Dakar, le 20 mai 1955
à Monsieur Félix Houphouët-Boigny, Président du RDA
Hôtel du Grand Conseil Dakar
Mon Cher Président,
Au terme des travaux de la Conférence Préparatoire au prochain Comité de Coordination qui a réuni à Dakar les principaux dirigeants du RDA, je veux vous dire combien j'ai apprécié le sentiment unanime de solidarité avec le Parti Démocratique de Guinée, qui s'en est dégagé.
Je suis persuadé que mes camarades de la direction du PDG et tous nos militants se féliciteront comme moi-même de cette attitude, qui confirme l'aide constante que le PDCI nous a toujours apportée.
C'est pour moi une raison supplémentaire de déployer de nouveaux efforts pour que, dans le complexe politique guinéen, le PDG fasse tout ce qui est en son pouvoir afin d'éviter que ne soit compromise l'orientation que vous avez si heureusement définie en 1950 et poursuivie depuis, sans ménager votre peine.
Je tiens à vous réaffirmer mon désir ardent de contribuer à la création en Guinée du climat de paix sociale indispensable à une utile coopération avec les Autorités Administratives comme avec les chefferies.
Il n'est pas besoin de rappeler que dès 1950, époque où certains de nos cadres, influencés par le Parti Communiste Français, s'étaient employés à démontrer que la nouvelle orientation du RDA signifiait une trahison des intérêts africains, j'ai sans hésitation, signé le communiqué de désapparentement des Elus du RDA des groupes parlementaires communistes.
J'ajoute que mes activités se sont depuis conformées à cette décision, car j'ai cessé toute participation aux sessions du Conseil Mondial de la Paix, dont j'étais membre, et à certaines manifestations syndicales internationales.
Sur le plan africain, j'ai, par mes écrits et mon comportement, affirmé également l'accord complet qui existe entre nous, sans négliger de mettre tout en oeuvre pour que les extrémistes n'aient pas raison de la sage politique que vous avez définie en vue d'assurer l'évolution harmonieuse de nos territoires dans le cadre de l'Union Française.
D'autre part, vous savez, mieux que tous nos autres camarades, ce que j'ai pu, sur le plan syndical, éviter à notre Mouvement et à la Fédération.
Il n'est pas question pour moi de vous convaincre de ma bonne volonté ni de dresser le côté positif de mon action. Je veux seulement, étant d'accord sur le but fondamental de notre politique, vous résumer les points de vue sur la situation guinéenne que j'ai développés au cours de nos travaux, afin que vous puissiez m'aider de vos conseils à trouver les moyens d'un redressement rapide de cette situation.
En un mot, la coalition des élus du Territoire qu'inquiète le développement du RDA, leurs pressions, de toutes natures, pour barrer la route à une neutralité qui servirait la détente et la coopération mais qu'ils croient devoir être fatale à leurs positions, les pratiques abusives de certains chefs, la réaction légitime des populations se réclamant de la protection des lois françaises, l'impossibilité pour le PDG de se faire entendre, expliquent la situation actuelle en Guinée Française.
Considérant le climat d'entente politique obtenu en Côte-d'Ivoire grâce à vos efforts et les réalisations économiques et sociales poursuivies en collaboration avec l'Administration, je suis persuadé que des résultats analogues peuvent être obtenus en Guinée.
Le contenu social du PDG lui donne incontestablement beaucoup de possibilités d'action constructive. Rappelons que nous avons été d'un concours utile pour faciliter la rentrée des impôts dans certains cercles, comme pour faire admettre aux couches organisées de la population que leurs revendications, aussi légitimes soient-elles, ne pouvaient être satisfaites toutes à la fois. En dehors de l'action syndicale, le PDG a une audience réelle auprès des planteurs, paysans, artisans et transporteurs qui lui permettra de faire passer au premier plan de l'activité professionnelle ou économique de chacune de ces catégories les impératifs d'une évolution sans heurt et la nécessité d'une coopération utile avec les groupes d'intérêts métropolitains et l'Administration.
Je suis décidé à persister dans le sens d'une politique de coopération, d'une politique du possible, et d'une politique de construction économique et sociale progressive du Territoire.
Toutefois, compte tenu des éléments caractérisant la situation actuelle en Guinée Française, nos efforts risqueraient de demeurer vains si par ailleurs des efforts parallèles ne sont pas déployés dans le même but.
En effet, le jeu normal se trouvant faussé du fait de la position partisane de l'Administration du Territoire, il est indispensable que les pouvoirs publics observent une attitude de stricte neutralité.
Cette neutralité signifie :
Si je rencontre une compréhension dans cette voie, mes efforts sur le triple plan syndical, économique et politique seront plus vite suivis de résultats et aboutiront rapidement à l'instauration en Guinée d'un climat nouveau de compréhension mutuelle et d'action constructive.
Mon Cher Président, les difficultés que vous avez dû surmonter en Côte-d'Ivoire malgré les atouts dont vous disposiez en tant que Député et Président de votre Assemblée territoriale, vous permettent de comprendre que mon action est difficile et qu'il est indispensable que les hautes instances administratives, convaincues de l'intérêt d'une coopération loyale avec le RDA, me facilitent la tâche.
J'insiste pour que ne soit pas perdu de vue, malgré les reproches qui me sont adressés, la volonté qui m'anime de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour servir notre politique de coopération franco-africaine.
Les reproches qui me sont le plus fréquemment adressés portent sur :
Je n'ignore pas combien vous vous êtes employé à convaincre les Autorités Métropolitaines, Fédérales et Locales de nos bonnes intentions et de la possibilité d'une franche collaboration entre le RDA et les Autorités Administratives de la Guinée. Je vous demande encore, mon cher Président, d'intervenir instamment auprès des mêmes autorités en portant ces éléments d'appréciation à leur haute connaissance.
En vous répétant tout le prix que j'attache au souci qui est le vôtre, de voir s'instaurer et se développer dans tous les territoires de l'Afrique Noire Française, une politique de compréhension mutuelle et de travail fécond pour l'avenir de l'Union Française, je vous prie de croire, mon cher Président, à l'assurance de mes sentiments fraternels et dévoués.
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