Jeune Afrique L'Intelligent
25 novembre 2002
La Guinée, qui a fêté le 2 octobre le quarante-quatrième
anniversaire de son indépendance, se classe parmi les trente pays les plus
pauvres de la planète. Avec les immenses ressources naturelles dont il est
doté, ce pays aurait pu être beaucoup plus prospère. Mais l'Histoire
et les hommes en ont décidé autrement : le premier président,
Sékou Touré (1922-1984), a tourné le
dos à la zone
franc, puis cassé tous les ressorts du développement économique
par une politique s'inspirant du modèle soviétique. A sa mort, le
26 mars 1984, il laisse un pays meurtri par l'une des dictatures les plus violentes
d'Afrique — souvenez-vous des morts du Camp
Boiro — et une administration
minée, encore à ce jour, par la bureaucratie, la suspicion, la corruption.
L'armée prend aussitôt le pouvoir et le Comité militaire de
redressement national désigne un soldat pur et dur à la tête
de l'État : le colonel Lansana
Conté, 50 ans. Il a fallu attendre
presque dix ans avant la mise en place d'une économie libérale et
un retour à des élections multipartites. Promu général,
Conté ne l'emporte, le 23 décembre 1993, qu'avec à peine plus
de 50 % des voix à l'issue d'une élection contestée. Réélu
le 16
décembre 1998 avec 56,11 % des suffrages, il fait aujourd'hui tout
ce qui est en son pouvoir pour rester jusqu'en … 2010, et égaler
ainsi le « score » de son prédécesseur : vingt-six ans
de règne.
Le prochain président de la République sera donc élu, en décembre
2003, pour sept ans, et non plus cinq.
Écartelée entre une quarantaine de partis politiques et au moins
cinq prétendants à la succession, l'opposition ne semble pas en mesure
de menacer réellement le général Conté. L'économie
vit de quelques activités minières (bauxite, or, diamant) dominées
par de puissantes compagnies étrangères. Mais la majorité de
la population subit la pauvreté au jour le jour …
La position géographique du pays explique la bienveillance dont font preuve
les Européens et les Américains à l'égard du régime
de Conté.
La Guinée constitue à leurs yeux un rempart efficace contre une menace
plus grande : la rébellion au Liberia et en Sierra Leone. Les bailleurs
de fonds sont donc invités à se montrer plus compréhensifs
vis-à-vis des autorités de Conakry et moins regardants sur la corruption
ou le respect des droits de l'homme. Ainsi, le pays a bénéficié en
décembre 2000 d'un important allègement du service de la dette extérieure
sur vingt ans (800 millions de dollars) et d'une aide massive (230 millions de
dollars de la seule Banque mondiale pour les projets en cours). Ces partenaires
préfèrent voir la bouteille à moitié pleine, et mettre
en exergue les progrès enregistrés çà et là dans
les cultures vivrières (riz) et les cultures à l'export (coton),
la lutte contre l'inflation et la croissance économique (3 % à 4
% par an). L'opposition, elle, attendra !
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