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Guinée/Politique


International Crisis Group
Guinée : le changement en sursis
Policy Briefing N°49
Dakar/Bruxelles, 8 novembre 2007


I. Résumé

Dix mois après le déclenchement d’un mouvement de révolte populaire contre le régime du président Lansana Conté, au pouvoir depuis 23 ans, et sept mois après la formation d’un nouveau gouvernement, la Guinée est toujours dans une incertitude totale quant à son avenir immédiat. L’état de grâce dont a bénéficié le Premier ministre Lansana Kouyaté, celui qui devait conduire le « changement » exigé par le peuple, fut de courte durée. Les fissures au sein du mouvement collectif qui a ébranlé le régime au début de l’année risquent de favoriser une reconquête du pouvoir par le clan présidentiel. Pour éviter tout retour de la violence, le Premier ministre doit impérativement convaincre les citoyens guinéens de sa détermination à oeuvrer en faveur d’une véritable transition démocratique et a besoin de recevoir à cet effet un soutien actif de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et des partenaires extérieurs, de même que de la France et des États-Unis qui ont des liens de coopération avec l’armée.
Les populations qui avaient massivement manifesté en janvier et février 2007, malgré la certitude d’une répression sanglante par les forces de sécurité (entre 137 et 183 morts et plus de 1500 blessés), réclamaient un changement radical et avaient le sentiment d’avoir remporté une victoire décisive sur Conté en obtenant le départ de son gouvernement et la nomination d’un Premier ministre « de consensus» chargé de mettre en place une nouvelle équipe dont il serait le seul responsable. Nommé à ce poste le 26 février 2007, Kouyaté achève ses premiers mois dans une atmosphère morose contrastant avec l’euphorie qui avait entouré son arrivée à la primature. Même si l’inflation a été réduite, l’enthousiasme initial a laissé place au doute sur la capacité et la volonté du gouvernement Kouyaté de rompre avec les tares du système Conté et de faire face aux graves difficultés économiques auxquelles font quotidiennement face les populations guinéennes.
Un jugement définitif sur la primature Kouyaté est prématuré mais il doit désormais donner des symboles forts de rupture avec le passé pour garder sa crédibilité. Le clan Conté et ses bénéficiaires n’ont pas accepté leur défaite et manoeuvrent constamment pour reprendre les rênes du pouvoir, notamment en jouant sur le sentiment répandu de désillusion et sur les divisions au sein des acteurs de la « révolution de février » : centrales syndicales, organisations de la société civile et partis politiques de l’opposition. Conté est cependant toujours le principal obstacle à une amélioration du sort des Guinéens. Il reste le seul vrai chef de l’exécutif aux pouvoirs constitutionnellement garantis, signe tous les décrets et paralyse donc aisément l’action gouvernementale. Le poste de Premier ministre n’existe pas dans la constitution et celui-ci n’a que des pouvoirs délégués.
L’organisation d’élections législatives transparentes et régulières dans les six prochains mois devrait permettre de franchir un premier pas dans l’entreprise de démantèlement du système Conté par la voie démocratique. En attendant, Kouyaté, les forces de changement et la communauté internationale doivent prendre les initiatives suivantes pour rallumer la flamme des réformes :
Kouyaté devrait tout d’abord accepter l’organisation d’un dialogue national qui rassemblerait les acteurs de la société civile, les syndicats et les partis politiques pour s’entendre sur le contenu concret des réformes que le gouvernement est censé mener et continuer à exercer des pressions collectives sur le président Conté afin qu’il cesse d’entraver les actions du gouvernement et respecte la lettre et l’esprit de l’accord du 27 janvier 2007.
Simultanément, Kouyaté doit procéder à la restructuration des ministères et à la formation de cabinets dotés de cadres nommés uniquement sur la base de leurs compétences, tout en imposant les standards les plus élevés de transparence et de rigueur dans la gestion des deniers publics, et en appliquant le programme d’urgence du gouvernement, en expliquant clairement ce que le gouvernement peut et ne peut pas faire à court terme.
Pour commencer à mettre fin à l’impunité, le gouvernement doit doter la commission d’enquête indépendante sur les violences commises pendant les grèves de juin 2006 et de janvier et février 2007 de tous les moyens requis pour garantir son action, y compris la mise en place d’une brigade mixte police et gendarmerie prévue par la loi, ainsi que l’appui technique d’experts de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples et du Bureau du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Une nouvelle date doit aussi être fixée au plus tôt pour la visite en Guinée du Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, prévue depuis le mois de mars 2007. Pour contenir le danger permanent que représentent les forces de sécurité, le gouvernement doit ouvrir avec elles un dialogue sur les modalités effectives de leur réforme ; évaluer en urgence les besoins de formation et d’équipements des forces de police et de gendarmerie pour le maintien de l’ordre, afin de prévenir de nouvelles tueries de civils non armés en cas de manifestations ; inviter la CEDEAO à envoyer une équipe d’officiers de police et de gendarmerie pour appuyer la mise en place de la brigade mixte affectée à la commission d’enquête, et à préparer l’envoi d’une mission militaire d’observation du comportement des forces de sécurité guinéennes pendant les élections législatives.
La France et les États-Unis devraient également aider à la formation et à l’équipement de la police et de la gendarmerie en moyens de maintien de l’ordre sans recours à la force létale dans le cadre de leur coopération avec les forces de sécurité guinéennes.
Enfin les partenaires bilatéraux et multilatéraux de la Guinée doivent absolument honorer les engagements financiers pris lors du forum des partenaires de la Guinée organisé à Paris en juillet 2007 ; apporter les financements additionnels nécessaires à la préparation des élections législatives ; et soutenir la Guinée auprès du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale pour l’obtention de ressources financières stables et prévisibles pour la période 2007-2010. Sans de telles mesures, on ne saurait exclure qu’une nouvelle crise et des manifestations beaucoup moins contrôlées que celles de janvier/février 2007 viennent à nouveau faire basculer la Guinée dans la violence, avec le risque de réhabilitation du régime Conté ou même d’un coup d’État aux conséquences désastreuses.

