International Crisis Group
Briefing Afrique N°66
16 octobre 2009
La tuerie qui a fait au moins 160 morts parmi les manifestants, le viol de nombreuses femmes et l'arrestation de dirigeants politiques par les forces de sécurité lors d'une manifestation pacifique à Conakry le 28 septembre 2009 ont mis en évidence les dangers que représente le maintien au pouvoir des militaires pour la stabilité de la Guinée et d'une sous-région dont trois Etats fragiles commencent tout juste à se remettre de guerres civiles. La junte, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), nie ses responsabilités pourtant évidentes et tente de gagner du temps en proposant aux partis d'opposition ce qu'elle appelle un « gouvernement d'union nationale ». Mais, alors que dans la rue, la patience vis-à-vis de la junte s'amenuise, l'instabilité risque d'augmenter à moins que les communautés internationale et nationale ne décident d'exercer une pression commune pour forcer la junte à quitter le pouvoir.
La communauté internationale a rapidement condamné les assassinats et demandé une enquête immédiate. Le 2 octobre, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a nommé le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, pour jouer le rôle de médiateur dans la crise. La tuerie est survenue dix jours à peine après l'annonce par l'Union africaine (UA) de son intention d'appliquer des sanctions contre la junte si son chef, Dadis Camara, ne confirmait pas par écrit d'ici le 17 octobre que ni lui ni aucun membre du CNDD ne se présenterait aux élections présidentielles qui sont actuellement prévues pour le 31 janvier 2010.
Les violences du 28 septembre sont survenues alors que l'apparente détermination de Dadis Camara à se présenter aux élections avait accru les tensions et que le dialogue sur le processus de transition démocratique venait d'être rompu. La junte avait bloqué la création d'un Conseil national de transition (CNT), le grand corps consultatif qui devait être un élément-clé du processus de transition adopté en mars, et provisoirement interdit les débats politiques dans les médias d'Etat. Les dirigeants des partis politiques et de la société civile étaient devenus la cible de manœuvres d'intimidation et de harcèlement de la part des militaires. La rupture du dialogue n'a fait que renforcer le sentiment, parmi la population, que la rue était le seul espace qu'il lui restait pour exprimer son opinion sur le processus de transition.
Depuis sa prise de pouvoir en décembre 2008, dans les heures qui ont suivi le décès de l'autocrate au long règne, Lansana Conté, l'armée a progressivement renforcé son emprise sur le pouvoir. Elle a militarisé l'administration publique, utilisé les ressources de l'Etat pour mettre en place des groupes de soutien au CNDD à travers tout le pays et formé des milices ethniques. Elle a attisé les tensions, en particulier dans la région déjà instable du Sud, la Guinée forestière, où elle a rassemblé des milliers d'anciens combattants et volontaires qui ont l'expérience du combat armé. Tandis que l'armée a un intérêt collectif à rester au pouvoir, le recrutement de milices témoigne de la méfiance qui prévaut entre les dirigeants de la junte et certaines autres sections de l'armée. Cette situation est particulièrement inquiétante puisque tout conflit au sein de l'armée pourrait rapidement se transformer en guerre civile pour la Guinée et déstabiliser ses voisins en provoquant des flots de réfugiés vers le Mali, le Sénégal et la Guinée-Bissau, la circulation d'armes vers la Côte d'Ivoire, et des mouvements d'anciens combattants et de communautés de réfugiés le long des frontières avec le Libéria et la Sierra Léone.
Les événements tragiques du 28 septembre soulignent la nécessité de mettre au point une stratégie de départ du pouvoir pour la junte afin de préserver la transition démocratique et d'établir les conditions nécessaires à la tenue d'élections libres et équitables. Les mesures suivantes doivent être prises :
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