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Presse écrite
La Lance

N° 111 — 4 février 1999


Discours d'investiture du président Conté

Aux Guinéens qui ont voté

Le 14 décembre 1998, vous avez bien voulu me charger d'un nouveau mandat pour conduire les destinées de notre pays, pendant les cinq prochaines années (…) Que tous ceux, citoyens, cadres de l'administration et du secteur privé, acteurs politiques, institutions républicaines, pays et organismes amis, qui ont contribué à la réussite de cette consultation électorale trouvent ici l'expression (…) A tous les Guinéens qui, par leur vote serein, ont montré leur attachement à la paix et à la démocratie dans notre chère patrie, je renouvelle ma disponibilité et mon engagement à travailler avec tous pour bâtir une Guinée solidaire, forte et paisible.

Aux forces de sécurité et à l'Armée en particulier

C'est également le moment de rendre un vibrant hommage à nos forces de sécurité et à nos forces armées nationales qui, avant, pendant et après le scrutin, ont protégé les citoyens et leur biens dans un esprit de civisme et un sens élevé du devoir et de l'honneur. J'adresse en particulier mes félicitations renouvelées à notre vaillante armée qui, après avoir initié la démocratie en Guinée, continue de la préserver de tout danger. Cette victoire est celle de la Guinée et de tous les Guinéens.
En ce jour, point de départ du quinquennat, je vous convie à avoir une pensée pieuse pour ceux et celles dont le combat, la détermination, l'engagement et le travail opiniâtre ont permis à notre pays, la Guinée de naître, grandir et prospérer dans la paix et la dignité.

Des acquis et de l'Etat de droit

Une nation est une continuité. Et les générations de guinéens qui assument aujourd'hui notre destin national se doivent d'honorer l'héritage laissé par nos devanciers en hissant notre pays au rang des nations qui ont vaincu le sous-développement. Nous en avons les moyens, car les conditions de décollage économique et d'un développement humain durable sont désormais réunies en Guinée, grâce aux programmes de redressement national engagés en 1985. Ils attendent seulement d'être mis en oeuvre avec compétence et détermination. C'est pourquoi ce quinquennat sera celui de consolidation de nos acquis, et celui de la réalisation de nos objectifs nationaux non encore atteints.
Consolidation des acquis, car notre peuple a atteint certaines des priorités fondamentales qui ont pour noms : 'l'Etat de droit, la démocratie, l'unité nationale, la paix civile, et les grands équilibres macro économiques (…)

Des Droits de l'Homme

Le respect des droits de l'homme est une réalité en Guinée. La considération et l'hommage témoignés à notre pays et à son système politique et économique à l'extérieur, la liberté et la sérénité dans les quelles vivent notre peuple et tous les guinéens pris individuellement ainsi que les étrangers vivant en Guinée en sont la preuve éclatante. L'unité nationale et la paix civile, malgré certains propos irresponsables et malveillants répandus par ceux qui ne veulent pas d'une Guinée libre et fraternelle, sont incontestables en Guinée. Sinon, comment ferons-nous pour accueillir et soulager des milliers de réfugiés jetés sur la route de l'exil, arrachés à la terre de leurs ancêtres par la folie de leurs frères? Un pays miné de l'intérieur par les démons de la division ethnique ne peut offrir un tel havre de paix.

