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Presse écrite


Silence, on traîne !

Le Lynx. N° 370 - 26 avril 1999


A l'Assemblée nationale, les choses n'auront pas traîné pou rien. Chacun a eu le bureau qu'il voulait avoir. Le PUP a fini par avoir Biro. Deux membres de l'ancien bureau ont été maintenus. Sory Doumbouya, président de la Chancellerie de l'Ordre de Mérite et Moussa Molota Camara ont pu passer entre les mailles du filet. Tout le reste c'est du sang neuf, parfaitement capable de baliser un nouveau champ de bataille dans lequel on pourrait bien contenir les ardeurs stylistiques et oratoires du président Biro Diallo. La plupart des inconditionnels du Vieux Biro appartiennent au bon vieux camp.

Biro, lui, n'est pas passé par quatre chemins pour avoir le PUP. Ancien numéro1 et demi du parti, aujourd'hui voué aux gémonies, le Vieux est toujours là. Inamovible. Il ne bougera pas d'un iota de son fauteuil de président du Parlement, de son piédestal de numéro 2 du pays. Bien qu'il n'hésite pas à « affronter » le numéro 1 de l'Exécutif, qui avait mis le parti sur pied, pour le soutenir. Même si ce parti commence à critiquer à voix basse les actions qu'il soutient à voix haute, depuis le remaniement ministériel du 12 mars dernier.

La dernière élection du bureau de l'Assemblée n'aura été autre chose que le reflet de l'échec d'un sérieux non-dit dans le programme post-électoral que le PUP voulait sans doute mettre à exécution une fois que le Président de la République aurait prêté serment le 29 janvier.

Si le PUP n'avait pas ressenti le besoin de se faire soutenir par l'Administration, s'il avait pu mettre la main sur l'électorat avec la même aisance, la même dextérité, que celle qu'il met sur le budget des élections, il n'aurait pas eu besoin de traîner en longueur pour doter l'Assemblée d'un bureau capable de mieux tenir Biro à un an des législatives. S'il avait maîtrisé l'environnement électoral du 14 décembre dernier, il n'aurait pas hésité à demander au Président honoraire du parti de lui faire l'honneur de demander aux honorables députés de bien vouloir reprendre le chemin du village à bord de leur voiture « Muso » à problèmes pour se faire réélire. Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais le programme électoral de Fory Coco au mois de décembre dernier portait sur un point unique: la réélection du Président de la République. Et chacun, en sourdine d'avoir son programme-annexe. Bien ficelé. Sous les aisselles. Le sourire en avant. Il est fort à parier que le PUP est resté intact, parce que la Guinée a mal voté. Fory Coco a été élu « dès le premier tour ». Le PUP s'est conservé, a survécu à la victoire de son Président-donneur, parce que, quelque part à la Cocoteraie et à Kameroun, on a dû craindre un mauvais second tour, consacré à des législatives anticipées. Aujourd'hui, on n'aurait pas eu besoin d'élire un bureau neuf. Biro partait avec son Assemblée, ses ambiguïtés, ses prises de position solitaires ou solidaires. L'Exécutif se serait tapé, non pas un nouveau bureau plus compréhensif à la tête du Législatif, mais une nouvelle législature qui lui aurait permis d'amorcer le tournant du parti unique avec plus d'aisance. L'opération a raté.

Par la faute des opérateurs. Le nez entre le pouce et l'index, l'Assemblée a élu un nouveau bureau pour traîner vers la dernière année de la législature. Il ne reste plus qu'un seul paradoxe. Celui de l'aveuglement. Comment le PUP n'est-il pas arrivé à tirer les conséquences de son incapacité à ôter Biro de la Présidence de l'Assemblée Nationale ? Par la faute des textes, Biro doit, vaille que vaille, présider aux destinées du parlement guinéen pendant 5 ans. Quels que soient ses rapports avec le Président de la République et le reste du pays. Ou ceux de son médecin traitant.

La même Assemblée Nationale, le même PUP, « discutent » actuellement une proposition de loi qui prolonge le mandat du Président de la République de 5 à 7 ans. Quels que soient l'âge de celui-ci, ses relations avec le pays et sa bonne gouvernance. Le mal que l'on déplore à la tête du Législatif est transféré par un vote de celui-ci à la tête de l'Exécutif. Si le Judiciaire pouvait se doter d'une tête assez forte pour bloquer le processus …!

Diallo Souleymane


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