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Presse écrite


Presse. — Ferme et tais-toi !

Le Lynx. N° 405 - 29 décembre 1999


Le groupe de presse l'Indépendant, formé des hebdomadaires L'Indépendant et l'Indépendant Plus, est plus que jamais dans la tourmente. Les journaux ont été fermés. Plutôt, les locaux qui abritent leur siège et leurs imprimeries ont été cadenassés. Nos confrères ont été contraints de disparaître des kiosques. En toute illégalité. Les hostilités ont pris une nouvelle dimension quand, le 4 décembre, le propriétaire des titres, Aboubacar Sylla, a été arrêté à son domicile et conduit à la base de Kameroun, le siège de la Compagnie Mobile d'Intervention de la Sécurité (CMIS). On lui aurait reproché d'avoir des connaissances approfondies avec le RUF léonais. Confrontation rapide. Ni vu, ni connu. De part et d'autre. M. Sylla est libéré le 6 décembre. Juste pour apprendre que la veille, vers 19heures, les forces de l'ordre avaient débarqué dans les locaux de l'Indépendant avec de gros cadenas et un burin. Elles ont verrouillé les portes de l'établissement et arraché l'écriteau du canard. Renseignement pris, l'Indépendant est locataire d'un bâtiment baillé à l'Etat. Qu'il faut rendre. Le délai de grâce était terminé, grâce à l'arrêté 1393 de Alfa Ousmane Diallo, ministre de l'Urbanisme signé le 30 novembre 1999, qui annule un autre arrêté, 4187, par lequel Dr. Bana Sidibé, avait filé le bâtiment à un certain Mamady Lamine Condé, le 21 mai 1987, qui l'a sous loué à l'Indépendant. Le bail emphytéotique qui liait Mamady Condé à l'Etat a été balancé dans le vent. Le bâtiment revient au domaine de l'Etat. Mais cet Etat risque de devenir un grand commerçant très bientôt. En baillant un local vide, il a récupéré une imprimerie et tout un équipement PAO qui servait à fabriquer l'Indépendant. On n'avait même pas fini de s'interroger sur la portée de ce coup de poker que la nouvelle de la fermeture des Imprimeries du Sud par les autorités s'est mise à se répandre dans les rues de Conakry. Motif ? Euh ! Les cadenas ne doivent pas coûter cher dans le pays. S'il y a d'autres motifs, dites à l'Etat de bien vouloir les fournir. Dans un régime libéral, on n'a pas la liberté de séquestrer les biens d'autrui gratuitement. A moins qu'on ne veuille faire taire des journaux par la force des… bâillonnettes. L'Etat de droit est géré par des textes, non par des cadenas.

D.S.


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