paru dans “Une enfance d'ailleurs”,
textes recueillis par Nancy Huston et Lerla Sebbar, Paris, 1993, Ed. Belfond, Coll. « J'ai lu ».
C'est vers cette époque qu'aux hangars du marché les badauds et les filous commencèrent à parler de l'histoire du référendoum. En France, Di Gol, le chef des Blancs qui était plus grand que les palétuviers des marais et dont la main gauche tenait nuit et jour une lourde grenade magique, avait décidé tout seul de rendre leur liberté aux Noirs. A une condition bien sûr : qu'il rencontrât, sur la terre d'Afrique, un homme qui put l'égaler. Entendant cela, Boubou Blanc, le Mandingue, s'était dépêché de consulter le Kortè de son ancêtre Kounkouloumba, le géant qui fut aussi le fils aîné de la nuit. Il lui fut accordé un mouchoir de percale et une belle colombe blanche. La rencontre des deux hommes eut lieu à Conakry. Boubou-Blanc lâcha la colombe et salua le grand Blanc en agitant son mouchoir. Le ciel devint tout noir et le grand Blanc s'enfuit en oubliant son képi.
Le jour où fut proclamée l'indépendance, Néné Mbo (mère de l'écrivain NDLA) sortit de son lougan, toute remuée : “Les Blancs sont partis mais d'autres sont déjà là. Mais, dis-moi toi, toi qui as lu les livres : pourquoi devrais-je troquer ma génisse noire contre une autre génisse noire à moins bien sûr que la mienne ne soit atteinte de charbon … Non, Baba Gallé est mort, faut plus s'attendre à mieux. Regarde le vieux papayer. Ses fruits sont déjà de la couleur du venin.”
Je la plantai là et courus vers le marché où l'on allait faire la fête et hisser le drapeau.
[Erratum. Neenen Mbo était la grand-mère de l'écrivain. — T.S. Bah]
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