Editions Challamel. 1911. 742 pages
« Les famines, les dissensions civiles, les guerres partagent souvent les tribus
et en dispersent les groupes à des centaines de kilomètres les uns des autres. »
(E. Reclus, Algérie.)
« L'aspect du Sahara témoigne de grands changements dus à l'action des eaux.
Jadis coulaient des fleuves, croissaient des forêts dont les troncs pétrifiés se voient.
Les boeufs de charge traversaient lentement le désert. »
(E. Reclus, Tunisie.)
Bien que la constitution de la Guinée française en colonie autonome soit tout à fait contemporaine et qu'elle ait été complétée par des adjonctions successives de territoires très distincts, les uns des autres, la formation de cet organisme administratif français n'est pas le fait du hasard ou de la fantaisie du pays protecteur.
Sa raison d'être est tout entière dans l'existence du massif du Fouta-Dialo.
La topographie si particulière de ce haut plateau assure l'autonomie de la Guinée, et si, dans la suite des temps, un gouvernement voulait affirmer l'union complète de ce pays avec les régions voisines, cette absorption ne pourrait se faire qu'au profit de la Guinée, où devrait s'élever, comme le prévoyaitFaidherbe, la capitale du Soudan occidental.
Du jour où les Etats européens ont créé des établissements à demeure dans la région côtière dite des Rivières, la vie et la prospérité de ces comptoirs dépendaient de la possession du grand plateau intérieur. La Guinée sans le Fouta était une misérable petite colonie sans avenir : aussi une lutte acharnée s'engagea-t-elle avec Sierra-Leone, protectorat anglais qui avait, lui aussi, le plus grand intérêt à affermir son influence au Fouta. Comment l'Angleterre laissa passer le moment de la victoire est l'histoire même de la Guinée française.
L'histoire indigène de ces régions s'explique toute également par l'attrait qu'exerça sur les différentes tribus la conquête des terres fertiles de ce plateau, au climat sain et agréable. C'était aussi une forteresse qui permettait de surveiller les routes du Soudan vers les Rivières, et de la forêt du sud vers les régions sénégambiennes.
L'aristocratie des races supérieures, Foula, Soninké, Dialonké, occupe les plateaux dont l'altitude est la plus élevée, y suspendant ses « marga » et « foulaso », abandonnant aux « badolo », aux « bourouré », aux représentants des races vaincues, les vallées malsaines « funestes aux chameaux et aux blancs ». Jadis, les empereurs Sarakholé, Sanhadja, Mandingues ou Songhay exilaient dans cette région, parmi les « nègres anthropophages », leurs conseillers berbères qui avaient cessé de plaire. Mais la richesse de ces pays, où l'on trouvait l'or, les colas, les robustes esclaves, où les fruits abondaient et où pouvait se pratiquer l'élevage, attira les marchands septentrionaux qui, ayant découvert des sites agréables convenant aux habitudes agricoles et pastorales de leur race, appelèrent leurs familles autour d'eux. Enfin, le contrecoup des révolutions du Moyen-Niger et du Bas-Sénégal y amena une masse de tribus conquérantes ou vaincues, qu'un métissage plusieurs fois séculaire avec les nègres éthiopiens avait préparées à subir les assauts du climat. C'est ce mouvement confus de peuples, de tribus, de familles que nous allons essayer d'esquisser. Les sources de cette histoire sont de rares documents écrits, et surtout de nombreuses légendes, que l'on peut tenir pour exactes dans les grandes lignes, car elles sont répétées dans tous les âges et tous les pays. Souvent elles tiennent de l'épopée. Chaque génération de griots, ces poètes et musiciens an teint de cuivre («fils de Sourakhata ») ont soigneusement conservé le souvenir des actions glorieuses de la race blanche qui les méprisa. Ils chantent les civilisations depuis longtemps abolies, chaque rapsode ajoutant des enjolivements, des traits de passion brûlante à l'histoire qui exalte un ancêtre vénéré. A ces sources, à celles qui proviennent de recherches ethnographiques et anthropologiques antérieures, nous avons ajouté des preuves tiréesde la linguistique, science qui nous donnera sans doute la clef de l'originede ces peuples.
De cette histoire indigène il faudra retenir :
Qu'elle est faite d'actions continuelles du nord de l'Afrique, Egypte, Maghreb, Ifrikya, sur les populations méridionales et de réactions du Soudan, le pays des noirs, sur les tribus du nord. Nous en avons une nouvelle preuve dans l'histoire de la pénétration française qui s'effectue en ce moment au Maroc, où les défenseurs les plus ardents de la puissance chérifienne sont des Maures méridionaux
Que les grands empires soudanais ont été fondés, pour la plupart du moins, sans amener de très grands mouvements de population et qu'ils ne font qu'exprimer la conquête du pouvoir par une famille noble d'origine berbère. Seuls disparaissaient du pays la famille royale vaincue et ses clients qui allaient chercher fortune ailleurs. Les Foula, nomades par excellence, font exception a cette règle, car, pour échapper à la domination étrangère, ils n'hésitèrent pas a fuir à des distances considérables. Actuellement, ce sont leurs métis qui détiennent l'autorité politiquedans les divers Fouta de l'Afrique occidentale.
S'il faut en croire le récit que fit au lieutenant Desplagnes le Hogon de Bangassi, « les premières populations nigériennes furent de petits sauvages, nains roux 1, vivant de chasse et de pêche, habitant sous les abris de rochers ou les taillis.
Ces négrilles ont été depuis longtemps refoulés dans les grandes forêts du sud ou de l'ouest ». Ils portaient le nom générique de Diallams ou Ierrés et les noms de leurs familles, tous monosyllabiques étaient : Bo, Ka, La, Om, Houm.
Dans les montagnes du Fouta, d'après les légendes recueillies par Rançon, il y a avait des populations semblables. appelées « Fadoubé ». C'étaient, disent leurs successeurs, des sorciers redoutables. Ils habitaient les grottes du haut plateau et du Nagué-Horé-Boundou 2. Ils fabriquaient des poisons et devinaient la pensée.
Cet ensemble de caractères se rapporte avec assez d'exactitude à ceux que les auteurs anciens donnaient aux populations d'Ethiopiens occidentaux. D'après Eudoxe, ils étaient petits et de moeurs grossières 3. Hérodote rapporte le voyage de cinq Libyens Nasamons vers les pays du sud-ouest. Ils arrivèrent dans une plaine couverte d'arbres fruitiers. Tandis qu'ils mangeaient des fruits, des petits hommes, d'une taille au-dessous de la moyenne, fondirent sur eux… » Certains descendants de ces tribus semblent avoir subsisté dans le centre africain 4. On leur donne le nom générique de Négrilles. Dans les forêts du sud de la Guinée, on trouve chez les Guerzés de petits hommes qui « marchent toujours courbés, avec une vitesse rare malgré cette position ». Leurs sentiers n'ont pas plus d'un mètre trente de haut 5. Dans la Guinée septentrionale, il n'y a que fort peu d'individus qui soient descendants directs des Fadoubé. Cependant les indigènes prétendent que les Badiaranké, Koniagui et Bassari leur sont apparentés. Il est probable que les Landouma doivent également avoir des ancêtres parmi eux. Ceux qui voulurent rester indépendants furent rapidement décimés par les races supérieures envahissantes. D'eux vient sans doute la tradition d'une des sociétés secrètes du Soudan, celle des « Dou ». De même celle de certaines familles du plateau central nigérien dans lesquelles sont choisis les Laggam ou Lakam, ces serviteurs ou interprètes des divinités terrestres abandonnées et malfaisantes, avec lesquelles ils sont censés entretenir des relations. » Leurs familles descendraient des primitifs autochtones ou seraient arrivées avec les Sousou 6. Homère contait déjà la légende de ces pygmées que les grues, venues du nord, viennent attaquer. Il est curieux de retrouver la même légende dans les tribus de la Tripolitaine actuelle : un peuple de nains malfaisants, les Bou-Chebr (littéralement : les fils de l'empan), occupait jadis les rivages africains et fut exterminé par les grues. Il faut probablement voir dans ces traditions l'histoire de la conquête de l'Afrique septentrionale par des tribus dont le n'téné, ou tana éponyme, était un oiseau.
La plupart de ces négrilles étaient troglodytes ou le devinrent pour échapper à la chasse que leur donnaient les races envahissantes 7. Peut-être y avait-il parmi eux des castes organisées, ou bien ces castes furent-elles établies par les vainqueurs pour empêcher tout mélange de leur sang avec celui de ces primitifs. Il est possible que les « Galabo », cordonniers, descendent d'eux (Kala ou Kel-Bo, les Bo sédentaires?).
Ces nains enterraient leurs morts dans le lit d'un cours d'eau détourné, « faisant reprendre son cours à la rivière après l'inhumation pour en effacer toute trace 8. » Or, nous trouvons encore cette coutume conservée en partie chez les Timéné, peuple établi sur les frontières de la Guinée et qui a certains caractères des primitif 9. Strabon assurait déjà (livre XVII) que certaines tribus d'Ethiopiens Macrobiens jetaient leurs morts dans les rivières.
Les auteurs anciens donnaient à certaines de ces peuplades des caractères simiesques qui font supposer que leurs navigateurs n'avaient pu, du rivage, détailler les êtres qu'ils apercevaient. La légende des hommes à queue de singe a persisté jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, et il semble qu'elle soit venue d'une confusion entre l'homme et certaines espèces de singes supérieurs, tels que les gorilles 10.
Des tribus de noirs grands et peu prognathes, les Ethiopiens Macrobiens des Anciens, venus du nord et de l'est, se juxtaposèrent et ensuite se mélangèrent aux négrilles. La tribu ainsi créée, qui revendique la plus grande ancienneté, est celle des Bo, ou Ba, apparentés peut-être aux Bedja du Nil et « sortis des trous de la terre près du Niger ». D'eux descendent les Bobo, les Bozo et les Sorko 11 qui ressemblent d'étonnante façon aux Kroumen ou autres peuples primitifs de la Côte d'Ivoire, tels que les Pakhalla. Beaucoup de ces tribus ont conservé leurs antiques moyens d'existence : la chasse et la pèche, et, comme les Pygmées, habitèrent d'abord des grottes et des trous dans la terre dont ils se disent fils 12. On retrouve encore, parmi de nombreuses tribus Mandé, ces traditions de troglodytes 13.
D'autres familles de grands noirs doivent être citées : Ce sont les Ka, qui, mélangées aux Ba, forment les tribus Baga, Bailo ou Waélé, et leurs ancêtres, les familles Kassolo et Kakaridou ; probablement aussi les Bakoué, dont les familles Krao ou Krouman sont une des branches les plus connues 14; les Ouaya, mélange de Bété et de Bakoué, appelés encore Bobo-oua ou Banioué (vers Séguéla): les Ya ou Dia qui forment avec les Ba, des Dio 15:, Dibo, Jobo, les Oum, qui forment les Tombo; les Nda, que représenterait l'antique race Agni-Aschanti et qui sont les ascendants probables des N'dacromba, Ndao, Ndala, Ndiaye, Ndoy, Ndieye, Ndiop et des Ndaga, vassaux des Touareg ; les Mo qui forment les Mossi, les Moriba, les Mogoïba, etc., et dont le nom signifie en langue mandé « les puissants »…
Ces nombreuses tribus de noirs autochtones, d'Ethiopiens Macrobiens, ont toutes des caractères communs et leurs ancêtres peuvent être classés parmi les néolithiques auxquels sont attribués les grands monuments mégalithiques nigériens. M. Desplagnes, examinant leurs descendants les plus directs, les décrit : « De grands beaux hommes, de teint très noir, au prognathisme peu prononcé, caractérisés par des jambes longues. Ils habitent presque tous des huttes rondes, paillotes en forme de ruches… Chasseurs et pêcheurs, ils se livrent à quelques cultures, mais restent actuellement les seuls à broyer les grains avec des pierres sur des meules dormantes et à fabriquer de la poterie ornementée. » Ils portent des bracelets de pierre au-dessus du coude, rendent un culte aux génies locaux, se livrent à des pratiques de magie et, si les hommes sont circoncis, les femmes ne le sont jamais : enfin les morts sont placés accroupis ou fléchis dans des excavations verticales 16.
A une époque qu'il est impossible de préciser, une première invasion de ces tribus de grands noirs couvrit le sol de la Guinée, venant probablement de l'est.
Ce furent les peuples Baga que M. Desplagnes suppose apparentés aux Pahouins de l'Afrique centrale. S'appuyant sur une opinion de Schweinfürth, il les croit également apparentés aux Béga ou Bedja Nubiens, comme eux habiles potiers, agriculteurs et métallurgistes. Dans ce cas, ce seraient les descendants de cette race Kouschite venue d'Arabie, de ces Ethiopiens que les géographes anciens nous dépeignent comme des hommes magnifiques habitant des cavernes le long des rivages de la mer Erythrée 17. Les Grecs appelaient certaines de ces tribus Colobes, ou mutilés, à cause de leur coutume de se circoncire. Il faut noter à ce sujet la légende qui fait venir les Landouma, famille apparentée aux Baga, de Missira Médina près de Maka. Le dessin d'une poterie trouvée dans la grotte de Kakimbo, près de Conakry, a été identifié par le docteur Hamy à celui de l'ornementation de poteries funéraires du Yagha (haut Dahomey) et de divers pays de l'est. Il est encorecomme motif de broderie dans le Mossi et le Haoussa. En outre, ces peuples façonnent le plus souvent leur poterie sur une forme en paille de palmier.
