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Presse écrite
La Lance

N° 151 — 10 novembre 1999


La semaine dernière, le doyen Bâ Mamadou nous faisait l'état des lieux de l'UPR, née de la fusion “UNR/ PRP”. Pour en avoir le coeur net, LA LANCE s'est entretenue le vendredi 5 mars avec l'actuel patron de cette coalition: l'Honorable Siradiou Diallo. Qui n'a pas hésité de nous livrer tout l'éclairage nécessaire à la compréhension de la nouvelle méthode de combat politique de ce parti qui s'est classé 2ème, à la Présidentielle de décembre dernier.

LA LANCE: Comment va l'UPR ?
Siradiou Diallo: Le parti fonctionne normalement, sur la base du statut provisoire. Pour l'instant nous avons fusionné tous les organes existants, les directions nationales de l'UNR et du PRP, les comités de bases. Une commission technique est en train de revoir les statuts et les fignoler. Lorsque tout sera terminé, je pense que l'UPR va fonctionner sur cette base, jusqu'au congrès prochain.

Le socle sur lequel est bâti l'UPR est-il assez solide?
Mais le socle, sont les militants de bases, c'est le peuple guinéen. Ce sont, dans toutes les régions du pays, tous ceux qui sont derrière l'UPR qui appartenaient avant à l'UNR, au PRP, au RNP et d'autres partis. En plus nous avons des cadres et des militants venus, d'autres formations politiques. Par conséquent le socle est solide, consistant et très prometteur.

Y a-t-il eu un congrès de l'UNR pour confirmer votre désignation à la tête de l'UPR ?
Au niveau de l'UNR ! Pourquoi vous parlez de l'UNR seulement ? (grand rire !). Je crois que c'est la volonté profonde qui a emporté l'adhésion de tout le monde. Cela est plus important que le congrès. Encore une fois soyez tranquille ! Il y aura un congrès au niveau de l'UPR et parce qu'il faut respecter un certain nombre de normes sur le plan des partis modernes. Nous pensons asseoir tous ces organes là. Mais il n'y a pas eu de congrès ni au niveau du PRP ni au niveau de l'UNR. Cela ne pose aucun problème.

On présage des dissensions au sein de l'UPR. Parce qu'il y a des faucons de l'UNR qui ne semblent pas vouloir s'effacer.
C'est vous qui le dites ! Nous n'avons pas connaissance de ces dissensions. Et nous ne connaissons pas de faucons parmi nous. Il y a dans tous les partis politiques (au sein de l'UNR même au sein du PRP ancien), des gens qui sont beaucoup plus directs, beaucoup plus bouillants. Des gens qui étaient vraiment très actifs et très dynamiques. Il y a de gens qui sont beaucoup plus mesurés, beaucoup plus calmes. Mais en réalité au niveau de tous les groupements humains, au niveau de toutes les collectivités humaines, il y a toutes sortes de tempéraments. C'est ce qui fait la force de l'UPR. Le fait que tout le monde n'a pas forcement le même tempérament, n'a pas forcement le même caractère, n'a pas forcement la même sensibilité. Mais il faut tout ça pour faire un monde. Vous savez, il y a toutes sortes d'éléments dans une famille. Il appartient au chef de famille de veiller à la cohésion de la famille. Et c'est ce qui se fera.

C'est vrai que le PRP et l'UNR n'ont pas la même culture politique
Ecoutez ! Depuis que nous avons fusionné, chaque fois que nous nous réunissons ceux qui ont les mêmes positions ne sont pas forcément ceux qui appartiennent à tel ou tel parti. On trouve des gens bouillants de part et d'autre parmi ceux qui viennent de l'UNR et de l'ancien PRP. Le clivage auquel vous faites allusion ne passe pas à la limite du PRP et de l'UNR.
Moi, je m'en réjouis d'ailleurs. Pour qu'il y ait de l'animation, du dynamisme, de l'action. Je pense que cela est une très bonne chose.

