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Jeune Afrique


Côte d'Ivoire. — Bédié : passeport pour l'exil.

n° 2035 11-17 janvier 2000


003432/04 120/1999 : tel est, apprend-on à Lomé, le numéro du passeport diplomatique togolais portant la mention « ancien président de la République de Côte d'Ivoire » avec lequel Henri Konan Bédié est entré sur le territoire français le 3 janvier à 15 h 45 précises. à bord du Boeing 707 présidentiel d'Eyadéma, qui a atterri ce jour-là sur l'aéroport d'Orly, se trouvaient l'essentiel de la famille et des compagnons d'exil de Bédié depuis leur fuite d'Abidjan le 26 décembre. Soit une trentaine de personnes, auxquelles il convient d'ajouter Clarisse Kablan Duncan, l'épouse de l'ex-Premier ministre, et leur fils, Albert, lesquels n'avaient rejoint les « exfiltrés » à Port-Bouët qu'au dernier moment. Tous les anciens ministres, Dibonan Koné et Bandama N'Gatta compris, se sont vu remettre à Lomé des passeports diplomatiques signés par le ministre togolais des Affaires étrangères, Joseph Kokou Koffigoh. Dans la précipitation, la plupart d'entre eux ? dont Bédié lui-même et son épouse Henriette née Bomo ? avaient, en effet, oublié leurs passeports ivoiriens à la maison. Un chef d'état, habitué à ce que le protocole s'occupe de tout, sait-il d'ailleurs où se trouve ce précieux document ? L'ambassade de France au Togo n'a donc pas eu à affronter le casse-tête suivant : comment apposer un visa sur un passeport portant la mention « président de la République » , alors que son titulaire ne l'est plus. Dans de pareilles circonstances, on s'en souvient, le Congolais Pascal Lissouba s'était vu refuser l'entrée en France après sa chute en octobre 1997 ? à moins qu'il ne présente un document ordinaire. C'est donc sur des passeports diplomatiques togolais flambant neufs que la représentation française à Lomé a tamponné des visas de séjour de trois mois. Pourquoi trois mois ? « Parce que c'est la durée maximale que peut accorder une de nos ambassades sans procédure ni autorisation particulière, dit-on au Quai d'Orsay, mais il va de soi que ces visas seront prolongés sans aucun problème si la demande en est faite. »
Apparemment, aucun des enfants du couple Bédié ne détient la nationalité française. Si Patrick, Jean-Luc et Lucette sont nés à Washington, Monique, elle, est née à Paris. Mais ses parents ne l'ont pas déclarée comme binationale et son nom ne figure pas dans les archives de Nantes. Enfin, sur la fiche de police que tous les passagers du Boeing togolais ont dû consciencieusement remplir au pavillon d'honneur de l'aéroport d'Orly, aucun n'a fait mention d'une nationalité française.
Avant de se rendre au 1, rue Beethoven à Paris, où il possède un appartement (et où aucun dispositif particulier de sécurité n'était visible le lendemain), Henri Konan Bédié avait reçu à Orly un accueil minimal. Quelques agents du protocole français, une vingtaine de policiers et une petite troupe d'Ivoiriens ameutés par l'ambassadeur de Côte d'Ivoire, particulièrement « légaliste » (c'est-à-dire « bédiéiste » ) pendant le coup d'état. En organisant cette petite réception, Jean-Marie Kakou Gervais savait sans doute ce qu'il faisait. Le 5 janvier, ses collègues du corps diplomatique accrédités en France ont reçu une note circulaire du Quai d'Orsay les informant que Son Excellence avait été rappelé à Abidjan « pour consultation » . En attendant que soit nommé son successeur.

François Soudan


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