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Arrivée-surprise de Dadis
Moussa Dadis Camara était hospitalisé à Rabat depuis un mois


Jeune Afrique / AFP — 13/01/2010

Le chef de la junte guinéenne a quitté mardi soir le Maroc, où il était hospitalisé depuis un mois suite à la tentative d'assassinat dont il a été victime le 3 décembre. Il est arrivé au Burkina Faso pour y “poursuivre sa convalescence”, a annoncé mercredi le ministère burkinabè des Affaires étrangères.

Le chef de la junte en Guinée, le capitaine Moussa Dadis Camara, a fait mardi soir une arrivée-surprise au Burkina Faso, après plus d'un mois d'hospitalisation au Maroc à la suite d'une tentative d'assassinat le 3 décembre.

“Il est lucide, il parle”, a indiqué à l'AFP une source à la présidence burkinabè, après son arrivée à bord d'un vol spécial marocain.

Le président burkinabè Blaise Compaoré est médiateur dans la crise guinéenne, née du coup d'Etat du 23 décembre 2008 et qui s'est brutalement aggravée avec le massacre de plus de 150 opposants, selon l'ONU, par les forces de sécurité le 28 septembre 2009 dans un stade de Conakry.

Dadis “marche difficilement”

Mais, selon un journaliste local, le capitaine Camara était “soutenu par deux personnes” à la sortie de l'avion et “marche difficilement”. Depuis sa tentative d'assassinat et sa blessure à la tête, il n'a fait aucun discours public et les informations les plus alarmistes avaient circulé sur son état de santé et d'éventuelles graves séquelles.

Dans un discours à Conakry le 6 janvier, le chef par intérim de la junte, le général Sékouba Konaté, avait affirmé que la vie du capitaine Camara n'était “pas en danger”. “Mais il faut du temps, de la patience et un suivi médical pendant un certain temps pour qu'il se rétablisse totalement”, avait-il ajouté.

Cette arrivée inopinée du chef de la junte, mis au ban de la communauté internationale à la suite du massacre du 28 septembre, a surpris les officiels burkinabè. “Les Marocains nous ont surpris. Ils l'ont mis dans l'avion avant de nous appeler. Nous, nous attendions le général Konaté pour discuter avec lui afin de prendre une décision sur la venue de Dadis Camara mais ils nous ont surpris”, a déclaré à l'AFP une source proche de la médiation.

En exil ou en transit ?

Le capitaine Camara était soigné depuis le 4 décembre dans une clinique de Rabat après avoir été grièvement blessé à la tête par balle par son propre aide de camp Aboubacar “Toumba” Diakité au cours d'une dispute dans un camp militaire de Conakry.

Interrogé pour savoir si le chef de la junte allait rester au Burkina ou s'il était seulement en transit vers un autre pays, la source à la présidence burkinabè a répondu: “on ne sait pas encore, c'est lui qui va nous dire. Pour l'instant, il ne nous a rien dit” à ce sujet.

Cependant, le ministère burkinabè des Affaires étrangères a annoncé mercredi que Moussa Dadis Camara “poursuivra sa convalescence” à Ouagadougou.

Un éventuel retour du capitaine putschiste dans son pays suscite déjà de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale.

Inquiétude des Etats-Unis

“Tout effort de la part de Dadis de retourner en Guinée nous préoccuperait”, a très vite réagi à Washington un responsable du Département d'Etat. Les Etats-Unis réclament depuis des mois le départ de la junte et l'organisation d'un gouvernement de transition, qui serait chargé de préparer des élections démocratiques dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, premier exportateur mondial de bauxite.

Sur ce dossier sensible, Paris est sur la même ligne que Washington.

Le 22 décembre, devant l'Assemblée nationale française, le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner avait souhaité “que M. Dadis Camara reste dans son lit au Maroc et non qu'il revienne” en Guinée “car il serait capable — rien que son retour — de déclencher une guerre civile et on n'en a pas besoin”.

Toujours pas de Premier ministre “issu de l'opposition”

Le 6 janvier, le général Sékouba Konaté, avait suscité un grand espoir de sortie de crise, se démarquant nettement du capitaine-putschiste.

Il avait annoncé que le Premier ministre de la transition serait “issu de l'opposition” et “désigné par elle-même”. Mais à ce jour, les opposants n'ont pas réussi à choisir une personne pour occuper ce poste stratégique avant l'organisation d'élections générales.

Et mardi après-midi, avant le départ vers 18H00 du Maroc du chef de la junte, le président intérimaire avait de nouveau appelé l'armée, véritable colonne vertébrale des régimes successifs du pays depuis son indépendance en 1958, à aller “vers la démocratie”.