II. Bilan d’étape du gouvernement Kouyaté

A. L’émergence de Lansana Kouyaté et les ambiguités de la sortie de crise

1. Un dénouement en apparence exemplaire

Face à une insurrection devenue incontrôlable, Lansana Conté avait décrété l’état de siège et la loi martiale donnant les pleins pouvoirs à une armée qui a pu poursuivre les exactions sur les civils jusque dans les domiciles privés.1 Il a fallu la médiation de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui dépêcha à Conakry le président de la Commission Mohamed Ibn Chambas et l’ancien chef d’État nigérian, le général Ibrahim Babangida, pour convaincre Conté de nommer un Premier ministre qui soit acceptable par les populations en colère.
C’est le 26 février que le président nomma enfin un Premier ministre « de consensus » en la personne de Lansana Kouyaté, choisi sur une liste de personnalités proposées par les syndicats d’une part et le Conseil national des organisations de la société civile (CNOSCG) d’autre part. Pour la première fois, les Guinéens avaient le sentiment d’avoir fait plier leur président par la force de leur mobilisation et le sacrifice d’au moins 137 de leurs concitoyens, selon un bilan officiel qui diverge de celui des organisations de la société civile (183 morts selon le rapport du CNOSCG). Le dénouement de la crise, par la nomination d’un chef de gouvernement sur une liste proposée par les acteurs du mouvement social, ressemblait à une victoire exemplaire du peuple sur un pouvoir totalement discrédité, une authentique révolution. C’est par conséquent dans l’euphorie de la victoire que Kouyaté fut accueilli à Conakry en provenance d’Abidjan (Côte d’Ivoire) au lendemain de sa nomination. Diplomate expérimenté ayant servi entre autres en Égypte, auprès des Nations unies à New York, à Abuja (Nigeria) comme secrétaire exécutif de la CEDEAO et dernièrement en Côte d’Ivoire pour le compte de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Kouyaté avait a priori le profil du Premier ministre exigé par l’accord du 27 janvier : « un haut cadre civil compétent, intègre et qui n’a été ni de près ni de loin impliqué dans les malversations ».2
Même si quelques observateurs se sont interrogés sur la transparence du processus de sélection des personnalités proposées par les syndicats et le CNOSCG et sur les déterminants du choix final porté sur Kouyaté, la nomination de ce dernier fut très largement saluée dans le pays.3 Mais il était aussi évident que la popularité du nouveau chef de gouvernement, qui s’est manifestée dans les rues de Conakry à chacun des passages de son cortège pendant plusieurs semaines, n’était pas liée à la personnalité en réalité peu connue de Kouyaté (il n’a pas vécu dans le pays depuis de longues années et il n’a pas non plus joué un rôle dans le déclenchement du mouvement de contestation), mais au fait qu’il était perçu comme celui que le peuple avait imposé à Conté pour conduire le fameux « changement », le slogan de la révolte.
Pour la population au sortir de la crise, la Guinée avait désormais un président affaibli non plus seulement par l’âge, la maladie et l’usure du pouvoir, mais surtout par un rejet massif des hommes et des pratiques de son régime, et elle avait un nouveau vrai chef, le Premier ministre investi de la légitimité populaire qui devait, tel un messie, résoudre les problèmes économiques et sociaux du pays.4 Illustration de cette attente irrationnelle et qu’on pouvait imaginer lourde de dangers pour Kouyaté, la clameur de quelques jeunes le jour de son arrivée à l'aéroport de Conakry : « un vrai chef est arrivé, le prix du sac de riz va baisser ».
Il était fort improbable que l’inflation et les autres maux de l'économie guinéenne allaient être jugulés en quelques semaines ou en quelques mois, quelles que fussent les qualités et la volonté du nouveau chef du gouvernement. Cette clameur avait cependant le mérite de traduire clairement ce qui était la priorité des populations en février 2007 et qui le demeure aujourd’hui : la baisse ou le maintien à des niveaux accessibles des prix des produits de première nécessité, au premier rang desquels le riz, alimentation de base dans le pays. Kouyaté disait avoir perçu l’ampleur de l’espoir suscité par son émergence dans la vie publique guinéenne. Il avait également désiré ce poste, peut-être plus que les autres personnalités proposées sur la liste des candidats.5 Il ne pouvait pas ignorer l’extraordinaire difficulté de la tâche et la responsabilité qu’il venait d’accepter de prendre.

