes des traitants que furent installées les factoreries où s'échangeaient les produits naturels du pays contre les articles de traite.
Les caboteurs de Gorée fréquentaient régulièrement le Sine où la traite se faisait au mouillage, mais le commerce y était de peu d'importance ; en Gambie nous avions réoccupé en 1817 le comptoir d'Albréda, d'où, pendant tout le cours des XVIIe et XVIIIe siècles, nos traitants avaient lutté souvent avec succès, contre l'influence anglaise, mais la situation que nous avions retrouvée là n'était plus aussi favorable que sous l'Ancien Régime. Nos adversaires avaient abandonné le fort James, mal situé dans un îlot insalubre et d'accès difficile et ils s'étaient solidement établis à l'embouchure même de la Gambie où ils avaient fondé Sainte-Marie de Bathurst ; ils tenaient ainsi la clef de la rivière et comme, en vertu des traités, ils en avaient la police, ils ne manquaient pas de faire subir de continuelles vexations aux caboteurs de Gorée qui voulaient aller à Albréda. Ces tracasseries incitèrent l'administration du Sénégal à rechercher plus au Sud un point où les traitants français puissent trouver les mêmes avantages qu'à Albréda sans les mêmes difficultés. En 1827, Dangles avait été chargé par le gouverneur Jubelin de visiter la Casamance et d'y déterminer les emplacements les plus favorables à l'installation de comptoirs ; connaissant les avantages que les Anglais tiraient de leur nouvelle situation en Gambie, Dangles avait tenté de créer à l'embouchure même de la Casamance un établissement d'où nous aurions commandé le cours supérieur de la rivière. Entreprise avec des moyens trop faibles, mal soutenue, et dirigée par un personnel qui ignorait tout du caractère des noirs, l'opération échoua et fut abandonnée en 1828 ; il ne nous en restait que deux traités qui réservaient nos droits pour l'avenir. Cependant le commerce du Sénégal, en progrès continu, ne trouvait plus dans les limites étroites des territoires placés sous notre autorité un champ d'activité suffisant. Au Nord, profitant des droits qui leur avaient été reconnus sur Portendick, les Anglais s'attribuaient une part importante de la traite de la gomme au détriment des traitants de Saint-Louis; au Sud leur installation de Sainte-Marie de Bathurst enlevait toute sécurité à la navigation sous pavillon français en Gambie. Il fallait se dégager de cette étreinte et donner à nos traitants les débouchés dont ils avaient besoin et qu'ils réclamaient. Les négociants de Saint-Louis, qui s'intéressaient surtout au commerce de la gomme, songeaient dès l'année 1836 à échanger Albréda contre les droits des Anglais à Portendick et pour offrir une compensation aux habitants de Gorée qui faisaient la troque en Gambie, ils proposèrent de recommencer en Casamance la tentative qui avait échoué en 1827 et même de chercher des lieux de traite plus au Sud, au Nunez et au Pongo.
Afin de connaître exactement les endroits les plus propices à l'installation de factoreries, on décida d'envoyer sur la côte une mission chargée d'explorer le littoral et l'estuaire des rivières ; dirigée par le commandant particulier de Gorée, le capitaine de corvette Dagorne, cette mission comprenait deux fonctionnaires et deux négociants dont l'un représentait les intérêts de Saint-Louis et l'autre, M. Cabueil, ceux de Gorée. Les explorateurs partirent de Gorée le 13 mars 1837 sur l'Aigle d'Or ; ils visitèrent la Casamance et le Rio Grande, mais, arrivés là, ils firent demi-tour. Les deux commerçants étaient pressés de retrouver leurs affaires et ils jugèrent la saison trop avancée pour aller plus loin. Une fois de plus l'avenir de la colonie était sacrifié aux intérêts particuliers. Malgré cette défaillance, Dagorne n'abandonna pas ses projets : le seul résultat immédiat de la mission d'exploration sera l'occupation, définitive cette fois, de la Casamance mais une seconde étape sera préparée, l'installation du commerce français au Nunez.
A cette époque, le Nunez était connu comme une région riche en produits de toutes sortes et bien que le plus important de ces produits, l'esclave, ait été exclu du commerce licite, le pays offrait encore assez de ressources pour intéresser les traitants ; de plus il était considéré comme la meilleure des voies de pénétration politique et commerciale vers le Fouta-Djalon. Des hauts plateaux les caravaniers venaient à Kakandé troquer des peaux de boeufs et de la cire contre les marchandises de traite, au premier rang desquelles venaient la poudre, les armes et les tissus. Leur prédilection pour la route du Nunez venait de ce que les almamys du Fouta étaient restés les suzerains des pays landouman et nalou ; ils y avaient des représentants et recevaient un tribut des chefs, aussi les Foulahs se sentaient-ils là en sécurité mieux qu'en toute autre région de la côte. Les Anglais, qui n'ignoraient pas cette particularité et qui cherchaient à s'attribuer le monopole des échanges avec le Fouta, avaient tenté de nouer des relations amicales avec les almamys.
