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Presse écrite
La Lance

N° 148 — 20 octobre 1999


Action calculée ou bavure policière ?


Après la vague de protestations qui avait secoué certains lycées et collèges de Conakry le 11 octobre, certains élèves avaient projeté de remettre ça, au retour du Président Lansana Conté de son périple asiatique. Revenu à Conakry dans la nuit du 14, le Chef de l'Etat a dû tâter le poul pour le lendemain 15 octobre. Tôt le matin du vendredi 15, tout le monde attendait le mouvement des lycéens. Au lycée de Donka, des fourgonnettes bondées d'agents armés ont occupé toutes les issues. Des élèves, refoulés pour cause de retard, sont pris à partie par les agents. C'est la poursuite infernale, à coups de grenades lacrymogènes jusque dans l'enceinte du lycée. Ceux qui suivaient tranquillement les cours ont pris peur à la vue des agents. Surtout que certains parmi eux avaient tiré en direction des classes, répandant une fumée suffocante qui a semblé étouffer les occupants des locaux. Ce geste relevait-il de la prévention de toute velléité de réplique des élèves ou était-ce une provocation visant à aggraver la situation? En tout cas, tout le monde s'accorde sur le fait que cette intervention musclée ne paraissait pas opportune. Surtout que les élèves de Donka n'affichaient pas des apparences belliqueuses et tout semblait marcher normalement. Le pire de cette action policière a été le sort réservé au proviseur du lycée de Donka. Devant l'ampleur des dégâts causés par la descente policière, le proviseur s'est cru investi du pouvoir de dialogue avec les agents pour les amener à comprendre qu'ils se sont trompés de cible et que son établissement était paisible. Sans lui donner le temps de tenir son discours, des militaires se sont rués sur lui pour le ligoter comme un saucisson et le jeter dans leur panier à salade. Le pauvre proviseur sera soumis à toutes les formes de violences avant d'être relaxé 48 heures plus tard.
A Yimbaya, on s'en est aussi pris au directeur de l'école. Interpellé au commissariat du quartier, il a failli porter le chapeau de toutes les manifestations organisées dans ces lieux. La fameuse complotite si chère aux guinéens quoi! Pour l'autorité, aucun Guinéen n'est capable d'action réfléchie. Chaque fois que des personnes ont voulu exprimer leur mécontentement, certains barons ont vu une main manipulatrice derrière. Au point qu'on ne prend plus le temps de se concerter, après toute action de revendication pour faire le point de la situation et rectifier le tir au besoin. On semble naviguer à vue.
Ce qu'il faut retenir de ces bavures, c'est l'indignation qu'elles ont provoquée chez les parents d'élèves. Des fournitures acquises au prix de mille difficultés ont été abandonnées par les enfants dans leur panique.
A la reprise des cours, ce sera un retour à la case départ pour les parents d'élèves déjà frappés par la hausse du prix du carburant. A moins que ces agents n'aient agi que pour provoquer le mécontentement général. Et si tel est le cas, ils auront réussi à irriter certains parents. Surtout qu'un mouvement de lycéens est toujours sensible.

Thierno Diallo