L'invasion semble avoir suivi la ligne de la grande forêt équatoriale qui borde le golfe de Guinée, se tenant de préférence dans les régions montagneuses et se fractionnant sur son parcours. Il est difficile de dire si ces tribus arrivèrent sur le sol de la Guinée actuelle en conquérantes ou, au contraire, pour fuir une autre invasion. Il est probable que de la haute Côte d'Ivoire où elles s'étaient établies, elles furent ensuite refoulées en partie par les premières tribus des Ma (Mandé,Mandingues) attirées dans ces pays par l'appât de l'or, des colas et des esclaves 18.
Elles arrivèrent en plusieurs vagues dans le Fouta Dialo et sur le littoral. Les derniers venus, ou Baga proprement dits, se souviennent avoir été concentrés à Falaba et dans le Tambakha avant d'entrer au Fouta. Ils laissèrent derrière eux les Bakoué, qui s'avancèrent jusque dans le Libéria et dans la haute Côte d'Ivoire les Pakhala ; enfin, dans la forêt dense, de nombreuses familles telles que les Baya, Vaga, Baéjo, Babé, Bao, Boo, au sud de Bé-ïla ou Beyla, nomque les Musulmans ont fait dériver de Billallah. Quelques uns, sous le nom de Baillo (plur. Waélé), s'installaient sur les flancs occidentaux du Fouta Dialo ; les Kassolo et les Kankoudou, sur le versant occidental, vers le Labé. Certaines de leurs familles se mélangeaient aux peuplades qui les entouraient, formant, avec les Agni, des «Akan »19 etpeut-êtreles Guerzé, des « Sapé » ou « N'Sapa » avec les Houm des Soumba,noms portaient des tribus de la Côte aux XVIIe et XVIIIe siècles. De leur long contact avec les Manon ils conservèrent dans leurvocabulaire le nom de ce peuple pour désigner les pronoms personnels des deuxième et troisième personnes : vous, toi, il, ils 20.
Il est probable qu'ils se heurtèrent sur les hauts plateaux à une première confédération dominée par le Sérères, autres grands Ethiopiens venus du nord, et comprenant, en outre, diverses tribus dont nous trouvons les débris en Guinée portugaise, avec des Badiaranké, Coniagui et Bassari, races beaucoup plus rapprochées des primitifs négrilles. Les Baga s'établirent auprès des Sérères et formèrent en s'alliant aux Mandé un puissant Etat dans le nord-ouest du Fouta, sous le nom de Landouma. Lorsque, plus tard, ils furent renforcés par les tribus de Mandé amenées par le conquérant Koli, ils prirent le nom de Tiapy, qui semble signifier « hommes noirs ou « primitifs ». Ils étaient métissés également de Fadoubé. Cela explique leurs liens de parenté avec les peuples Tenda et Malinké 21. Les Baga-Madori et les Bagaforé (les Baga noirs), d'une formation ethnique très voisine, mais ces derniers de sang plus pur, vinrent se fixer dans la même région. Les Baga-Madori s'allièrent étroitement aux Nalou, leurs voisins, et adoptèrent les rites de leur société secrète, le « Matjiol ». Lors des grandes assemblées la langue religieuse des Baga-Madori est le nalou, tandis que les Nalou parlent baga 22.
Les principaux centres des Landouma furent, au moment de l'invasion de Koli : Nioussi, près de la montagne Kolima, et le Mont Kignan, non loin de la Dembélé, affluent de la Téné 23. La seconde invasion des Foula-Mandé d'Ilo Yalali les obligea à se retirer vers l'ouest sur les bords, de la Koli-ma ou Koliko, affluent du Ouasséguélé. Puis, quelque temps après, ils émigrèrent de nouveau et s'établirent sur les bords de la Koumba (Koli ou Rio Grande) près de Dalaba 24. Plus tard encore, certains d'entre eux avec leur chef Koumba, venaient se fixer à Koumbia et d'autres groupes à Kirimané, Farina et Kala Kérim auprès des Kassolo et des Kankoudou. Ceux qui suivirent Koli portent encore le nom de Kokoli et s'allient volontiers à leurs frères du Nunez. Eux et leurs parents Waélé donnèrent probablement le nom de Tamgué à la région montagneuse du Fouta septentrional 25.
Les autres Baga s'étaient répandus dans le centre et le sud du Fouta et dans tout le bassin des Scarcies et des rivières de Sierra-Leone. Les Baga du centre, possesseurs des bastions du Fouta actuel, étaient les intermédiaires obligés entre les peuples de la forêt ou du Soudan et ceux des Rivières ou de la Sénégambie. Lorsque, au Moyen Age, les navigateurs européens apparurent, ils descendirent par petits groupes vers le littoral, vendant leur ivoire aux étrangers. Ils étaient en effet, et sont encore, grands chasseurs et pêcheurs. Mais ils avaient d'autres préoccupations qui doivent les faire classer parmi les races nègres supérieures. Ils ne se contentaient pas de la cueillette. Excellents arboriculteurs, ils apportèrent avec eux le palmier à huile et le colatier, s'établissant de préférence dans les failles profondes du « bowal », auprès des cours d'eau. Là ils trouvaient la terre noire avec laquelle ils confectionnaient leurs poteries, car ils étaient potiers et forgerons, avant que l'influence des Mandé leur ait fait considérer ce dernier métier comme déshonorant 26.
Bien qu'ils fussent organisés en une société patriarcale, ils étaient fort indépendants, chaque chef n'admettant d'autre autorité que la sienne sur sa famille. Ils étaient grands buveurs et guerriers. Ils avaient conservé certains caractères des primitifs ; ils construisaient des monuments mégalithiques 27, enterraient leurs morts sous les cours d'eau, ou accroupis et même debout dans des fosses profondes au-dessus desquelles était dressé un cromlech. Ils ne faisaient pas subir aux femmes l'excision 28. Grands féticheurs et sorciers ils adoraient les génies locaux et avaient aussi un culte astral 29. Peu à peu des représentants de la grande race berbère du Nord, fortement métissés de primitifs, se glissaient parmi les tribus Baga et allaient modifier complètement la physionomie de certaines d'entre elles.
C'est ainsi que se fixèrent successivement près de l'océan les Veÿ, les Capez ou Kapis, dont le nom semble être l'équivalent de Tiapys et que Dapper signalait dans la région de Sierra-Leone, les notant comme « les plus ingénieux de toute la Guinée ». Derrière eux, d'autres tribus belliqueuses, plus mélangées encore de Mandé, occupaient les contreforts occidentaux du Fouta et des monts dit Niger. C'étaient les Koumba, descendants des primitifs Houm, mêlés aux Baga, frères des Landouma, qui donnèrent leur nom au Goumba, à Foukoumba, etc… et devinrent, par leur alliance avec les premières tribus soso, des Soumba, créant le Soumboya, etc…
C'étaient aussi les Mans ou Manes, Mandé primitifs qui, venus du pays des Toma actuels, furent la souche des Mandényi 30. Ces deux dernières familles, qui passaient pour anthropophages, attaquèrent les Capez qui furent exterminés et vinrent, entre les XVe et XVIe siècles, chercher refuge auprès des Portugais du littoral. Le remous que provoqua cette guerre amena la marche vers le nord de nombreuses tribus Bakoué, métissées de Mandé primitifs, qui habitaient le Libéria actuel. Le Manou, ou Mendi Manou, ce souverain cité par les anciens auteurs, dont le chef de Folgia ( Folo ou Foro-Kia) était tributaire, lança contre le pays de Koya (probablement vers le Sherbro) l'armée des Bakoué Krou ou Karou, qui dominaient dans les environs du Cap Monte 31. Après avoir conquis et asservi le Koya et avoir obligé les Vey à s'allier à eux, ils reprirent leur marche vers le nord, envahirent les hautes terres de Sierra-Leone, le Boulom et toutes les plaines côtières jusqu'au Kaloum. La partie nord de ce vaste empire était gouvernée par un vice-roi ou « Dondagh ». Chantant le grand conquérant Bo-Kouala, chef des Karou de Koya, les griots disaient : « Il est descendu d'en haut ! Son cur n'a pas eu de repos qu'il n'ait trouvé un pays abondant en huile et en vin. » Ce fut le grand empire Mandenyi, qui dans le courant des XVIIe et XVIIIe siècles s'effrita peu à peu sous l'action lente mais continue des apports de races orientales et septentrionales.
Au nord-ouest du Fouta nous avons signalé la présence du curieux peuple Tenda, divisé en diverses familles parmi lesquelles les Coniagui, les Bassari, les Badiaye ou Badiaranké, les Tenda proprement dits. Cette race semble avoir compris des éléments assez divers, les uns provenant des primitifs de la forêt, des territoires des cercles de Beyla, les autres des primitifs du nord, des Fadoubé. Enfin, certaines de ces familles devinrent presque Mandé, à la suite de métissages nombreux avec cette race. Elles semblent surtout avoir subi la domination des Nda, témoin le nom de Badiaye et l'appellation du souverain d'une partie des Coniagui, « Tchikaré », l'homme de Tchi 32.
Une partie des Tenda devait se trouver dans la région du Gamon et du Boundou. D'autres vinrent les rejoindre au moment de l'invasion de Koli, auquel ils semblent avoir servi de sofas. C'est ce qui explique leur division en deux parties : d'une part les Tenda Donka, qui représentaient la race pure (Bassari, Coniagui, Tenda du nord du Ndama) 33 de l'autre les Tenda Mayo, les guerriers de Koli, qui occupent le district de Koli, le Badiar, le sud du N'Dama et, autrefois, Bambara. Certains Badiaranké semblent même être venus plus tard encore, de Bani dans le Boundou, fondant Ouankan, puis Timbi-Ouadaya, au moment du retour de Koli au Fouta. Ils sont encore plus métissés de Mandé que tous les autres. La légende, que m'a communiquée M. Brière, montre les Tenda Mayo traversant à la suite de Koli le Rio Grande, sous leurs chefs Kagnou, Momouyi et Tongo. De Séguéyéti, où ils se fixèrent d'abord, Kagnou vint s'établir à Maro (Badiar) 34. Mais l'ensemble de cette population, dont nous trouvons les parents Yola sur le Rio Grande et en Casamance, resta uni par les coutumes et les fêtes religieuses, analogues à celles des Baga. Ces fêtes sont célébrées par des danseurs fétichistes établis à Négaré (Bassari) et Londal (Ndama) et qui vont dans ce but chez tous les Tenda. Ils portent le nom de Lo-Kouta, qui rappelle l'ancienne race des primitifs Lo que l'on trouve dans la grande forêt méridionale 35. Cette coutume est comparable à celle des Baga-Landouma qui se réunissent pour les fêtes de « Simo » dans certains endroits consacrés et à époques fixes.
Les sociétés secrètes ont un rôle occulte, mais considérable, dans la vie de ces peuples. Elles ont été le centre de la résistance contre les tribus étrangères et, en particulier, contre l'Islam, mais leurs efforts n'ont pas été couronnés de succès.
Nous verrons dans la seconde partie de cet ouvrage (Chap. 1er) que, de touttemps, les routes du Soudan par le Sahara furent connues des peuples del'Afrique septentrionale. Ceux-ci, tels que nous les montrent les géographes anciens, étaient composés de races rouges ou blanches qui avaient refoulé vers le sud les Ethiopiens Macrobiens, les nègres Ouaoua et les négrilles, ou s'étaient mélangés à eux. Les peuples mulâtres ainsi formés paraissent avoir atteint une grande prospérité,qu'attestent encore des ruines imposantes.
Ces tribus, très divisées et d'origines diverses, formèrent cependant à la longue, par la communauté des aspirations, par le genre d'existence identique, par les croisements, par une organisation sociale similaire et les mêmes croyances fétichistes, une nouvelle race à laquelle on a donné successivement les noms de Proto-Libyens, Libyens, Berbères. Du centre civilisateur qu'ils formaient descendirent vers le sud de grandes migrations dont nous allons esquisser l'origine et la marche.
Entre les races de la Libye et de l'Egypte il y eut, dès la plus haute antiquité, des liens de parenté. C'est un fait qui a été récemment mis en lumière par les anthropologues modernes 36. Mais ces frères ennemis, séparés par de vastes déserts, n'avaient que des relations rares et intermittentes. Elles se traduisaient surtout en actions de guerre. Les invasions périodiques des hordes asiatiques, attirées par le renom de civilisation et la fertilité des rives du Nil divin, avaient toutes leur contrecoup vers l'occident.
Les premiers peuples qui, d'après de lointaines traditions, auraient marché vers le soleil couchant, seraient les Atlantes (9.000 ans av. J.-C. ?). Ils fondèrent un immense empire, l'Atlas, qui paraît avoir compris non seulement une partie des côtes méditerranéennes, mais encore les rivages océaniques du Maroc, de l'Espagne et de la Gaule 37. Il est permis d'attribuer à ces populations les caractères de la race dite de Cro-Magnon que l'on retrouve encore, atténués, dans certaines régions d'Afrique, d'Espagne et de France. Les oasis de Tégéri et de Bilma furent longtemps peuplées, même dans l'antiquité historique, de ces Atlantes et de leurs frères les Atarantes. Comme les Chaldéens, comme les primitifs de la Dordogne, ils enterraient leurs morts repliés sur eux-mêmes. Les Atria et Akara modernes, les « fils de la race », qui vivent encore dans les mêmes pays, semblent être leurs descendants, comme les Ouatara soudanais. Ils paraissent, d'après la doctrine adoptée par M. Desplagnes, avoir vénéré tout particulièrement les oiseaux.