Au mois de décembre 1816 une expédition commandée par le major Peddie et le capitaine Campbell était arrivée à Kakandé ; elle comprenait une centaine d'hommes, dont trente blancs, de l'artillerie et des animaux de trait, chameaux et mulets. Peddie avait installé son camp sur une éminence très aérée qui dominait les bâtiments de la factorerie Pearce. Bien que l'on fût au début de la bonne saison tous les Européens furent malades. Le premier janvier, Peddie mourut ; il fut inhumé à Robugga (Boké) à 4 milles de Kakandé, dans une des cours de la maison de Bethman, sous l'ombrage de deux orangers; le 21 janvier le lieutenant Rae décédait à son tour. Malgré ces pertes l'expédition se mit en route le 1er février, mais devant l'hostilité des Foulahs, qui refusaient de fournir des porteurs, le capitaine Campbell, à bout de forces, dut faire demi-tour ; le 13 juin 1817, il mourait en arrivant à Kakandé. Ses restes furent placés à côté de ceux du major Peddie 1.
L'année suivante, Mollien, venant du Cayor, traverse le Boundou et pénètre dans le Fouta-Djalon ; il visite Timbo et note que les Foulahs ont des relations très fréquentes avec le Rio Nunez et Sierra-Leone.
C'est de Kakandé (Wakrya) que quelques années plus tard René Caillié devait aller à la découverte de Tombouctou. Il s'était embarqué, le 22 mai 1827 à Freetown ; à l'embouchure du Nunez il fit la connaissance d'un français, Castagnet, qui l'invita à loger chez lui à Kakandé. Le 5 avril, le négociant anglais Bethman le conduisit à Rébéca où il avait une factorerie et où il le présenta à Macandé, le successeur présomptif du roi des Landoumans. Enfin, le 19, René Caillié part de Kakandé avec une caravane de Mandingues :
« Nous suivîmes la rive gauche du Rio Nunez. Après avoir marché deux heures nous arrivâmes à la factorerie de M. Bethman. Je revis dans son jardin les tombeaux du major Peddie et de plusieurs officiers de son expédition... »
C'est là, sur le plateau qui domine l'ancienne factorerie Bethman, au centre de la cour du fortin, qu'un monument a été élevé en mémoire du grand voyageur français. De Boké, René Caillié fit route en direction du S.S.E., vers les Bowés, par la piste de Kadigra.
Lorsqu'il songeait à fonder un établissement français au Nunez, Dagorne ne se lançait donc pas dans l'inconnu et ses projets n'étaient nullement chimériques; aussi bien dans un rapport du 12 septembre 1839 intitulé :
« Sur la partie de côte comprise entre Gorée et Sierra-Leone et sur l'extension qu'il serait possible d'y donner à notre cabotage »
Après avoir indiqué les avantages que présentent les golfes de Rio Grande et de Bolola, il expose des vues très exactes :
« Le Rio Nunez n'est non plus qu'un de ces golfes qui, par extraordinaire en ce pays, reçoit à son extrémité supérieure un filet d'eau que l'on dit servir de dégorgeoir à un lac situé au-dessus. Ce ruisseau tombe en cascade assez haute pour que les embarcations ne la remontent pas, même en haute mer, quoique, ici, elle s'élève de cinq à six mètres. Cette place est plus connue que le reste du pays. Chez les Landoumans qui habitent Kakandy, chef-lieu de ce petit état, situé au point le plus haut où puissent atteindre les bâtiments de mer, résident les traitants français, anglais, américains, qui y font quelques affaires en cire, cuirs, morfil, riz et or. Malgré les difficultés des chemins dans les gorges des montagnes du Fouta Diallon, les marchands des divers points de cette contrée arrivent en caravane à Rio Nunez ou à Kakandé, protégés par l'Almamy du Foutah, suzerain de la côte à qui le roi des Landoumans paie un tribut assez considérable dont les marchands qui résident chez lui, lui donnent le moyen de s'acquitter. Les Foulahs du Fouta-Djallon sont mahométans fervents, tandis que les Landoumans et les Nalous qui habitent plus bas vers l'entrée du golfe sont idolâtres et fétichistes. Depuis quelque temps des tracasseries nombreuses ont porté la perturbation dans le commerce du rio Nunez. Les Landoumans et les Nalous ont eu des querelles ensemble et les Foulahs, guerriers et exacteurs comme tous les noirs et fanatiques par-dessus, ont amené des contestations qui ont beaucoup nui au commerce.
Les Français sont représentés à Kakandy par une seule maison, les Américains également, les Anglais par trois ou quatre, et y font, par conséquent la majeure partie du commerce ; ce qu'ils doivent au voisinage de Sierra-Leone. Ce commerce au reste ne paraît pas susceptible d'autre accroissement que celui que pourra fournir l'augmentation du café ».
« Au delà du Rio Nunez, la côte qui était devenue un peu escarpée et garnie de rochers, s'abaisse de nouveau en plage de vase et de sable semée d'îles qui forment les embouchures du Rio Pongo, autre golfe presque sans eau douce. Il n'y a point dans le Rio Pongo de point spécialement privilégié pour le commerce ; son voisinage de Rio Nunez ne permet pas qu'il s'y en fasse beaucoup d'autre que la traite des captifs. Les naturels, comme leurs voisins les Nalous, sont idolâtres et fétichistes. Toutes ces terres sont riches en riz, en bétail et en palmier à huile. Quelques traitants y vont, particulièrement ceux de Sierra-Leone, mais les négriers y trouvent assez fréquemment un refuge derrière les bois touffus et surélevés qui couvrent les îles et les différentes issues que présente l'embouchure leur sont d'un grand secours.