2. Les erreurs et les malentendus initiaux de la sortie de crise

Les leaders syndicaux qui ont mené la dernière phase des négociations avec les représentants du gouvernement sortant se sont cristallisés sur la seule question de la nomination d’un Premier ministre correspondant au profil décrit par l’accord du 27 janvier 2007 et doté de l’autorité d’un « chef de gouvernement » entièrement responsable de son équipe. Le limogeage d’Eugène Camara, celui dont la nomination avait embrasé toutes les régions du pays le 9 février, et son remplacement par une personnalité neutre approuvée par les syndicats ont suffi à faire lever le mot d’ordre de grève générale.
La nomination d’un nouveau Premier ministre par délégation des pouvoirs du président Conté, même assortie d’une lettre de mission et d’un décret fixant les attributions du chef de gouvernement, était en réalité un résultat modeste compte tenu de l’ampleur de la contestation du régime Conté et du nombre de manifestants tués. Les responsables syndicaux s’étaient retrouvés brusquement dans la position des meneurs d’une mobilisation qui n’était plus sociale mais bien politique, puisqu’il s’agissait de négocier les termes d’un changement radical dans la gouvernance politique et économique du pays, et n’y étaient pas préparés. Malgré leur faiblesse et leurs nombreux défauts, les partis politiques de l’opposition auraient dû et auraient pu jouer un rôle complémentaire de l’action syndicale précisément dans la dernière phase des négociations. Certaines personnalités de l’opposition, qui insistaient par exemple sur l’impératif d’une garantie constitutionnelle immédiate des prérogatives du Premier ministre, auraient dû être entendues par les négociateurs issus des syndicats.6 Sans base constitutionnelle, les pouvoirs du nouveau Premier ministre restaient fragiles. La lettre de mission établie par les acteurs syndicaux et approuvée par le président, qui liste jusqu’à quatorze objectifs pour le chef de gouvernement, allant de « la consolidation de l’unité nationale et la préservation de la paix » à « la préservation de l’environnement et de l’écosystème », en passant par « le renforcement de la démocratie et de l’État de droit » et « l’amélioration de la gouvernance », traitait de tout et donc de rien de précis.
Les modalités de sortie de crise en février laissaient subsister une grande incertitude sur la marge de manoeuvre dont allait bénéficier le nouveau chef de gouvernement et ne prémunissaient pas de probables malentendus entre les acteurs du « changement » et le Premier ministre qu’ils avaient choisi quant au sens que ce dernier devait donner à sa mission. Sans pouvoirs constitutionnels, Kouyaté devait cependant incarner une rupture profonde avec le régime. L’organisation d’un dialogue national réunissant notamment les acteurs de la société civile (dont font partie les syndicats), les partis politiques et les leaders religieux, dans la foulée des évènements, était indispensable.7 Une telle initiative aurait eu le double intérêt de conférer une forte légitimité à Kouyaté et de ne pas faire porter exclusivement à ce dernier la responsabilité des choix politiques et économiques qui devraient être faits pour aboutir au changement radical de gouvernance attendu par la population.

