Quand l'ingénieur économiste Jean Méo rejoint l'équipe du Général en 1958 sur la recommandation d'Antoine Dupont-Fauville, en tant que chargé de mission pour les Affaires économiques, il a déjà toute une expérience de cabinet derrière lui, car il a fait partie de ceux des cinq derniers ministres des Finances de la IVème République. Aussi est-il surpris d'apprendre que, pour le Général, la réparation d'une offense faite à la France vaut tous les profits dont elle pourrait s'attendre à bénéficier par ailleurs. Voilà une attitude qui tranche avec les moeurs de la défunte République. Le 25 août 1958, à Conakry, Sékou Touré, chef du mouvement indépendant de la Guinée, rejette violemment, en présence du Général, toute association avec notre pays. Cette brutale rupture, le président de la Communauté la considère comme un affront à la France. Quelque temps après, Jean Méo a un entretien direct — ce qui est assez rare — avec Georges Pompidou, directeur de cabinet du Général, sur le problème de l'indépendance de la Guinée.
— Étant ingénieur des Mines, je suis absolument catastrophé que l'énorme gisement de bauxite de Fria, en Guinée, puisse échapper à la France. Je pense que Pechiney, la grande industrie métallurgique française, pourrait en subir de graves conséquences. J'ai donc bombardé le Général de notes qui me sont revenues. Je lui ai même fait recevoir le président de Pechiney de l'époque, Raoul de Vitry d'Avaucourt. Mais rien n'en est sorti. Georges Pompidou a alors la gentillesse de m'appeler et de me dire :
— Ecoutez, Méo, je vais vous expliquer la différence qu'il y a entre les gaullistes et les autres, comme ça vous vous tiendrez tranquille à propos de Fria. Les gaullistes, depuis le 18 Juin, n'ont de soucis que l'intérêt supérieur de la France et son honneur. Ils ne transigeront jamais sur l'honneur de la France. Alors, ce n'est pas la peine de parler au général de Gaulle de gisements de bauxite. Vous perdez votre temps.
(extrait de Bernard Lachaise, Gilles Le Béguec et Frédéric Turpin : “Georges Pompid directeur de cabinet du général de Gaulle; juin 1958-janvier 1959”, P.I.B.-Peter Lang 2006, cité par Michel Tauriac dans Vivre avec de Gaulle ; les derniers témoins racontent l'homme, Plon, 2008.)
En fait, les investissements français et internationaux pour la mise en exploitation de la mine de bauxite et la construction de l'usine d'alumine de Fria ne cesseront pas avec l'indépendance de la Guinée, et la société animée par Pechiney (société ultérieurement dénommée FRIGUIA) commencera ses activités productives en 1960, comme prévu. Certains observateurs affirment que le projet de raffinerie d'aluminium, lié à la construction du barrage hydroélectrique sur le Konkouré, a été abandonné à la suite de l'indépendance, et que la décision a alors prise par la direction de Pechiney de construire cette raffinerie au Cameroun. C'est inexact. Une telle décision avait été prise dès 1954, ainsi que le prouvent les débats à ce sujet l'Assemblée territoriale guinéenne, débats auxquels Sékou Touré a participé à l'époque. Ce qui est vrai, c'est que le projet de barrage du Konkouré, dont les plans élaborés par Electricité
de France (EDF) ont été rapatriés de Guinée en France après l'indépendance, a été abandonné par la France, et que Américains puis Soviétiques se sont intéressés à sa réalisation, mais sans finalement donner suite. Les plans ont été restitués à la Guinée après la normalisation des relations franco-guinéennes en 1975, mais sans qu'une décision positive soit prise de la réaliser. C'est toujours la situation en 2008. Seul barrage construit avec le concours de la France, c'est celui de Garafiri, inauguré en 1999 par les présidents Lansana Conté et Jacques Chirac ; mais il est destiné à alimenter Conakry en électricité, et n'est pas conçu pour couvrir les besoins d'une industrie aluminière. (NDLA)
Selon certains témoignages (notamment celui de Sékou Camara ‘Menton’ rapporté par Madame Fanny Lalande-Isnard à l'auteur), une partie du dossier technique du barrage du Konkouré (ou des doubles) serait restée dans les bâtiments administratifs français devenus par la suite Gendarmerie nationale guinéenne.
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