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Guinee, la democratie sans le peuple dans le regime de Lansana Conte

De Sékou Touré à Lansana Conté

L'Harmattan. Paris. 2006. 243 p


Dédicace

Pour l'Honneur de mon père
et l'Amour de ma maman
qui m'ont tout donné.

Après le rappel du régime sanglant de Sékou Touré, l'auteur aborde les dérives institutionnelles du gouvernement de Lansana Conté. Il démontre la similitude des deux systèmes politiques issus de la même école « celle de la dictature aveugle au nom d'une démocratie illisible ».

Maligui Soumah est originaire de la Guinée-Conakry ; il a fait ses études supérieures en France à Lyon, Grenoble et Paris.
Docteur en Économie et Administration des Entreprises I.A.E.I.E.C. Docteur en Sociologie, Diplômé d'Etat de Sciences Politiques. Maître de Conférence Honoraire en Sciences de Gestion des Universités. II est fondateur de l'Association des Cadres et Techniciens d'origine Guinéenne en France (ACTOG), qu'il a dirigée de 1986 à 2002.

Introduction

La forme républicaine d'un Etat ne peut se concevoir en l'absence de la laïcité et de la séparation des trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. Comment les Guinéens vivent-ils concrètement ce socle de la démocratie républicaine ? L'un des acquis de la République a été de donner à ce peuple, la fierté d'être tout simplement guinéen, sans référence à une langue, à une région, à une religion.
Des générations de Guinéens de l'extérieur et probablement celles de l'intérieur, ont grandi dans cette solidarité de destin, portant les mêmes aspirations à la liberté, à la dignité et à la justice.
Aujourd'hui la Guinée est redevenue une dictature où personne n'est protégé contre l'arbitraire du Pouvoir : les crimes physiques et financiers et le terrorisme d'État se perpétuent impunément tous les jours ; les groupements ethniques pour se défendre, s'érigent en partis politiques et en sociétés civiles, sous la bienveillance de Lansana Conté, Chef de l'État, et selon le principe bien connu "diviser pour mieux régner".
Le langage irrespectueux et belliqueux du Chef de l'Etat à l'égard de l'opposition est inimaginable lorsque des propos de ce genre : aventuriers, cancrelats, puces, punaises, étrangers … émanent de la plus haute autorité de notre pays, alors que l'article 20 de la loi fondamentale déclare dans son alinéa 3 que "chaque citoyen a le devoir de respecter l'honneur et les opinions des autres" …
Par ailleurs, les compatriotes de la Région forestière ont payé un lourd tribut de la mauvaise politique extérieure de Lansana Conté notamment dans ses relations exécrables avec ses voisins dont le Liberia de Taylor : les frontières guinéennes ont été violées par des maquisards armés jusqu'aux dents et dont la puissance de feu et la tactique de guérilla dépassaient de loin celles des forces armées guinéennes (qu'on a longtemps confinées dans des casernes sans entraînement et complètement dépourvues de stratégies militaires et de force de frappe pour défendre l'intégrité de notre pays). Les Guinéens ont été tués par des étrangers sur le territoire guinéen, les filles et femmes violées, les récoltes des braves paysans dévastées ou volées par les maquisards Libériens ou Sierra-Léonais. Une partie de ces paisibles gens a rejoint les camps des réfugiés dans son propre pays. Depuis, s'est abattue sur la Guinée une masse déferlante de violence, de rumeurs, de dénonciations et d'arrestations arbitraires par les forces de l'ordre guinéennes ; ainsi, la Guinée a renoué avec retour de la terreur comme au temps de Sékou Touré.

Malgré la cessation des hostilités avec les pays voisins grâce à la réaction décisive de nos forces armées, la Guinée est, en 2003, en pleine dérive. Il est donc temps, pour éviter que l'histoire ne se répète, que les Nationaux dépassionnent le clivages ethniques ou de clans pour ouvrir un espace de rencontre constructive des partis politiques et sociétés civiles pour permettre aux uns et aux autres de révéler les motivations profondes des désaccords internes et des ambitions pour notre pays. Car le danger serait grand de prétendre parler au nom du peuple dont le sort nous serait totalement indifférent et dont nous ne mesurons pas la souffrance et les frustrations profondes.

Ce pays a toujours été depuis son indépendance, celui de la dictature, de la démagogie et d'un art machiavélique d'exercice du Pouvoir, fondé sur la force, la perfidie et le mensonge, sans scrupule ni morale. Toutes les dictatures du monde s'inspirent de la même école, l'école de la démagogie et de la pollution mentale.

Quel que soit le régime politique en responsabilité en Guinée, le problème à résoudre sera toujours un problème de développement, complètement ignoré par le Chef de l'État :

Pour conduire ce Développement à son terme, il faut des Hommes et des Femmes formés, intègres, de haute valeur morale, dotés d'une discipline juste mais rigoureuse, d'un patriotisme sincère et d'une liberté totale à l'égard de tous, pour mener à bien les tâches qui leur seront confiées.

La volonté du peuple de Guinée se réalisera, malgré la mouvance présidentielle, dans l'unité et la réconciliation nationale dans un État fondé sur la primauté du droit et le respect de la loi démocratiquement établie".
Notre constitution de 1990 note clairement que "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants élus et dans son article 31, elle note que "le président de la République s'engage à respecter et à faire respecter scrupuleusement les dispositions de la Loi Fondamentale et des lois, à défendre les institutions constitutionnelles, l'intégrité du territoire et l'indépendance nationale ; hélas le Chef de l'État viole impunément tous les articles de la constitution qui sont défavorables à l'exercice de son pouvoir personnel.

