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3ème république
Crise des 2 et 3 février 1996


Le Général Lansana Conté, Chef de l'Etat
s'explique sur les évènements des 2 et 3 février 1996 à Conakry.

1ère édition, Présidence de la République
Conakry, 25 février 1996


Message du Président de la République
à la Nation sur les événements des 2 et 3 février 1996 à Conakry

Peuple de Guinée,

En ma qualité de Président de la République, chef de l'Exécutif, je te dois des explications sur les événements des 2 et 3 février 1996 à Conakry pour t'éviter d'être la victime de la désinformation, source de toutes les confusions.

Je voudrais d'abord te rappeler que le CMRN, dès le 3 avril 1984, t'avait promis d'instaurer les libertés et la démocratie, et de faire de notre pays un Etat de droit.

Durant onze ans, avec le concours inestimable et les sacrifices de tous tes fils, les résultats sont là, éloquents, toutes les institutions républicaines sont installées, les libertés démocratiques instaurées.

Et c'est au moment où ton attention est polarisée par les problèmes de développement que surviennent les évènements des 2 et 3 fevrier 1996.

Le 2 février 1996, dans la matinée, j'ai été informé d'un déploiement de soldats qui, après avoir investi l'aéroport de Conakry, se dirigeaient vers la ville en tirant des coups de feu. J'ai aussitôt cherché le contact avec le ministre à la Présidence chargé de la défense nationale qui m'avait fait dire la veille que les problèmes à la base de ce mouvement étaient en voie de règlement. Face à la gravité de la situation, j'ai donc décidé de prendre directement les choses en main à travers les mesures suivantes :

Malgré ces mesures, un groupe de militaires s'est emparé de la radio et a lu un texte déclarant : &laqno; le couvre-feu à partir de 13 heures, la suspension de la Constitution, la dissolution de l'Assemblée Nationale et du Gouvernement. »

A partir de ce moment, il devenait évident que des individus avaient, à la faveur des revendications légitimes des soldats, décidé de renverser le Gouvernement et d'interrompre le processus de démocratisation.

Dans ces conditions, je devais intervenir directement à la radio. Ce qui fut fait et contribua à distinguer ceux qui revendiquaient l'amélioration de leurs conditions, du groupe de mutins décidés à tout prix à prendre le pouvoir.

Après ce message, j'ai reçu, à deux reprises, les représentants des premiers cités auxquels j'ai confirmé ma décision de régler le problème de ravitaillement le samedi 3 février et d'examiner, dès le lundi 5 février, celui des salaires.

Satisfaits, ces hommes se sont retirés avec ceux des leurs qui les attendaient dans les parages du Palais des Nations.

C'est après que les envoyés des mutins se sont présentés et ont été reçus. J'ai tenu les mêmes propos qu'aux précédents. Mais compte tenu de leur objectif, autre que les problèmes de salaire et de ravitaillement, ils sont repartis insatisfaits.

La réponse ne s'est pas faite attendre : à partir de 18 heures, le Palais des Nations fut encerclé, puis attaqué par les armes lourdes habituellement utilisées sur les théâtres des grandes opérations militaires.

Dans la nuit du 2 au 3 février, la salle de congrès fut bombardée, incendiée et détruite.

Le samedi 3 février, ce fut l'assaut final, l'objectif étant de liquider physiquement le Président de la République.

Il fallait en finir pour épargner des vies innocentes. Vers 10 heures, j'ai décidé de me rendre au Camp Alpha Yaya comme annoncé précédemment. Ce qui fut fait.

Arrivé au Camp Alpha Yaya, j'ai été pris en main par les soldats loyalistes pendant que les putschistes composaient leur gouvernement.

Cette attitude déterminée des loyalistes prouva aux putschistes que la partie était perdue pour eux : il ne leur restait plus qu'à disparaître du Camp Alpha Yaya.

De mon côté, et conformément à la promesse faite depuis le 2 février, j'ai confirmé ma décision relative à l'amélioration des conditions d'existence des soldats et ma volonté d'examiner d'autres points à partir du lundi 5 février.

Mais en raison de l'euphorie, qui régnait, la réunion a été reportée au lendemain, dimanche 4 février.

