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Guinée: l'étau se resserre autour de Dadis


Les Afriques
14-10-2009

La 8è réunion du Groupe de contact propose au Sommet de la CEDEAO du 17 octobre le départ du chef de la junte et la formation d'un gouvernement d'union nationale pour conduire la transition.

Le sort définitif du chef de la junte guinéenne, Dadis Camara, devrait être fixé le 17 octobre prochain, date du Sommet de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest qui se réunit sur la Guinée à Abuja.

Si le Sommet entérine les décisions du Groupe de contact international qui s'est réuni lundi dernier à Abuja, les jours du président du Conseil national pour la Démocratie et le Développement, CNDD, seront comptés. Le GIC co-présidé par le président de la commission de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, et Ibrahima Fall, le représentant de l'Union africaine, et comprenant en outre les représentants de l'Union européenne et de l'Organisations des Nations unies, en plus des ministres du Nigéria qui assure la présidence en exercice de la CEDEAO et du Burkina Faso, dont le président Blaise Compaoré est le médiateur désigné par la CEDEAO.

Côté guinéen, le gouvernement était représenté, ainsi que toutes les forces vives. Les décisions du GIC ont été à la mesure des témoignages entendus par la réunion. Photos, films vidéo, témoignages de victimes, dont une femme miraculée pour avoir été battue et dévêtue. Le premier bilan de 150 tués est apparu bien faible tant la barbarie s'est manifestée dans une horreur qui a choqué tout le monde. «Ce n'était pas le fait d'hommes. C'était plutôt des bêtes sauvages» a lâché encore traumatisé, un participant à la réunion.

Dadis au stade ?

Le capitaine Dadis ne semble pas aussi blanc dans ces actes ignominieux qu'il veut le laisser croire. A posteriori, son insistance à soutenir qu'il n'était pas présent au stade alors que personne ne l'en avait accusé, joue à présent contre lui. Les preuves formelles de la présence de sa 4x4 au stade ont été exhibées. Certains l'accusent d'être parmi les encagoulés vus sur les images du stade. Aucune preuve de cette présence n'a pu en revanche être rapportée. Les décisions fermes arrêtées par le GIC se comprennent bien à la suite de l'audition de toutes les parties prenantes.

La première d'entre elles qui a dû ravir les forces vives est celle qui demande le «retrait du CNDD et la nomination de nouvelles autorités de transition [pour] favoriser une transition apaisée de courte durée au terme de laquelle seront organisées des élections crédibles et transparentes. Ces nouvelles autorités de transition devront faire preuve de neutralité tout au long du processus électoral», indique le communiqué final. Cette solution politique, espère le GIC, doit s'installer par le dialogue.

Le GIC exige également du président du CNDD qu'il formalise, avant le 17 octobre, «l'engagement pris, que ni lui-même, ni les autres membres du CNDD, ni le Premier ministre, ne se présenteront à l'élection présidentielle».

Cour pénale internationale

Pour faire la lumière sur les violences, la réunion a également décidé la mise en place, avec le soutien du Haut Commissariat aux Droits de l'Homme, d'une Commission Internationale d'enquête pour «faire toute la lumière sur les graves violations des droits de l'Homme, du 28 septembre 2009, notamment le massacre de civils non armés et le viol de femmes [pour] situer les responsabilités, déférer les auteurs desdits actes devant les juridictions guinéennes compétentes ou la Cour Pénale Internationale, afin de mettre fin à l'impunité».

Pour éviter que ne se répètent ces graves violations des droits de l'Homme et pour assurer la sécurité des populations civiles en particulier celle des leaders politiques obligés de changer de refuge toutes les nuits, la CEDEAO est invitée à «constituer, avec l'aide de ses partenaires, une mission internationale d'observation et de protection, composée de personnels civil et militaire, qui devra protéger les membres de la Commission d'enquête et les témoins contre les actes d'intimidation et contribuer à l'instauration d'un climat de sécurité pour la population guinéenne».

Dans le même ordre d'idée, le GIC demande au CNDD «d'interdire le port des armes de guerre par tout militaire en dehors des casernes ou ne se trouvant pas en service commandé». Le médiateur de la CEDEAO, le président Compaoré, s'était ému lors de sa visite à Conakry, de militaires en armes hors des casernes.

La junte est invitée à «libérer toutes les personnes détenues arbitrairement, en particulier celles détenues en relation avec les événements du 28 septembre 2009, à rendre les corps de victimes à leurs familles, à permettre à toutes les personnes admises dans les hôpitaux ou se trouvant ailleurs, particulièrement les femmes victimes de viols, de recevoir librement des soins médicaux à la charge de l'Etat».

Les propositions du GIC sont donc à la mesure de la tragédie guinéenne. Elles doivent certes être entérinées par les chefs d'Etat de la CEDEAO, mais excepté peut être le président Wade du Sénégal, dont la participation à la réunion n'a pas encore été annoncée, nul ne voit quelque président s'y opposer.

Mais quid de Camara lui-même. Les nouvelles en provenance de la Guinée sont des plus alarmantes. Des sources concordantes font état du recrutement et de l'entraînement de 2500 jeunes miliciens par le chef de la junte. Il aurait également passé commandes d'armes en Ukraine. C'est pourquoi le GIC exprime sa «grave préoccupation face aux informations concernant le trafic et la circulation illicite des armes en Guinée et demande à la CEDEAO de mettre en œuvre les dispositions pertinentes de la Convention sur les armes légères et de petit calibre et recommande à la Communauté internationale l'imposition d'un embargo total sur les armes à destination de la Guinée».

Dans sa fuite en avant, le chef du CNDD semble donc décidé à se battre. Il n'est guère envisageable de l'obliger par la force à se plier à la volonté de toute la communauté internationale. Les pressions devront êtres très fortes pour espérer mettre en œuvre ce plan qui semble bien sans alternative si l'on veut sauver les Guinéens et empêcher d'autres massacres. Deux nouveaux ministres de Dadis viennent de démissionner. Une pression supplémentaire bienvenue.