La Lance. N° 158 — 29 décembre 1999
En Côte d'Ivoire, un putsch militaire vient de mettre fin au mandant du Président Henri Konan Bédié et à l'hégémonie du PDCI-RDA, le parti de feu Félix Houphouët Boigny. Un putsch qui montre après bien d'autres (Sierra Leone, Guinée Bissau, Niger, Nigeria, Zaïre, Congo, etc…) les difficultés d'intériorisation et de pratique de la démocratie.
Cela conduit à s'interroger sur les motivations des bailleurs de fonds qui ont imposé la démocratisation aux pouvoirs africains, au cours de la décennie qui s'achève. Avait-il été irréfutablement établi des relations de cause à effet entre démocratie et développement? Dans l'affirmative, s'était-on assuré que les conditions étaient réunies pour une évolution rapide, sans heurts, des pouvoirs autocratiques africains vers des régimes démocratiques? L'expérience montre aujourd'hui qu'il y a eu sans doute de graves erreurs d'appréciation. La vigueur et la ténacité de la résistance des autocraties africaines à la mutation ont dû méduser ceux qui se sont mépris sur leur capacité et leur volonté de changement. Contraints de se faire harakiri pour ne pas perdre les importants concours financiers que les bailleurs de fonds octroient à leurs pays, les pouvoirs africains ont usé de moult subterfuges pour ne pas disparaître. Comme les élections sont la dimension la plus lisible du processus démocratique, ils ont accepté d'en organiser en prenant généralement soin de falsifier les résultats.
Ainsi, l'opposition en Afrique conteste de façon régulière les résultats des élections qu'elle qualifie de non transparentes et de mascarades. Des complaintes qui n'ont malheureusement jamais ému personne. Il faut dire que la pratique démocratique ne se produit pas aux élections, même organisées dans la transparence et l'équité. En effet, outre les élections, il convient d'organiser un accès équitable de tous aux fruits de la croissance, aussi faible soit-elle. Cela implique, entre autres, que des critères de compétence et de probité morale justifient la nomination des cadres et autres agents de l'Etat, aux différents postes de responsabilité. Cela requiert aussi que les efforts des différents agents économiques soient rémunérés à leur juste valeur. Cela signifie enfin que des mesures soient prises pour éviter la constitution de puissantes oligarchies susceptibles de confisquer à leur profit le pouvoir (politique et économique).
Pour n'avoir pu s'accommoder de ces exigences de la démocratie et les intégrer à leurs stratégies de conquête du pouvoir, les régimes africains dont bon nombre sont plus que jamais surannés, sont confrontés ici à des frondes populaires, là à des putschs militaires. Comme au bon vieux temps des premières années d'indépendance. Las, les bailleurs de fonds ne condamnent plus que du bout des lèvres, les coups d'Etat militaires contre des Présidents “démocratiquement élus”.
Ils menacent, timidement, les putschistes de quelques sanctions économiques qu'ils s'empressent de lever dès que l'ordre est rétabli et leurs intérêts garantis. Il résulte de ce qui précède que la résistance de la quasi-totalité des régimes africains à l'innovation politique que constitue la démocratie, explique la recrudescence des coups d'Etat après l'accalmie qu'on a connue au début de cette décennie. Cette situation ne doit pas toutefois être assimilée à un obstacle rédhibitoire au processus de la démocratisation des Etats africains. La construction de la démocratie et l'assimilation de la culture qui en découle sont une oeuvre de longue haleine. Qui se nourrit, et se raffermit de conquêtes réalisées d'année en année. L'Europe et les Etats-Unies , modèles de démocratie, édifient à cet égard. La démocratie est d'autant plus difficile à bâtir en Afrique quelle n'est pas le produit de l'évolution de nos sociétés mais une des nombreuses conditionnalités de l'octroi de subsides à nos pays.
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