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Guinée : Un pays au bord de la faillite

Conakry, 20 Octobre 2006 (IRIN) — Suite à l’effondrement d’un pont situé sur l’unique route reliant Conakry, la capitale guinéenne, à N’Zérékoré, une ville frontalière isolée, le prix des denrées alimentaires de base et des transports a considérablement augmenté, rendant encore plus difficile la vie d’une population démunie.

Le pont, qui s’est écroulé à la fin du mois d’août dernier, se trouvait sur l’unique route goudronnée du pays qui reliait Conakry (côte ouest) à N’zérékoré, une grande ville commerciale, située à 1000 kilomètres de la capitale, en Région Forestière (sud-est), proche de la frontière avec le Liberia et la Sierra Leone.

Cette situation complique davantage la vie de la population guinéenne. Selon les Nations unies, plus de la moitié des Guinéens vit avec moins d’un dollar par jour.

En outre, il n’existe aucune garantie de stabilité politique dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. En effet, comme la succession du président Lansana Conté, qui souffre notamment d’un diabète chronique, ne semble pas être préparée, de nombreux analystes pensent que le pays pourrait connaître un coup d’Etat militaire et sombrer dans le chaos si M. Conté venait à disparaître.

L’impraticabilité de la route qui mène à Nzérékoré symbolise l’isolement économique et la détérioration générale de la Guinée, a déclaré Nicola Prins du Département Afrique de l’Economist Intelligence Unit (EIU), une société basée à Londres.

« La situation n’est pas très réjouissante. La conjecture économique se dégrade sérieusement, il n’y a pas de politique économique cohérente et cela dure depuis plusieurs années », a-t-elle affirmé. « L’état des infrastructures du pays reflète l’incapacité du gouvernement à obtenir davantage de financements pour améliorer l’existant. Le tableau est plutôt sombre », a-t-elle ajouté.

Une vie encore plus difficile

Plutôt que de risquer d’emprunter des routes défoncées, qui sont souvent impraticables en dehors de Conakry, les agences humanitaires et les ONG ont décidé de se déplacer en avion. En outre, au début du mois d’octobre, le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) a commencé à réduire ses opérations en faveur des réfugiés libériens pour des raisons qui ne sont pas directement liées à l’effondrement du pont.

Compte tenu de l’inflation endémique que connaît le pays, la plupart des produits importés que l’on trouve sur les marchés de Conakry sont hors de portée de la plupart des habitants. Par exemple, le sac de riz se négocie à environ 33 dollars américains, soit le salaire mensuel d’un fonctionnaire guinéen.

A mesure que les produits se font rares sur les marchés, le prix des bananes et de l’huile de palme de la Région Forestière monte en flèche. En outre, cette flambée des prix affecte aussi bien les marchands que les familles, dont la survie dépend de cette nourriture locale, bon marché.

« Quand je vois ces prix qui ne cessent d’augmenter, je me demande comment je vais pouvoir continuer à nourrir ma famille », a confié Moussa Kanté, un Guinéen de 42 ans, chef d’une famille de sept personnes, qui vit à Conakry.

Depuis l’effondrement du pont, le voyage Conakry-N’zérékoré à bord d’un minibus délabré coûte 36 dollars américains au lieu de 27 et dure quatre jours au lieu d’un.

« Il faut dire d'abord que ce sont toutes les routes de la forêt qui sont devenues un véritable calvaire pour nous », a expliqué Abdoulaye Dioubaté, un transporteur qui assure la liaison Conakry-N’zérékoré.

L’augmentation du prix des transports a eu des répercussions sur la scolarisation des enfants. En effet, les tables et bancs d’école sont fabriqués près de N’zérékoré et depuis l’écroulement du pont, le prix de leur livraison dans les différentes écoles de Guinée est passé de 12,50 dollars américains à 27, soit l’équivalent d’un salaire mensuel d’un directeur d’école.

Détérioration de la situation économique

Selon Ibrahima Kalil Kourouma, le directeur national des investissements routiers, il manquerait au gouvernement guinéen que 50.000 dollars sur les 200.000 nécessaires à la réhabilitation de la route reliant Conakry à N’zérékoré. Il espère un décaissement du 9ème Fonds européen de développement qui sera mis à la disposition de la Guinée.

Pour Ibrahima Kalil Kourouma, ce décaissement est conditionné par « l’amélioration de la bonne gouvernance en Guinée ».

D’après Nicola Prins de l’EIU, il est peu probable que l’UE ou un autre bailleur de fonds bilatéral ou multilatéral ayant contribué à la consolidation de la fragile économie guinéenne depuis les années 1980 accepte de verser de nouveaux fonds à cet Etat.

« Les bailleurs de fonds ont tendance à ne plus dissocier réforme économique de la réforme politique. Ainsi, il arrive parfois que les gouvernements s’engagent dans des politiques de réforme pendant une année et qu’ils reçoivent en contre partie des aides de la part des bailleurs de fonds ; mais cela ne dure jamais », a-t-elle ajouté.

En outre, précise Mme Pins, il y a une mauvaise gestion des fonds publics.

« De temps en temps, le gouvernement freine les dépenses de manière à obtenir le soutien des bailleurs de fonds, puis l’année suivante, les dépenses incontrôlées reprennent de plus belle », a-t-elle déclaré. « L’économie, en général, est dans un état de déliquescence ».

« Nous avons atteint un point où les bailleurs de fonds multilatéraux hésitent à prêter de l’argent à la Guinée. La France continue de proposer des financements, parce qu’elle ne veut pas voir la Guinée s’effondrer complètement », a poursuivi Nicola Prins.

L’aide au développement de la Guinée a été irrégulière depuis que le Fonds monétaire international (FMI) a suspendu toute aide au pays en 2002.

La Guinée dispose d’importantes réserves de minerais. Ainsi, au cours des douze derniers mois, la hausse du prix des matières premières a incité les sociétés étrangères, notamment russes et américaines, à exploiter les grandes réserves de bauxite de la Guinée. Cependant, selon les analystes, il faudra attendre plusieurs années encore pour que les bénéfices tirés des exploitations minières puissent renflouer les caisses de l’Etat.


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