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Presse écrite


Silence, on s'exile !

Le Lynx. 9 août 1999


Cette fois-ci, les choses sont très claires. Nous ne sommes pas le nombril du monde. Nous avons exporté, que dis-je, exilé deux petits cadavres extrêmement bavards que les Belges ont fini par découvrir royalement le 4 août dans le train d'atterrissage de l'un de leurs avions de leurs lignes royales. Nous avons exporté deux petits Guinéens, qui voulaient fuir la misère. Ils en sont morts. Comme Dr Taran dans sa déposition de 1971 au Camp Boiro, Yaguine Koïta et Fodé Tounkara ont voulu profiter de leur mort pour aider les vivants. Ou plutôt ceux qui se croient tels dans un pays, sur un continent qui se meurent. Koïta et Tounkara portaient sur eux le message de désespoirs face à la vie. Ce message, écrit par eux ou par quelqu'un d'autre, est devenu du coup, celui de l'Afrique, celui que l'Afrique lance à l'Europe, pour lui faire des reproches. Sous forme de complaintes. Ce sont des collégiens et des lycéens qui "vont à l'école pour perdre leur temps.

Allez à Donka, à Yimbaya, à Kaloum! Allez aux abords de nos lycées et collèges pour écouter "la jeunesse de Guinée". Allez aux abords des marchés de Conakry, dans les couloirs des ministères, à la devanture des bureaux, dans les salles d'attente de certaines entreprises où des oncles, des tantes, des cousins, de la vieille génération ont pu décrocher un semblant de travail. Vous tomberez nécessairement sur un échantillon, sur un type de ces âmes désespérées, qui forment actuellement notre jeunesse.

Faites un tour à Kindia, Boké, Labé, Mamou, Faranah, Kankan ou N'Zérékoré, vous verrez que si la Guinée est une misérable famille, "sa jeunesse" n'est plus qu'un immense désespoir.

Les jeunes veulent partir. Si vous avez la nausée, revenez sur vos pas à Conakry, pour faire le tour des ambassades des grandes puissances jadis occidentales. vous comprendrez, j'en suis sûr, les raisons pour lesquelles Koïta et Tounkara ont préféré arrêter leur vie à 14 ou 15 ans, pour demander à quelque quidam de la Sogeac, de les "aider" à monter dans le train d'atterrissage d'un Air bus de la Sabena. Sans être sûrs de pouvoir en descendre. Le raisonnement aura été fort simple. S'ils en descendent, c'est tant mieux.

Dans le cas échéant, ils auront posé un acte. Ils se seront sacrifiés comme ils l'ont dit eux-mêmes, pour que d'autres ne vivent pas leurs conditions. A moins qu'on les ait sacrifiés pour que l'Europe comprenne enfin dans quel état, dans quels Etats, dans quelles mains sanglantes peuvent végéter des peuples libres et indépendants. "Donc, dans ce cas, lit-on dans la lettre de Koïta et de Tounkara, nous les Africains surtout les enfants et jeunes africains, nous vous demandons de faire une grande organisation efficace pour l'Afrique, pour qu'il soit progressé".

Koïta, vous poussez la balle trop loin.
Demandez à Tounkara de revenir en arrière pour exiger cette fois-ci que le Gouvernement de la République de Guinée veuille bien s'expliquer. Excusez de la prétention! Qu'il veuille bien expliquer un certain nombre de choses. C'est parfaitement faisable. Nous en avons les moyens. Si le Président de la
République est un général issu des élections générales, le Premier Ministre, lui, est un ancien avocat, parfaitement capable de parler. Au moins cela. Qu'il réunisse ses ministres dans une conférence de presse des plus courtoises. Je suis sûr que:

Et puis… et puis et puis… Mais enfin…!

DS


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