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Presse écrite
L'arroseur arrosé
Le Lynx. N° 368 - 12 avril 1999
Lorsque ce soir là, j'ai vu la scène à la télé (on ne nous avait pas permis d'assister à la cérémonie), je n'ai pu m'empêcher d'avoir pitié de Fory Coco. Etre obligé de faire jurer des ministres qu'il s'est choisis (et qui donc lui doivent une fidélité sans faille) ! Il a fait appel à eux parce qu'il leur fait confiance. Sans doute que le précédent gouvernement (dont la plupart des membres se retrouvent ici) n'avait pas été à la hauteur de la confiance placée en lui.
- Manque de cohésion, d'esprit d'équipe : chaque ministre travaille dans son quant à soi, en faisant tout pour noyer son voisin.
- Absence de devoir de réserve : les contenus des débats en conseil interministériel ou en conseil de gouvernement se retrouvent le lendemain en discussion publique au boulevard des menteurs (cette rue qui longe le siège du PNUD et des banques).
- Insuffisance de patriotisme : cela se remarque surtout par la gabégie, l'incapacité de penser « Guinée ». Chacun privilégie sa personne, son village, ses parents.
- Incapacité de se conformer aux règles et procédures : on ne respecte pas la hiérarchie. Chacun, pour régler le moindre problème, prend un bout de papier et se dirige chez le président. Pourtant, bêtement, si Fory Coco vous a pris, c'est pour l'aider à régler des problèmes et non pour lui en créer. Très souvent pour frimer auprès des autres, certains ministres sont toujours dans les appartements du président. A jouer les coco, à lui emprunter des trucs. Quitte pour eux de déclarer auprès de leurs collègues (convaincus que ça les valorise): « Hier j'étais avec le prési. Il m'a donné ceci, il m'a fait cela »…
- Manque de transparence dans la gestion financière : et ça c'est le gros éléphant. Chaque citoyen guinéen est convaincu, sans preuve palpable, que nos ministres se sucrent un peu trop. Dans un pays de crève-la faim et de pauvres hères. Dans tous les cas, peu d'entre eux sont respectueux des règles et procédures de décaissement pour payer les factures que l'Etat doit aux particuliers.
Dans ma perception de l'événement, j'estime que cette prestation de serment n'est pas à l'avantage de Sydia Touré. Qui est souvent critiqué d'avoir été incapable de maintenir la cohésion de son équipe. Et de s'être entouré dans son cabinet de personnes que Fory Coco venait de remercier. Sans doute, avait-il oublié qu'il n'était là que par la grâce du général-Président ?
Cet événement en lui-même a un côté ironique. Le 29 janvier dernier, Sidimé Lamine avait fait jurer Fory Coco d'être un bon président pour tous les Guinéens. Aujourd'hui, comme l'arrosé arrosant, Fory Coco fait jurer Sidimé d'être un bon super ministre. A son service.
BML