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Guinée : la médiation de Compaoré en question


AFP — Jeune Afrique. 28/11/2009

La présidente de l'ONG International Crisis Group (ICG), Louise Harbour, estime que le président burkinabè Blaise Compaoré n'est pas “l'homme le plus fiable” pour servir de médiateur en Guinée.

“M. Compaoré, qui a été militaire, meneur d'un coup d'Etat et parrain politique de Charles Taylor (ex-chef rebelle et ancien président du Liberia, actuellement jugé pour crimes contre l'humanité, ndlr), n'est pas l'homme le plus fiable pour prêcher la démocratie et (favoriser) le pouvoir civil”, affirme Mme Harbour dans ce texte paru dans The International Herald Tribune.

Compaore et Dadis

“La mission de Compaoré devrait accepter l'offre de l'ONU d'un soutien pour la médiation et s'en tenir à l'objectif initial de la région (ouest-africaine): gérer le retrait de la junte du pouvoir”, ajoute Mme Harbour, ancien haut-commissaire aux droits de l'Homme de l'ONU.

“Instabilité mentale”

Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat il y a 22 ans, a été nommé médiateur dans la crise guinéenne par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Il a présenté le 20 novembre un premier projet d'accord politique interguinéen, préconisant le maintien au pouvoir du chef de la junte pendant une transition de dix mois.

Ce projet, catégoriquement rejeté par l'opposition guinéenne, permettait aussi au capitaine putschiste Moussa Dadis Camara de se présenter à la présidentielle.

“Les Forces Vives n'accepteront pas une offre de la junte ou une proposition de M. Compaoré pour la formation d'un gouvernement d' 'union nationale' que les militaires domineraient inévitablement”, juge Mme Harbour.

La présidente d'ICG juge par ailleurs que le président autoproclamé de la Guinée, le capitaine Dadis Camara, présente des signes d'“instabilité mentale”.

“Une tentative pour remplacer le capitaine Camara, qui présente des signes d'instabilité mentale, par un autre officier, même temporairement, pourrait fracturer l'unité de l'armée et faire sortir les milices de leurs camps…”, écrit-elle.

Risque de guerre

ICG évoque plutôt une stratégie pour mettre en place une administration transitoire n'excédant pas six mois, pour préparer des élections. Mais l'organisation souligne qu'il faut trouver le moyen de motiver les militaires guinéens afin qu'ils coopèrent, c'est-à-dire qu'ils aient un rôle légitime à jouer si un gouvernement civil est installé.

Pour Mme Harbour, il conviendrait d'abord d'“envoyer une équipe politique et militaire de la Cédéao sur le terrain, en Guinée, pour prévenir un autre massacre et préparer la voie pour garantir la tenue d'élections”. Sinon, on peut redouter une “guerre en Guinée, dont toute l'Afrique de l'Ouest occidentale souffrirait”, prévient-elle.

Née du coup d'Etat du 23 décembre 2008 ayant porté une junte au pouvoir, la crise en Guinée s'est brutalement aggravée avec le massacre le 28 septembre dans un stade de Conakry de plus de 150 opposants, selon l'ONU, par les forces de sécurité.

Créée il y a 14 ans, International Crisis Group est une organisation non-gouvernementale qui propose ses analyses pour la prévention et la résolution de conflits.