Sans cesse, de nouvelles familles de blancs, de rouges ou de noirs venaient s'établir en Egypte, régénérant le sang de son peuple, le rendant assez puissant pour attaquer à la fois la Libye orientale et l'Asie Mineure. Des tribus entières : Juifs, Arabes, Phrygiens, Foula, furent emmenés en esclavage, ou comme, les Libyen, réduites à payer tribut et à servir d'auxiliaires à l'armée égyptienne 38. Nombreuses furent les révoltes et les fuites soit vers l'Asie, soit vers la Libye ou le Haut-Nil. Les Egyptiens continuèrent contre leurs anciens sujets réfugiés en Libye les guerres entamés jadis. La stèle de Cherchell nous montre l'armée du Pharaon arrivée au coeur de l'Algérie pour ressaisir aussitôt leur indépendance après le départ des troupes égyptiennes 39. Cependant certaines, comme les tribus Foula, préféraient s'enfuir jusqu'aux extrémités des pays d'Atlas, ayant laissé dans la haute Egypte des frères appelés « Nouba » ou Nubiens, tribus turbulentes, inquiétant constamment les rois d'Egypte.
Les « Bambado Foulbé » ou chroniqueurs Foula, attribuent à l'influence des Pharaons l'usage des cheveux nattés et de la circoncision 40.
A ces Proto-Libyens, race rouge métissée de sang nègre, vint s'ajouter un apport très important de peuples aryens, soit par l'intermédiaire de l'Egypte, comme les Automoles, soit directement par les côtes de la Méditerranée. Ce sont les « Tahennou » des monuments égyptiens « à la face pâleblanche ou rousse avec des yeux bleus » dont l'invasion remonte au delà de la XIXe dynastie.
Parmi eux les Tamahou (Ta-Mahou), ascendants probables des Maures (Mahou-ri), se distinguent particulièrement par leur teint clair 41.
Vers 3.000 ans avant J.-C., Saturne ou Chronos traversait la Méditerranée, venant d'Asie Mineure par la Grèce et l'Italie méridionale qu'il avait conquises. C'est ensuite le mythe légendaire d'Io, fille d'Inachos, qui, débarquée en Afrique, y accoucha d'Epaphos, père de Libyé, mère elle-même de Danaos 42.
De nouvelles expéditions de Tahennou se succédèrent bientôt. Les fils de Gomer, les Phrygiens-Thraces, dont la puissance sur les bords de la Mer Noire et de la Mer Ionienne avait atteint un très haut degré, envahirent à leur tour le continent africain auquel ils donnèrent le nom de leur patrie : Frigula ou Frikia 43, district de Béja (Tunisie), a conservé cette dénomination et la Tripolitaine s'appelle encore Ifrikia 44. Dans cette formidable invasion, ou peut-être séparément, arrivaient aussi, d'après les livres puniques du roi Hiempsal cités par Salluste, des Perses, des Mèdes et des Arméniens. Cette légende est confirmée par celle des Haoussa, descendants de Gomer. De même, Hérodote rapporte que les Libyens sédentaires ou Maxyes « se disent descendants des Troyens » (livre IV, CXCI). La figure d'Hercule, personnage mythique, symbolisait pour les Grecs ce mouvement. Il allait jusqu'aux bords de l'océan, détruisant les monstres, c'est-à-dire les races barbares, civilisant le nord de l'Afrique et l'Espagne et obtenant, pour prix de ses efforts, un pays merveilleux : le jardin des Hespérides. Les peuples sémites, de leur côté, ont fait leur ce héros, ou du moins celui qui symbolisait pour eux une migration de Tyriens 45.
La légende des Amazones veut aussi que ces guerrières, après avoir ravagé l'Asie occidentale et l'Egypte, soient passées en Afrique septentrionale. Il faut voir dans cette fable le souvenir de l'arrivée de tribus blanches soumises au matriarcat 46, probablement les Ama So, qui se massèrent sur les frontières de la Tripolitaine.
Les indigènes de l'Afrique du Nord confirment l'arrivée de ces peuples asiatiques de race blanche. Ibn Khaldoun, dans son Histoire des Berbères, signale sur le versant nord de l'Aurès, les Botr, descendants de Maghdès ou Marhdès, nom qui rappelle les Mèdes nommés par les Arméniens « Mar », et les Branès ou Ber-Anes descendants de Branès, habitant le versant sud 47. Salluste, qui gouverna la Numidie, affirme que Maure vient du nom des Mèdes, prononcé par des Barbares. Dans le Sahara on trouve des inscriptions rupestres représentant la svastika, l'emblème mystique des Aryens.
Peu à peu se formèrent les grandes divisions ethnographiques de l'Afrique du Nord. A l'Orient, les Libyens, Lébahim ou Libou, des frontières d'Egypte à celles de la Tunisie actuelle 48 ; vers l'Algérie, les Numides et plus à l'occident, vers le Maroc, les Maures, Ma-ouri, qui devaient plus tard se dire, d'après Procope, descendants des Chananéens expulsés par Josué 49 ; au sud, près des régions désertiques, les Gétules, les descendants des Gètes de Thrace ; enfin, des tribus plus méridionales, dont quelques-unes troglodytes, les Nigrètes et les Pharousii. Pour communiquer avec les Maouri ou avec Cirta, ces derniers « attachent des outres sous le ventre des chevaux… L'été chez eux est la saison des pluies » (Strabon).
Derrière ces grands groupements, sortes de confédérations probablement unies par des liens religieux, il y avait une foule de grandes tribus 50. Parmi les plus importantes il faut mentionner les peuples Nasamons, habitant vers la Syrte, les Garamantes du Nord, leurs voisins, vers le Fezzan, et les Garamantes du Sud, vers le Rhadamès actuel, les Aouséens, Aouschises (Sisé ?) et Aouchates (venus de Scythie 51) dans lesquels on peut reconnaître les modernes Haoussa, et ces innombrables tribus des Ma, mélangés aux rouges « So », dont faisaient d'ailleurs partie les Garamantes : les Maxyes, les Mazices, les Maces, les Sama-mices, les Masha 52, les Machlyes ou Massili, dont la capitale, Siga, était la résidence de Sophax, les Ma-Koï 53, Ma-tites, Ma-Kouré, Macmuses (Maka-Mousa), Makanites 54 et leurs parents du haut Nil, les Automoles ou Maza Nubiens, descendants des Scythes 55. Sur le littoral océanien, il existait encore de puissantes nations : les Daratites, les Scelatites (Sila-tigui), les Gétules Autolobes, les Pharousii, descendants des Perses 56.
Les plus importantes, parmi les tribus libyennes, semblent avoir été les Nasamons et les Garamantes. Les Nasamons seraient, d'après M. Desplagnes, des nègres « Nahsi » mélangés à des Asiatiques « Amo » 57. Ils peuplaient les oasis d'Oua-Dyili et de Dialo 58 et probablement celui d'Ammon. Ces peuples pasteurs amenaient leurs troupeaux en été au bord de la mer, et en hiver remontaient dans les oasis du sud. Hérodote les compare aux Massagètes asiatiques. Ils avaient de nombreuses superstitions et pratiquaient le culte des ancêtres. De leur dieu Ammo à tête de bélier, les Grecs avaient fait Jupiter Libyen, renommé comme oracle dans tout le monde ancien 59. Comme les Egyptiens et la plupart des tribus nomades, ils ne mangeaient ni vaches 60, ni porcs, tandis que les Cyrénéens- Grecs continuaient à se nourrir de la chair du porc. Enfin, ils adoraient le soleil et la lune.
Les Garamantes, ou hommes de Ma (Gara-ma) et les Marmarides qui leur succédèrent, descendaient de Garama, fils de Minos 61. Ils venaient donc de Crète, cette île si souvent ravagée par les invasions asiatiques. Le Dr. Bertholon voit dans Garama l'ancêtre mythique des Arméniens, le « To Garmâh » du chapitre ethnographique de la Genèse. A la vue des vastes mausolées laissés par ces peuples indo-africains, et se référant aux traditions indigènes, Largeau ne doute pas de leur origine phrygienne. Certains usages confirment cette descendance : ainsi les femmes portent les cheveux en casque, coiffure très bien conservée par les Rhadamésiennes et par les femmes Foula et Soninké. Sur les monnaies libyennes, Hercule, peut-être Garama, est représenté avec le bonnet phrygien très bien dessiné 62. Les Garamantes avaient des coutumes se rapprochant de celles des Nasamons, enterrant comme ceux-ci leurs morts accroupis 63. Comme leurs voisins les Maces, les Gindanes et les Machlyes, ils se rasaient les côtés de la tête, ne laissant une touffe de cheveux qu'au sommet. Leurs femmes portaient des anneaux aux chevilles. Leurs rois entretenaient avec grand soin une race de chevaux au cou allongé et, chaque année, au dire de Strabon, il naissait une moyenne de cent mille poulains. Ce détail montre chez eux l'influence de la grande invasion des Hyesos, dont nous parlerons plus loin. Ils vénéraient enfin, en dehors des dieux Soleil et Lune, Minerve et un dieu aquatique, le Triton, qui avait jadis sauvé Jason le Grec. Son temple s'élevait auprès du lac Triton 64, ainsi que celui de Neptune. Les Grecs voyageurs y avaient fait naître leur divine patronne, Amphytrite 65. Ces peuples asiatiques vénéraient évidemment le dieu marin qui les avait conduits sur les terres qu'ils occupaient 66. Leur influence s'étendit sur une grande partie de l'Afrique. Le préfixe Ma, accolé à d'autres noms de clans ou de familles, rappelait l'origine de ces tribus en même temps qu'il désignait les puissants animaux sillonnant la mer et les rivières. Plus tard, ces tribus, essaimant au Soudan, appelaient le caïman « Bama », l'hippopotame « Mah » ou « Mani », le lamentin « Ma », et faisaient de ces animaux des puissances protectrices 67.
Un autre totem ou tana de ces tribus, divinité éponyme, était le lion, comme il l'est encore chez les Mandé Soudanais. C'était le Ouara (« ouaré », « ouéra », a le sens de chef, chez les Nono), lara, Diara, Yaté, dont le nom se retrouvait dans nombre de tribus et notamment dans celui de la famille royale des Garamantes. les Iarba, comme elle subsiste dans le nom de la souche royale des Bamana Soudanais. La plupart des monnaies libyennes portent au verso l'effigie d'un lion, avec la lettre M en grec ou phénicien, rappelant probablement le nom des civilisateurs, les Ma 68. Dans l'armée de Massésil en lutte contre Gildon le maure révolté (398 av. J.-C.), on remarque des soldats marchant sous l'étendard du lion.
D'autres vagues humaines étaient venues, pendant la période de formation de ces tribus, leur apporter un nouvel élément sémitique. C'étaient ces pasteurs asiatiques, « de race ignoble » (Manéthon), les Sahsou ou Hyksos. Entraînés par la poussée des Touraniens qui envahirent la Chaldée sous les rois Elamites de Sous, ils seraient partis des rives du golfe Persique et, laissant les Phéniciens fonder Sour (Tyr) sur la coteau nord du Carinel, envahirent l'Egypte vers 2300 ans avant J.-C. Après avoir conquis ce pays et y avoir dominé longtemps, formant les XVe, XVIe et XVIIe dynasties, ils furent rejetés les uns en Asie, les autres en Afrique, vers 1700 avant J.-C. Les Egyptiens les appelaient Shous ou Shasou, terme qui semble avoir voulu dire « cavaliers ». En effet, les robustes petits chevaux des nomades portaient chez la plupart des asiatiques occidentaux, le nom de Sousou ou Sousi 69. « Hyk », dans la langue sacrée signifie « roi » et « sos » en dialecte vulgaire, « pasteur ». Il en est, ajoute Manéthon, qui prétendent que c'étaient des Arabes. Marius Fontane 70 cite les Phéniciens de la race de Pouna, Poun, comme les auteurs de cette invasion. Cette opinion s'accorde avec les traditions arabes qui disent que les premiers « Amalikas » s'étant emparés de la Palestine marchèrent vers l'Egypte, prirent le delta et fondèrent Hâouâr.
Josèphe les dit Juifs ; il est certain qu'il y avait parmi eux de nombreux Ibris, ou Ibrihim, les Bénou Israël, qualifiés par les Egyptiens de « lépreux », de « peste », de « fléau ». D'autres, leur donnent une origine scythique 71. Ils étaient de taille haute et grêle, avec des pommettes saillantes, des lèvres épaisses, une barbe ondulée, la lèvre rasée. Ils étaient divisés en deux tribus : les Mentiou ou peut-être Man-tiou, les pasteurs, et Satiou, les archers.
Les nouveaux venus, dont le grand dieu était Sotitekh, divinité guerrière et méchante que les Egyptiens assimilaient à Set, devaient adorer, comme les anciens Arabes, Urotal, le soleil et la lumière, que les Grecs appelaient Bacchus, et Alilat ou Alitta, la lune nouvelle, que les Grecs nommaient Uranie 72. Ils auraient fait connaître le bronze à l'Egypte. Ils apportaient avec eux ces moutons à large queue qui faisaient l'admirationd'Hérodote et que nous trouvons aujourd'hui dans le nord de l'Afrique. Ils y introduisaient aussi le cheval, dont l'Égyptien savait à peine se servir. La possession de cet animal sera un luxe pour toutesles tribus africaines qui n'usaient jusqu'alors que de boeufs porteurs. Leur ville principale était « San » ou « Tanis » et leur camp retranché « Hâouâr ». Leur chef était « Saïs » ou « Salatis » (Salatigui signifie chef dans certaines tribus soudanaises), qui « organisa un gouvernement régulier et frappa d'un impôt ses sujets égyptiens » (Manéthon).