De l'économie

Quant à nos performances économiques, tous les observateurs avertis, nationaux comme étrangers reconnaissent aujourd'hui que notre gouvernement est en voie de maîtriser tous les paramètres et tous les instruments de politiques économiques et sociales sans lesquels il n'y a pas de développement véritable. Les acquis sont des motifs de fierté et d'encouragement pour notre peuple.
Même si, en ces domaines- là, rien n'est définitivement acquis, rien n'est définitivement achevé. C'est pourquoi notre devoir catégorique est de continuer à consolider la démocratie, l'état de droit, l'unité nationale, la paix civile et la gestion saine de notre économie. Car, ce sont là des valeurs de vie et de civilisation sans lesquelles aujourd'hui aucune société politique ne peut vivre harmonieusement. Je vous convie tous, pendant ce quinquennat, à vous joindre à moi pour renforcer ces valeurs. Je veillerais à ce que le gouvernement plus que par le passé assure la défense des libertés, de la sécurité individuelle et de la loi.
Je demande à tous d'apporter leur concours à cette défense. En s'imprégnant de nos lois et en se disant à chaque instant que ce que nous ne pouvons pas supporter pour nous mêmes, nous ne devons pas l'imposer aux autres. Plus que jamais, il est nécessaire que soit maintenue la quiétude et la paix sociale. Voilà pourquoi, nous ne tolérerons plus des désordres et les troubles sociaux. Le gouvernement n'acceptera plus le désordre et la violence qui ont souvent endeuillé notre peuple et causé des pertes immenses aux citoyens et aux opérateurs économiques nationaux et étrangers. Les instructions sont données aux forces de l'ordre et la justice est invitée à prendre toutes les dispositions nécessaires pour poursuivre et punir les auteurs et les responsables de troubles à l'ordre public. Ces instructions devront être appliquées sans abus, lesquels seront sévèrement punis mais aussi sans faiblesse.
Les Guinéens doivent pratiquer le dialogue pour développer notre pays dans la paix. J'ai toujours été ouvert au dialogue et attentif aux critiques d'où qu'elles viennent pourvu qu'elles soient inspirées par l'intérêt national. Je suis disposé à la concertation avec tous les acteurs de la vie politique, économique et sociale mais je ne me laisserai pas distraire encore moins dévier de mon objectif qui est celui de développer notre pays dans la quiétude. Les théoriciens et importateurs de la démocratie et des droits de l'homme doivent savoir que la Guinée n'a pas eu besoin d'eux pour créer et développer son espace démocratique et l'Etat de droit. Ceux qui, à l'intérieur comme à l'extérieur, parlent de droits de l'homme en Guinée doivent savoir aussi que le droit de chaque individu n'est garanti que si le droit à l'intégrité physique, à la quiétude, à la paix et à la sécurité de l'ensemble de la nation est préservé. Nous ne laisserons pas de répit aux ambitieux sans foi ni loi qui veulent mettre le feu à la nation.

De l'exclusion

La Guinée sera forte si chacune de ses composantes naturelles est solidaire des autres dans le combat pour le développement. La Guinée sera forte si chaque guinéen prend conscience que, sans progrès national, sans solidarité et sans partage, il n'y a pas de progrès individuel. La grandeur réside dans le partage et dans l'union des forces. Je vous appelle donc, tous, à unir nos forces, à penser, agir et à vivre en guinéens égaux en droit et en devoir, et solidaires dans l'effort, dans le partage de ce que chacun aura contribué à créer. Quant à mon gouvernement, il luttera contre l'exclusion, la discrimination et assurera à chacun l'égalité de chance.

De la croissance

Ce quinquennat sera celui d'une croissance plus forte et du progrès social pour tous. Je vous convie donc à faire de cet objectif une ambition personnelle et nationale, car notre devoir d'hommes, notre devoir de guinéens, c'est de transformer en richesses réelles ce que Dieu nous a donné. Dieu a donné à notre pays des ressources naturelles que nous devons, par notre intelligence et notre travail, transformer en richesses financières, économiques et humaines. Tous nos objectifs de développement économique et social sont à portée de main, si nous arrivons à mieux organiser et maîtriser la gestion de notre économie et si nous faisons du travail bien fait notre action quotidienne.
J'engage le gouvernement et l'administration et j'invite les agents économiques à faire de la production et de la maîtrise des structures de production, la priorité économique au cours des années qui viennent (…) L'importance de nos besoins en équipements et en infrastructures ne peuvent trouver de solution, que si nous nous mettons résolument au travail. Là réside le défi de ce quinquennat pour nos économistes, pour nos agents économiques et pour toute la Guinée. Le tissu économique national, dans ses composantes agricoles, artisanales, industrielles, commerciales, de services et même de formation, n'est pas exploité au mieux. Les connexions entre les différentes structures et compartiments de notre économie pour mieux répondre à nos besoins peuvent être mieux articulés pour des performances encore plus grandes. Après plus d'une décennie de remise en ordre de notre économie, de stabilisation avec succès, le temps est venu d'impulser et d'amorcer une croissance forte notamment par une impulsion vigoureuse du secteur privé (…)

