La Lance. N° 152 — 17 novembre 1999
Le Comité International de la Croix Rouge et le Gouvernement Guinéen ont signé un accord qui prévoit que l'organisation visite les personnes privées de liberté en République de Guinée. Son représentant à Conakry M. Marc Bouvier a accepté d'en dire plus à La Lance dans cet entretien.
La Lance : Quels sont les termes de cet accord qui vous donne accès aux prisons guinéennes?
Marc Bouvier : Cet accord va un peu plus loin, car il précise comment ces visites auront lieu. Notre collaboration avec les autorités dans ce domaine est très claire: nous nous intéressons uniquement aux conditions des détenus. C'est-à-dire que nous allons voir dans quelles conditions vivent les gens qui se trouvent en détention, les conditions matérielles, les conditions psychologiques, mais nous n'allons absolument pas voir pour quelles raisons ces personnes sont détenues. Si elles doivent être libérées ou non, ce n'est pas notre préoccupation. Un deuxième point important, c'est la confidentialité. Nous travaillons avec les autorités et uniquement avec les autorités. C'est-à-dire que nous n'allons jamais faire de commentaire sur ce que nous allons trouver. Avec les autorités, nous allons essayer de voir quelles solutions nous pouvons apporter aux problèmes que nous avons observés et comment faire pour améliorer les conditions de détention. Un autre point important, c'est le niveau du pays, je veux dire par-là que les conditions de détention que nous voulons voir doivent coïncider avec le niveau de vie de la population avec la situation économique et sociale du pays. Cela veut dire que nous sommes beaucoup plus exigeants dans le cas d'un pays développé et riche que dans un pays qui a des difficultés financières.
Comment vont maintenant se dérouler vos visites dans les prisons ?
Nos visites se passent ainsi: nous voyons le responsable du lieu de détention, nous discutons avec lui pour voir les améliorations qu'il y a eues récemment, les problèmes qu'il a rencontrés. Ensuite, nous visitons le lieu en entier avec le directeur du lieu de détention, nous nous entretenons en privé avec les détenus et enfin, nous refaisons un entretien avec le directeur pour faire part de nos observations. Après une série de visites à plusieurs lieux de détentions, nous remettons aux autorités un rapport de synthèse qui décrit en clair ce que nous avons vu et également quelles solutions peuvent être trouvées. Ces solutions ne peuvent être trouvées que suite à un dialogue constructif. Il ne s'agit pas d'accuser ou de montrer du doigt qui que ce soit. Il s'agit simplement d'une collaboration très étroite avec les autorités et uniquement avec elles.
C'est dans votre mandat de visiter les prisons dans le monde ?
Absolument. Nous avons un mandat qui nous a été donné en partie par les conventions de Genève de 1949 et en partie par la conférence internationale de Genève qui, elle même est constituée des représentants de quasiment tous les pays du monde. Ce mandat nous oblige à regarder les conditions de détention des personnes privées de liberté. Nous visitons actuellement les détenus dans une cinquantaine de pays, pas seulement dans le tiers monde mais aux USA, en Espagne, en Hollande, et maintenant en Guinée. Je tiens à préciser que la collaboration des autorités est essentielle pour la réalisation de ce mandat. Les Etats étant souverains, ils doivent nous autoriser à visiter les personnes privées de liberté. L'accord entre le CICR et les autorités guinéennes illustre une fois de plus la collaboration entre nous, comme nous l'avions déjà constaté lors d'activités conjointes que nous avons menées, telles que la diffusion du droit international humanitaire auprès des forces armées et des forces de sécurité en Guinée.
Justement, combien de temps cela vous a pris pour faire aboutir cet accord avec les autorités de la Guinée ?
Au début, il a fallu présenter le projet à différents ministères, établir le contact, faire comprendre notre façon de procéder qui est très originale. Il a fallu négocier les termes du contrat pour que les deux parties soient pleinement satisfaites. Cela a pris quelque temps. Mais nous avons actuellement un accord qui est très bien. C'est un excellent outil de travail qui exige de la part des autorités une parfaite transparence envers nous et qui exige de nous une parfaite confidentialité vis-à-vis des autorités.
Est-ce qu'il est arrivé, qu'on ait à travers le monde mis en doute l'indépendance d'un tel accord ?
Non, je ne connais aucun pays qui regrette que le CICR ait visité ses lieux de détentions. Nous avons une façon de travailler qui est favorable pour les détenus et pour les autorités.
Vous êtes en Guinée depuis février. Est-ce qu'on peut avoir une idée de vos activités à ce jour ?
Le CICR a des bureaux de façon permanente en Guinée depuis 1991. Moi je suis-là depuis février dernier. Les activités que nous réalisons sont surtout orientées vers la diffusion du Droit International Humanitaire, particulièrement auprès des forces armées. Nous avons organisé toute une série de séminaires au début. Ensuite, nous avons procédé à la formation des formateurs au sein des forces armées et des forces de sécurité. Actuellement, les formateurs sont en train de réaliser eux même des séminaires. Nous donnons seulement un appui technique et financier pour ces séminaires. Autrement, nous faisons de la sensibilisation de différents groupes publics sur ces conventions de Genève. Une autre activité que nous faisons, c'est le maintien des liens familiaux des parents qui ont été séparés par la guerre. Il s'agit de récolter des messages Croix Rouge au Liberia et en Sierra Leone et de les acheminer, de les remettre aux destinataires qui doivent être membres d'une des familles réfugiées en Guinée. Ces messages doivent être uniquement familiaux. Il ne s'agit nullement de parler de politique ou de situations militaire ou religieuse. Nous contrôlons ces messages, nous les censurons au besoin. Mais ces messages permettent aux familles qui sont séparées par la guerre de garder un contact. Notre dernière activité, c'est le support à la Croix Rouge Guinéenne et la formation des brigades de secouristes dans tout le pays et enfin nous aidons la Croix Rouge guinéenne à sensibiliser les jeunes dans les écoles aux idéaux de la Croix Rouge, aux valeurs que nous partageons tous: le respect de l'autre, la solidarité, le respect des biens communautaires.
Propos recueillis par Benn Pepito
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