Leur principale tribu était celle des Khéta (les Hétéens de la Bible), installée depuis peu sur la terre de Chanaan, venue de Chaldée, « apportant aux Asiatiques occidentaux les moeurs batailleuses des Assyriens, l'affirmation du droit d'enrichissement par la conquête, le mépris du faible, le goût du sang versé, du pillage, du massacre, de la destruction… Supérieurs aux monarques égyptiens comme politiques et comme militaires, les rois pasteurs leur furent constamment inférieurs en intelligence et moralité » (Fontane, loc. cit.).
Le nom des rois égyptiens de Thèbes, sous la domination des pasteurs, devint « Souten » (Sou-den, fils de Sou, ou homme de Sou). Ils laissèrent à l'Egypte l'emblème touranien du serpent, leur totem, qui est l'uroeus des pharaons. Une constatation curieuse, faite depuis longtemps par un grand nombre d'observateurs, est la présence de types mongoloïdes dans les familles royales des Keïta et des Kouloubali soudanais et chez les gens des castes nobles Sisokho. Rejetés d'Egypte, où cependant l'influence de leur race se fera de plus en plus sentir, les Hyesos sont poursuivis par Toutmès Ier en Asie, par Toutmès III en Libye. Après avoir envahi les oasis d'Oualiba et de Morékaba, ils se répandirent dans l'intérieur du Garb « jusqu'au pays de Sousa où ils s'établirent 73. »
A la Thébaïde ils avaient donné le nom de Ouassou.
Cette invasion hymiarite semble correspondre à celle dont les Sanhadja se disent descendus 74. Il est probable qu'elle comprenait aussi de nombreux Ahmarites, ou rouges. La race libyenne, formée d'éléments si divers, réagit souvent contre l'Egypte, notamment sous Danaos (Armaïs) descendant de la nymphe Io, qui fut écrasé par Ramsès 75. Ainsi il y eut à diverses époques un formidable brassement de peuples Aryens (Pélasges, Phrygiens-Thraces, Grecs), Sémites (Hébreux 76, les impurs expulsés d'Egypte, les Hyksos), Kouschites (Egyptiens, certains Hyksos, Ethiopiens) et enfin de primitifs (nègres Ouaoua 77).
Les peuples libyens de la période historique grecque et romaine formaient donc un mélange des plus hétérogènes, fondu peu à peu en une race nouvelle, la race berbère ; les différences de climats et de terrains, la proximité plus ou moins grande de la mer, établissaient seules des usages divers. Ils adoraient le dieu An, Hanna, et la lune Our, Har. Cette race était plus blanche et sédentaire au nord ; au sud, elle était rouge et nomade. C'étaient, occupant tout le midi, en bordure sur le Sahara, les tribus gétules ou gaïtoulés, qui s'étendaient jusque vers l'Atlas 78. On distinguait parmi elles les Daroe (Dara), les Autolotes, les Banjouroe (Bangoura), les Vésuni (Pisania, gens du Fezzan 79), les Sousou, descendants des Hyksos, occupant les oasis orientales sous le nom de Marmarides. Plus au nord, vers les deux Syrtes et le Catabathmos, les Nasamons et les Garamantes, les Psylles (Silla ?), absorbés plus tard par les Nasamons. Enfin dans l'Algérie et la Tunisie actuelles jusqu'à la Moulouya, étaient établies les tribus numides, ou noumides et, au delà, vers l'occident, les Maures (Ma-ouré) et les Foula dont quelques tribus s'étaient dispersées au sud de l'Egypte 80.
Les Numides sont les plus connus de ces peuples, à cause de leur voisinage de Carthage. D'après Salluste ils étaient issus de Farousii et de Gétules, c'est-à-dire de blancs et de rouges. Leur nom viendrait de leurs habitudes errantes, nomades. Cependant le plus grand nombre devint sédentaire et les tribus dont nous avons parlé plus haut formèrent la Massylie 81 (région de Constantine et du centre tunisien) et la Masséssylie (Algérie jusqu'à la Molokath ou Moulouya). Sirta, la Constantine moderne Siré ta, la ville de Siré) était la capitale de la famille royale des Massyliens dont le « diamou » était Massanaces, fraction probable de la grande tribu des Si 82. Massinissa, le premier qui forma un royaume de toutes ces tribus fragmentées, leur aurait appris l'agriculture, car, auparavant, ils ne se nourrissaient que de racines, de lait et de fromage.
Dans l'opinion de M. Desplagnes, ces Numides seraient les ancêtres des « Noumou » actuels, les forgerons soudanais qui sont en même temps des féticheurs. Cette hypothèse ainsi présentée, nous paraît beaucoup trop absolue. Il est possible, probable même, que parmi les Noumou il y ait des descendants de Numides ; mais il est incroyable que, seule, cette tribu de forgerons ait conservé le nom générique d'une race puissante, qui avait certainement elle-même ses tribus d'artisans, formant des castes plus ou moins méprisées 83. Il faudrait plutôt chercher la descendance des Numides parmi ces tribus Hogar (Ouagara) qui nomadisent vers le Touat et représentent une fraction considérable des Touareg, ces Marzigh ou Amazigh des Arabes, fils des Mazyx Numides.
En résumé il y avait entre toutes les nations et tribus qui peuplaient l'Afrique du Nord, bien que divisées en un nombre considérable de familles dont quelques-unes sont citées par Ptolémée, une ressemblance ethnologique assez grande. « Les Maourusiens, les Massésyliens qui les avoisinent et les Libvens pour la plupart, s'habillent de la même manière et se ressemblent en tous les autres points », écrit Strabon. Saint Augustin atteste la similitude du langage, qui est évidemment le berbère, du moins en Afrique proprement dite. Mais il ne faut cependant pas oublier qu'une partie de la Mauritanie, dans le massif marocain de l'Atlas, était à peu près inconnue des Anciens. C'est probablement de ce côté, sur le versant sud, que campaient les tribus Foula, parmi ces Zagrensii (Sankharé ?), ces Ba-niuboe (les Nouba-Foula) de Ptolémée, et même ces Atlantes que Méla nomme à l'extrême occident de l'Atlas méridional. Le nom d'un de leurs rois, Bokar, est encore un nom Peuhl et servit plus tard à désigner au Maroc les Soudanais (Bokari). La capitale était Iol, qui fait songer à Yola et à Dioula, et le roi Juba, ou plutôt Djiouba, au Mansa Djiou soudanais. Mais de nombreuses tribus refusèrent toujours de se soumettre à la dynastie qui recevait l'appui des Romains. Ces tribus adoraient la mer et le soleil, auxquels ils offraient des sacrifices humains, au dire de Sénèque.
A ces divers éléments de la grande race berbère, dans la période historique ancienne, se juxtaposèrent encore de nouveaux conquérants Aryens et Sémites, qui restèrent cantonnés près des rivages de la Méditerranée. Les Grecs, d'abord établis dans l'île de Platée appartenant aux Libyens Giligames (Dyili Khamé, en soso : troglodytes, Ouadyili), fondèrent ensuite avec leur chef Batous la Cyrénaique, vers 631 av. J.-C. La puissante Pentapole a laissé sur le littoral tripolitain des ruines imposantes et de vastes nécropoles. De leur port de Sosousa les Cyrénéens visitèrent toute l'Afrique du Nord et eurent sur les tribus indigènes de l'intérieur une influence considérable 84.
Beaucoup plus Lard, les Perses, vainqueurs de l'Egypte, dont la capitale était alors la ville de Sa, subjuguèrent la Cyrénaïque ; puis les Romains, après avoir détruit Carthage, leur puissante rivale, occupèrent successivement, par eux-mêmes ou par leurs alliés, la majeure partie de l'Afrique septentrionale.
Dans la période de sa splendeur, Carthage prit une importante place dans l'histoire de l'Afrique du Nord. M. Desplagnes lui attribue une influence considérable, tant au point de vue ethnographique qu'au point de vue politique, sur les populations environnantes. Nous pensons au contraire que l'ascendant politique de cette cité ne fut jamais définitif, même sur les peuplades les plus voisines. Pendant fort longtemps Carthage dut payer tribut aux indigènes et, plus tard, au moment de sa lutte contre Rome, elle vit tout le peuple numide se lever contre elle. On lui reprochait avec rudesse, au dire de Salluste, de n'être toujours qu'une étrangère dans le pays. Il parait probable qu'elle ne se maintint aussi longtemps que grâce à la fondation de colonies, à l'alliance des clans de même origine venus dans une période plus reculée, mais surtout à l'extrême division des tribus et à la jalousie de leurs chefs les uns contre les autres 85.
Il nous semble dès lors que c'est une théorie hasardée que de faire dériver uniquement des familles carthaginoises tant de peuples soudanais ou sahariens. Si l'on trouve chez un grand nombre de tribus soudanaises des caractères sémitiques nous pensons qu'il faut chercher leur origine surtout parmi les Liby-Phéniciens qui avaient précédé les Carthaginois. Faire de toutes les tribus en Ilar, Sar, Mar, Far, Gar, des descendants des Carthaginois est une hypothèse trop absolue, surtout lorsqu'on ajoute que ces tribus, unies au groupe de Ma, formèrent sous l'influence de Carthage la confédération des Marmarides. Le fait que cette confédération aida Carthage, notamment au siège de Sagonte, n'est pas une preuve. Nous avons vu quelle pouvait être l'extraction de ces Marmarides, dont nous trouvons les descendants directs chez les Mara-zig ou Mrazig Touareg. D'autre part, leurs principaux groupements se trouvaient dans la partie du continent que les Anciens appelaient plus particulièrement la Libye, par opposition à l'Afrique. Certains habitaient même sur les frontières égyptiennes, qui faisaient partie de l'Asie pour les géographes de l'antiquité. Toute cette région était en dehors de l'influence politique de Carthage. Elle eut des alliances passagères avec la famille des Iarba ou Ouaraba des Garamantes 86, précisément parce que celle-ci n'avait rien à craindre d'elle, se servait de son nom, et probablement de son or, pour subjuguer à son profit les nomades de ces pays 87.
D'ailleurs, nous avons déjà noté que « Mar » était un nom appliqué aux Mèdes. Mars était un des dieux les plus vénérés de ces peuples. Or, il est à peu près certain que cette divinité était d'origine thrace et que son nom dérive de la racine sanscrite Mar, ce dieu étant la personnification de l'ouragan 88. De même il semble que la racine « Far », qui formait le nom des Farousii, était d'origine perse, à en croire les auteurs anciens. Le chef perse Farès serait le fondateur de Fez. De cette famille sortirent les nombreux Faran (Far-An), dont certains sont devenus des héros soudanais et que les voyageurs ont parfois confondus avec les Pharaons. Fara ou Faranké signifie encore l'homme blanc pour les Bambara du Bélédougou. Un des chefs de l'armée de Bélisaire porte ce nom, que l'on retrouve dans celui du chef des Massikes, battu par Théodose, Farasène. Il a été également donné à la vigne indigène du nord de l'Afrique, qu'apportèrent sans doute avec elles ces tribus (« Farana »). « Sara » ne semble pas davantage avoir une origine carthaginoise. Il signifie homme en Soninké 89 et se retrouve peut-être dans le mot Sarazin (Saré-Sine ou Saré-Si) qui servit à désigner les Maures en Europe et auquel on a donné le sens d'oriental 90. Le nom de Sarankali est, d'après Bello, synonyme de « persan », et désigne certaines familles de Soninké qui appellent les Maures et les Foula : « Saré Doumbé », les hommes rouges. Loin d'être amis et alliés de Carthage, nous voyons ces « Sar » la combattre, tel ce prince libyen Sarxas (Sar-Kasas). Peut-être pourrait-on admettre une origine punique pour le nom « Kar » ou « Gar ». Mais rien n'est moins certain 91. Ces questions sont d'ailleurs bien obscures encore et l'on ne peut émettre à leur sujet que les hypothèses les plus vagues.
Quoi qu'il en soit, les principales familles africaines sont
formées lorsque Rome étend sa domination sur l'Afrique du Nord.
Elles ont déjà des relations très suivies avec les nègres
soudanais, comme l'attestent tous les auteurs. Leurs représentants vont
porter dans les pays du sud, tantôt l'esprit organisateur des Aryens, tantôt
le goût de destruction des Kouschites, avec la souplesse tenace et l'habileté des
Sémites.
Les besoins commerciaux du monde méditerranéen, l'attrait de l'or et de la chasse aux esclaves amenèrent de bonne heure les tribus septentrionales dans la région nigérienne. Une autre cause, et non des moindres, fut l'état anarchique dans lequel vivaient ces familles, dont les chefs ne voulaient reconnaître aucune autorité supérieure à la leur. Il ne faut pas en effet considérer les royaumes maures et numides comme des nations avant un régime politique fortement centralisé et comprenant toute l'Afrique du Nord. Innombrables étaient les tribus qui refusaient d'obéir à ces rois. Même parmi les populations qui les avaient portés au pavois, ils n'arrivaient à se maintenir que par la force ou les intrigues. Nous retrouvons cette indépendance, ce besoin de la discussion, du « palabre », chez leurs descendants soudanais. Dans les plus petits détails, tels que nous les donnent les Salluste, les Ammien Marcellin, les Procope, nous croyons suivre l'histoire des Mandé-Foula nigériens, toujours en négociations ou en batailles, prompts à l'attaque et à la fuite, hospitaliers, mais souvent traîtres et cruels, détestant l'étranger punique ou romain et cependant s'alliant constamment à lui contre leurs frères.
Des guerres d'extermination comme l'histoire en a rarement
enregistrées, décimèrent pendant des siècles cette population de « Barbarie », ces Sa-Barbar ou Sou-Barbar auxquels se heurtèrent les Arabes. C'est pourquoi un grand nombre de clans plus ou moins nomades, que les auteurs anciens signalent dans le nord, y disparaissent en partie ou totalement et se retrouvent plus tard dans le sud.