B. De l’état de grace à la désillusion

En juillet 2007, de Conakry à Labé, de Kankan à NZérékoré, un sentiment de doute et d’inquiétude avait déjà remplacé l’euphorie du changement et mis un terme brutal à l’état de grâce dont bénéficiait Lansana Kouyaté depuis sa nomination le 21 février 2007 et la formation de son gouvernement le 28 mars.8 L’équipe Kouyaté venait seulement de boucler ses trois premiers mois, une période trop courte pour porter un jugement pertinent. Entre mars et juillet, le Premier ministre avait essentiellement formé son gouvernement, fait quelques discours forts ponctués de promesses de résultats rapides concrets en termes d’amélioration des services publics de base (eau et électricité), effectué de nombreux déplacements à l’étranger à la recherche de financements (tels que Paris, Bruxelles, New York, Washington, Tripoli), nommé de nouveaux préfets et gouverneurs (le 22 juin), et préparé un programme d’urgence du gouvernement présenté aux partenaires extérieurs de la Guinée le 25 juillet à Paris.
Le décalage entre la mise en route lente et laborieuse du nouveau gouvernement et l’immensité des attentes des Guinéens provoqua de vives critiques des acteurs mêmes du changement. Dans une lettre ouverte au vitriol adressée au Premier ministre le 3 juillet 2007, les responsables des centrales syndicales dénonçaient le non-respect par le gouvernement du protocole d’accord du 27 janvier, les promesses fermes du Premier ministre (notamment d’amélioration de la fourniture d’électricité et d’eau) qui n’étaient pas honorées, les nominations des responsables de la Banque centrale, et encore plus celle des préfets et des gouverneurs, qui avaient été faites, selon les leaders syndicaux, sur la base de « l’affinité » et non de la compétence.9
Dans le contexte des premiers mois, le Premier ministre devait avant tout convaincre les populations de sa détermination à amorcer le changement attendu, essentiellement à travers le choix de l’équipe gouvernementale et des hauts responsables de l’État. Les Guinéens souhaitaient un gouvernement entièrement neuf avec des personnalités qui n’avaient pas servi au plus haut niveau le régime Conté. Kouyaté satisfit cette exigence en nommant des femmes et des hommes qui n’avaient jamais occupé de fonctions ministérielles. La formation du gouvernement en mars 2007 ne fut cependant pas accueillie par un grand enthousiasme au sein des leaders d’opinion de Conakry.
Quelques-uns des nouveaux ministres avaient en réalité occupé des fonctions importantes dans les ministères ou dans d’autres institutions publiques décriées pour leur mauvaise gestion (en particulier la Banque centrale). L’équipe gouvernementale est également jugée de qualité très inégale.10 Il faut cependant reconnaître qu’il était particulièrement difficile de réconcilier l’exigence de nouveauté des ministres avec celle de l’expérience dans la gestion des affaires publiques qui leur aurait permis de prendre la mesure de leurs départements plus rapidement. Mais le vrai problème des ministres de Kouyaté est qu’ils ne disposaient toujours pas au début du mois de novembre 2007 de leurs propres cabinets ; le président Conté ayant décidé d’ignorer le projet de décret sur la restructuration des cabinets ministériels soumis à sa signature par le chef du gouvernement.
