Philippe Decraene paru dans Le Monde, 15 septembre 1976
M. Seydou Keita, ambassadeur de la République de Guinée en France, doit remettre, mercredi 15 septembre, à M. Giscard d'Estaing, un message personnel du président Sékou Touré. Ce texte est une réponse au message que le président de la République avait adressé au chef de l'Etat guinéen le 19 août dernier.
Les relations franco-guinéennes sont, en principe, normalisées depuis le 14 juillet 1975, date à laquelle un communiqué commun a simultanément été publié à Paris et à Conakry tandis que dix-huit ressortissants français, arrêtés pour complot, étaient remis en liberté par M. Sékou Touré. Cependant, depuis qu'en janvier dernier les deux pays ont procédé à un échange d'ambassadeurs, le dialogue reste difficile entre les deux capitales.
Les six cents Français qui vivent actuellement en Guinée avaient pourtant accueilli avec soulagement l'annonce de la venue à Conakry de M. André Lewin, nouvel ambassadeur de France (le poste était resté fermé plus de dix années, les Italiens assurant la défense des intérêts français). Depuis lors, non seulement les sociétés installées en territoire guinéen, comme Pechiney ou UTA ont pu poursuivre leurs activités, mais de nouveaux liens ont été établis en un an :
D'autre part, les partisans du rapprochement franco-guinéen ont noté avec satisfaction, pendant plusieurs mois, que M. Sékou Touré s'était abstenu de critiquer la politique française en Afrique. Ni l'attitude ambiguë adoptée par le gouvernement de M. Chirac à l'égard de l'Angola, ni le problème de Mayotte, ni la vente de centrales nucléaires françaises à la République Sud-Africaine, n'ont donné lieu à polémique.
Cependant, depuis quelques semaines, le président de la République de Guinée a repris ses attaques contre la France et certains de ses partenaires africains. Il reproche à Paris d'entretenir de trop bons rapports avec la Côte-d'Ivoire et le Sénégal, accuses de nouvelles tentatives de subversion en territoire guinéen. A Abidjan et à Dakar, on parle de “montage macabre” 1 à propos de ces accusations.
La récente dénonciation à Conakry du “racisme peul”, (Le Monde du 25 août) pourrait expliquer la nouvelle attitude de méfiance de M. Sékou Touré. Après l'arrestation pour complot de M. Diallo Telli, ancien secrétaire général de l'OUA, le président guinéen n'a pas hésité à lancer l'anathème contre l'ethnie peule, dont fait partie M. Telli. Or les Peuls du Fouta Djallon furent parmi les rares Guinéens à voter pour l'entrée de leur pays au sein de la Communauté franco-africaine, lors du
référendum de septembre 1958, choix qui ne leur a jamais été pardonné par les dirigeants de Conakry.
Le fait que la France continue d'accorder asile à des réfugiés politiques guinéens irrite au plus haut point M. Sékou Touré, qui n'a pas non plus obtenu de la Côte d'Ivoire et du Sénégal que les exilés guinéens soient extrades pour lui être livrés. Le président de la République guinéenne est d'ailleurs persuadé que, sous couvert de sentiments humanitaires, certains Français hostiles à son régime aident clandestinement les réfugiés politiques à poursuivre une action subversive contre lui.
Toutefois, le changement de premier ministre à Paris a été bien accueilli par les dirigeants de Conakry qui estiment que, contrairement à M. Chirac, dont ils soupçonnaient les amis d'apporter une aide active aux opposants guinéens 2, M. Raymond Barre adoptera une attitude compréhensive à leur égard.
Notes
Notes
1. Notamment dans Voix d'Afrique de septembre.
2. Le Monde du 31 août 1976
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