Note établie le 24 septembre 1958 par le gouverneur Roland Pré, à la suite de la visite que lui ont rendue deux ministres du Conseil de gouvernement de la Guinée 137.
Cette note, qui n'a pas de destinataire spécifié, a très probablement été vue par le ministre de la France d'Outre-mer, Bernard Cornut-Gentille, par le Premier ministre Michel Debré, par Jacques Foccart et, par l'intermédiaire de celui-ci, par le général de Gaulle.
« A la suite de ma conversation avec Foccart, j'ai répondu à la demande de rencontre des deux ministres de Sékou Touré. Ceux-ci, comme je m'y attendais, m'ont prodigué le maximum d'apaisements sur les intentions de Sékou Touré après le référendum. La Guinée souhaite une étroite association avec la France. Je leur ai répondu qu'à mon avis, tant que Sékou Touré n'aurait pas pris publiquement cette position en sollicitant de la France des accords d'association dans des domaines précis, il n'était pas possible de s'appuyer sur autre chose que sur ses déclarations antérieures et que les conséquences risquaient d'en être logiquement tirées du côté français aussitôt après le référendum. Le conseil qu'ils me demandaient pour Sékou Touré a donc été de l'inviter à préciser avant le référendum son programme ultérieur et à dissiper ainsi avant qu'il ne soit trop tard la mauvaise impression produite en France par ses récentes déclarations. Les deux ministres m'ont assuré que cet avis serait certainement entendu, et il y avait tout lieu de penser que Sékou Touré ferait avant dimanche une déclaration publique dans ce sens, sans doute à la radio.
Que Sékou Touré fasse ou non cette déclaration, je pense pour ma part que la politique générale à adopter à l'égard de la Guinée doit rester la même, mais s'inscrire dans le cadre d'une politique constructive africaine conçue en fonction des pays qui auront dit “oui” au référendum.
S'il faut éviter à tout prix de donner à la Guinée et au monde l'impression d'une réaction affective de dépit, il est encore plus indispensable que les dirigeants qui se seront prononcés pour la France se persuadent que la construction des rapports franco-africains et eurafricains se fera dans le camp des “oui” et non pas dans le camp des “non”. Une telle politique est la seule qui ne nous mène pas à une impasse d'ici quelques mois. Sékou Touré tente un pari qui est d'assumer la fonction de leader du nationalisme en Afrique noire. Il y parviendra si les territoires qui ont choisi la collaboration avec la France n'y trouvent pas rapidement plus de satisfactions qu'à se laisser entraîner dans le sillage de la Guinée.
Autrement dit, notre politique doit consister à ce que l'évolution de nos relations avec les peuples qui ont répondu “oui” aboutisse très rapidement à un statut conforme à nos intérêts, mais qui en même temps leur apporte sur le plan des définitions verbales (indépendance) que sur celui des rapports concrets (Communauté économique, culturelle et stratégique) plus d'avantages que le statut guinéen, qui devra être plus satisfaisant et laborieusement négocié. » (c'est l'auteur qui souligne).
Note
137. L'auteur n'a pas réussi à identifier ces deux émissaires de Sékou Touré ; il est peu probable que ce soit la délégation de deux ministres (Bengaly Camara et le Dr Najib Accar) envoyés par Sékou au chevet d'Ouezzin Coulibaly au début de ce même mois, d'abord parce qu'ils ne seraient pas restés à Paris aussi longtemps, ensuite parce ces deux ministres n'étaient pas de ceux qui étaient suffisamment proches de Sékou pour tenter en son nom une ultime démarche aussi cruciale. La note se trouve dans les archives Foccart, Fonds privé, carton 61, dossier 200, au milieu de notes qui ont toutes été vues par le général de Gaulle.
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