« ... Dans le moment où les substances oléagineuses deviennent un objet considérable de négoce en Europe, la côte dont nous nous occupons est d'une haute importance; elle en peut fournir d'immenses quantités... »
Pour terminer, Dagorne, qui, avant Bouet et Faidherbe, fut un des créateurs de notre empire colonial sur la côte occidentale d'Afrique, demandait l'autorisation de
« pousser des investigations jusque chez l'Almamy du Fouta-Diallon, qui réside à Timbo dans les montagnes ».
Aux environs de 1830, nos intérêts au Nunez sont donc de peu d'importance; une seule maison de commerce française y possède un comptoir qui est situé à Boké, quelques négociants du Sénégal font des affaires par l'intermédiaire de boutiquiers indigènes qui travaillent en même temps et surtout pour leur propre compte; enfin de temps à autre des goélettes de Saint-Louis ou de Gorée entrent en rivière pour faire la troque au mouillage. Parfois les marchandises de traite servent à l'acquisition d'esclaves qui sont discrètement rassemblés en Guinée portugaise ou aux îles du Cap Vert en attendant d'être transportée au Brésil. Les Anglais, qui disposent sur la côte de navires de guerre en plus grand nombre que les nôtres, pourchassent sans répit les négriers, mais ils ont tendance à voir en tout traitant français un trafiquant d'esclaves ; les suspects sont arrêtés et ainsi prend fin une concurrence gênante. Le sieur d'Erneville en fit l'expérience. Le 2 mars 1837 sa goélette le Niger embouquait le Nunez, lorsqu'elle rencontra le brick de guerre anglais le Curlew. Soumise à une visite et soupçonnée de servir à la traite des noirs, la goélette avec son équipage fut conduite à Freetown où le maître du bord dut rester incarcéré pendant neuf mois avant d'être jugé et acquitté ; la Cour d'Amirauté reconnut que les actes de piraterie commis par le Niger n'avaient pas été établis de manière à autoriser la condamnation de ce bâtiment, mais que son arrestation avait été dûment justifiée par la procédure, ce qui permit de refuser toute indemnité au sieur d'Erneville. De tels faits n'étaient pas rares et, ajoutés à la concurrence, ils rendaient de plus en plus difficiles les relations.
A cette époque les traitants du Nunez sont en rapport avec les Bagas Sitémou, les Nalous et les Landoumans.
Les Bagas Sitémou, chassés depuis deux siècles du Fouta Djallon, occupent les plaines marécageuses de la gauche du bas Nunez et sur la rive droite une enclave en pays nalou : Taïdi, fétichistes, grands buveurs, courageux au travail, ils ne supportent aucune autorité, aucun commandement si ce n'est celui des chefs religieux qui parlent au nom de Kakilembé, le fétiche redouté, qui n'est pas le dieu baga lui-même mais sa représentation active sur la terre ; encore voudraient-ils en être débarrassés comme le montre l'histoire suivante. Un chef de famille particulièrement vénérable étant décédé, ses parents et amis, suivant l'usage, attachèrent le cadavre sur un siège et dans une ultime conversation, ils lui dirent:
« Tu vas voir le dieu ; il te parlera ; il te demandera ce que nous faisons. Dis-lui que tu es le dernier baga, qu'après toi il n'en reste plus. Le Dieu te croira et il nous laissera en paix ».
Dans les villages, chaque famille arrange ses affaires comme il lui plaît, sans avoir de comptes à rendre à qui que ce soit. Malgré cet état d'anarchie, les Bagas, protégés par leurs forêts et leurs marécages, ont réussi à conserver leur indépendance et les Foulahs n'ont jamais pu les contraindre à payer tribut. Les goélettes font la traite au mouillage à Taïbé et Taïdi, mais aucun traitant n'a de comptoir en pays baga.
