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Presse écrite
La Lance

N° 151 — 10 novembre 1999


N'Zérékoré. — Interview du député-maire de la commune urbaine


Mme Madeleine Théa est membre du bureau politique du PUP et député-maire de la commune urbaine de N'Zérékoré. Elle a reçu La Lance au siège de la commune pour un entretien à bâtons rompus.

La Lance : Mme le maire, en deux mots, quel peut être le bilan de vos activités depuis que vous êtes à la tête de cette commune.
Mme Madeleine Théa: J'ai une commune qui a plus de 150.000 habitants, hormis les réfugiés. En 1996, on a fait une école primaire et un projet de marché de 15 hectares. On a procédé à l'extension du siège de la commune, sans oublier qu'on a reprofilé les routes inter-quartiers. En 1997, nous avons participé à la construction du Lycée Alpha Yaya. Parce que chaque année, par manque de classes, nos enfants partaient à Conakry ou à Kankan. C'est ainsi que la commune a versé 2. 836.300 FG. J'ai une grande ville dont l'accès n'est pas facile, j'ai mis l'accent sur l'entretien des routes. On a assaini le grand marché au coeur de la ville, grâce à une initiative des femmes. Mon bureau a également été rénové. En 1998, nous avons continué les travaux sur les voies et réseaux en partant jusqu'à 15 km.
On a rénové le logement de mon Secrétaire Général. Nous avons ouvert une borne fontaine dans un quartier. On a acheté des pelles, des brouettes, des balais… pour embellir la ville avec des plaques et des ronds-points. Les travailleurs qui sont sur le terrain sont au nombre de 111. La commune les paye à 30.000 FG par mois. Actuellement, c'est la gestion des ordures qui nous crée beaucoup de problèmes. Mais avec l'arrivée de l'ONG Plan Guinée, nous sommes en train de voir comment remédier à la situation. En 1999, nous avons construit trois ponts, tout en rénovant la boucherie. Plan-Guinée a construit 105 classes en deux mois. Il m'ont fait 8 gallo, 11 puits. Plan-Guinée est un bon partenaire pour la commune. Nous sommes en train de déblayer les routes actuellement. Vous savez que la commune ne bénéficie pas de financement au niveau national. Il faut donc se battre, aller vers les gens pour qu'ils viennent vous aider. C'est pourquoi nous tendons la main vers les opérateurs économiques, pour qu'ils nous aident dans l'assainissement de la ville. Nous sommes en train de construire un nouveau marché pour les produits vivriers. On a eu à négocier avec des Américains qui nous ont financé la gare routière. Ils ont financé près de 1 milliard FG, tout en rénovant le marché de Dorota. Je viens de la Côte d'Ivoire, où j'ai été invitée par une église protestante. Je faisais la fierté des femmes parce que je suis député et maire d'une grande commune. Une ONG américaine s'est intéressée à moi. J'ai demandé de l'aide et ils m'ont répondu favorablement. Ils vont venir bientôt pour toucher du doigt la réalité. C'est donc dire que je me battrai pour ma commune jusqu'au bout.

Pensez-vous avoir atteint vos objectifs ?
Ce que j'ai fait n'est qu'une entrée en matière. Il faudra que j'aille jusqu'au bout. Puisque pour moi rien n'est atteint d'abord. Je vous demande donc de prier pour moi afin d'atteindre mes objectifs. Il faut mériter la confiance qui a été placée en moi. Je ne suis pas la seule femme. Je ne sais pas ce que la population a vu en moi. Il faut donc que je développe ma commune.

Bientôt les communales. Serez-vous candidate ?
Si la population me réclame, je serai candidate. Dans le cas contraire je suis chez moi, je vais toujours déblayer le chemin pour que celui qui viendra à ma place continue. Pour le moment je suis dans le fauteuil jusqu'à preuve de contraire.

Avez- vous des projets pour les enfants et les femmes de N'Zérékoré ?
L'avenir de notre nation appartient aux enfants. Tout ce que nous faisons actuellement, c'est pour que demain les enfants s'en inspirent. Nos enfants sont dans nos bras et nous ne savons que faire. Nous cherchons des ONG pour nous aider à les éduquer. Nous voulons que les enfants soient mis à l'école, surtout les jeunes filles. Nous sommes plus nombreuses que les hommes en Guinée. Mais, nous sommes marginalisées, nous ne sommes pas considérées. Cette fois, nous voulons la promotion des femmes en mettant les jeunes filles à l'école. Mais il faut aussi entretenir ces jeunes filles.

Terminons par la situation des femmes en milieu rural.
En région forestière, se sont les femmes qui font tout. Nos maris sont des rois, des chefs. La femme forestière est brave. Dans les zones rurales, elles sont dans les champs, dans les jardins. Du désherbage jusqu'à la récolte, ce sont les femmes. Les hommes, c'est peut-être pour abattre les gros arbres. Mais aujourd'hui, les femmes font même ça aussi. Elles cultivent, l'enfant au dos, elles pilent, elles préparent et donnent à manger au mari, même la nuit. Tout le poids repose donc sur leurs épaules. Elle font des enfants et vont chercher à manger. Et si la femme ne fait pas ça, elle n'aura pas de mari. Maintenant il y a des femmes qui refusent de se marier par ce que les hommes ne veulent rien faire. Dans la commune urbaine on peut voir une femme qui a sa voiture, sa boutique, sa villaEt elles s'en fichent des hommes. Les femmes forestières ne sont pas paresseuses. Mais leur mérite n'est pas reconnu. Or la femme aime qu'on la dorlote et qu'on reconnaisse ses bienfaits. Nous voulons donc que les ONG nous aident et que les hommes reconnaissent nos mérites. D'ailleurs, derrière chaque grand homme se trouve une femme. Quand il est confronté à un problème, c'est à sa femme qu'il demande conseil. A N'Zérékoré ici, les femmes se sont mobilisées autour de plusieurs groupement comme "Jalililah" par exemple. Elles font le maximum, en attendant un apport externe.

Propos recueillis par Noumandjan Camara