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Presse écrite


Moola Attaque et représailles

Le Lynx. N° 26 avril 1999


Dans la nuit du 19 au 20 avril, les habitants du district de Moola à Farmoryah (préfecture de Forécariah) ont été réveillés par des coups de feu tirés par un groupe de rebelles léonais armés de fusils de guerre. Trois heures durant, les assaillants se sont livrés à une véritable razzia dans le village. Bilan de cette attaque; deux dames tuées.

Huit blessés graves, d'importants dégâts matériels, des armes et munitions emportées. Dans la journée du 22 avril, les plaies étaient loin de se refermer. On n'avait même pas besoin d'un oeil de Lynx pour constater l'importance des dégâts.

Le district de Moola situé à 35 km de la ville de Forécariah est l'un des villages frontaliers avec la Sierra Leone. Pour s'y rendre, il faut effectuer un véritable parcours du combattant. Un taxi brousse, dans lequel sont entassées 14 personnes, assure la liaison Farmoryah-Moola (15 km). Cinq barrages où officient des bidasses hargneux sont érigés sur le tronçon. Pour franchir ces barrières, il faut non seulement être muni d'une carte d'identité nationale mais aussi parler la langue du terroir. Le conducteur qui transporte les voyageurs est quant à lui obligé de glisser une misère de 500 francs glissants pour « lever le barrage ». Un visiteur non averti est d'emblée frappé par le spectacle de désolation qui règne à Moola: des cases et véhicules brûlés, des maisons éventrées, des boutiques pillées, des débris qui jonchent les rues … Au cours de leur passage, les rebelles ont complètement ruiné le village. En représailles, les « Molakas » ont, eux aussi, attaqué le camp des réfugiés léonais qu'ils ont entièrement calciné. Ils prétendent que ceux qui ont guidé leurs agresseurs seraient venus de ce camp. C'est une population complètement traumatisée par la violence de l'attaque des rebelles léonais qui nous a accueilli. Des témoignages:

« C'est aux environs de 2 h du matin que nous avons été réveillés en sursaut par des coups de feu, affirme une victime. Des hommes armés ont défoncé ma porte. Ils m'ont blessé avec un couteau avant de mettre le feu à ma maison. Ils ont brûlé une voiture qui était venue déposer des marchandises, tout en emportant le contenu. Ils étaient à la recherche du chef de district, Maire Fodé Bangoura, qui par miracle était absent du village au moment de l'attaque ».

D'après les victimes, les rebelles ont appelé le chef du district par son nom quand ils le recherchaient. Ils ont injurié les présidents Lansana Conté et Tejan Kabbah, menacé de brûler toute la Guinée. Une des femmes victimes qui s'était cachée sous le lit a reçu une balle à la poitrine, la seconde est morte blessée à la tête. Les biens, armes et munitions dont un bazooka ont été emportés. C'est d'ailleurs une de ces armes qui aurait servi à brûler le village. Les cinq militaires qui étaient dans le secteur ont pris la fuite. Interrogé sur le saccage du camp des réfugiés, le chef du district explique: « Les rebelles, à leur arrivée, n'ont pas touché le camp des réfugiés. Pourtant il est dans le village. Avant même l'attaque, les réfugiés avaient évacué les lieux. Les rebelles ont appelé les gens par leurs noms. C'est dire qu'il y avait une personne qui servait d'indicateur. La population a estimé que ce sont les réfugiés qui se déplacent le long de la frontière. qui seraient les rebelles qui ont attaqué le village. Ce sont, selon lui, des Timéné, des Limban. Voilà pourquoi les gens ont brûlé le camp ».

Réfugiés cherchent refuge

Les pensionnaires du camp des réfugiés de Moola que le HCR estime à quatre mille personnes sont portés disparus. Ils ont fui le camp pour échapper à la vindicte des « Molakas ». La majorité de ces réfugiés sont allés se terrer dans la forêt avec leurs bagages. Dans leur retraite, quelques uns nous ont exprimé leur amertume: « Nous ne sommes pas responsables de ce qui arrivé, clame M. Bangoura. Nous avons toujours vécu en harmonie avec nos frères de Moola. Mais il est possible que notre camp ait été infiltré par les rebelles. D'ailleurs il y avait beaucoup de mouvements de certains jeunes ces derniers temps ».

De leur côté les responsables du HCR ont déploré le sort réservé à leurs pensionnaires par les « Molakas ».

« Ce qui vient d'arriver est déplorable, affirme M. Guy Noël Ouamba, le chef du bureau HCR à Forécariah. Cet acte risque de faire tâche sur l'hospitalité légendaire de la Guinée. Quand les rebelles attaquent une localité, ils vont là où il y a l'argent. Autant dire que c'est au village et non dans les camps. Mais l'enquête se poursuit. Pour le moment, il ne faut pas exclure une complicité de la population de Moola. Nous avons dépêché des équipes pour récupérer les réfugiés qui sont en brousse. Pour le moment, les gens ont peur, c'est pourquoi nous n'avons pu récupérer qu'une centaine. Nous les mettrons dans d'autres camps plus éloignés des frontières. »

Dans la commune urbaine de Forécariah, nous assistons à une véritable chasse aux réfugiés qui sont obligés de se faire recenser avant de regagner les camps. « Nous allons mettre tous les réfugiés de Moola, Farmoriah dans le camp de Kaléya pour éviter que ce qui est arrivé se répète. Nous devons prendre des mesures urgentes pour assurer la sécurité de la région ».
Parole d'Elhadj Ibrahima Kadialy Touré, maire de la commune.

Où étaient les forces de l'ordre ?

Pendant plus de 3 heures, les rebelles se sont défoulés sur la population de Moola. sans doute que nos braves bidasses étaient excédés, par l'excédent de rebelles qui avaient envahi Moola. Et même que ces bidasses ont été accusés de vaquer à d'autres occupations quand les rebelles ont attaqué le secteur. Interrogé, un d'entre eux affirme: « Les rebelles nous ont surpris quand nous étions éparpillés. Ils ont pris les endroits stratégiques parce qu'ils connaissent le terrain. Nous ne pouvions pas riposter car ils ont mis la main sur nos armes et munitions! » (Sic) Il paraît même que quand les rebelles ont commencé à tirer avec les bazooka, certains bidasses ont dû « utiliser le terrain ». On accuse également les barrages érigés pour des raisons de sécurité de vouloir « se lever » à la vue du moindre billet de 500 francs glissants.Quel que soit ce que l'on glisse dans sa bandoulière.

Noumandjan Camara, envoyé spécial


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