Ce sont les nomades de la Sithiaka (Sidianké) au sud de la Marmarique; les familles Salati et Samba (Chaamba, père de San); les Khataniens ou Khétéens, descendants des Khéta asiatiques et pères des Keïta soudanais; les Sokosii (Sisokho) ; les Soumer, Asoumer, etc., descendants des Sumériens asiatiques, qui habitent encore le Djurjura et l'Aurès (au Soudan : Souma, Soumaré et Samoura); les Mazikes, hommes du Massi, et les Niassukan (les Kan ou les Dialo Maces et Masoufa); les Austures et les Auses, ces Haoussa-Touré, cavaliers renommés dans la confédération des Marmarides; les Isaflenses, pères de tribus foula, etc.
L'ascendant politique des Romains se fit sentir sur cette masse et les réfractaires, pourchassés par les rois amis de Rome et parfois par ses légions, durent s'enfermer dans les vallées peu accessibles de l'Atlas ou franchir le désert 92.
Dès que le christianisme triomphant eut pris pied en Afrique, il se répandit avec une extrême rapidité dans l'intérieur. La Libye et la Marmarique furent divisées en diocèses, parmi lesquels on remarquait ceux d'Aoudjila et de Zygris (Siguiri ?) à l'entrée du désert. Rhadamès se convertissait sous Justinien et, en 166, les Garamantes priaient Justin Il de leur envoyer des missionnaires. Barth signala que dans le Sahara central, près de Tintelloust, se trouve un district appelé Arroumet, pays des chrétiens, dont les habitants sont des Tagama (Tagana). Aussi ne doit-on pas être surpris d'apprendre, d'après le témoignage évidemment impartial de Abou Abdallah Es Zohri, que le grand empire de Gana professa le christianisme jusque vers l'an 169 de l'Hégire (1076-77). Cette assertion confirme la tradition rapportée par Ancelle que « l'Adrar fut autrefois habité par des chrétiens blancs. Ils furent chassés par Imam El Hadrami venu du Maroc ».
Comment se forma l'empire dont nous venons de parler ? Il y a pour l'histoire une lacune, que rien ne viendra probablement combler, entre la disparition des royaumes septentrionaux et la naissance de leur premier rejeton nigérien.
De vagues légendes ne suffisent pas à nous éclairer et nous savons seulement que, même en faisant la part des exagérations des indigènes, cet Etat atteignit un degré de splendeur et eut une durée que n'égalèrent ensuite aucun de ces empires qui lui succédèrent et disparurent le plus souvent avec le conquérant qui les avait fondés.
Déjà, au temps de Ptolémée, il semble que des « Kaba » aient atteint le Niger auprès duquel ils s'établirent. Mais la légende indigène assigne aux Sisé l'honneur d'avoir créé l'empire de Gana ou Kana. Cette appellation devait rappeler l'antique origine chananéenne de ces Kan ou Ghanya, dont un nom tribual était Dia ou Dialo qui équivaut à Sa ou Sal. Leur dernier établissement dans le nord était Diabi des Dia-noirs) dont certaines familles portaient le nom. Il faut probablement voir dans cette localité le « Zabil » de l'époque romaine, près des Salinae Toubonenses (Chott Maïla) 93.
D'où venaient ces hommes ? Quatre routes principales mènent de l'Afrique du Nord au Soudan :
On peut admettre que les premières tribus arrivèrent de Numidie et de Mauritanie par les routes de Tischitt et de Oualata en suivant les vallées de la Moulouya et de l'Oued Guir. Elles représentaient probablement les anciens Gountarar et parmi eux se trouvaient des familles Touré,
Sakhanokho 96, etc.
Suivant le langage des peuples avec lesquels ils se trouvèrent en présence ils reçurent des noms divers : c'étaient les « Sarakholé », les hommes blancs, et l'empire qu'ils fondèrent devint la nation des « Ouakoré », nom qui a la même signification. Leurs chefs s'appelaient Dia, et étaient unis aux Ma. D'où le substantif dia-ma-ni, ou diamano, « Etat des Dia et des Ma ou Ama blancs », pour désigner un royaume dans leur langue. Avec eux étaient arrivés, dans le Sud, des Keïta et des Diara, qui se maintenaient dans la vallée du Niger, la remontant très loin au Midi. Les Sarakholé occupaient surtout la région du Tagant, avec Birou comme centre principal. Dans le Sud ils s'étaient mélangés aux Ethiopiens Macrobiens de tout le Sahel sénégalais. Mais bientôt de nouveaux apports allaient augmenter la puissance de l'empire, tout en diminuant l'importance des berbères blancs, les Ouakoré, au profit des rouges Ouagara. Au VIe siècle post J. C. nous constatons l'existence dans le sud oranais d'un royaume que gouverne Ma-Souna, avec le titre de « roi
des Maures et des Romains 97 ». Il s'agit là, très certainement, de la confédération de la Souna, dont parle M. Desplagnes, ce nom étant la contraction de Sounhadja ou Sanhadja. Ces Sanhadja sont les hommes de Sou ou de San, descendants des Hyesos, qui se sont dispersés dans tout le nord de l'Afrique. Une partie d'entre eux, qui se distinguait par une plus grande pureté de race, s'était retirée à l'extrême occident du Maroc, d'où elle descendit peu à peu, en suivant le littoral Saharien, jusque sur les bords du Sénégal qui lui doit son nom. Ils s'appelaient Sanhadja au Lithain à cause du voile qu'ils portaient devant le visage (Sanagua ou Zénègues). Les Sanhadja proprement dits étaient divisés en Lemta au Nord et Lemtouna au Sud (Lemmé en Soninké a le sens de fils). Les autres Sanhadja du centre, mélangés à des familles Ma et formant les Massouna, les Massoukan, etc., vinrent rejoindre en grand nombre les Sarakholé, qui leur donnèrent le nom d'Assouanek ou Souaninké, d'où nous avons fait Soninké. La majorité de nouveaux venus était formée de ces Maures, Ma Ouré, dont la langue Peulh a conservé le nom avec la signification d'ancêtre, de vieillard et de grand homme (maou-do, pluriel maoubé bé 98).
Avec ces Maouri se trouvaient déjà de nombreuses familles de l'antique nation des Fout, des Isafoulan, des Faraka, dont les descendants se disent Sami (Sémites)
et reconnaissent pour premiers parents Adam et Eve 99. C'étaient ces Gétules, qui « parcouraient le Sahara toujours la lance à la main, s'occupant également de multiplier leurs troupeaux et de dévaliser
les voyageurs 100.
Ils portaient le nom de Zénètes, les fils de Djana ou de Sana, parents des Ama-mra (Ama-Mara, les Ama marmarides) et des Oudjana de Kabylie, qui sont dans ce pays, dit Reclus, les plus anciens habitants après les Berbères, amoureux de leur indépendance et à demi
troglodytes 101. On les trouve encore, très métissés, à Tougourt et dans le Rirh, sous le nom de Rouara. Près des Amamra de Kabylie se voient encore aujourd'hui des Aoulad El Djouala, « fils des païens », qui s'intitulent Denhadja, et descendent de races blondes. Or Den ou Dan est un nom peulh et sarakholé,
et Denka est le patriarche de ces derniers 102.
Sous le nom de Djouala-ta ou Ouala-ta, le pays des Dioula ou des Dia
rouges, les Soninké formèrent un Etat particulier, au nord-ouest de Tombouctou ; mais c'était certainement, au début, une province tributaire des Sarakholé de Gana. La famille royale du Oualata portait le nom des Sankharé, les hommes de San dont on a parfois déformé le nom en Sampré. Plus tard ceux d'entre eux qui descendirent vers le Sénégal prirent le surnom de Bakiri ou Bakéli, dont une légende, rapportée
par Mage, nous donne l'origine 103.
Oualata était un centre commercial des plus importants. Le Tarikh nous montre des caravanes de tous les pays du Nord qui s'y donnent rendez-vous. Il était dirigé, comme toutes les grandes provinces de l'empire, par un Khoÿ, un blanc, un Berbère du Nord. Les moeurs très libres, la coutume qui rendait héritier le fils de la soeur du
défunt (Ibn Batouta), contribuèrent à métisser rapidement la population et à modifier
son langage.
L'empire des Sarakholé, fortifié par des apports incessants, s'étendit vers l'Est et le Sud. Le centre qui était la province la plus peuplée était le Bagana ou Bakounou, fondé par Kaya Maga, chef de la famille des Kayankoï (les Kaya blancs), vers le IIIe siècle avant l'hégire (300 à 350
p. J. C.) 104. Les rois portaient le titre de Tonka et de Kandé. Les fonctionnaires étaient tous Ouakoré (El Békri). Le chef-lieu Gana, qui devait être situé entre Nyamina et Banamba, était devenu la capitale du puissant empire des Sarakholé ou Ouankoré, dont les tributaires étaient désignés sous le nom de Ouangara ou Ouangarbé, métissés
de Foula pasteurs et de Sanhadja 105.
Une fraction de ces derniers, sous le nom de Nono-nké ou Nono, devait aller occuper le territoire de Diéné (le petit Dia) sous les ordres de la reine Bikoun Kabi. Ils étaient apparentés aux familles Azer ou Adjor de Tischitt et Ta-Fara de Birou et leurs principales familles secondaires étaient les Khoma ou Koumba, les Sisé, les Bèrèté, les Diabi et les Koné. Une vierge des Bozo, les plus anciens possesseurs du pays, fut murée vivante dans la porte Kanafa, en sacrifice propitiatoire aux génies de la contrée 106.
Tombouctou et Kala, la future Sansanding 107, furent fondés par les mêmes familles et les tribus Sanhadja prirent dans l'empire une importance considérable. Dapper écrivait que « les Sénègues se piquent d'être les plus anciens du païs et par conséquent les plus nobles. Aussi sont-ils les plus puissants. Ils ont régné le long du Niger et prétendent
que les rois de Tombut viennent d'eux 108 ». C'étaient, d'après le Tarikh, les Makhsara (Mazigh Har) et, au dire de M. Dubois, ce seraient les Marka-Segui qui auraient fondé Tombouctou. D'après M. Le Chatelier ils faisaient partie des Messoufa Zenètes.
Pendant la période de prospérité de l'empire Sarakholé, c'est-à-dire jusque vers le Xe siècle, les peuplades éthiopiennes et primitives s'étaient mélangées étroitement aux « hommes de la mer » ou avaient été refoulées par eux soit dans les montagnes du Boundou et du Manding, où les Keïta les dominaient, soit dans le plateau central nigérien. Le Tiagané ou Tagant jouissait d'une prospérité qu'il n'a pas retrouvée dans les âges suivants. Il était couvert de villages construits en pierres et les Sarakholé mêlés aux nègres y portaient le nom de Gangara ou Gangari. Leur capitale était Tougba. C'est de là que, sous le nom de Mar-ka, ils essaimèrent
vers le Marka-dougou, le pays des Marmarides 109. Ils le
divisèrent en huit provinces.
La capitale Touba-Koro, le vieux Touba, passe comme un des centres
les plus anciens des Sarakholé dans la vallée nigérienne.
Mais bientôt des symptômes peu rassurants vinrent troubler la tranquillité des Sanhadja-Sarakholé. D'après la légende rapportée par le Tarikh, vingt-deux chefs avaient régné sur Gana, lorsque, dans le courant du Xe siècle, l'islamisme y fut propagé, par les Berbères
et les Arabes.
Dès 647 ces derniers avaient fait irruption en Ifrikya, puis en 667, à la suite d'Okba, qui fonde Kairouan. Chassés par les Berbères, ils revinrent en 705 sous le commandement de Hassan. Celui-ci conquit tout le Maghreb et chassa les derniers Grecs de Carthage. Les Berbères se convertirent rapidement à l'islamisme, et c'est à ce moment que les M'Hajib, les plus anciens des Maures soudanais, dit la légende, envahirent le Birou (Oualata) et le dévastèrent. Il faut peut-être voir dans ces M'Hajib (Mrazig, les berbères mazices?) les premiers Sanhadja du centre algérien que Tiboutan entraîna dans le sud 110. Ils étaient repoussés sans doute par les Miknaça Zénètes, qui avaient formé un Etat important dans la haute Moulouya 111. La famille royale de ceux-ci, les Midrarides, sortait de la tribu des Béni-Ouaçoul, nom si intéressant pour l'histoire du Soudan et de la Guinée en particulier. Ces hommes de Ouassou, nom que portait la Thébaïde ancienne, ces Ouassoulounké, s'étaient établis à Sidjilmessa, dominant tout le Tafilelt (110 de l'Hégire; 762 p. J. C.), ne se reconnaissant que pour la forme vassaux des dynasties arabo-berbères du Nord. Leur tribu primitive, les Miknaça, tenait toute la vallée de la Moulouya, et, en 923, aidée par les Kétama, elle rejeta les Edrissides de Fez. C'est alors que l'émir Miknaça de Fez, Mousa Ben-Abi l'Afya soutenu par les Ouasoulou, s'empara de la ville et du pays de Tekrour, aux bords du Niger. Mais ces victoires furent sans lendemain, les Edrissides ayant réussi à enlever Fez à nouveau. Les frères des Miknaça, les Maghraoua, occupaient Tiaret et les Beni Ifrène, Mascara et Tlemcen au milieu du Xe siècle, tandis que les Beni Oua-Sine (Berbères de la 2e race) vivaient en nomades dans l'extrême sud.