Les Nalous habitaient autrefois la rive droite du Compony d'où, à la suite de conflits mal connus, ils sont passés sur la rive gauche, puis ont été refoulés jusqu'au Nunez où ils se sont fixés ; ils occupent la région située à l'embouchure du Cassini, les îles Tristão, la rive droite du Nunez depuis l'embouchure jusqu'au village de Bel-Air et des enclaves sur la rive gauche (Sokoboly, Daplon, Guémé Sansan) 2. Autrefois, les villages nalous étaient autonomes ; entre eux, le lien était le chef religieux du Simo. Attaqués par les Yolas, les Tendas, les Foulahs et même les Landoumans, les Nalous comprirent la nécessité de s'unir pour faire front contre leurs ennemis et ils se donnèrent un roi. La légende veut qu'un certain Bakin, originaire de Sélimakade, près de Kakota, qui souffrait d'impuissance et qui venait d'épouser une toute jeune femme, soit allé à Daplon consulter un célèbre guérisseur soussou. L'ayant complètement rajeuni, le guérisseur lui demanda la forte somme et comme Bakin ne l'avait pas, il dut retourner dans son village pour y chercher de l'argent. Il eut l'imprudence de laisser à Daplon sa nouvelle épouse. Les jeunes gens du pays tentèrent de la séduire mais elle demeurait intraitable, alors ils entrèrent dans les peaux de panthères, se cachèrent dans la brousse près du marigot et lorsque la femme vint puiser de l'eau, ils l'assaillirent et de leurs griffes la déchirèrent. Bakin, apprenant la fin de sa femme, réunit les hommes de son pays et vint attaquer Daplon dont il extermina tous les habitants, puis il convoqua tous les chefs de villages et se fit désigner comme chef suprême des Nalous. Son fils, Mangué Ratéya, lui succéda, et avec lui, la légende fait place à l'histoire. A la mort de Ratéya, il ne restait aucun descendant de Bakin dans la ligne masculine, alors se présenta une de ses filles, Boyah, qui avait épousé un Nalou de Kakissani: Tawili ; elle demanda que le bandeau des rois soit donné à son fils Salifou Tawili ; les notables acceptèrent et ainsi vint au pouvoir la famille Tawili, que les Anglais appelèrent Towl et les Français Towel 3. Les Tawili habitaient Sokoboly ; ils avaient pour voisins et adversaires les Sampli de Guémé Saint-Jean et les Kilagui de Cotonou, qui ne cessèrent et ne cessent encore de conspirer pour faire entrer dans leur famille le titre de roi des Nalous.
Salifou Tawili avait cherché à s'établir en pays landouman en amont de Bel-Air ; la guerre avait aussitôt éclaté et les Nalous battus avaient dû se retirer vers Kanfarandé (Victoria) ; leur chef décida de fixer sa résidence au petit village de Caniope, situé sur la rive droite du Nunez. Les Landoumans forment une branche de la famille des Tiapys ; selon la tradition orale, ceux-ci seraient originaires du village de Mandé, près de Siguiri ; de là, ils auraient émigré d'abord au Fouta-Djallon ; chassés par les Foulahs musulmans, ils se sont réfugiés ensuite dans la région comprise entre Kadé et Koumbia, où les aurait conduits un certain Tenguélia dit Coli et où ils ont encore aujourd'hui plusieurs villages (la rivière Tominé qui traverse cette région porte le nom de Koly). Une fraction des Tiapys-Cocolis vint se fixer dans le Kakandé. Les Tiapys-Cocolis et les Tiapy-Landoumans parlent la même langue et les mariages sont fréquents entre eux bien que les premiers soient restés animistes alors que les seconds se sont peu à peu islamisés.
Le premier chef landouman de Kakandé aurait été un certain Mandialé Coumbassa, qui habitait le village de Kakandé ; son frère cadet, Modiéré, qui habitait Boké, lui succéda et la règle s'établit que le roi serait choisi parmi les descendants de Mandialé ou de Modiéré, à tour de rôle, ce qui explique qu'il demeurait tantôt à Kakandé (Wakrya), tantôt à Boké. Sur les successeurs de ces deux ancêtres, les souvenirs des vieux Landoumans sont confus et contradictoires. René Caillié indique qu'en 1827 l'héritier présomptif Macandé habitait Boké ; le traité du1er avril 1839 est signé à Wakrya par le roi Sara, un mandialé.
Entre Nalous et Landoumans, la guerre ne cesse pas et pour les Foulahs qui sont les suzerains du pays, elle est une excellente raison d'intervenir et de piller successivement les deux adversaires. Au milieu de ces scènes de violence et de rapine, les traitants pratiquaient au mieux une politique de courtage, promettant leur appui à ceux qui leur offraient le plus. La difficulté venait de ce qu'ils n'étaient pas d'accord ; dès que les Anglais se déclaraient alliés des Landoumans, les Français se croyaient obligés de soutenir les Nalous et inversement. Il arrivait ainsi qu'à certains moments les agents des maisons de commerce se trouvaient réellement en péril, eux et leurs marchandises, alors ils demandaient l'envoi d'un navire armé pour les protéger.
Les démonstrations de ce genre étaient assez rares. L'insalubrité des rivières était telle que les bâtiments de guerre n'y entraient pendant la saison des pluies qu'en cas de nécessité; en général, ils se contentaient d'y faire de courtes apparitions entre les mois de décembre et d'avril. A bord des navires le paludisme et la fièvre jaune faisaient de véritables hécatombes et le développement des relations entre le Sénégal et les côtes de Guinée devait bientôt étendre les foyers d'épidémie jusqu'à Gorée et Saint-Louis. Le 13 juin 1830 une terrible épidémie de fièvre jaune éclate brusquement à Gorée et enlève le tiers de la population européenne, puis elle s'étend à Saint-Louis où elle cause les mêmes ravages ; il fut établi qu'avant de se manifester à Gorée, la maladie sévissait sur toute la côte Sud et notamment à Sierra-Leone et en Gambie. Nos amis les Anglais connaissaient les mêmes ennuis et l'escadre qu'ils entretenaient sur la côte pour chasser les négriers avait été surnommée « the coffin squadron », l'escadre-cercueil. C'est ainsi qu'au mois de juillet 1837, une maladie mal déterminée se déclare à bord du Curlew, qui se trouve à ce moment en rade de Bathurst ; en quelques jours elle emporte la moitié de l'équipage ; à la demande du gouverneur Randall, qui devait être lui-même une des victimes, Dagorne consent à envoyer à Bathurst le chirurgien Dupuis de l'hôpital de Gorée, qui diagnostiqua la fièvre typhoïde. Au mois d'octobre l'épidémie fait son apparition à Gorée et de là s'étend à Saint-Louis. Il faut tenir compte de ces désastres, qui se produisaient avec plus ou moins de violence à chaque hivernage, si l'on veut comprendre certaines hésitations de notre politique sur la côte de Guinée.
