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Presse écrite


Opinion. — La presse joue-t-elle réellement son rôle ?L'Indépendant

N° 151 — 29 novembre 1999


Certaines gens estiment que le pouls d'une démocratie se mesure avant tout au dynamisme de la presse qu'elle soit écrite ou audiovisuelle. La Guinée, à l'instar de nombreux pays du contient, s'est engagée sur la voie démocratique sans en mesurer forcement toute la portée. Le bilan, au bout de quelques années, est loin d'être reluisant pour les mass-médias. pour des raisons diverses, la presse guinéenne a du mal à s'affranchir des réflexes du passé. En dépit du nouveau contexte démocratique, les organes d'information d'Etat que sont l'Office de la radiodiffusion guinéenne (Ortg) et le journal “Horoya” restent la chasse gardée du pouvoir en place. Les journalistes évoluant dans ces médias sont des fonctionnaires soumis aux contraintes administratives. La peur du licenciement aidant ils sont plus enclins à l'obéissance.
Ainsi, comme au bon vieux temps de la Révolution, les organes d'information de l'Etat continuent de se faire uniquement l'écho de l'action gouvernementale. Ils restent l'instrument privilégié de propagande. Les gouvernés ainsi que l'opposition sont royalement ignorés. L'Ortg est très célèbre dans la couverture des manifestations officielles. Il en va de même pour le journal “Horoya”. Dans une certaine mesure, un peu de liberté est accordé aux radios rurales, qui couvrent souvent l'actualité dans le pays profond, mais leur impact est assez limité. Un contrôle strict est exercé par le gouvernement guinéen sur les médias d'Etat nonobstant l'existence du Conseil National de la Communication (Cnc) appelé à gérer, entre autres, l'éthique et l'objectivité, fait d'eux de simples courroies de transmission des ordres des décideurs vers les exécutants. La démocratie s'en trouve naturellement appauvrie.
A l'opposé, la presse privée, que le vent de l'Est a en quelque sorte favorisée, tire plus ou moins son épingle du jeu. Les journaux privés jouissent d'une relative liberté qui leur permet de jouer un rôle de contre-poids aux autres pouvoirs que sont l'exécutif, le judiciaire et le législatif. L'essentiel des lecteurs guinéens s'informe à leurs sources plutôt qu'à celles des organes d'Etat considérées comme “peu crédibles”. Ce mérite de la presse privée est cependant quelque peu amoindri par des difficultés insurmontables, très souvent d'ordre matériel. De plus en plus de journaux se font eux-aussi les portes-voix du pouvoir. Souvent par le biais de ses tenants, l'objectivité est foulée aux pieds dans certaines rédactions pour assouvir certains desseins inavoués. Depuis quelque temps, des journalistes privés de la place ont perdu de leur crédibilité, de même que leurs journaux. Cela s'explique, selon des observateurs, par la formation déficiente et la vénalité des journalistes. De plus en plus de Guinéens s'informent aujourd'hui à partir des radios étrangères. Les chaînes de télévisions captées grâce aux antennes paraboliques sont très prisées des téléspectateurs. Cela n'augure évidemment pas de lendemains meilleurs pour la presse privée nationale.
Il ne serait pas exagéré de soutenir aujourd'hui que le processus démocratique guinéen est malade des entorses et difficultés portées à la presse. Mais aussi du manque de professionnalisme des journalistes qui, par intérêt ou crainte, se laissent aller au “griotisme”.

Hassane Kaba


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