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Presse écrite


Les coupures de courant de la Sogel

Le Lynx. N° 364 15 mars 1999


On finira peut-être par être définitivement fixé un jour. Les coupures de courant actuelles que nous impose la Sogel ne sont autre qu'un triste symbole. Ou plus exactement un symbole de tristesse.

Nous nous étions pris à rêver. Et l'OH-RTG à analyser. A classer. Et vous savez que quand celle-là nous classe, nous sommes obligatoirement les meilleurs de la "sous-région". Si la Sogel nous avait laissé faire, nous serions déjà devenus les as du courant électrique. Plus d'un auditeur avait entendu sur Radio-Conkary que "Conakry est l'une des villes les plus éclairées de la sous-région". Quelques mois de courant ininterrompu, nous voilà au sommet de la gloire et du développement.

Hélas! Aujourd'hui, nous sommes revenus à la case départ. A l'obscurité habituelle. La Sogel a coupé la poire en deux. La foire est terminée. La gloire, réévaluée. Faute de touristes, les naïfs que nous pouvons encore tromper, seraient les passagers des lignes aériennes qui survolent Conakry sans atterrir. Les rues sont impeccables la nuit. Certainement pour quelques jours encore.
Apparemment, la Sogel cherche à breveter sa méthode. Celle qui était en vigueur peu avant la campagne pour la présidentielle du 14 décembre dernier. Le courant électrique était la chose la plus inégalement partagée du pays, que dis-je, de la capitale. Puis, brusquement, nous nous sommes retrouvés dans l'égalité de la répartition. Il paraît que nous vivions au dessus de nos moyens. Il faut continuer avec l'obscurité. Les quartiers damnés sont déjà choisis. C'est toute la banlieue qui va manquer de courant. Toute la journée. Les quartiers bénis sont connus. Dixinn et Kaloum. Si vous voulez le courant électrique, aménagez-y !

Si vous voulez monter une petite usine, il faut y aller. Si vous voulez faire marcher un ordinateur, il faut vous y rendre. Branchez-le où vous pouvez. Nous avons eu nos librairies par terre, nos pharmacies par terre, nos restaurants par terre… Bientôt, nous aurons nos prises par terre, avec piquet de terre et tout. Ainsi, les banlieusards pourront mener sur les trottoirs de Dixinn et de Kaloum toutes les activités économiques et les débrouilles quotidiennes vers lesquelles le chômage et la misère les ont galamment poussés.

Si vous êtes habitués à parcourir le pays, vous serez réconfortés dans l'idée que vous vous faisiez du travail, de la justice et de l'égalité de droit en Guinée. Allez dans n'importe quelle préfecture du pays, vous vous rendrez compte que le travail n'est pas une priorité. Si vous voulez travailler, allez à Conakry. A présent, la Sogel vous a facilité grandement la tâche. Ce n'est pas toute cette vaste ville de Conakry que vous parcourerez. Le champs des courses est rétrécie, réduit comme une peau de chagrin. Le travail, si volumineux soit-il au plan national, se fera à Kaloum et à Dixinn. C'est là qu'il faut aller le chercher. C'est là qu'il faut aller dénicher le boulot et le confort… C'est là qu'il y a le courant. Déjà, Conakry se plaignait d'avoir à se taper tout le boulot de la nation. Qu'on n'entende plus aucune plainte, si l'on n'est pas de Kaloum et de Dixinn ! La banlieue et ses P.M.E. naissantes? Au diable! On ne peut quand même pas faire tourner une machine à la bougie. Ainsi en a décidé la Sogel, en coupant les vivres aux ménages et aux industrieux que nous commencions à devenir dans cette banlieue de Conakry, dans cette antichambre de la chaleur et de la misère.

Mais, dites-moi! Saviez-vous que le droit du Guinéen au bonheur était si aléatoire? Saviez-vous que les principes d'égalité étaient si ténus chez nous? Comment une société qui monopolise la distribution du courant électrique peut-elle décider du sort de tout un peuple? Puisqu'elle a, en main le sort des populations, et les poumons de l'économie, la Sogel devrait aussi avoir des comptes à rendre. On ne saurait être en situation de monopole et se résoudre à marcher à rebours. La Sogel doit rendre compte.
Quels que soient, par ailleurs, ses comptes d'exploitation. On ne devrait pas impunément couper toute une partie de notre droit à la vie.

Diallo Souleymane


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