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Presse écrite
La Lance

N° 151 — 10 novembre 1999


Les exciseuses déposent les couteaux


Les femmes de la préfecture de Kouroussa se sont décidées en définitive. Leurs filles ne seront plus excisées! Les fêtes annuelles, qui marquent le moment où les filles du village deviennent des "vraies femmes" d'après les traditions solidement ancrées dans les moeurs et les esprits depuis des millénaires, ne seront plus que de mauvais souvenirs.
Le 6 novembre, les exciseuses des douze sous-préfectures de Kouroussa ont solennellement et pour toujours déposé une vingtaine de couteaux, au vu et su de plusieurs milliers de personnes, témoins de l'événement. Ainsi, "plus de sang versé inutilement. Plus de souffrances pour leurs filles lors de la nuit nuptiale. Plus de filles qui meurent d'infections, d'hémorragie, ou de Sida causés par l'excision", ont ajouté les mères des sous-préfectures de Kouroussa qui se sont exprimées sur une banderole: "Nous mères, nous avons compris et nos filles sont sauvées". Une autre banderole tenue par des fillettes a aussi retenu l'attention : "Merci CPTAFE, nos parents ne savaient pas".
C'est la place de l'Indépendance de la préfecture de Kouroussa qui a servi de cadre à cette cérémonie. De nombreuses personnalités y ont pris part: le ministre de la Fonction Publique, le gouverneur de Kankan, les préfets de Kankan, Siguiri, Mandiana et Kouroussa, les représentants des Institutions Républicaines, des organismes internationaux, des ONG nationales et internationales, les membres du corps diplomatique, la presse nationale et internationale. Dans la matinée du 6, la délégation s'est d'abord rendue chez le doyen de la ville de Kouroussa ou étaient réunis tous les notables. Celui-ci a personnellement salué et encouragé les membres de la cellule de coordination sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (CPTAFE), pour les efforts déployés afin de libérer les femmes de cette absurdité. Quant à l'Imam de Kouroussa, il dira que l'excision n'a aucun fondement religieux. Ensuite, la délégation visitera successivement, le Pont sur le Niger, construit en 1910, l'école Camara Laye, inaugurée en 1902 et qui a produit beaucoup de hauts cadres. Dans l'après midi sur la place de l'Indépendance, les groupes de danses folkloriques, les féticheurs, l'orchestre de Sona Djéli Kouyaté et la Troupe Benso Sodia se partageaient la scène.
Après la présentation de la délégation par le secrétaire général de CPTAFE et le discours de bienvenue du préfet de Kouroussa, l'assistance a suivi l'exécution d'une pièce de théâtre, puis les exciseuses ont symboliquement déposé 20 couteaux qui ont fait tant de victimes innocentes. C'était le moment le plus pathétique de la cérémonie. Elles ont affirmé qu'elles ne pratiqueraient plus ce métier parce qu'elles sont désormais conscientes des méfaits de l'excision; en outre, elles ont désormais d'autres sources de revenus, à travers les groupements qui ont bénéficié de dons:
"C'est par ce geste que notre reconversion dans les domaines d'activités de la vie sera facile", a déclaré la représentante des femmes de Kouroussa. Pour la présidente de CPTAFE, les femmes de Kouroussa ont renversé toutes les théories sur les MGF (Mutulations Génitales Féminines) et au nom de millions de jeunes filles. Son souhait est d'aider les autres femmes à se débarrasser totalement et définitivement de ce phénomène absurde et de faire du 6 novembre la journée nationale de lutte contre les MGF, pour récompenser l'action courageuse des femmes de Kouroussa. Le ministre de la Fonction Publique, Lamine Camara, a à son tour pris acte de toutes les propositions. Il s'est engagé à les soumettre au gouvernement. Beaucoup d'autres discours ont été prononcés insistant sur la concrétisation des mesures d'accompagnement. Cet acte significatif intervient en cette fin de siècle, à Kouroussa, cette autre préfecture de la Savane, après 15 ans de sensibilisation par CPTAFE. Souhaitons qu'il soit le début d'une évolution irréversible. La remise de certificats de reconnaissance par les membres de CMAEF a marqué la fin des cérémonies.

Saran Djéné Kéïta. Envoyée spéciale