Le choix des hauts responsables de l’administration territoriale que sont les gouverneurs de région et les préfets déclencha les critiques les plus vives à l’encontre de Kouyaté. Le Premier ministre réussit certes à renouveler presque intégralement les représentants de l’autorité de l’État dans les différentes régions du pays. Mais deux éléments suscitèrent immédiatement des réserves de la part des leaders d’opinion et de la population : le choix de certains cadres qui étaient connus pour leur allégeance marquée au régime Conté compte tenu de leurs anciennes fonctions (en particulier au sein du ministère de l’Intérieur qui fut le maître d’oeuvre de toutes les élections frauduleuses des dernières années au profit de Conté) ; et la perception d’un « déséquilibre ethnique » dans les nouvelles nominations au profit de la région d’origine de Kouyaté (et de son ministre de l’Intérieur et de la Sécurité), la région naturelle de Haute Guinée, majoritairement Malinké (Maninka).
La critique revenait systématiquement dans les entretiens privés de Crisis Group avec des animateurs de la société civile, les leaders politiques et des citoyens plus anonymes.11 Ces nominations ont eu un impact négatif notable sur la popularité du Premier ministre, sans doute par ce qu’elles se combinaient à la lenteur dans la mise en route de l’action gouvernementale, à la priorité qu’il avait donnée aux missions à l’étranger jusqu’au mois de juillet, à l’absence de concertation avec des leaders d’opinion de plus en plus suspicieux et à son refus de laisser transparaître les signes de blocages de son action par le président Conté et l’entourage de ce dernier. Kouyaté ne pouvait ignorer la sensibilité de la question ethnique en Guinée où chaque série de nominations de cadres est d’abord passée au crible de l’origine ethnique réelle ou supposée des promus.12 À la tribune de l’Assemblée nationale, le 11 octobre, Kouyaté réagit enfin aux accusations d’ethnocentrisme et contesta le « comptage ethnique » jusque-là avancé dans l’opinion publique (dix-sept nouveaux préfets Malinkés sur 33). Il expliqua qu’il y avait « huit préfets et deux gouverneurs issus de la Basse Guinée, sept préfets et un gouverneur de la Moyenne Guinée, huit préfets et trois gouverneurs de la Haute Guinée (sa région d’origine), et dix préfets et deux gouverneurs de la Guinée Forestière ».13 Il fit également remarquer qu’il y avait sept Peuls dans son gouvernement et seulement trois Malinkés et que personne ne le lui reprochait.14 Kouyaté n’aurait pas dû attendre d’être interpellé au parlement pour expliquer à ses compatriotes ses décisions et les critères qui prévalent dans le choix des femmes et des hommes dont il s’entoure. La plupart des animateurs de la société civile guinéenne reconnaissent volontiers qu’un Premier ministre, aussi volontaire fût-il, ne saurait résoudre en trois ou six mois les énormes problèmes économiques, politiques et sociaux qui se sont accumulés au cours de plusieurs années de gabegie, d’incompétence et de mépris pour l’intérêt général. Il était par exemple impossible pour n’importe quel gouvernement d’apporter en quelques semaines des améliorations sensibles dans la fourniture d’eau et d’électricité compte tenu des graves problèmes structurels des entreprises publiques concernées, de l’étendue des fraudes au sein de ces entreprises, de la mauvaise volonté des cadres qui sont aux commandes depuis des années et de l’inexistence des ressources publiques nécessaires pour réaliser des investissements indispensables dans ces secteurs.
L’erreur de Kouyaté dans ce dossier ne fut donc pas de ne pas avoir honoré les engagements pris devant les citoyens mais d’avoir pris le risque de les prendre et de les assortir de dates. Kouyaté aurait également pu et dû, compte tenu des circonstances exceptionnelles qui ont poussé à sa nomination, afficher quelques signaux forts de rupture avec le système Conté.