Ce fut ensuite le retour au Camp Samory dans les conditions que vous connaissez. Là se tint la rencontre programmée la veille.

Peuple de Guinée,

Voilà relatés dans leurs grandes lignes les graves évènements qui ont secoué notre capitale Conakry, les 2 et 3 février 1996.

C'est le lieu de préciser que ce mouvement était strictement localisé à Conakry, et que les renforts militaires venus de l'intérieur ont grandement contribué a l'échec du coup d'état.

Mais la tentative de déstabilisation des mutins ayant échoué, leurs complices civils ont commencé à faire circuler les tracts au nom de l'armée dans le but de traumatiser la population, décourager les opérateurs économiques nationaux et étrangers et porter atteinte à l'image de marque de la Guinée auprès des pays amis et des organismes internationaux.

Ce sont les mêmes individus qui, quelques jours avant les événements, avaient tenu des réunions dans certaines capitales europeennes, invitant les cadres gui néeus à se préparer à rentrer au pays pour y assumer de hautes fonctions.

D'autres, de l'intérieur de la Guinée, se préparaient également à rentrer triomphalement à Conakry pour occuper des postes de ministres.

Peuple de Guinée,

La logique de ces évènements montre qu'il s'agit là d'une action longuement préparée.

Tu te souviendras en effet, que le premier novembre 1995, dans mon adresse à l'armée, je déclarais : &laqno; Il y a des gens qui veulent le pouvoir coûte que coûte. Ces gens ne l'auront jamais ; parce que le pouvoir, en Guinée, à part Dieu, c'est le peuple qui le donne. Personne ne prendra le pouvoir par la force. On peut tenter, mais la réussite sera difficile. Car, il faut avoir la majorité pour diriger un pays. Celui qui n'a pas la majonté doit rester tranquille et attendre son tour. ». Fin de citation.

Peuple de Guinée,

Une fois de plus ton soutien n'a pas fait défaut tant à Conakry qu'à l'intérieur du pays, dès le 2 février 1996. Ta détermination affirmée de défendre tes acquis fondamentaux a été pour moi une source d'encouragement tout au long de ces deux journées au cours desquelles certains ont perdu la vie et d'autres leurs biens.

C'est l'occasion pour moi de m'incliner humblement devant la mémoire des innocentes victimes et rassurer les autres de notre compréhension.

Peuple de Guinée,

Face à cette situation, j'ai déjà pris un certain nombre de mesures relatives à l'amélioration des conditions d'existence des soldats, d'autres mesures suivront.

Quant aux opérateurs économiques, qu'ils sachent que le Gouvernement a pleinement conscience du préjudice subi par eux et se penche actuellement sur leur cas.

Peuple de Guinée,

Je sais à quel point tu réprouves le comportement de ces fils indignes qui ont failli souiller toute notre armée et compromettre le progrès, l'unité et la paix dans notre pays.

Je suis heureux de constater que notre Assemblée Nationale déplore et condamne avec fermeté et rigueur la tentative de coup d'Etat et toute forme de violence. Elle invite le pouvoir exécutif à faire toute la lumière sur les évènements des 2 et 3 février 1996, ce qui suppose une enquête approfondie afin d'établir les responsabilités et prendre les mesures légales qui s'imposent.

Cest aussi ma volonté de faire toute la lumière sur ces évènements en accord avec le pouvoir judiciaire, car ne l'oublions pas, la Guinée est un Etat de droit.

Cest le lieu de remercier les pays frères et amis et les organisations africaines et intemationales qui ont manifesté leur sympathie envers la Guinée par l'envoi de délegations ou de messages.

Je voudrais également rassurer l'ensemble de nos partenaires au développement de notre ferme volonté de poursuivre le processus de démocratisation et de renforcer la coopération bilatérale et multilatérale.

Peuple de Guinée,

Pour terminer, je t'invite à la vigilance pour préserver tes acquis et surtout consolider les institutions démocratiques.

Une fois de plus Dieu a sauvé la Guinée.

Bonne fête de Ramadan aux musulmans et bon début de carême aux chrétiens.

Vive la République

Conakry, le 21 février 1996


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