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Presse écrite


L'Economie guinéenne

Magazine de l'économie guinéenne - N° 07 - Juin 1998


Lettre de l'éditeur
La croix et la bannière
Cheick Ahmed Tidiane Diallo


Le Forum des Investisseurs des 26, 27 et 28 mai 1998 est une excellente initiative qui offre d'énormes opportunités d'affaires et qui, a n'en point douter, enclenchera une dynamique propice à la consolidation du faible tissu industriel de notre pays. Ce rendez-vous des échanges est conforté par des statistiques qui, sur le plan mécanique, donne une image satisfaisante de l'état de santé de l'économie nationale:

Mais comme une hirondelle ne fait pas le printemps, le tout puissant Ministre de l'Economie et des Finances Kassory Fofana met le doigt sur les faiblesses structurelles des finances Publiques:

Il faut rendre un hommage particulier au courage quasi-suicidaire de Kassory Fofana qui se bat pour assainir les hautes sphères de l'Administration afin de minimiser l'impact négatif de la corruption sur la croissance économique nationale. Par exemple, l'audit externe commandité par le grand argentier national avait permis en 1997 de débusquer 57 Milliards de créances douteuses sur une masse totale de 60 Milliards de réclamations. Cela a permis de réduire sensiblement l'hémorragie au niveau des finances nationales. Cette tendance à la rigueur a permis de débloquer 38 Milliards de GNF au titre de la facilité d'ajustement structurel renforcé, arrangement en deux virements qui vient d'être entériné par le Fonds Monétaire International. Ce formidable effort doit être poursuivi et approfondi vu que pour relancer durablement la croissance, les résultats présents doivent être améliorés. Pour la Banque Mondiale les effets de l'aide extérieure sur les performances économiques resteront toujours très faibles pour les pays engagés dans des réformes profondes favorables au marché. Sont particulièrement importants:

Viennent ensuite

Ces préalables sont indispensables pour soutenir la croissance et élever le seuil de compétitivité. Mais le facteur fondamental est la crédibilité réformatrice du Gouvernement par la stabilité des programmes d'assainissement consistants et fiables. Chez nous, on est loin de la coupe aux lèvres car l'économie est gérée de « façon administrative » par des cadres dont la priorité absolue est de se remplir les poches. Décourageant du coup les meilleures bonnes volontés du monde. Ce Forum des Investisseurs « managé » par l'Administration avec l'appui du PNUD et de l'ONUDI arrive dans un contexte d'incertitudes: 1998 est une année électorale particulièrement peu propice aux investissements qui, quoiqu'on dise, sont une prise de risque énorme même si par ailleurs la stabilité est de règle dans notre pays; ensuite le rôle pesant de l'administration dans l'organisation du Forum n'est pas un gage de succès car tout un chacun est conscient que le principal facteur bloquant le progrès de ce pays depuis 1958 est précisément cette administration là. Monsieur Michel Kamano, Président du Conseil Economique et Social en affirmant « que l'administration est vieillissante et inefficace » enfonce une porte ouverte car depuis l'indépendance, environ une poignée de 500 cadres inamovibles et immobiles tiennent en otage le pays tout entier. Une administration efficace est une administration intelligente et imaginative. Dans le contexte guinéen, elle aurait commencé par sublimer les gisements de prospérité relative que sont les enclaves FRIGUIA à Fria et CBG à Kamsar en créant des zones franches industrielles à deux vitesses:

A Kamsar on trouve, par exemple, toutes les infrastructores de base nécessaires:

On aurait pu créer dans cette région une zone industrielle rapidement opérationnelle, avec des Banques off-shore, des industries novatrices à forte valeur ajoutée, des entités vouées aux prestations de services pointus, en s'adossant principalement sur « l'appel d'air » que constituent les lourds investissements réalisés d'une part, par I'Etat guinéen avec des concours extérieurs, et d'autre part, par les grosses multinationales Nord Américaines et Européennes. Cela aurait permis de créer un immense pôle d'activités génératrices de devises et d'emplois susceptibles de rééquilibrer le poids outrancier de Conakry sur la vie économique nationale, en ouvrant au progrès économique toute la zone nord de la Guinée qui va de Boké à Siguiri en passant par Gaoual, Koundara et Labé.

Déjà la Guinée Bissau, qui a compris l'importance économique de cette zone a conclu avec le Portugal un accord pour la construction d'un chemin de fer qui la reliera au Mali en passant par le nord de la Guinée.

Mais à vouloir tout concentrer à Conakry on aboutit au début d'asphyxie qui caractérise actuellement la cipitale guinéenne. Il est facile de comprendre que par sa configuration physique et son attrait irrésistible, Conakry étouffe littéralement et par retour de bâton, étouffe l'ensemble du pays. Un seul chiffre donne l'imensité du dilemme. Conakry qui concentre l'ensemble des activités industrielles, compte 20% de la population nationale et engloutit 70 % des investissements en infrastrurctures du pays. Ce seuil difficilement tenable donne une idée de l'urgence et de la gravité de ta situation et interpelle l'ensemble de l'intelligentsia et des populations actives. Si notre Administration ne se fait pas violence en rompant avec les pratiques détestables:

qui lui collent à la peau pour faire preuve d'efficacité et d'imagination, il est fort à craindre que l'avenir de Conakry comme capitale de notre pays ne soit déjà du domaine du passé et que le développement économique de la Guinée tant espéré ne soit renvoyé pour l'instant aux calendes grecques.

Diallo Cheick Ahmed Tidiane


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