C. Un début de rectification ?

1. Les promesses du programme d’urgence du gouvernement

Le gouvernement Kouyaté manque cruellement de temps. Le Premier ministre peut a priori prétendre conserver sa position pendant les trois prochaines années jusqu’au terme du mandat constitutionnel du président Conté en décembre 2010. Dans le système politique guinéen, le renouvellement du parlement n’a pas nécessairement un impact sur la composition de l’exécutif et, comme souligné précédemment, le Premier ministre n’existe pas dans la constitution et ne tient ses pouvoirs que par délégation du président. Kouyaté peut donc rester chef de gouvernement au lendemain des prochaines élections législatives. Mais l’incertitude est telle qu’il est aujourd’hui impossible de se projeter au-delà du très court terme. Le mécontentement d’une partie de la population déçue de ne pas voir une amélioration significative de ses conditions de vie, les campagnes de dénigrement ciblées sur Kouyaté et la montée de la tension entre ce dernier et le président qui dure depuis des mois, sont autant de raisons de s’interroger sur la longévité du « gouvernement du changement ». Depuis le mois d’août, ce gouvernement semble pourtant être entré dans une deuxième phase qui devrait lui permettre d’afficher quelques résultats et peutêtre de reconquérir une popularité écornée.
Le gouvernement a conçu un « programme d’urgence » consistant en des actions prioritaires à mettre en oeuvre en six mois (juillet-décembre 2007). Le programme vise trois objectifs principaux : « redonner l’espoir aux populations en répondant de manière concrète à leurs attentes prioritaires sur le front social et de la gouvernance », « consolider l’État de droit à travers le renforcement du dialogue politique et social et la tenue d’élections législatives consensuelles et crédibles » et « créer les bases d’une reprise du processus de développement du pays à travers les instruments classiques de planification ».15 Parmi les nombreuses actions prévues dans cet ambitieux programme d’urgence, on peut citer notamment l’organisation des élections législatives avec établissement de cartes d’identité et d’électeurs avec photos et révision effective du fichier électoral ; la réhabilitation et l’équipement des infrastructures publiques détruites lors des manifestations de janvier et février 2007 ; la constitution par l’État de stocks de sécurité de denrées alimentaires de première nécessité ; l’amélioration de l’accès à l’eau et à l’électricité par la réhabilitation des équipements et de nouveaux investissements ; le renforcement du service public de transport à Conakry (achat de 100 bus), la finalisation des audits de gestion des administrations publiques et la revue des accords et conventions d’exploitation des ressources minières. Présenté par le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, Ousmane Doré, le programme d’urgence du gouvernement fut bien accueilli par les partenaires extérieurs de la Guinée réunis à Paris le 25 juillet 2007. Le forum, organisé conjointement par la Commission européenne et la Banque mondiale, se pencha également sur les perspectives économiques à moyen terme présentées dans le document de stratégie de réduction de la pauvreté pour la période 2007-2010 (DSRP II dans le jargon de la Banque mondiale). Pour aider à la mise en oeuvre du programme d’urgence évaluée à $123 millions (dont $45 millions déjà mobilisés par le gouvernement guinéen), les partenaires se sont engagés à allouer des fonds additionnels pour plus de $50 millions et à réaffecter des ressources déjà engagées dans des projets existants pour plus de $40 millions.16
