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Ethnographie


Jacques Germain
Administrateur en chef des Affaires d'Outre-Mer (ER)
Guinée. Peuples de la Forêt

Académie des Sciences d'Outre-Mer. Paris. 1984. 380 p.


Note Préliminaire
SUR LES NOMS DES PEUPLES FORESTIERS, LEUR LOCALISATION ET LEUR IMPORTANCE

Ces peuples sont connus sous plusieurs noms et le nom sous lequel ils sont répertoriés n'est pas forcément celui qu'ils se donnent eux-mêmes : il ne l'est même à peu près jamais.

En effet, nous avons connu les peuples de la forêt d'abord par les récits des peuples périphériques, côtiers ou soudanais, chez qui nous étions installés depuis plus longtemps.

Le contact avec les Forestiers s'est effectué avec le truchement de guides et d'interprètes dont le premier souci n'était pas du domaine de l'ethnographie ou de la linguistique. Nombre d'Européens eux-mêmes ne se souciaient que fort peu de vérité scientifique et l'habitude a été prise d'utiliser des noms étrangers au peuple concerné, ou déformés ou résultant d'une méprise.

C'est ainsi que les Kpellé, nom qu'ils se donnent eux-mêmes, sont appelés Guerzé par déformation du nom sous lequel les Malinké les connaissent.

De même, les Toma sont en réalité les Loma ou Laoma.

Quant aux Dan, ils sont connus sous le nom de Yafoba ou Yakouba, l'interprète commençant la traduction des propos de l'interlocuteur Dan par « il a dit » (locution que les premiers européens ont confondu avec le nom de l'ethnie ! ) ; les Toura sont appelés ainsi par les Malinké et se nomment Weingme (ou Wenmé) et Weingmebo au pluriel.

Les Kweni sont connus sous le nom de Gouro donné par les Baoulé leurs voisins, ou de Lo par les Malinké. Les Gagou sont en réalité des Gban, les Ouobé des Wehi, les Ouan des Nwã, les Mona des Mwã, etc.

Chaque ethnie est dominante dans une des circonscriptions administratives créées par les Français mais elle déborde en général les limites de celles-ci et sont elles-mêmes pénétrées par d'autres ethnies.

Les Kissi qui sont 55 000 dans le cercle de Kissidougou et 82 000 dans celui de Guéckédou se trouvent également outre au Sierra-Leone et au Liberia (35 000 dans chaque, estime-t-on), dans certains cantons Toma du cercle limitrophe de Macenta et réciproquement certains Toma habitent l'Ouest du cercle de Guéckédou tandis que les Kouranko se sont enfoncés dans le Nord du cercle de Kissidougou et, mélangés aux Kissi, ont donné les Lélés (9 000 sur Kissidougou et 4 000 sur Guéckédou).

Les Toma occupent le cercle de Macenta mais ont subi une forte pénétration Konianké jusque Macenta par la vallée de la Loffa, et dans la région du Diani se trouvent mêlés aux Kpellé aussi bien dans le cercle de N'Zérékoré, rive gauche, que dans celui de Macenta (rive droite). Ils étaient 75 000 environs en territoire guinéen.

Les Kpellé, 103 000 en Guinée, descendent presque jusqu'à la Côte du Libéria et occupent un canton du cercle de Beyla (Kossa Gueré) tandis que les Kono (qu'il ne faut pas confondre avec les Kono de Sierra-Leone, métis de Proto-Kissi et de Mandé) sont 30 000 en quatre cantons du cercle de N'Zérékoré et un du cercle de Beyla (Karagoua). Les Manon (ou Mamia, ceux qui parlent le Ma ainsi qu'ils se nomment) sont établis dans trois cantons du cercle de N'Zérékoré (18 000) et au Libéria.

En Côte d'Ivoire, leurs voisins de l'Est, les Dans (125 000) occupent les subdivisions de Man et Danané débordant sur le cercle de Séguéla, et ont quelques groupes en Guinée dans le cercle de N'Zérékoré et bien entendu sous le nom de Geh et Gio des peuplement s plus importants au Libéria. Les Weingmebo, ou Toura, sur les pitons de Touba et du Nord de Man sont environ 12 000 tandis que les Gyo ou Mahou y sont aussi nombreux.

Les Guéré de Duékoué, Toulépleu, Guiglo sont environ 80 000.
Enfin, les Kweni ou Gouro sont comptés pour 100 000 sour Bouaflé et Zuénoula, les G'ban ou Gagou sur Oumé 13 000, les Nwa ou Ouan dans le Sud de Mankono et l'Est de Béoumi 8 000 et les Mwa ou Mona dans le Sud de Mankono plus de 5 000.
Ces chiffres sont anciens et reflètent les recensements effectués dans les premières années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire au moment où nous entreprenions notre étude.
On peut donc évaluer à 370 000 environ le nombre des Forestiers de Haute-Guinée et à un nombre comparable celui des populations soeurs de Côte d'Ivoire dont plus de 60% au voisinage immédiat des forestiers haut-guinéens.
Enfin, il faut noter que si on retrouve Kissi, Toma, Kpellé, Manon, Dan au Libéria, on y trouve aussi des populations qui y sont concentrées mais dont la parenté est certaine avec les ethnies guinéennes et ivoiriennes de la forêt et qui présentent un même faciès culturel : Gola, G'bélé, G'bandi, Mendé, Sherbro, Boulom, Geh, etc.
Une étude complète du groupe ainsi constitué demanderait une connaissance de chacun des composants que nous n'avons pas. Elle sera à faire un jour par suite de l'importance numérique de ce groupe et de son originalité en Afrique de l'Ouest, des traits communs de son habitat et de sa culture.


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