Liberation.fr
16 octobre 2009
Environ 2500 Français vivent dans le pays, où sévit une forte insécurité depuis le massacre du 28 septembre dans le stade de la capitale Conakry.
« Il est formellement déconseillé de se rendre en Guinée et il est recommandé aux Français présents sur place de quitter le pays », souligne le site internet du ministère des affaires étrangères dans un avis aux voyageurs concernant ce pays, où le nombre de Français est estimé à environ 2.500 personnes.
« Il n'y a pas de perspective d'amélioration à court terme », ajoute le ministère dans cette note. Il explique que «la situation sécuritaire s'est détériorée à Conakry » et que «des actes de banditisme se sont multipliés, en particulier des attaques à main armée», après la répression par l'armée d'une manifestation de l'opposition le 28 septembre, qui a entraîné « de nombreuses victimes parmi la population guinéenne ».
Dans la capitale et sa banlieue, « les conditions de sécurité sont sensiblement dégradées avec une augmentation du nombre d'attaques à main armée », précise aussi le ministère. « Des malfaiteurs prennent en filature des personnes à la sortie de l'aéroport et les agressent à l'arrivée à leur domicile afin d'y pénétrer et de voler (…) Ces agressions peuvent se dérouler dès la nuit tombée et dans pratiquement tous les quartiers de la capitale, les moyenne et lointaine banlieues étant plus touchées. Les agresseurs sont armés, souvent porteurs d'uniformes kaki ou noir type treillis, et parfois cagoulés », ajoute-t-il.
Les violences militaires perpétrées à l'encontre des sympathisants des « forces vives », le rassemblement des forces politiques de la société civile, auraient fait plus de 157 victimes et 1200 blessés, selon l'Organisation guinéenne des droits de l'Homme, qui rapporte également de nombreux viols de jeunes femmes.
Depuis ce massacre, les Guinéens vivent dans la peur de la guerre civile. Même si les condamnations des Unions Européenne et Africaine ainsi que des Etats-Unis ont été sans équivoque sur les responsabilités de la junte, reste à trouver une solution pour éviter qu'elle ne s'accroche au pouvoir.
Le vide commence toutefois à se faire autour du capitaine Moussa Dadis Camara. Trois ministres de son gouvernement, Abdourahmane Sanoh (agriculture), Alpha Diallo (fonction publique) et Justin Morel (information), ont démissionné au cours de la semaine écoulée afin de se désolidariser d'un pouvoir assassin. Le départ du Premier Ministre, Kabinet Komara, serait également imminent. Sa femme et sa fille ont quitté le pays jeudi.
Sommé de quitter la tête de l'Etat par les puissances occidentales et menacé de poursuites par la Cour pénale internationale, le président autoproclamé pourrait néanmoins préférer la politique du pire à l'humilitation d'une cavale ou d'un exil négocié. D'autre part, même s'il se résignait à partir, il a lui-même avoué au lendemain des tueries qu'il ne contrôlait pas ses hommes, dont la réputation sanguinaire n'est plus à faire. Meurtres de rue
Des photos mises en ligne sur le site de France 24 montre ainsi l'assassinat d'un jeune manifestant dans la rue le 29 septembre, abattu alors qu'il essayait de s'échapper, puis achevé au poignard par un « béret rouge », un des soldats de la garde présidentielle de Camara.
L'avertissement du Quai d'Orsay fait également suite aux violents échanges entre Camara et Bernard Kouchner, par déclarations interposées. Tandis que le ministre avait affirmé qu'il n'était « plus possible de travailler avec Dadis Camara », ce dernier avait répliqué : « la Guinée n'est pas une sous-préfecture de la France ». Silencieuse depuis une semaine sur le sujet, la diplomatie française semble avoir laissé la main à l'UE, peut-être pour ne pas exposer ses nombreux ressortissants sur place à d'éventuelles représailles.