Editorial
De L'enfant noir aux Ecailles du ciel
“Littérature guinéenne.”
L'Harmattan. Paris, 2005. 175 pages
Notre Librairie.
N°88/89 Juillet-septembre 1987. Pages 122-124
En 1954, le prix Charles Veillon couronnait L'enfant noir de Camara Laye, publié un an plus tôt, et plaçait brusquement la Guinée sur la scène littéraire mondiale, consacrant en même temps l'existence d'une littérature africaine révélée en 1948 par l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre de Senghor.
Depuis 1954, ce roman merveilleux, enraciné dans l'univers des cultivateurs et des forgerons Malinké, tiré à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires, traduit en de nombreuses langues, est toujours inscrit au programme de littérature de la plupart des pays africains. Par sa simplicité, par la force des mythes évoqués, et quelles que soient les critiques qu'il a pu susciter, en Guinée et ailleurs, à l'époque où l'engagement politique pouvait tenir lieu de critère littéraire, il atteint à l'universel et reste un livre exemplaire.
Plus de trente ans plus tard, l'écrivain guinéen Tierno Monenembo, professeur à Honfleur, se voit décerner le grand prix littéraire de l'Afrique Noire et retrouve pour quelques jours son pays natal après 18 ans d'exil.
De « L'enfant noir» aux Ecailles du ciel, que s'est-il passé en Guinée ?
Il est sans doute trop tôt pour porter un jugement d'ensemble sur une littérature qui se cherche, après quelque 25 ans d'autarcie politique, économique et intellectuelle. Nous avons néanmoins pensé que ce numéro venait à son heure: il est temps aujourd'hui de jeter un nouveau regard sur la Guinée, de la réintroduire dans le paysage littéraire africain, et surtout de mettre en présence les uns des autres les écrivains guinéens de l'intérieur et ceux de la Diaspora, paradoxalement mieux connus dans le reste du monde que dans leur propre pays.
Nous avons donc demandé à deux écrivains représentant chacun l'une de ces deux communautés, de préfacer ce numéro qui, contrairement à ceux qui ont traité d'autres littératures nationales, contient peu d'articles de synthèse: la réalité guinéenne est aujourd'hui multiple et fragmentée. Si ces pages, qui visent à suggérer plus qu'à juger, à comprendre plus qu'à expliquer, peuvent simplement jouer le rôle d'un miroir brisé, elles auront atteint leur but.