Enfin, plus au Nord, des tribus probablement de race foula, avaient fondé une des plus grandes villes du Maroc, sous le nom de Za, dans la vallée de la Moulouya. Le seigneur tirait tribut de tous les Arabes et Berbères de la contrée avant l'invasion des Béni-Mérine. Cette ville reçut ensuite le nom de Taourirt 112. Le pays où se trouve cette ville porte encore le nom de Za, ainsi que le fleuve qui l'arrose (Oued Za). Restés maîtres de tout le Maghreb, les Maghraoua furent attaqués par les Kétama qui soutenaient les Fatémides de Kairouan, dont une des armées était commandée par un général nègre. S'aidant ensuite des Sanhadja du Nord, le khalife El Moezz, ayant battu les Magharaoua, vint mettre à la raison les Ouassoulounké et après avoir dévasté le pays emmena à Kairouan, dans une cage de fer, le chef de Sidjilmessa. Puis les Fatémides s'étant retirés au Caire, laissèrent la direction de l'empire du soleil couchant à leurs alliés, les Sanhadja du Nord, dirigés par Ziri (d'où le nom de dynastie des Zirides), et son fils Bologuine (970) 113.
Ces Sanhadja s'avancèrent vers le Sud dès le début du Xe siècle et, à deux reprises, envahirent Gana (911 et 983 p. J. C.). Ils avaient créé un poste d'observation à Aoudaghost entre Tagant et Oualata, composé de Lemtouna, et, fervents musulmans, s'occupèrent à convertir les peuples environnants. Gana était déjà très affaiblie, bien qu'Ibn Haoukal de Bagdad (Xe, siècle) cite encore comme Etat important le royaume de Aoukar, probablement Ouagara, dont le chef était Gana. Mais le pays était déchiré par des guerres civiles continuelles, surtout entre les Silla, qui commandaient entre Kamatingué, Kararo et Lambé et les Sakho qui durent s'enfuir dans le Kingui. Les griots, qui sont à la fois les poètes et les historiens des nègres, rendent les Sakho responsables du démembrement du grand empire. La légende du jeune héros des Sakho, père des Dokoré, qui enlève au serpent d'eau, protecteur du pays, la jeune fille offerte en holocauste et tue ensuite le monstre, est une des plus connues de l'épopée soudanaise 114. A ces dissensions politiques venaient se mêler les querelles religieuses qui rendaient celles-là plus violentes. La nouvelle doctrine islamique, que les Sanhadja du Nord essayaient d'imposer par la force, rencontrait une résistance passionnée. Cependant elle trouvait un terrain tout préparé parmi les tribus sarakholé qui avaient conservé certaines pratiques chrétiennes, surtout chez les Marka et les Dia. C'est ainsi que dès le XIe siècle les Silla, une des plus anciennes familles sarakholé, se convertissaient à la suite des prédications de l'apôtre Ouardiabi. Plusieurs mosquées furent bâties dans la région lacustre. « L'une des premières fut élevée par les habitants d'une bourgade commerçante située dans une île du Macina, sur le marigot de Dia, à la limite du Bourgou et du Farimaké. Cette île se nommait Toukoro Roundé, l'île des Nénuphars Elle prit plus tard le nom de Tokror qui resta ensuite aux habitants. M. Desplagnes en fait le berceau des Toucouleurs que Dapper nommait « Tocorons ». Cependant il ne faut pas perdre de vue que, dans l'itinéraire d'Antonin, on trouve, en Numidie, la ville de Tocolo-Sida, qui, en Mandé, voudrait dire : l'ancien Tou, ville des Si 115. Ces « Tékrour » jouirent bientôt d'une grande réputation dans tout le monde musulman et au XVe siècle l'un d'eux devait avoir l'honneur de professer au Caire.
L'anarchie était partout, dans le Maghreb comme au Soudan. Il se produisit alors un des événements les plus curieux de l'histoire soudanaise et qui intéresse même l'histoire européenne : Les familles Lemtouna et Djeddala qui régnaient tour à tour sur les Sanhadja.
Notes
1. Les Egyptiens avaient les gens
roux en horreur et les mettaient à mort. Ils étaient persuadés que le nain Typhon était
roux.
2. « Le Boundou à tête
de boeuf. »
3. Mela, livre III, chap. IX.
4. « Les nègres du Loango assurent qu'il y a dans l'intérieur des terres une grande contrée qui n'est habitée que par des hommes de cette taille et que leur unique occupation est de tuer des éléphants » (Hist. gén. des voyages, t. IV, p. 601). C'est exact en effet : on les nomme « Akoua » au Gabon. Ils sont ventrus, très leste, et très adroits. Ils sont répandus un peu partout. Dans la partie nord du Gabon, les Pahouins s'en servent comme chasseurs d'éléphants. Ils les ont réduits en esclavage. Il en existe à Libreville.
5. De Lartigue, Campagne contre Samory.
6. La Khamé, en Soso, signifie hommes de La. N'est-il pas curieux de retrouver dans la société du Poro chez les Timéné des
officiants qui portent le nom de Laka ?
7. Les grues « fuyant l'hiver et les pluies torrentielles s'envolent en criant vers les rivages de l'Océan, et leurs cris annoncent à la nation des Pygmées et la guerre et le trépas » (Iliade,
3, 4).
8. Hérodote, liv. IV, CLXXXIII : « Les Garamantes font la chasse aux Troglodytes Ethiopiens : il se servent pour cela de chars à quatre chevaux. Les Troglodytes Ethiopiens sont en effet les plus légers et les plus rapides de tous les peuples dont nous ayons jamais ouï parler. »
9. Desplagnes, Le Plateau central nigérien.
Madrolle. En Guinée : « Quand un Timéné se noie… on creuse une fosse an bord du fleuve de façon que l'eau passe dessus. Ils considèrent que le fétiche du fleuve ayant exigé cette victime, il faut la lui abandonner, sinon un autre individu du village subirait bientôt le même sort. On n'enterre généralement pas les rois Timéné du Bomboli, du Yoni et du Marampa : leurs corps sont jetés dans les broussailles ou dans la rivière et servent de pâture aux animaux. » Certaines tribus Sérères ensevelissent également
leurs morts dans les vases des estuaires.
10. Hannon signalait ces êtres phénoménaux. Voir aussi ce que Verneuil (Mon Voyage au Sénégal) dit des Sa-tan, dont le nom servit à désigner le diable. Il est curieux que l'expression niam-niam, dont parle cet auteur, qui désigne, d'après lui, l'unité de Dieu (?) ait donné naissance, d'après le griot Manar, à la désignation des Niam-Bac-Oul, ou hommes à queues. Avant que Vogel ait pénétré chez les Niam-Niam de l'Afrique centrale on les représentait précisément comme des hommes à queue
de singe et anthropophage. Voir Satyres, Blemmyes, (Egypans,
dans Mela, I, 266-67 et III, 184.
11. Desplagnes, loc. cit., p. 385.
12. . Certaines de ces tribus ont
le chien comme n'téné, parce qu'elles disent que
cet animal est sorti avec elles des trous de la terre (Desplagnes,
p. 354).
13. Binger.
14. « Krao », village en Bakoué et « Kraré » en
Landouma.
15. Près de Touba, sur les frontières de la Guinée, la montagne rocheuse de Gouin s'entr'ouvrit, et il en sortit les Dio ou Guio, qui étaient forgerons et construisirent Silakoro (le Vieux Sila). On les appela ensuite Dio-oula, puis Dioula ou Guioula, les Dio rouges. D'autres Dioula, qui, eux étaient sans doute des Dia de l'empire blanc de Gana, descendus du Ciel, s'installèrent à Bonci. Ils créèrent ensemble N'zo et Saala et se répandirent dans la vallée
du Bafing.
16. Ou enterrés verticalement comme chez certains Baga, Yola, Timéné et Bobo (Bobo Niénégué).
17. Hérodote dit que ce sont les plus
grands et les mieux faits (le tous les hommes.
18. Les Agni furent probablement refoulés vers le XIIIe siècles
par les Haoussa et les Soso (cf. Dalafosse, Grammaire de la langue agni).
19. En dehors de ressemblances entre les
vocabulaires Baga et Akan (bien que ce dernier fasse partie du groupe
Agni) on remarquera que « Akan » ou « Aka » est un nom de famille Baga : Aka-baki, Aka-bokar (les grands Aka), etc., sont des noms Baga. Comparer aux Akoua chasseurs, du centre Africain, dont nous avons parlé plus
haut.
20. D'autres se mélangèrent aux Tellé ou Téré, parents des Bobo, et formèrent peut être ainsi la famille des Akatéré. Ces Tellé primitifs étaient remarquables par la grosseur de leur crâne. Les Baga ont, eux aussi, de grosses tètes
(Desplagnes, loc. cit., p. 189).
21. Si nous suivons la règle de formation des noms propres, expliquée par le Hogon de Bankasi, ils représenteraient un mélange de La, de Dou primitifs et de Ma (Malinké).
22. Cf. Paroisse, Notes sur les peuplades
autochtones de la Guinée française.
23. Renseignement donné par M. Brière.
24. Renseignement donné par M. Brière.
25. Tamgué, Tingué signifie le village chez les Mossi, les Birifan, les Dagori, les Bobo Oulé. La racine Tin a le même sens dans tout le nord de la boucle du Niger. On trouve des Waélé à Kakoni et à Saran (Touba-Kadé).
Dans le Fouladougou Harbala est une montagne qui s'appelle Mont Baga (Bagakourou).
26. Barha et Bakha ou Baga, suffixés à un nom servent à désigner en Mandé un individu exerçant une profession, un ouvrier Delafosse. Vocabulaire Mandé: Rambaud, La langue Mandé,
p. 30 et 83
27. Ils prétendent avoir construit des villes en pierres. Il s'agit probablement des murs de défense
dont on trouve les traces aux abords du haut plateau du Fouta.
28. Les Bagaforé, qui sont moins mêlés de Mandé que les autres Baga, continuent à observer
cette coutume.
29. Ce culte s'étendit fort loin, probablement sur toute la région soudanaise. Hérodote le mentionne déjà. On en trouve des traces nombreuses dans les vocabulaires de divers peuples fort éloignés les uns des autres, mais qui semblent venir d'une souche primitive commune :
Chez les Gourma le grand prêtre porte le nom de Bougon : et le feu celui de Bougo: au Mossi, le grand prêtre est le Hougo Ouango et adore le soleil oueinigi).
30.
Peut-être étaient-ils apparentés aux Manon ou Mano de la forêt.
31. C'est de leur nom que vient sans doute le mot Kourouba appliqué au mercenaire Timéné.
32. Té-nda est un composé qui rappelle
les noms des peuples primitifs Té (Vétéré, Akatéré,
etc…) et celui des N'Da. Près d'eux résident encore les N'Dao
Malinké.
33. Ils se divisent en :
Ces « Dounka », hommes de Dou, descendants directs des Fadoubé, sont porteurs d'un étui spécial protégeant leur virilité.
34. Les Tenda Mayo, d'après M. Brière,
se divisent en :
35. D'après M. Brière, Tenda serait un nom d'origine Peuhl. Peut-être faut-il voir dans ce nom Té-nda la désignation d'un croisement d'individus Té, Téré, primitifs, et de Nda. Ce peuple serait ainsi apparenté aux primitifs du centre nigérien, aux Akatéré Baga, aux Agni et aux Mandé. Entre eux, les Tenda et Bassari se nomment Alivane. Ils parlent la même langue. Les Coniagui les appellent Ayan ou Biyan et nomment Kouss les Badiaranké. Enfin les Coniagui se disent entre eux Awonhèn, et sont désignés par les autres Tenda du nom de « Wonyadyi », d'où le mot Coniagui, donné par les Mandé.
36. Observations de M. Chantre. A noter aussi que
beaucoup de noms de rois égyptiens paraissent être des noms libyens : Apriès, qui attaqua la Cyrénaïque s'appelait en réalité Oua-Bara.
Psammitichus ou Psametik est le calque de N'Sarnatigui. Voir aussi Ama-sis. etc…
37. Le système de Newton indique Ammon, père de Sésac, roi d'Egypte, comme le premier conquérant du nord de l'Afrique. Sësac est battu et tué par les Libyens. Son frère Neptune étend encore cet empire et le fils de celui-ci, Altas ou Antée, sur le point de subjuguer l'Egypte, est battu et tué par
Hercule.
38. Voir à ce sujet l'origine des Automoles, ou Asmach dans Hérodote(livre II, XXX). On trouve en Asie l'origine des Foula nous voyons un conquérant appelé Poul
on Foul, attaquer la Palestine.
39. Un des Pharaons se qualifie: « Taureau blanc qui a mis en fuiteles peuples de Phouts. Les Nefza-oua ont conservé dans leurs traditions le souvenir d'invasions Kouschites. « On a trouvé trace, dans les documents égyptiens, de nombreuses expéditions où il est pris aux Libyens des coutelas de bronze, des monnaies, de l'or, de l'argent, des arcs, des javelots et des chars. On peut en conclure, semble-t-il, que, dès le XIVe siècles avant J.-C., les Libyens avaient une civilisation et une industrie. Ils avaient déjà des rois héréditaires et avaient, conclu des alliances les peuples des îles, avec les Tyrrhéniens en particulier. » (Victor
Piquet, Les Civilisations de l'Afrique du Nord).
40. Les fils de Kam sont d'après la Bible les enfants de Misraïm, de Kous, de Chanaan, de Fot ou Phout. On trouve encore des Fella dans tout le nord de l'Afrique et en Arabie où ils sont appelés « Koufar ».
