« Il est d'habitude que le pays où se tient la conférence lance des invitations. Jusqu'ici, nous n'avons pas reçu une invitation du gouvernement marocain. Peut être nous en veut-il encore de notre position vis-à-vis de la Mauritanie dont nous avons soutenu l'indépendance ? Je pourrais arrêter là ma réponse. J'ajouterai, pour être plus précis, que nous avons reçu, il y a dix jours, de Sékou Touré, qui est l'un des chefs d'État invités, un télégramme nous demandant si nous étions prêts à assister à une conférence au sommet réunissant les chefs d'État africains à Casablanca. Nous lui avons répondu qu'une telle réunion devait être préparée par des contacts, des conversations, ne serait-ce que pour fixer l'ordre du jour. En résumé, je ne suis pas partisan des réunions improvisées. La Tunisie ne veut pas entrer dans des disputes quelconques. Nous avons suffisamment à faire dans notre pays. Nous travaillons et nous n'avons pas besoin de tumulte ou de prises de position spectaculaires. Nous cherchons à faire notre petit bonhomme de chemin, à faire notre devoir dans notre pays. Nous voulons faciliter les choses dans la mesure du possible, élargir le camp de la paix, nous faire respecter et respecter les autres, essayer de comprendre les attitudes et les politiques et nous déterminer suivant des principes de moralité, de dignité, de liberté aussi bien pour nous que pour les autres. »
Commentaire du journal : La plus grande surprise a été suscitée par Nasser. Les observateurs n'en revenaient pas. Où était le colonel qui avait renversé le roi Farouk ? Où était l'auteur des discours explosifs de Bandoeng et d'Alexandrie ? Où était enfin le conquérant arabe ? Chacun se le demandait. En vérité, on a vu un Nasser élégant et sportif, s'excusant presque d'une popularité immense, habile et décontracté. Au début de la conférence, le roi Mohammed V fit un discours savamment dosé auquel devaient répondre les autres chefs d'État. Mais comme on découvrit que les points de vue des uns et des autres étaient très divergents, le raïs égyptien, craignant l'incident, proposa que chacun renonçât à son discours. Il préferait le silence à la démonstration publique de l'opposition ou même de la divergence. Sa proposition fut adoptée. Un deuxième incident faillit survenir lorsque le roi du Maroc proposa de laisser le prince Moulay Hassan présider l'une des réunions. Sékou Touré et N'Krumah firent observer qu'il s'agissait d'une conférence au sommet entre chefs d'État et que s'il en était autrement, ils rentreraient dans leurs pays. Nasser s'ingénia alors pour atténuer les susceptibilités et réussit à convaincre Mohammed V d'abandonner son projet.
Enfin, il y eut un dialogue très vif entre Sékou Touré et N'Krumah au sujet de la question essentielle de la conférence, c'est-à-dire la doctrine commune à adopter sur le Congo belge. Le président guinéen demanda le rétablissement immédiat du gouvernement de Lumumba et le retrait de toutes les forces africaines du Congo, donc de l'ONU. N'Krumah s'y opposa, mettant en garde les autres chefs d'État contre le vide que laisserait au Congo le retrait des forces africaines et qui ne profiterait qu'"aux colonialistes ou à leurs valets". C'est l'incident. Chaque chef d'État fit allusion à la nécessité de rejoindre son propre pays ... C'est alors que Nasser prit N'Krumah à part. De retour à la séance plénière, Nasser proposa astucieusement non pas le retrait immédiat des troupes africaines, mais la menace de retrait. Le compromis a été adopté et la conférence se termina sur des résolutions somme toute modérées …
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