Mmes, Messieurs, Chers compatriotes,
C'est un grand honneur que m'a fait le Chef de l'Etat le mardi 9 juillet 1996 en me nommant Premier Ministre de la République de Guinée. Je me sens honoré de la confiance qu'il m'a faite, confiance qu'il qui ne sera totalement meritée que si vous tous, citoyens de ce pays m'accordez la vôtre. Ma mission sera essentiellement d'ordre économique. Elle n'en sera pas moins exaltante et je ne ménagerai aucun effort pour sa réussite, car il 'sagit d'améliorer les perspectives économiques de la Guinée au cours des prochaines années; que dis-je, des prochains mois.
Il faut savoir que les résultats auxquels nous allons parvenir conditionneront à bien des égards l'avenir de ce pays. La Guinée a consenti depuis plus de dix ans, d'énormes sacrifices pour créer les bases d'un développement économique et social durable en mettant en oeuvre un vaste programme de réformes. Grâce à ces efforts, des résultats appréciables ont pu être obtenus. En effet, le taux de croissance a atteint en moyenne 4% en termes réels ces dernieres années, alors que l'inflation a pu être contenue dans des limites acceptables.
Mais où en sommes-nous aujourd'hui ?
Mon devoir, Mmes et Messrs, est de vous dire les choses telles qu'elles sont, la transparence étant une des conditions de la réussite économique.
Des résultats encourageants ont été certes obtenus, mais les problèmes majeurs subsistent. Ces problèmes ont notamment pour origine la fragilité des finances publiques, l'inefficacité de l'Administration, la faiblesse des investissements privés avec pour corollaire l'aggravation du chômage, notamment celui des jeunes.
En effet alors que les charges financières de l'Etat deviennent de plus en plus importantes à cause du poids croissant de la dette exterieure, du niveau eleve de la masse salariale, et des charges recurrentes générées par les investissements publics effectués, la mobilisation des recettes budgétaires demeure notoirement faible.
Les résultats actuels qui sont loin de correspondre au potentiel de mobilisation de recettes du pays sont imputables principalement aux contre-performances de l'Administration et des régies financières, au poids excessif de la fraude et de l'évasion fiscales. Ils tirent egalement leur origine dans le ralentissement de l'activité économique et dans la prédominance du secteur informel. Ainsi les recettes totales du budget sont tombées de près de 19 % du PIB en 1986 à seulement 11,5 % en 1995. Le manque à gagner des recettes par rapport aux prévisions a atteint 50 milliards de FG.
Parallement à cette dégradation, les dépenses de l'Etat ont suivi une tendance à la hausse inacceptable pendant les cinq dernières années.
Bref, aujourd'hui les équilibres macro-économiques sont rompus.
Quant à l'Administration, le Chef de l'Etat dans son adresse du 2 avril dernier en a souligné largement les insuffisances en mettant l'accent sur le manque de responsabilité et de sanction, l'absence de cohésion dans l'action, le manque de transparence et de rigueur dans le choix des agents.
Le secteur privé qui se devait de prendre le relais du secteur public après les réformes intervenues en 1986, n'a pas connu de développement significatif à cause de l'insuffisance des infrastructures économiques de base, d'un environnement institutionel inadéquat, d'une tracasserie administrative insoutenable et d'un système judiciaire quelquefois défaillant.
Mmes et Messrs,
Voila les défis majeurs auxquels le nouveau Gouvernement doit faire face, et il fera face.
Aucun pays ne peut générer de croissance durable avec de tels handicaps.
Aussi, les mesures que j'envisage de mettre en oeuvre pour corriger cette situation s'articulent-elles autour de des grands axes touchant tous les secteurs économiques, financiers et institutionnels.
La Guinée a pris un énorme retard dans la restructuration et la reconversion de son Administration, ce qui ne permet pas au pays de profiter pleinement d'un potentiel pourtant très important. Sans cette reorganisation en profondeur soutenue par un suivi conséquent, tous les efforts futurs seront vains ; l'expérience des dix dernières années nous l'a montré. Les programmes négociés n'ont jamais été respecté pendant une période suffisante, pour asseoir une croissance durable, pouvant améliorer ainsi le niveau de vie des populations.
