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Il y a urgence pour la Guinée


Le Monde
Editorial, 13 octobre 2009

Il y a urgence pour la Guinée. Urgence à agir pour la communauté internationale afin de contraindre au départ une junte militaire criminelle, responsable du massacre de dizaines, voire de centaines d'opposants le 28 septembre à Conakry. Urgence de soutenir ces forces intérieures guinéennes pour une fois unies mais exposées aux dérives d'une armée clanique pillant un pays déjà exsangue. Urgence enfin à trouver et juger les coupables du massacre pour éviter un cycle de vengeances.

La France et les Etats-Unis, notamment, ont eu rapidement des mots très forts. On n'en attendait pas moins devant tant de viols et d'exécutions aveugles. Les chefs des Etats voisins de la Guinée, cachés derrière leurs organisations régionales, se sont, quant à eux, contentés de nommer un médiateur, le président burkinabé Blaise Compaoré. Décision controversée, car ces “longues palabres africaines”, selon les mots d'un ministre guinéen, conviennent parfaitement à une junte qui cherche à gagner du temps.

La présence à Conakry d'un représentant international permanent au passé sans tâche et la création d'une commission d'enquête totalement indépendante permettraient d'accentuer la pression sur la junte. Il faut montrer que le 28 septembre dans un lointain pays africain ne disparaîtra pas sous d'autres dossiers encore plus lourds. Il faut sanctionner la junte, sans parler de l'envoi d'une force armée, appelée par l'opposition guinéenne, mais dont on ne voit pas actuellement d'où elle pourrait venir.

Le temps presse, car le capitaine Moussa Dadis Camara se sent bien dans ses habits de despote. En dix mois, il a déjà verrouillé les postes clés de l'administration et des sociétés les plus juteuses. Et si Dadis Camara parlait d'élection présidentielle en janvier, personne ne doute que c'était pour la gagner par tous les moyens.

Certes, il n'avait sans doute pas mesuré les conséquences de la tuerie du 28 septembre. Sa mascarade électorale a tourné court, et il pourrait, demain, se retrouver devant la Cour pénale internationale. Mais, d'ici là, le chef de l'Etat et la junte militaire pourraient opter pour une fuite en avant. Déjà, on entend son entourage agiter des arguments ethnocentristes. Selon eux, le 28 septembre se résume à un complot destiné à empêcher la minorité dite “forestière” — du même groupe ethnique que le chef de la junte — d'exercer le pouvoir. De pareils arguments, dans la région, se sont soldés par d'indicibles massacres. Dadis Camara est dangereux pour son peuple. Il doit partir.