La Lance. N° 159 — 5 janvier 2000
Les avocats se sont vaillamment battus.
— Nous sommes aujourd'hui à un rendez-vous de l'histoire de la justice de ce pays, s'est écrié Me Destephen.
Il a déploré le fait qu'on ait le pouvoir de faire arrêter et écrouer sans état d'âme des députés avec leur immunité, alors "qu'on ne peut pas faire venir ici à la barre une personne qui n'a même pas d'immunité. L'argent détourné est allé dans des poches privées. Mais ce n'est pas toutes les poches qui sont-là, à ce procès". Il a argué que l'ordre de puiser dans les caisses de Friguia a été "donné par l'autorité légitime". Il a apostrophé Mme le juge :
— Ou vous ordonnez un complément d'information, ou vous libérez les prévenus. Parce que tous les éléments d'appréciation ne sont pas dans le dossier.
Me Ahmadou Baïdy Habib Tall a demandé au tribunal de déclarer l'action du ministère public et de la partie civile irrecevable.
— La cause de tout cela, c'est comme au royaume des poissons. On reproche à certains d'avoir des écailles.
Il a réclamé le payement à son client des dommages et intérêts pour abus de constitution de partie civile d'un montant de 500 millions de francs guinéens.
Pour Me Houssein Mounir, "ce dossier a été tellement bâclé qu'au niveau de l'instruction, les premiers belligérants c'est l'Etat guinéen et Friguia. Parce que vous avez-là deux personnalités. Chacune d'elle se constitue partie civile. Il y a là deux personnes qui réclament la même chose : Etat et Friguia. Il y a là un problème juridique réel que votre tribunal aura à trancher". Il soutient :
— Ce qui a permis de décaisser l'argent, ce sont les chèques originaux. Le tribunal a l'obligation d'examiner ces chèques en appréciant les principaux bénéficiaires et pour en tirer les conséquences.
Il s'est ensuite attelé à démontrer que le nouveau code pénal, entré en vigueur seulement depuis août 1999, ne saurait être appliqué à ce procès.
— Nécessairement se pose le problème de l'application de la loi dans le temps. Les faits reprochés à M. Bocar Ly et consorts remontent à octobre 1997.
Me Mounir, Me Kamano et Me Alpha Oumar Diallo, ont estimé que le tribunal doit juger leurs clients selon les dispositions de l'ancien code pénal de 1965. Dans ce cas d'espèce, on ne parlerait pas de détournement de deniers publics, même si Friguia est une société mixte. L'infraction de faux présuppose l'existence d'un titre. Il n'y a pas de faux sans titre.
Selon lui, les photocopies de chèques en blanc n'ont aucune valeur probante :
— Il n'y a pas faux en l'état donc, il ne saurait y avoir usage de faux.
Me Alpha Oumar Diallo a mis l'accent sur le fait qu'en 1997 la loi qui était en vigueur, c'était la loi de 1965. "le juge d'instruction, suivant le parquet, a ignoré manifestement ce fait… la poursuite devient nulle et non avenue".
Me Sampil déplore que personne n'ait pris l'initiative de demander la comparution des ministres. L'article 594 du nouveau code de procédure pénale stipule:
"Les membres du gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du Conseil des ministres sur rapport du ministre de la Justice, Garde des sceaux. Cette autorisation est donnée par décret… Comme la loi dit que c'est la peine la plus douce qu'il faut appliquer, alors, c'est le nouveau code qui prévaut car l'ancien code, traitant de détournements de deniers publics prévoyait la peine de mort ou les travaux forcés à perpétuité contre les auteurs".
Le tribunal s'étant retiré à 15 h 30 pour délibérer, le jugement est tombé à 17h.
B. P.
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