sEn 1838, le roi Landouman Sarah, exigea des traitants en don de joyeux avènement, le quadruple des coutumes qu'ils payaient jusque là, soit 200 gourdes au lieu de 50 et il voulut porter de 15 à 200 gourdes le droit d'ancrage. Les traitants refusèrent de se soumettre à ces prétentions ; aussitôt leurs factoreries furent pillées puis incendiées, entre autres celles des sieurs Boucalines et Valentin. Le roi lui-même vint attaquer et piller un navire anglais et un américain, à l'ancre dans la rivière. De Freetown, on envoya le brick le Curlew pour ramener à la raison les Landoumans et leur roi ; son apparition n'eut aucun effet. Au mois d'avril la goélette La Fine, commandée par le lieutenant de vaisseau de Laroche-Keraudraen intervint à son tour ; avec un petit détachement, l'enseigne Tierry entre à Wakrya où il trouve Sarah ivre mort. Dégrisé à peine, le roi se montra raisonnable en ce sens qu'il consentit à donner toutes les garanties verbales que l'on exigeait de lui 4, mais, dès le départ de la goélette, les troubles recommencèrent plus graves qu'auparavant et comme le gouverneur du Sénégal n'était pas autorisé ni disposé à intervenir militairement, moins encore à placer une garnison au Nunez, il ne lui restait qu'à jouer le rôle ingrat de conciliateur. Au mois de mars 1839, la Fine entrait de nouveau en rivière, et venait mouiller devant Wakrya ; après avoir pris contact avec les négociants français et anglais, le lieutenant de vaisseau Querret réussit à imposer au chef des Landoumans, au représentant de l'Almamy du Fouta et aux chefs Nalous, un accord en forme de traité d'où théoriquement devaient sortir l'apaisement et la fin des luttes qui désolaient le pays.
Wakaria, le 1er avril 1839.
« Entre nous ci-après dénommés, tous négociants résidant dans le Rio Nunez avons arrêté les conditions suivantes en présence de M. Querret, lieutenant de vaisseau, commandant la goélette de S. M. la Fine, du Roi Sarah, chef des landoumans et Mamadou Boye, ministre du Roi du Fouta Diallon, Almamy.
Par suite des difficultés et entraves mises au commerce dans le Rio Nunez, nous nous sommes réunis afin de lever tous les obstacles qui jusqu'à ce jour ont troublé la tranquillité du pays, nous avons, à l'aide de M. le Commandant de la Fine, obtenu la paix aux conditions suivantes :
Signé: Antonin d'Erneville, marque de Sarah.
Pre d'Erneville marque de Sangorah.
Bicaise
Maioh
Laporte marque de Dullaw
Campbell.
Mamadou Boye.
Nous, Racchia et Salifoux, nous engageons à ne plus troubler la libre navigation du Nunez.
3 avril 1839. »
Etant donné la mentalité des chefs landoumans et nalous ce traité ne valait que dans la mesure où la force était prête à appuyer le droit. Or, on l'a vu, les navires de la Station d'Afrique ne venaient que rarement au Nunez et leurs commandants avaient pour instructions d'éviter toute violence ; dans ces conditions la situation politique ne pouvait pas s'améliorer. Le traité de 1839 eut pourtant le résultat d'attirer l'attention sur une contrée susceptible de devenir intéressante pour les commerçants du Sénégal. On y trouve de l'or, écrit le Gouverneur Charmasson au Ministre des Colonies, le premier avril 1840, de la cire, des cuirs, du café de qualité supérieure, du riz en grande quantité, un peu d'ivoire ; il serait facile d'y troquer de la verroterie, de la poudre, des fusils anglais (les indigènes refusent les nôtres de qualité trop inférieure), des guinées de l'Inde, du corail. Les bénéfices sont immenses, mais le pays est insalubre, ce qui explique qu'il soit abandonné aux pacotilleurs alors qu'il est si riche ; il faudrait, ajoute le gouverneur, y fonder un établissement avec un capital de 3 à 400.000 francs, mais les commerçants ne s'engageront pas dans cette voie s'ils ne sont pas certains d'avoir la protection du Gouvernement, protection qui suppose la construction d'un comptoir fortifié avec garnison.