De l'emploi

Le moment est arrivé d'amplifier et de qualifier nos efforts, plus particulièrement dans le domaine de l'emploi et celui de la prise de la charge de la jeunesse. L'emploi tout d'abord, parce que toute action en faveur des femmes, des hommes, des jeunes et toute action contre l'injustice et l'exclusion passent par le plein emploi et par la distribution équitable des revenus(…) Notre société sera stable et harmonieuse si le plein emploi est assuré, sinon à tous , au moins à la grande majorité des guinéens. Tout ce quinquennat nous devons nous attaquer à ce problème avec détermination et intelligence. Pour cela, je veillerai à l'amélioration de la qualité et de l'efficacité des services publics à la poursuite de l'assainissement et à l'amélioration de notre système bancaire, au renforcement du cadre juridique et judiciaire, à l'approfondissement de la décentralisation, à la poursuite de la politique de transparence et de bonne gouvernance et surtout à la formation et au perfectionnement des acteurs économiques, c'est à dire le renforcement des capacités pour mieux répondre aux besoins de l'emploi. La réalisation de ces objectifs stratégiques permettra au développement plus important des secteurs privés et ruraux dans lesquels se situent les principaux jugements d'emploi.

De la jeunesse

Pour notre jeunesse, une de notre principale préoccupation, je demande à tous, un effort d'imagination et une ouverture d'esprit pour assurer une prise en charge complète de son éducation, de son orientation et de son insertion dans les activités économiques. L'implication des jeunes dans la vie économique, sociale et politique représente un des enjeux majeur de ce quinquennat. Des jeunes guinéens sont aujourd'hui mûrs pour exercer des responsabilités à tous les niveaux. J'en appelle à la solidarité entre générations pour la réalisation de cet objectif auquel j'attache une grande importance. Tout ce que nous faisons aujourd'hui n'aura aucun lendemain si les jeunes qui doivent pour relayer et continuer notre oeuvre ne sont pas éduqués en Guinéens, en hommes libres et sains et en citoyens aptes à se prendre en charge et à prendre en charge notre société. La jeunesse doit connaître et aimer la Guinée non seulement dans les livres mais aussi par les faits et sur le terrain (…)
Notre Guinée (…) continuera à demander et à recevoir des nations et organismes amis, et elle continuera aussi à offrir aux nations qui font appelle à elle, en particulier à celles qui, par le hasard de la géographie et de la communauté de populations, partagent le même destin qu'elle. C'est pourquoi, nous continuerons à manifester notre solidarité à nos frères de la sous-région en proie à la guerre civile. Car, prendre part à la construction de la paix chez nos voisins, c'est préserver la paix chez vous.

Le mot de la fin

Aux jeunes, aux femmes, aux hommes, aux cadres de l'administration, aux hommes d'affaires du pays, je vous tiendrais toujours le langage de la vérité. Notre société si généreuse soit-elle ne pourra jamais offrir que l'épargne de ses fils et de ses travailleurs. Les richesses naturelles de notre pays seront nature morte si, par notre travail, nous ne les transformons pas en richesses économiques. Le paresseux, le tricheur dans le travail, celui qui refuse de travailler est un poids mort pour la communauté . Je vous engage donc, chers compatriotes, à vous investir dans le travail bien fait et à renoncer aux critiques faciles, aux bavardages inutiles, à la politique politicienne qui ne nourrissent personne. L'espérance est au bout de l'effort. Et chacun de nous a une responsabilité dans ce que nous sommes et dans ce que nous serons.
Que Dieu Tout Puissant garde la Guinée dans la paix