Revenons sur la candidature de Ba Mamadou présenté par le PRP. Au finish, on se rend compte que c'est le sentimentalisme politique qui a prévalu dans votre décision de désister
C'est pas le sentimentalisme. Je suis avant tout un homme politique. Donc je ne suis pas du tout mû par des sentiments. Je suis mû par l'intérêt profond de ce que je crois être l'intérêt du pays et l'intérêt du parti. Ce n'est pas par amour pour Ba Mamadou
Ayant écouté tout le monde, ayant circulé à travers tout le pays, et étant témoin des revendications des doléances de la base du parti, à tous les niveaux et dans toutes les conclusions de tous les niveaux et dans toutes les régions, il a fallu à un moment donné tirer les conclusions de tout cela. Comme vous le savez, il y a cette commission informelle qui avait travaillé pendant longtemps, depuis deux ans. Eh ! bien! Lorsqu'elle a présenté son rapport, il a fallu que moi même je tranche. Et j'ai tranché dans le vif. J'ai pris la décision que je savais être conforme à l'intérêt de notre pays, à l'intérêt de notre parti. Et je crois que cela allait dans le sens de l'avenir. Ce n'est pas une affaire de sentiment. Lorsqu'on prenait cette décision M. Ba Mamadou n'était pas en Guinée. Mais j'avais tenu compte de tout ce qu'il m'avait déjà dit, des démarches qu'il avait effectuées, des contacts que j'ai eus ici ou là, des avis et des conseils parfois divergents. Compte tenu de tout cela que j'ai réfléchi, j'ai mûri la décision avant de la communiquer à la commission informelle venue rendre compte de ces travaux.

Les observateurs politiques ont jugé mince l'argument d'âge soutenu par M. Bâ Mamadou pour vous amener à désister en sa faveur
Oui. Qu'est ce que vous voulez que je dise ? Lui, il n'avait que cette occasion. Il a dit et insisté que, lui, s'il ne se présente pas en 1998, il ne peut plus se présenter étant donné la limite d'âge. Qui est inscrite dans notre constitution jusqu'à nouvel ordre.
On a vu des pays où cette limite d'âge a été modifiée. Lorsqu'on a 70 ans révolus on ne peut pas être candidat aux présidentielles selon notre constitution. M Ba Mamadou estime alors que c'était sa dernière possibilité, il fallait que je le comprenne. Et j'ai compris !
En fait dans ces élections il était plutôt question de l'intérêt national et non pas du devenir d'une personne…
Il se trouve que son devenir était lié étroitement dans cette affaire à l'intérêt de notre parti, à la nécessité d'avoir un parti fort au niveau du PRP, de l'UNR et des autres partis. Si on ne le faisait pas, on ratait le coche. Si je n'avais pas accepté, par exemple, M. Ba Mamadou serait candidat, moi je serais candidat. Ainsi on aurait continué à semer la zizanie dans nos rangs. Comme cela on allait continuer de nous batailler, de nous tirer à hue et à dia. Cela arrangeait bien les affaires de certains.
Mais nous avons mûri la question, encore une fois c'est pas une affaire de sentiment. Même pour l'unité de l'opposition, on a bien vu le nombre de candidat cette fois a diminué. La Codem n'avait plus que trois candidats.

On parle aujourd'hui d'une recomposition du paysage politique guinéen
Je n'en sais rien. J'entend souvent parler de cela. Je n'en sais absolument rien. Je ne suis pas dans les secrets des dieux. Ce qui est sûr, il y a une recomposition qui a abouti à la création de l'UPR. Maintenant est-ce qu'il faut une autre recomposition je n'en sait absolument rien. En politique, il ne faut jurer de rien. Tout est possible ! Il n'y a pas de jamais. Ce qui existe c'est quand, comment et dans quelles conditions.

Ne craignez-vous pas un éclatement de la Codem ?
Pourquoi vous dites cela?