Pour le moment nous n'étions pas les seuls à nous intéresser au Nunez et il ne pouvait être question d'en prendre possession et d'en exclure les autres. Au début de l'année 1840, les Anglais avaient voulu arborer leur pavillon chez Salé Fou, chef des Nalous ; cet indigène avait un mauvais canon monté, sur deux rames dont il tirait beaucoup d'orgueil et peu de force mais qui lui permettait pourtant d'exiger des navires qui remontaient la rivière un droit de passage de 50 francs. Salé Fou ayant repoussé les avances des Anglais, ils s'installèrent un peu plus en amont, en un lieu inhabité d'où ils protégeaient tant bien que mal les deux commerçants anglais du Nunez, les sieurs Campbell et Dullaw. Les gérants des comptoirs français, au nombre de quatre maintenant, ne cessaient de demander de l'appui, mais comme ils étaient concurrencés par les négociants de Gorée et de Saint-Louis dont les goélettes venaient faire la traite au mouillage, ils encourageaient en sous-main Salé Fou à exiger un droit de passage élevé et à tracasser les caboteurs du Sénégal. A cet égard ils n'agissaient pas autrement que les Anglais et le Commandant particulier de Gorée les accusait d'être devenus les agents de Bicaise, qui faisait lui-même la traite pour le compte de Forster, de Sainte-Marie de Bathurst et de Campbell, de Sierra-Leone. Il est bien évident que, pour tous les traitants, une seule chose comptait : faire fortune ; quant à donner à la France un empire colonial, ils le faisaient mais sans le savoir, car ils manquaient trop d'idéal pour en avoir la pensée. Il faut d'ailleurs reconnaître impartialement qu'à cette époque la vie était rude dans les comptoirs de la côte et que ceux qui venaient y tenter la chance avaient trop à faire avec les dures réalités du moment pour songer à l'avenir de la colonie.
En dépit de l'accord signé en 1839, les traitants restaient exposés à de continuelles vexations. Au mois de février 1841, la goélette la Fourmi, s'étant brisée sur des rochers devant le cap Verga, fut envahie par les indigènes de la côte qui pillèrent la cargaison. Le gouverneur du Sénégal ordonna au Commandant de la Cigale d'aller à Kakandy faire une enquête, de se renseigner attentivement sur la situation de nos traitants, sur les griefs dont ils se plaignaient et sur les moyens d'y porter remède. Ces griefs étaient connus depuis longtemps ; ils se résumaient en un mot : l'insécurité. Quant au remède, nul ne l'ignorait non plus ; il suffisait de montrer en permanence sa force et d'être prêt à s'en servir au besoin, mais le gouvernement français voulait éviter tout désaccord avec Londres et il reculait indéfiniment devant une action décisive. Alors que nos nationaux étaient brutalisés et rançonnés par des bandes de pillards sans foi ni loi, c'est sur des traités, c'est-à-dire sur le respect d'une signature, que nous comptions pour établir la paix et ramener l'ordre. Aux actes de brigandage succédait une intervention pacifique et comme conclusion un traité de ce genre avec le roi Sarah assisté des principaux chefs des Landoumans ; la France accorde sa protection au roi Sarah qui s'engage à garantir vie sauve à nos négociants et sûreté à leurs marchandises, moyennant quoi il lui sera payé par chaque négociant de Kakandy une coutume mensuelle de dix gourdes, les goélettes seraient assujetties à un droit d'ancrage de 16 gourdes. En somme le gouvernement français accordait sa protection non pas à ses nationaux mais au principal auteur des actes de brigandage dont ils se plaignaient. Les effets de cet acte furent ce qu'ils devaient être. Onze mois plus tard, le lieutenant de vaisseau Fleuriot de Langles, commandant la canonnière la Malouine, remontait le Nunez et le 6 décembre 1842 il imposait un nouveau traité au roi Sarah « qui par ses exactions a encouru le déplaisir du Gouvernement de S. M. Louis-Philippe ». La protection de la France lui était retirée ; tous rapports cessaient avec lui et il recevait l'ordre de déléguer tous ses pouvoirs, lui roi des Landoumans, à Lamine, le chef des Nalous, ses pires ennemis. En cas de complications les Nalous, qui devenaient nos alliés, devaient prévenir les traitants de Kakandy et les inviter à descendre dans les villages nalous ; au besoin ils s'engageaient à participer à l'expulsion de Sarah. Ce traité, de même que ceux qui l'avaient précédé, n'eut aucun résultat ; le roi Tongo continua de gouverner les Landoumans et de piller tous ceux qui étaient sous sa coupe. Devant l'impossibilité de mettre fin à ses fantaisies, le gouverneur du Sénégal chercha à s'appuyer plus solidement sur les Nalous, avec qui un nouveau traité est passé le 27 mai 1845 ; les chefs nalous garantissent le libre commerce aux Français et s'engagent à faire venir les produits du pays pour les troqueurs français ; enfin, et c'est une innovation, ils reconnaissent
« ... que la vente des esclaves est un trafic mauvais et criminel ; ils déclarent qu'ils la prohibent et qu'ils feront tout ce qui dépendra d'eux pour la faire cesser ou la prévenir dans l'étendue du pays soumis à leur propre autorité... »
En compensation de cette renonciation au commerce des esclaves les chefs nalous recevront pendant 5 ans, à titre de coutumes, 50 fusils, 40 barils de poudre, 1.000 francs en argent, 100 livres de tabac et deux pièces de guinée.