Même si du point de vue légal, la Guinée détient tous les attributs théoriques d'un Etat de droit, en réalité, le gouvernement et plus précisément le Président de la République Lansana Conté dispose de tous les pouvoirs :

  1. Il fait arrêter qui il veut, même les députés sans lever leur immunité parlementaire, et passe outre la décision défavorable du Bureau de l'Assemblée Nationale
  2. Il organise à sa guise les élections sans tenir compte de la loi électorale, des partis politiques de l'opposition, de l'opinion africaine ou internationale.
  3. Il tolère les détournements des deniers publics et la corruption généralisée des responsables de la mouvance présidentielle, qui restent impunis ; ils sont même accompagnés de promotions.
  4. Des fraudes électorales avérées sont organisées, avec la complicité du Chef de l'Etat, par ses ministres, Préfets, gouverneurs, présidents des communautés rurales de développement (CDR), chefs de quartiers et autres fonctionnaires civils et militaires, sans qu'aucune poursuite ne soit engagée contre eux, et ceci, conformément à la loi.
  5. L'immunité des caciques du pouvoir est la règle, tandis que tout est fait pour neutraliser les adversaires politiques et contre-pouvoirs potentiels du Chef de l'Etat par :
    1. des interdictions faites aux leaders de circuler librement dans le pays, de prendre contact avec leurs électeurs
    2. des arrestations arbitraires, humiliations, bastonnades, tortures diverses …

La Guinée est devenue un pays sans loi ni justice où l'Exécutif bafoue les principes de la République ; par ailleurs, l'article 80 de la Loi Fondamentale stipule "Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif''. Mais la réalité est tout autre ; Lamine Sidimé, l'ex-Président de la Cour Suprême, organe supérieur de la Justice, devenu Premier Ministre a cumulé, deux années durant, sa première fonction avec celle de l'Exécutif en contradiction avec l'article 84 de la Loi Fondamentale qui note que la qualité de membre de la Cour suprême est incompatible avec toute autre fonction publique ou privée. Dans l'esprit du Chef de l'Etat, le pouvoir judiciaire et le pouvoir Exécutif sont interdépendants et forment un tout.

Le Législatif est, à son tour, embastillé par l'Exécutif, il devrait jouer deux rôles : faire les lois et contrôler l'Exécutif.
Mais l'autoritarisme des députés de la mouvance présidentielle (majoritaire à l'Assemblée Nationale grâce au bourrage des urnes) fait qu'aucune loi qui déplaît à l'Exécutif ne peut être votée. Et si par mégarde, certaines lois de bon sens sont votées mais, qui gênent l'exercice du pouvoir personnel du chef de l'Etat, celui-ci les violera aussitôt promulguées.
Selon la Constitution : "tous les citoyens ont droit à des manifestations et des cortèges" : cet article est constamment violé par des interdictions répétées aux partis politiques d'opposition, aux syndicats des travailleurs, d'élèves et d'Etudiants non liés à la mouvance présidentielle ; la simple manifestation des compatriotes de la Région forestière pour demander au gouvernement le départ de la rébellion libérienne de leur région, et qui a eu lieu au domicile d'un de leurs membres, donc dans un domaine privé, à Causa (Banlieue de Conakry) s'est terminée dans un bain de sang ; ces compatriotes Guinéens ont été massacrés par les forces de l'ordre au service et sur ordre de l'Exécutif.
Enfin, selon la même Constitution, les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus, sous le contrôle d'un délégué de l'État qui a la charge des intérêts nationaux et du respect des lois ; l'Exécutif par ses pratiques a créé volontairement une contradiction entre les termes "librement et sous contrôle", pour valider à sa manière, la nomination de cinq maires des communes de Conakry et de ses banlieues par le Président de la République, en violation de la loi électorale; en effet, les lois organiques précisent que les maires sont élus par les conseillers élus.

A ces violations répétées des lois par le Chef de l'Etat Lansana Conté, s'ajoute le refus du Pouvoir de dialoguer honnêtement et sereinement avec les partis de l'opposition, ce qui alourdit davantage l'atmosphère politique dans ce pays.

Tous ces actes et faits, toutes ces violations de la Loi Fondamentale par ceux qui sont chargés de les appliquer au nom du peuple de Guinée, justifient le mépris de l'Exécutif de tout ce qui reflète les fondements de l'Etat de Droit, c'est-à-dire la forme républicaine de l'État. Le principe de la laïcité et de la séparation des pouvoirs sont actuellement bafoués par l'Exécutif omnipotent en marge de toute forme de démocratie. L'avenir de la Guinée est donc bloqué.

Par conséquent, tous ceux qui militent pour l'amélioration matérielle et morale de l'humanité, le respect des autres et de soi-même, la recherche de la vérité…, ne peuvent rester insensibles au calvaire du peuple guinéen qui subit, quarante six ans durant, le plus ignoble terrorisme d'Etat de Sékou Touré à Lansana Conté.

Pour vous en convaincre, je vous propose un voyage initiatique à travers la vie politique et les institutions de la Guinée, pour constater l'exclusion de ce peuple à la gestion de la chose publique, sous le couvert de la "démocratie" qui cache mal le démon d'une dictature et d'un pouvoir personnel sans partage au nom de l'intérêt général et de la logique du Pouvoir; ce qui rappelle étrangement le régime de Sékou Touré.


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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.