Parce qu'on note des divergences d'intérêts au sein de la Codem. En fait des querelles politiques autour de la détention de Alpha Condé du RPG, et de la concertation proposée par Jean Marie Doré de l'UPG…
Cela est mineur. La Codem n'a jamais dit qu'elle ne veut pas de la concertation. Seulement nous disons qu'il faut créer les conditions pour que cette concertation soit viable.
Comment pouvons-nous aller à cette concertation sans nous interroger. Nous n'avons aucune garantie d'aboutir à quelque chose. Nous n'avons jamais vu le pouvoir manifester son désir de favoriser cela. Or c'est avec le pouvoir qu'on doit dialoguer. Les autres partis qui sont là y compris le PUP, nous nous côtoyons tous les jours, nous discutons. C'est pas eux qui nous mettent les bâtons dans les roues à l'intérieur du pays. C'est l'administration. Chaque fois qu'on a fait un débat, on est parvenu à un accord, il n'a pas été respecté par le gouvernement. Notre dernière expérience dans ce domaine c'est ce qui s'est passé avec le Haut Conseil aux affaires Electorales. Nous avons passé des semaines à discuter. On est parvenu à un compromis que nous avons pensé jouable. Et le 8 décembre le ministre de l'intérieur prend un arrêté pour changer tout, alors qu'on était en campagne. Il a remis tout en cause, sans concertation.

Pensez-vous qu'un gouvernement d'union nationale réussisse en Guinée ?
Au Sénégal ça a réussi un certain temps. Un gouvernement n'est pas quelque chose d'éternelle. Par deux fois au Sénégal on a expérimenté cela. Et cela a duré quelques années. Que je sache ailleurs il y a des chefs d'État qui ont travaillé avec les membres de l'opposition pour élargir leurs gouvernements. C'est pas une chose facile. Mais quand il y a la volonté politique rien n'est impossible. Mais dans tout cela un gouvernement d'union nationale, d'abord l'initiative revient au chef d'État et non à ceux qui colportent des rumeurs. Alors on ne peut pas nous berner d'illusions. Avant de parler de gouvernement d'union nationale je pense qu'il faut parler des conditions dans lesquelles on peut discuter. Quels sont les problèmes que nous entendons poser? Dans la corbeille il faut que chacun de nous y mette un peu les problèmes qu'il a en tête. Lorsque nous avons discuté de cette histoire de dialogue, au niveau de l'UPR nous ne nous sommes pas contentés d'indiquer les préalables que nous attendons qu'ils soient remplis pour que nous soyons présents au dialogue. Mais nous avons déjà même envisagé tous les aspects que nous aurons pu soulever. Tout un catalogue de revendications que nous allons mettre sur la table si ce dialogue a lieu. C'est dire que nous sommes favorables à cela. Nous avons un texte écrit.
On parle de gouvernement d'union nationale alors que le président n'a jamais rien dit. Il n'a jamais même prononcé le nom de l'un d'entre nous. Il n'a jamais dit qu'il veut dialoguer avec l'un d'entre nous. Il n'a jamais dit qu'il a besoin de l'un d'entre nous. Et nous, on vient vers nous, on nous raconte « est- ce que vous êtes pour…». Ce n'est pas vous qui nous posez des questions qui formez le gouvernement. C'est celui qui est à la tête du pays, qui peut poser ce genre de question. En fait nous trouvons cela très amusant.

Certainement ceux qui viennent vers vous sont mandatés par le président !
Cela m'étonnerait ! Moi j'observe le Président, d'abord en tant que journaliste depuis 84. J'ai pas l'impression que ces gens qui viennent nous poser des questions là soient des familiers du Président Conté. Je crois qu'ils prennent leur désir pour la réalité, et tant d'autres qui sont dans les couloirs, un peu partout, sur le marché de l'opinion, dans les médias. Nous entendons beaucoup de gens qui font croire qu'ils dînent et déjeunent avec le Président Conté. Mais nous ne sommes pas des enfants. Nous savons que tout cela c'est de la blague.