Il est à remarquer que les traités en 1839, 1842 et 1845 n'attribuent à la France aucun privilège, qu'ils ne comportent aucun protectorat 5 et aucune cession de territoire ; la France reste donc théoriquement sur le même pied que les autres nations dans le Nunez. En fait, les interventions successives de ses navires de guerre et le développement rapide du commerce français lui ont acquis une situation prépondérante dont les indigènes ont conscience.
Jusqu'en 1840 bénéficient seuls d'une « modération » des droits d'entrée en France, les produits de la côte occidentale d'Afrique exportés des établissements du Sénégal, c'est-à-dire de Saint-Louis, de Gorée, et plus tard de Sédhiou. Les points de la côte situés au Sud de la Casamance et sur lesquels aucune puissance européenne n'a encore fait valoir de droits sont ouverts au commerce de toutes les nations ; les produits qui en viennent en droiture sont donc considérés à leur entrée en France comme d'origine étrangère et ils sont soumis comme tels aux droits de douane sans aucune réduction sur le tarif. Lorsqu'à la suite de la mission Bouet, le gouvernement décida de créer des comptoirs dans le golfe du Bénin, il comprit qu'il fallait encourager le commerce colonial et la marine marchande et, par une ordonnance du 23 juillet 1840, il réduisit les droits d'entrée en France sur différents produits originaires de la côte occidentale d'Afrique à condition qu'ils fussent importés en droiture par navire français. Les commerçants de Saint-Louis et de Gorée se plaignirent de ces dispositions ; ils n'étaient plus les seuls à profiter du régime privilégié et désormais les produits du Sénégal n'étaient pas plus favorisés à l'importation en France que ceux qui provenaient du Nunez, du Pongo, de Bassam, ou d'Assinie. Tous les produits n'étaient pas admis au traitement de faveur mais seulement quelques-uns, nommément désignés et spéciaux à la côte d'Afrique: les arachides, les noix de touloucouna, les huiles de palme, de coco et de touloucouna, le bois de santal rouge, les dents d'éléphants, enfin la cire. Les articles qui intéressaient le plus le commerce du Nunez, c'est-à-dire les arachides, les huiles de palme, la cire et l'ivoire, bénéficiaient donc de la détaxe ; un seul en était exclu, le café. La commission chargée d'examiner le projet de loi sur les douanes avait observé (Moniteur du 15 août 1840) que le café n'est pas un produit venant exclusivement de la côte occidentale d'Afrique, mais qu'il vient aussi d'autres régions et que la différence de 17 francs aux cent kilos entre le droit proposé et celui qui correspond au plein tarif est assez considérable pour favoriser des spéculations illicites. Le café du Nunez exporté en France en droiture supportait donc, comme par le passé, un droit de 95 francs aux cent kilogs; seul était admis au droit de 78 francs le café provenant de nos établissements ou qui y avait été apporté par terre de l'intérieur. Comme pratiquement le café de Kakandé ne pouvait être amené par terre dans les établissements du Sénégal, les négociants du Nunez ne bénéficiaient pas de la détaxe. Ce n'est qu'en 1845 que le Ministre, constatant que le refus d'appliquer aux cafés la modération de droit de la loi du 6 mai 1841 restreignait le commerce du Nunez, décida que désormais ils seraient admis en France au droit de 78 francs à condition que l'origine en soit attestée par un commerçant français du Nunez assermenté pour cela. Les certificats devaient être visés ensuite à Gorée. Par arrêté du 24 janvier 1846, un sieur Boukaline, négociant français au Nune 5, de réputation intacte, était désigné pour dresser les certificats d'origine.
Au mois de janvier 1848 le conseil d'arrondissement de Gorée avait remarqué le développement rapide du commerce français dans la région comprise entre Gorée et Sierra-Leone et une fois de plus il avait demandé qu'une protection efficace fut assurée au traitant. Aux plaintes des commerçants, les officiers de la Marine Nationale répondaient que la situation fâcheuse des factoreries françaises le long de la côte s'expliquait par la mauvaise conduite des agents, par leur mauvaise gestion, leur manque de capacités et leur ignorance des usages du pays.
« Jamais, écrit en 1850 le lieutenant de vaisseau de Kerhalet, commandant la Prudente, jamais aucun négociant n'a été plus soutenu, plus appuyé à tort ou à raison par les bâtiments de guerre de la station que le traitant français du Sénégal. On a fait jouer aux bâtiments français un rôle d'épouvantail pour contraindre les indigènes à payer ce qu'ils ne doivent pas. Cependant ces bâtiments ne doivent pas être un moyen de réparer les fautes des agents au détriment de la justice ; ils ne doivent pas se transformer en huissiers pour assurer le recouvrement des créances contestées et contestables... »
Marine et traitants n'avaient-ils pas également raison ? Par ordre, la marine avait souvent donné son appui à des traitants en difficultés; il ne lui avait pas été permis d'assurer efficacement la protection du commerce.