41. L'erreur de Barth a été de ne voir au Soudan à côté de l'élément rouge Peuhl que la race noire. Léon l'Africain avait déjà fait une confusion analogue (voir Guinée française, p. 171, note 1). Ces « peuples de la mer» apportèrent vraisemblablement avec eux l'alphabet libyque : La légende indigène (Tellier, Autour de Kita) indique ainsi la filiation d'Adam et Eve : Une nuit Aoua accoucha de douze enfants albinos, six garçons et six filles, et de douze enfants rouges, six garçons et six filles aussi. Cela dura toute la nuit. Les six garçons
albinos s'appelaient :
Les six garçons rouges s'appelaient :
42. Docteur Bertholon, Communications à l'A.F.A.S., passim. D'Avezac avait déjà signalé, au milieu du siècle dernier, que les éléments « Kaldo-Nabathéens nous sont peut-être révélés par les formes syriaques qu'affectent tant de noms propres de la topographie africaine ». Le président Des Brosses avait également fait à ce sujet un travail d'un haut intérêt.
43. En Asie Mineure nous trouvons d'autres noms aussi
suggestifs: les monts Taurus, la montagne sacrée de la Lycie, le Solinia, l'île de Carcinitis (Tunisie), et Carcinitis (Crimée), etc. (voir aussi 2ème partie, chap. 1er,). Barth signale en Tripolitaine près de la vallée de Melgha des monuments scythiques. Sur une monnaie lycienne on voit un chef coiffé d'une tiare perse qui rappelle le bonnet des Bambara. La statue du roi maure Bocchus, identifiée
par Des Brosses, porte le bonnet phrygien.
44. « En réalité, écrit Victor Piquet (loc. cit.), Afrikia vient de Afarik ou Aouriglia. C'est le nom d'une tribu du pays qui forme encore dans le Sahara une importante fraction des Touareg Azgar. Les Aouraghen étaient une des plus puissantes familles libyennes… Ils habitaient le territoire de Carthage et plus tard les Romains donnèrent leur nom à toute la Libye grecque. Ibn Khaldoun fait descendre d'eux les deux grandes fractions berbères, les Sanhadja et les Lemta ». Pour d'Avezac « Afrique » signifiait : « établissement séparé » ou colonie de Tyr. Nombreuses ont été d ailleurs les étymologies proposées.
45. Hérodote (livre III, XLIV) : « Je trouvai à Thasos un temple de l'Hercule Tyrien qui avait été construit par ces Phéniciens, lesquels courant les mers pour chercher Europe, fondèrent une colonie dans cette île cinq générations avant qu'Hercule, fils d'Amphytrion, naquit en Grèce. » « Selon la légende indigène, le premier conquérant fut Cheddad, fils d'Ad, ou Sadid, fils de Baal, premier roi des Géants chez les Himyarites… D'après une autre légende, le pays aurait été conquis par un des successeurs de Cheddad nommé Doul Kourneïn. Enfin d'autres traditions indiquent comme père de la race, Afrikis, qui aurait donné son nom au pays. Cet Afrikis (que les uns donnent comme fils de Kronos, les autres comme un fils d'Hercule) était un Chananéen venu avec ses compagnons des pays d'Orient et aurait fondé la race berbère. D'après un autre récit, chassé de ses Etats par un roi Assyrien, il se serait enfui vers l'occident jusqu'à l'Ifrikia… Mais les historiens arabes font de cet Ifrikos, un prince de la dynastie des Tobba, rois de l'Yémen, qui aurait amené dans le pays les Kétama et les Sanhadja. » (Piquet,
les Civilisations de l'Afrique du Nord, loc. cit.).
46. Méla, p. 310. Voir dans Strabon les relations entre les Amazones et les Gargaréens.
47. Comparer Branès au « Sinibrané » de la légende Mandingue, le père des blancs. D'après Rinn les Béranes, venus par l'Espagne et l'Italie, se retrouvent chez les Gheraba Iabbaren et chez les Kef Loua (Gaëls). Les Marhdès, venus par l'Egypte comprenaient des Ibères Chéraga ou Tourano-Dravidiens (Anou, Iaones, des Touraniens-Hamaxèques Amazones, Sumériens, Kimmériens, Amachek. etc…) des Tourano-Kaldéens (Akad, Ethiopiens, etc…) , des Tourano-Ayriens (Médes. Iraniens, Gètes, Numides, Gétules), des Indiens (Zenaga, Zenata) … M. Bertholon voit dans les habitants de l'Aourès, et les Hamama, Metellits, Souassi, Chebba, etc…, peuples dont une partie était considérée comme d'origine arabe, des berbères de race nordique européenne. Il se base sur des observations anthropométriques
qui paraissent en effet concluantes.
48. Les Pelischtim ou Philistins, Kaphtorim ou Crétois, Lebahim ou Libyens, descendent de Misraïm, fils de Chani. Des traditions berbères confirment les indications des livres juifs. Comparer Léba-him à Lebba, capitale des Ouadjili, au nom de l'antique Leptis, Lebada ou Lebda (près de Messellata, Tripolitaine) , à Labbo, Lobo, et peut-être Labé noms
Foula, etc.
49. Ils habitaient l'Atlas occidental. Ils ont, dit
Strabon, un goût très vif pour la parure : longs cheveux tressés, barbe bien frisée, bijoux d'or ; ils soignent leurs dents et leurs ongles. Parmi leurs noms de villes, nous remarquons Ouata, Tala, Kapsa (Kaba-Sa) où était le trésor
de Jugurtha, Sama ou Za-ma, Zincha (Si-Nka), Ousita, Faran (Farana,
ville de Faran) , etc.
50. Hérodote cite, en partant des frontières de l'Egypte : les Adyrmachydes. les Giligammes, les Asbystes, les Auschises. les Kabales, les Nasamons, les Psylles : plus au sud les Garamantes. Au delà, vers l'ouest, les Maces, les Gindanes, les Lotophages de l'île Djerba, les Machlyes, les Aouséens, les Atarantes, les Atlantes, les Libyens laboureurs : Maxyes (Maka-Si ?) Zauèces
qui deviendront les Zoueckes. les Gyzantes…
51. Les Aouchates Scythes étaient fils de Lipoxaïs, fils lui-même
de Targui-taous, patriarche de tous les Scythes (cf. Targui,
singulier de Touareg) .
52. Comparer à la tribu araméenne
des Mash.
53. Signifie en Mandé : les
chefs Ma ou les blancs Ma.
54. Ma de Gana ou Kana, Makana (?),
nom mandé.
55. D'après Maspéro, Aménabat 1er emmène en esclavage des Maziou ou Nfatiou, dont le nom signifie désormais soldat-esclave ou sofa en Egypte. Il est remarquable que Matiou-do signifie précisément esclave en peuhl. Sous Ramsès III, les Mashasken ou Mashouash et les Kahaka envahissent l'Egypte. Le Tarikh signale la première de ces tribus comme ayant fondé Tombouctou.
A noter aussi le nom d'un roi maure : Imaghzen.
56. Voir Polybe et aussi Méla
(livre III, 182, 196).
57. P. 113, loc. cit. Comparer aussi
le nom « Amo » à celui des Ama-liks (Amalécites). Les Pharaons (6e dynastie) entretenaient des rapports avec le prince du pays des « Aman » en Libye, qui leur fournissait des bois. Ce détail
ne permet pas de les confondre avec les habitants de l'oasis
d'Ammon.
58. Reclus, Géographie universelle.
59. Les Ammoniens, au dire d'Hérodote, étaient composés d'Egyptiens et d'Ethiopiens. Ils avaient pris leur religion des Thébéens, qui avaient pour totem la brebis. « Je crois même qu'ils s appellent Ammoniens parce que les Egyptiens donnent le nom d'Amoun à Jupiter. » Amoun, d'après Barth, signifie le porteur, le conservateur, c'est-à-dire la stabilité, l'immutabilité éternelle de l'ordre de l'univers. D'après Desjardins, Amoun signifierait la pierre brute, impliquant la pétrolatrie. Ce culte aurait ensuite été confondu avec celui d'Amon, le dieu bélier. Les Ouled Amonni sont encore des marabouts sédentaires de l'Adrar. Ils sont berbères
et, parmi leurs tributaires, on remarque les Ouled Silla.
60. De même les Foula, qui donnent aux bestiaux des noms se rapprochant des noms humains, terminés en « ou » pour les mâles et en « i » pour les femelles et qui pleurent la mort des vaches comme celle des personnes de leur famille. Les Egyptiens s'abstenaient également de manger des boeufs s'ils étaient jumeaux, tachetés, s'ils avaient travaillé,
etc.
61. Men était le nom d'un dieu des Phrygiens. Sabasius était une de ses formes. Ils avaient une divinité. tauromorphe et une autre léontomorphe. Le « tympanum » des Phrygiens était un tambour sacré analogue au « tabala » des
Soudanais.
62. Duruy. Histoire des Grecs.
63. Hérodote, IV. CXC.
64. Les Matmata se trouvent encore
dans cette région. D'après d'Avezac, les habitants des monts de Matmata seraient de race copte. Or Bello, de son côté, affirme que les Mandé soudanais sont également
des Coptes.
65. « Trita » d'après Desjardin, était un dieu Arva qui régnait sur les eaux. « Oyyha était une de ses épithètes, d'où Ogen, ancien nom de l'Océan (Ogha, le torrent en sanscrit). Les Minyens qui s'établirent en Libye apportèrent le culte de Vénus Amphytrite qu'ils disaient fille de Poseidon et du lac Triton. Les jeunes filles qui se battaient chaque année autour de ce lac devaient symboliser par ce jeu l'arrivée des Aryens protégés par la déesse. Oghii, chez les Soso, est encore le dieu de la fécondité.
66. Les Ioniens, fils de Iavan ou
Dia-ouan, dans le nom desquels nous trouvons peut-être des Dia soudanais, avaient comme grand dieu l'Apollon marin, qui était devenu pour tous les Grecs le protecteur des colonies, tandis qu'il était le père mythique de Garamas, lui-même d'origine marine, ancêtre des Garamantes. Son symbole était le dauphin, qui devait être
le totem de ces tribus.
Il semble d'ailleurs que l'origine de ces dieux marins doive être cherchée parmi les croyances sémitiques. C'est ainsi qu'Aphrodite Ourania était identifiée par les Grecs à l'Astarté des Phéniciens, à la Derkéto d'Ascalon, moitié femme moitié poisson. Le poisson représenté par le nombre cinq est encore vénéré dans
toute l'Afrique du Nord.
67. « Les Maures, comme tous les Libyens, a écrit Lacroix, adorèrent la vaste mer qui bordait leur rivage et du sein de laquelle ils paraissaient sortir. » Les peuples pêcheurs du Niger ne commencent jamais la pêche sans avoir offert un sacrifice à la fille du fleuve. « Ma » signifie encore maître, seigneur dans le Soudan oriental, comme Massa et Manga dans le Soudan occidental. Billama désigne un chef de canton. Notons aussi que, en arabe, « eau » se dit «Ma » et en berbère « Aman ». Dans ce dernier idiome « Amelloul » signifie « blanc ».
68. Sur les peuples à peau blanche, Sokhit, la déesse à tête de lionne, étend sa protection » (Hymne à Amon Ra, cité par
M. Desplagnes).
69. En assyrien « Sousan », en hébreu « Saous »
70. Les Egyptes.
71. Le véritable nom des Scythes était « Sakaï »
72. Hérodote III. VIII. LesEgyptiens sacrifiaient à cesdeux divinités le porc, qu' ils avaient en horreur, peut-être par une sorte de dérision des croyances Hyksos. Le radical « ur », ou plutôt « our », et « Har » qui servait à désigner une forme de la lune chez les Sumériens, se retrouve dans le nom du dieu Soso Oura-Kan et a formé une racine mandé signifiant rouge. Oura-Kan pourrait vouloir dire le Seigneur rouge Ouraghen, tribu berbère du Soudan. Comparer aussi à Tiourakh, le dieu des richesses pour les Sérères et à Tiourou, la lune en Mossi. Le mot Karo, Kalo, la lune en Malinké, pourrait avoir la même
origine.
73. Manuscrit de Bello.
74. Voir note 1, p. 16. Ils disent être venus au Sahara au temps du roi Tobba, descendant d'Hymiar. « D'après M. Caussin de Perceval ce Tobba serait Tobba-Harits-Erraïch » (Desplagnes, p. 123). « Les Berbères, écrivait Bello, descendent d'Abraham ; quelques-uns prétendent
qu'ils sont issus de Japhet et d'autres de Gog ou Magog… »
75. La Méditerranée jetait continuellement, et sur la côte asiatique et sur la côte africaine, des groupes d'hommes avides, très audacieux, venus des Iles ou du Continent : Achéens, Etrusques, Sardes, etc. Ces ennemis nouveaux se mélangeaient aux Libyens ou s'alliaient au Khéta, ou s'installaient aux bouches même du Nil » (Fontanes, loc. cit.). C'est ainsi que parmi les Libyens, vaincus par Ramsès, nous voyons des « Shardanes » ou « Toursha », des Tyrsènes, que le Pharaon incorpore dans sa garde. Ce sont les hommes des îles de la « Grande verte ». Le papyrus parle d'une « nuée de barbares blonds aux yeux bleus venant du nord », c'est-à-dire de Grèce,
de Sicile, d'Espagne.
76. Au sujet de colonies juives au Soudan, voir Desplagnes,
p. 135, et Guinée française. Procope signale, avant l'arrivée des Carthaginois en Afrique, la présence de nombreux Chananéens.
77. Les nègres Ouaoua, ou Ouaouaïtou, mélangés aux peuples de race supérieure, fondaient le Touat (forme féminine de Ouaou, oasis). A l'orient, ils peuplaient le Toron du For, le pays des Tou, des Toubou (voir au sujet du mot Tou, la Guinée française,
p. 198).