C'est pourquoi l'une des premières tâches du Gouvernement sera de mobiliser l'ensemble du personnel de l'Administration dans un processus de remise en cause des mentalités, d'amélioration des comportements, afin que soit fourni aux populations un service public efficace au moindre coût, permettant de restaurer ainsi la confiance des citoyens dans leur Administration. Un intérêt particulier sera accordé à la rationalisation des méthodes de travail et au choix des agents et cadres aux différents postes de responsabilité Tout manquement devra immédiatement déclencher les procédures de sanctions, sans 'intervention' aucune.
La direction et la coordination de l'action gouvernementale ont été déjà renforcées par l'institution d'un Conseil interministériel hebdomadaire présidé par le Premier Ministre, qui aura pour charge entre autres d'examier tous les dossiers qui doivent être soumis pour décisions au Conseil des Ministres présidé par le Chef de l'Etat.
Il pemettra le suivi au quotidien de toutes les décisions gouvernementales en opérant les arbitrages nécessaires. Face à la nécessité de réaliser les dépenses indispensables au bon fonctionnement de l'Administration et d'assurer la couverture des dépenses d'investissement, l'objectif financier principal de la Guinée demeure aujourd'hui la mobilisation des recettes intérieures et la rationalisation des dépenses publiques. Les mesures identifiées pour corriger ces déséquilibres financiers concernent les services et secteurs suivants:
Ces actions visant à renforcer les ressources de l'Etat iront de pair avec, d'une part, l'amélioration de la qualité des dépenses, et d'autre part, la poursuite de la restructuration du secteur parapublic pour réduire le poids des subventions sur le budget de l'Etat.
Dans le domaine des dépenses publiques, des réductions budgétaires immédiates d'au moins 30 % seront opérées d'ici la fin de l'année sur les dépenses de fonctionnement, les subventions et autres dépenses communes.
Cette maitrise des charges tendant à la réduction du train de vie de l'Etat sera confortée par :
La maitrise des dépenses publiques n'a aucune chance d'aboutir sans un contrôle renforcé des procédures d'engagement et de décaissement.
Mieux, le contrôle des procédures de dépenses publiques de fonctionnement des Etablissements publics et des Départements sera dorénavant effectué a priori par la Direction du Contrôle financier, et a posteriori par l'Inspection d'Etat. Ces services de contrôle seront rattachés directement au Cabinet du Premier Ministre.
Le développement des infrastructures de base et l'amélioration de l'environnement institutionnel pour permettre la relance de l'investissement privé figureront évidemment parmi les priorités du Gouvernement.
Il faut exploiter les possibilités qui permettent d'élargir le champ de l'initiative privée. Un secteur privé dynamique peut être la principale source d'innovation et d'emplois, à condition de pouvoir s'appuyer sur une gestion administrative saine et cohérente.
Il sera nécessaire à cet effet d'améliorer et de renforcer le cadre juridique et légal pour assurer aux investisseurs la garantie de l'application de la loi.
La création d'un cadre de concertaion avec le secteur privé permettra d'ameliorer également les procédures de mise en oeuvre des investissements et surtout la compétitivité de l'économie.
La politique gouvernementale doit encourager les entrepreneurs actuels et futurs, favoriser la création de petites et moyennes entreprises et mettre en place un secteur financier dynamique et bien encadré. Les emplois dont nous avons tant besoin pour nos jeunes, diplômés ou non, ne pourront être créés qu'à ce prix.
Mmes et Messrs,
Chers compatriotes,
L'ensemble des mesures que je viens de vous indiquer a reçu l'aval du Président de la République qui l'a confirmé dans une lettre de mission adressée au Premier Ministre.
Ce qui me parait important dans la mise en place de ce nouveau gouvernement, c'est le signe d'un nouveau départ pour le pays. L'effort d'ajustement est une oeuvre de longue haleine qui requiert des sacrifices et l'adhésion de tous les citoyens. Je tiens à vous rassurer que je veillerai à ce que la croissance qui en resultera profite équitablement à toutes les couches sociales. Les lacunes qui me seront signalées seront corrigers sans délais.
Ce gouvernement est le vôtre, il est la garantie de l'amélioration du bien-être de tous les fils de ce pays. Je vous invite donc à lui apporter tout votre soutien pour la réussite de cette exaltante mission que le Chef de l'Etat a bien voulu me confier. Je vous remercie.
Conakry, 10 juillet 1996
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