Quoi qu'il en soit, la situation politique était plus troublée que jamais au Nunez. Vers la fin de l'année 1844, le roi Sarah était mort à Wakrya et ses deux neveux Tongo et Mayoré 6 commencèrent aussitôt à se disputer le pouvoir. Tongo, installé à Wakrya, était soutenu par les vieux notables, par les Anglais, par un certain Bou Sény 7, qui avait le privilège de couronner les chefs landoumans et qui s'empressa de lui donner l'investiture ; Mayoré demeurait à Boké ; en sa qualité de représentant de la branche Modiéré, il aurait dû, selon la règle d'alternance, succéder à Sarah ; il avait pour partisans les traitants français qui pensaient obtenir de lui des avantages ; sur les conseils des Français, Mayoré fit alliance avec les Nalous pour obtenir l'aide du chef de bandes Youra, frère du roi, puis ayant attaqué et brûlé Wakrya il se fit proclamer roi des Landoumans. Tongo se plaignit ; les agents de la maison d'Erneville, les sieurs Ismaël Taï et Jean Bambara, avaient ouvertement pris parti pour Mayoré, l'avaient aidé de tous leurs moyens et lui avaient même fourni des hommes pour guerroyer. Aussi lorsque Tongo vint quelques mois plus tard assiéger Boké avec l'appui des mercenaires baga les traitants français furent-ils obligés d'évacuer leurs comptoirs et de se réfugier, non sans pertes, dans le bas de la rivière. Avec des alternatives de défaites et de succès les adversaires ne cessaient de guerroyer et au début de 1848 la goélette l'Amaranthe dut entrer dans le Nunez pour tenter une fois de plus d'y rétablir l'ordre. Son commandant, Ducrest de Villeneuve, signait d'abord avec le roi des Nalous un traité par lequel celui-ci s'obligeait à assurer la liberté de la navigation sur la rivière depuis son embouchure jusqu'à hauteur de Rapass, ensuite il réunit à Wakrya les chefs ennemis Tongo et Mayoré et devant le représentant de l'Almamy du Fouta, il les menaça de châtiments sévères s'ils continuaient à troubler la tranquillité du pays. Tandis qu'il cherchait à terminer cette affaire dans un sens favorable à nos intérêts, un navire anglais le Grappler, vint mouiller devant Rapass. Les commandants de l'Amaranthe et du Grappler convinrent de désigner Tongo comme chef des Landoumans et de fixer sa résidence à Boké. Mais les traitants Bicaise et Campbell ayant fait observer à l'officier anglais que si le chef des Landoumans habitait Boké il serait entre les mains des Français, qui sauraient bien en profiter pour attirer à eux tout le commerce, l'accord fut rompu. Le commandant du Grappler fit alors porter des cadeaux magnifiques au représentant de l'Almamy, Madiou, pour qu'il se prononçât dans le sens des intérêts britanniques, c'est-à-dire en désignant Tongo et en lui fixant Wakrya comme résidence ; Madiou prit les cadeaux et après consultation des notables, décida que Tongo serait le roi et qu'il viendrait résider à Boké. La cavalerie de Saint-Georges aidant, Tongo refusa de s'établir à Boké et se réfugia chez Bou Sény. Alors le Foulah, qui n'était pas embarrassé pour si peu, réunit de nouveau les notables et obtint qu'ils choisissent comme chef Mayoré, qui fut proclamé roi des Landoumans. Ducrest de Villeneuve lui fit signer un traité par lequel il cédait à la France un terrain sur le plateau de Boké, après quoi l'Amaranthe partit laissant en rivière la Fine pour protéger nos nationaux.
S'étant ainsi aliéné une partie de la population landoumane restée attachée à Tongo, les traitants français ne devaient pas tarder à se brouiller avec les Nalous. Pour obtenir l'intervention de Youra, ils lui avaient fait la promesse de l'indemniser de ses faits et pertes de guerre; les hostilités terminées, il ne put rien obtenir et il en conserva un profond ressentiment.
A ce moment, alors que nous nous trouvions dans une situation aussi désavantageuse que possible, la goélette de guerre belge, la Louise-Marie, arrivait au Nunez.
Notes
1. Il ne reste aucune trace des tombes du Major Peddie et de ses compagnons et leur emplacement ne peut être situé avec certitude. René Caillié indique que la factorerie Bethman, voisine de la factorerie Tudsberry, se trouvait au bas de la « petite montagne » et qu'à peu de distance à l'est on voyait un petit ruisseau dont les eaux claires coulaient en cascade. Les tombes doivent donc se trouver à quelques mètres à l'Est du chemin qui mène du plateau au débarcadère et à peu près à mi-hauteur.
2. Sokoboly: le serpent; sur certaines cartes du milieu du XIXe siècle on lit: Cassakoboly, des deux mots Ka et Sokoboly, l'endroit du serpent. Guémé Sansan : le mur de pierres, dont les cartographes ont fait Guémé Saint-Jean.
3. Arcin. Histoire de la Guinée, donne de l'arrivée au pouvoir de Tawili une version différente. A remarquer que Ratéya (Racchia) et Salifou interviennent ensemble dans l'acte additionnel au traité passé avec les Landoumans le 1er avril 1859.
4. Arcin. Histoire de la Guinée. Tome 1, page 285.
5. La protection promise à certains chefs ne constitue pas un protectorat.
6. Dans les rapports de l'époque les Français écrivent Mayoré et les Belges Majérah. On trouve aussi Madioré.
7. On trouve le plus souvent l'orthographe Bouchené ou Bouchény.
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