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Presse écrite
La Lance

N° 151 — 10 novembre 1999


Guinée Forestière. — La route du développement !


Le samedi dernier, à l'aéroport N'Zérékoré-Konian l'effervescence populaire était à son comble. Gais et pleins d'entrain, danseurs et danseuses trépignaient, qui, au son du tam-tam, qui, aux sons du "tourou", qui, au son du balafon. La polyphonie avait envahi la forêt environnante. Ces populations étaient venues réserver au Général-Président un accueil à la mesure de l'événement: l'inauguration de la route bitumée Sérédou-N'Zérékoré-Lola. Une route longue de 136 km, large de 6 m et qui a coûté près de 48 milliards de francs. Elle a été financée à hauteur de 84 % par des fonds arabes et réalisée par l'entreprise brésilienne Andrade à laquelle on doit la construction de la voie expresse Belle-vue Hamdallaye. Un bel exemple de la Coopération sud-sud! Il est important de noter que la réalisation du pont sur le Diani (80 m) a mis fin aux affres des interminables attentes que la traversée du fleuve en bac imposait aux voyageurs.
Comme le développement suit la route, on s'attend à un essor des principales productions agricoles de la région, à savoir le riz, la banane plantain et l'huile de palme. L'écoulement de ces denrées très appréciées par les populations guinéennes, vers les centres urbains du pays ne pose plus de problème. Ce qui, associé à une meilleure rémunération du travail des paysans, peut entraîner un accroissement des superficies cultivées et conséquemment, de la production. Encore faudrait-il que des mesures soient prises afin de remédier à la persistance des techniques culturales archaïques et à l'inexistence d'unités de conservation et de transformation qui ne permettent pas aux paysans, ni à l'Etat de tirer profit, de manière suffisante, des avantages comparatifs de la région. La principale cause de la non-industrialisation de la Guinée Forestière est sans aucun doute le manque d'énergie électrique.
N'Zérékoré, capitale et pôle économique régional, est plongé la nuit, dans une obscurité désolante. Un sort que partagent les autres centres urbains. L'électrification de la région pourrait favoriser la création d'unités de transformation susceptibles de traiter une importante partie de sa production agricole. L'embryon d'une industrie agro-alimentaire commencerait ainsi à se mettre en place. Il existe deux approches pour électrifier la Guinée Forestière.

Beaucoup de bailleurs de fonds, notamment l'Union Européenne, appuient généralement toute politique visant à faciliter l'intégration sous-régionale des économies. Aussi, convient-il de rappeler que le réseau électrique ivoirien est connecté à ceux du Ghana, du Togo, du Bénin, du Nigeria et du Burkina Faso. En d'autres termes, ces pays s'achètent et se vendent de l'électricité. Notre connexion à ce vaste réseau pourrait devenir un atout inestimable dont nous pourrions nous servir pour inciter les investisseurs à valoriser l'important potentiel hydroélectrique de la Guinée. Car l'excédent de la production électrique serait alors vendable aux pays membres du réseau, qui en manquent à certaines périodes de l'année. Cette perspective alléchante constitue une condition incitatrice pour les investisseurs. Enfin, rien n'empêchera la Guinée de se déconnecter du réseau ouest africain dès qu'elle aura réalisé sa pleine autonomie en matière d'énergie. Elle aura au moins l'avantage de disposer déjà d'un réseau de transport fiable. Voilà pourquoi la seconde solution me paraît, dans le contexte économique actuel de la Guinée, la plus réaliste. Associées, la route et l'électricité impulseraient le développement socio-économique de la Guinée Forestière et de la Guinée entière.

Kayoko Doré