78. Keïta-Oulé. On en fait venir les modernes
Guezzoula ou Guechtoula. Silius Italiens disait d'eux :
Nulla domus plaustris habitant : migrare per arva
Mos, atque errantes circumvectare Penates.
D'après M. Desplagnes ils étaient issus d'un mélange de primitifs Gué ou Ké et de rouges Oulé. Ils finirent par chasser une grande partie des Maures vers le sud. E. Reclus note que « les Kabyles du Djurjura ne tuent pas les singes, qu'ils disent frères des Guechtoula ou Gétules), aborigènes comme eux ».
79. Une tribu Mandé porte le nom de « Fissanka »
80. Maure, en Mandése dit Soularha, tandis que Soninké se dit Malarha, c'est-à-dire hommes de Sou et de Ma. Larha est en effet un suffixe signifiant homme de comme Iakaï en Soso : un Tourélakaï est un homme du pays des Touré. Il est curieux de noter que le mot Soso « Kaï », homme, dont le mot Mandé « Ké » est une abréviation, donnerait au mot « Sakaï » nom
des Scythes, le sens d'hommes de Sa ou du Serpent en langue Soso.
81. Massylia. probablement Massinia,
est le même mot que Macina qui désigne
le pays Peuhl au sud de Tombouctou.
82. Madrès était également un « diamou » ou nom tribual royal, peut-être de la même famille. Il se rapproche du nom de Maghdès, déjà cité. On fait venir le nom Sirta de Kirta en Phénicien,
ce qui nous semble assez peu probable. Voir dans Salluste les indications
sur les maisons numides. Aussi dans Mela, I, 262.
83. Le forgeron ne porte pas partout le nom de
Noumou, tant s'en faut. Chez les Soso c'est un « Mallem », comme
dans le nord de la boucle du Niger. A l'est du Niger, Barth (??). Au Fouta-Dialo c'est
un Baïlo. Nous avons signalé, dans la Guinée française la légende des forgerons et les curieuses superstitions qui s'attachent à cette profession. Mais nous devons insister sur l'ancienneté et la généralité de ces croyances. Le père des forgerons, pour les Egyptiens, est Sot, le nain hideux, qui tua Osiris. La rouille est la trace du sang divin sur le fer. Les légendes similaires sont innombrables, telles celles de Caïn, Prométhée, Vulcain, des nains scandinaves et germaniques, etc… Ces hommes du fer, ces tziganes chaudronniers, étaient connus en Gaule sous le nom de Fâouré qui, par une coïncidence étonnante signifie dans le Soudan occidental le père rouge. Faouré est encore le nom du forgeron dans le patois [français] méridional
et c'est de ce mot que vient le nom de famille Faure.
84. La langue dont on usait dans les échanges était le Grec. Aussi en est-il resté des traces dans certains dialectes indigènes (voir à ce sujet la Guinée française, notes linguistiques, in fine). Barth a mentionné l'existence de similitudes assez curieuses entre le Kanori et les langues de l'Asie centrale et même
le latin.
La prospérité de Girta était due à une grande colonie grecque. Largeau a indiqué à Rhadamès un monument portant des caractères grecs et d'autres inconnus. Nous avons signalé dans la Guinée des légendes indigènes se rapprochant des légendes helléniques. Notons aussi que si la Grande Ourse était pour les Grecs Hermès, le voleur de troupeaux, de même chez les Sénégalais elle représente une chasse donnée à un voleur d'ânes. Enfin signalons que le frène sacré des Grecs, melia, a son équivalent dans le méli Soso, arbre surnaturel. « J'ai essayé, écrivait Miss Kingsley, de raconter tout ce que je sais des spectres africains, car ils me paraissent très ressemblants à ceux
des Grecs. »
85. Carthage ne devint maîtresse du pays que grâce aux efforts de la famille des Magon. Mais nulle part son joug ne fut accepté de bonne grâce.
86. Cette famille se retrouvait chez les Numides,
où nous voyons Pompée vaincre un chef de ce nom.
87. Dès 1300 ans av. J.-C. nous voyons le chef libyen Mar-maïou, fils de Deïd,
attaquer l'Egypte.
88. Voir Desjardin, Mythologie de
la Grèce
antique.
89. Peut-être à l'origine signifiait-il le fils du Serpent, Sa-ré indiquant l'emblème totémique
de ces tribus.
90. Sène, Sine oui Si est le nom d'une famille libyenne qui dut être très puissante et très répandue, car on trouve d'assez nombreuses inscriptions qui parlent d'elle. Au moyen âge ou la voit dans le sud algérien (les Oua Sine), et au Soudan. Le mot Sine servait à désigner la lune-divinité en Assyrie. Son culte se répandit dans toute l'Asie Mineure et jusqu'en Arabie (Sinaï). Comparer à Sen-Ki (l'arc-en-ciel) et à Sindi les organes génitaux féminins
en Soso.
91. Kat, se retrouve dans le nom d'une
famille maure : Karkassan, dont nous avons fait Carcassonne la
cité défendue par la sarrazine « Dame Karkass ». Nous voyons là comme dans Sar-Kasas le nom d'une famille Ka, ou Kasan, d'où descendent probablement les Kassonké sénégalais.
92. Expéditions de Maternus, etc. Voir 2ème partie, chap. 1. Septinius Flaccus, battu d'abord par les Nasamons, d'après Zonare, prit ensuite sa revanche (87). Suctonius Paulinus, puis Sidius Geta battent les Maures de l'Atlas et les poursuivent jusque dans le désert (41-42p. J. C.). Festus triomphe ensuite des Garamantes . Nous ne citons que pour mémoire
les guerres contre Tacfarinas, Firmus, Faraxen, etc.
93. Za est très souvent confondu
avec Dia.
94. An XIVe, siècle, Ibn Batouta donne l'itinéraire des caravanes du Niger oriental. Elles partaient de Tadakha et, à Cahor, allaient les unes an Touat, les autres vers Rhât et l'Egypte. Celle dans laquelle il se trouvait amenait au Touat 600 négresses
esclaves !
95. L'itinéraire le plus suivi est celui indiqué par Ibn Batouta : de Sidjilmessa à Taghaza. Tacarhala, Oualata, d'où parlaient
diverses routes vers le Soudan.
96. Comparer Touré à Toursha (Touré Sa) nom des Tyrsènes établis en Libye. Ptolémée appelle Toura-phyllum une ville qui semble être Touggourth. Ibn Batouta au XIVe siècle qualifie les Touré d'« hommes blancs», qui est la véritable signification de leur nom. Dans tout le Soudan central le « Serki N'Toura Oua » est le consul des blancs. Touré en mandé signifie aussi « Etoile polaire ». Quant aux Sakhanokho, parents des Sakho, le même Ibn Batouta les dit « hommes blancs hérétiques ibadhites », comme les Mzabites Algériens dont ils sont peut-être parents. D'après M. Le Chatelier, la tribu ibadhite de Oualata venait d'Ouargla dans le sud algérien.
97. V. Piquet, op. cit.
98. Nous avons noté dans la Guinée française la singulière dualité de la langue Peuhl parlée
au Fouta-Dialo. Ainsi
vieillard en langage courant se dit, d'après M. l'administrateur Cugnier, « berrawo » ou « kikaladjio ,, pluriel berrabé et kikalabé. Voir annexe n° 3.
99. Note de M. Brière.
100. Portrait que trace Ibn Khaldoun
des nomades du VIIe siècle.
101. Les Amamra Kabyles se disent
descendants des Romains. Ils portent des bonnets se rapprochant
des coiffures des femmes Fouta Dialonké et du bonnet phrygien.
102. « Dan » en certaines régions signifie « fils de ».
103. « Lorsque les gens de Diabé s'avançant vers l'Ouest arrivèrent au Sénégal, ils y trouvèrent les Malinké qui habitaient alors le Galam. Il les en chassèrent par la force et, dans une de ces expéditions, ayant manqué d'eau, ils arrivèrent à bout de forces à un marigot de la Falémé. Ils s'y précipitèrent pour boire et les gens du village qui se trouvaient de l'autre cité vinrent faire leur soumission, disant que le marigot sacré les avait toujours protégés, mais qu'ils voyaient bien que leurs maîtres étaient arrivés puisqu'ils avaient pu se plonger dans ce marigot sans y périr. Ce marigot s'appelait Bakiri et les Sempré en
prirent le nom. »
104. Kayankoÿ est la divinité protectrice des tribus Sarakholé,
et les familles El Kaya disent descendre de Tischitt.
105. Sur Gana et son histoire, voir
Desplagnes. op. cit. Gana se retrouve souvent dans la toponymie
du nord africain. Ainsi Tou-Gana, près de Marrakech, la ville fondée par les Sanhadja du Sud. De même nous trouvons Tala Gana, la source de Gana, chez les Tou et, près de Tintelloust, Tintégana. Comparer aussi aux Kanaoua, les gens de Kana, vers le lac Tchad. Les derniers représentants des Almoravides, descendants des Sanhadja soudanais, portaient le nom de Beni Gania. Ce nom évoque une origine asiatique que l'on retrouve dans un grand nombre de tribus berbères, ainsi que Barth l'a déjà signalé. De là viennent probablement les légendes soninké de la création de l'homme, du fruit défendu, du serpent tentateur, le nom de Adama, fils d'Adam, qui signifie homme ; le dimanche, jour férié, et le vendredi, jour néfaste
des Fofana, etc.
106. Monteil. Monographie de Djenné. Comparer Diéné à Yanet près de Rhât.
107. Kala est un nom fréquent au Soudan et au Fouta. Il ressemble beaucoup à Gana ou Kana et peut-être
faut-il l'identifier avec ce dernier. Dans l'Afrique romaine
il y avait de nombreux et importants Kala ou Kalama…
108. Verneuil (Mes Aventures au
Sénégal, 1859) rapporte une légende qui montre Mammouth
(Mahmoud) comme le chef de la tribu qui, sous les ordres de son fils
Bellèle
(Pellal, nom d'un village du Fouta-Dialo),
fonda Tombouctou. Le roi du Bambouk, Haram Tall, ayant fait enlever
sa fiancée Djazella par un noble guerrier Bambara dont les « stampes
de la figure (les tatouages) représentaient un tigre ». il porta
les armes contre lui, le vainquit, « étendit sa domination jusque
dans le Bornou et le Timbo ». Ayant, auparavant, été réduit
en captivité, il dut se nourrir du produit de sa pêche chez les
peuplades des lagunes. Aussi ses successeurs devaient-ils plonger
trois fois dans le lac auprès duquel il résida et attraper un
poisson afin de mériter la couronne. On retrouve cette coutume singulière
dans plusieurs peuplades Mandé, Le Tarikh de Karamoko Ousman. rapporté par
M. Guébhard, nous montre un Mahmoud dominant les Foulbé avec
l'aide du sultan marocain. Il fut tué par les Diawar, et son sabre
magique devint la propriété de ceux-ci. Des Foula dissidents
réfugiés dans le Bambouk, puis dans le Bakhounou devinrent les
Hirlabé.
109. Ptolémée désignait une région qui semble être celle d'Ouargla sous le nom de Tamarka. Voir aussi Marka, près
de l'ancienne Sidjilmessa.
110. Son petit-neveu, Temyn, fut tué dans une révolte générale des tribus qui se dispersèrent
(Le Chatelier).
111. Ils occupaient l'emplacement probable de
l'ancienne confédération de Masouna qui succédait aux Moussoulans venus de la grande ville romaine de Toubousouktou (Toubou-Sou-Koto). C'étaient des Zénètes de la première
race.
112. Lefèvre et Nchlil, la région de Tafrata, d'après
Marmol.
113. Ziri est le même nom que Siré, fils de Si, très commun au Soudan dans les tribus Mandé-Foula. Quant à Bologuine nous le retrouvons peut-être dans le nom du général d'El Hadj Omar, Alfa Boulouguié.
Dans ce cas il signifierait; blanche-main.
114. Cette légende indique les croyances fétichistes auxquelles restaient soumis les Soninké de Gana qui révéraient, comme leurs ancêtres maures, les eaux et les animaux qui les peuplaient. Leur totem ou n'téné était le loukhouné, qui est peut-être le lamantin ou manatus. C'est encore celui de nombreuses tribus Mandé, Maures et Touareg. M. Tellier transcrit ainsi un passage du conte des griots. « Mamadi trancha la tète menaçante. Par la violence du coup la tête alla tomber dans le Bouré à sept ou huit cents kilomètres de là. Mais en s'envolant elle s'écria : « Habitants du Ouagadou. pendant sept ans vous n'aurez ni eau, ni mil ! … » C'est depuis qu'elle est tombée dans le Bouré qu'on
trouve de l'or dans ce pays. »
115. Voir Desplagnes, op. cit. Comparer à Toukéra en Cyrénaïque, près du pays des lotophages, à Toukria en Mauritanie, etc. Toucouleur, d'après M. Desplagnes, signifierait mangeur de nénuphars, ou lotophage. Peut-être faut-il rapprocher de cette opinion, ce que dit Ibn Batouta, du pays de Zaghah, qu'il faut nommer Diakha, où était un sultan soumis au Mali (XIVe s.) et où les habitants ont adopté l'islamisme depuis fort longtemps et sont très pieux ».
116. Voir sur Tou. Touba. etc. la
Guinée française. Comparer aussi Toubourou, nom générique des Pouli primitifs plur. Bourouré),. Toubou, race du Sahara oriental. Toubouré ou Toubounenses, mot que l'on trouve dans l'onomastique de l'Afrique septentrionale ancienne. «To », en égyptien, avait la signification de pays comme en Soso « taï » et « ta ». ou «da », celui de village en Mandé. « Roundé », que M. Desplagnes traduit par île, signifie « village de cultures » chez les Foula.
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