Le gouvernement a donc enfin une marge de manoeuvre financière pour se lancer dans des réalisations perceptibles par les populations. La véritable contrainte demeure celle de l’administration publique sclérosée et démotivée sur laquelle les ministres doivent s’appuyer. À défaut de pouvoir engager dès maintenant la réforme profonde du secteur public dont a besoin la Guinée, Kouyaté doit en urgence se doter d’une équipe compétente à la primature et veiller à la restructuration des cabinets ministériels, avec ou sans l’aval de Conté. À moyen terme, sur le plan économique, la conclusion d’un programme formel avec le Fonds monétaire international (FMI) qui permettrait à la Guinée de bénéficier d’un allègement considérable de sa dette extérieure est une exigence incontournable.17
Le réchauffement des relations entre le gouvernement et les bailleurs de fonds extérieurs, la révision des contrats miniers par un comité interministériel ou le lancement de différents audits des administrations publiques ne pouvaient pas suffire à rassurer les populations préoccupées par les conditions dans lesquelles elles allaient traverser le mois de jeûne musulman (de mi-septembre à mioctobre). Le début du mois de Ramadan fut ainsi marqué par des manifestations assez importantes pour dénoncer le niveau élevé des prix de produits de première nécessité, notamment dans les quartiers périphériques de Conakry les plus sensibles, Hamdallaye, Bambéto et Cosa.18
Le gouvernement avait annoncé l’importation à titre exceptionnel de tonnes de riz, de sucre et d’huile pour le mois de Ramadan, mais le dispositif mit du temps à se mettre en place. Les denrées importées par le gouvernement arrivèrent dans les points de vente gérés par les chefs de quartiers.19 Chaque famille pouvait alors acheter un (et un seul) sac de riz de 50kg à 85 000 francs guinéens (environ $20) contre 115 000 à 128 000 sur les marchés ($27 à $30).20
Si cette vente administrée a permis de soulager ponctuellement les familles pendant le mois de jeûne, elle ne constitue pas à l’évidence une réponse au problème crucial de la maîtrise des prix, liée à la fois à la gestion de la monnaie guinéenne et plus encore à la structure des réseaux d’importation et de distribution d’un produit comme le riz. La bonne nouvelle pour le gouvernement Kouyaté depuis le mois de septembre est sans doute l’amélioration de la desserte de la capitale en électricité et en eau, un autre déterminant de l’humeur des populations.21 Il est cependant trop tôt pour savoir si ce progrès résulte des premiers efforts entrepris par la compagnie nationale d’électricité (Électricité de Guinée) sous l’impulsion du gouvernement, après les promesses initiales non tenues, ou de l’effet mécanique de la saison des pluies sur la production électrique. Il n’y a par contre pas de doute sur le crédit qui doit revenir au gouvernement pour les progrès réalisés dans l’éclairage public à l’énergie solaire sur deux grands axes dans la banlieue de Conakry.22

2. La reprise du dialogue avec les acteurs sociaux et politiques

La relation de confiance entre les meneurs de la grève générale de janvier et février et le Premier ministre n’avait pas survécu aux trois premiers mois de la gestion Kouyaté. Le sommet de la tension avait été atteint en juillet au lendemain des nominations des préfets et gouverneurs lorsque les leaders syndicaux critiquèrent publiquement le chef de gouvernement. Les fissures au sein du mouvement syndical apparurent également à cette occasion, notamment entre l’aile conduite par Rabiatou Serah Diallo de la centrale CNTG, sans concession sur les insuffisances de l’action de Kouyaté, et l’aile de Ibrahima Fofana de la centrale USTG, plus accommodant à l’égard du gouvernement. De longues réunions internes aux syndicats ont tout de même permis de faire baisser la tension et de maintenir une cohésion minimale.
Depuis le mois d’août, Kouyaté a renoué le dialogue avec les acteurs sociaux, les syndicats et le conseil national des organisations de la société civile (CNOSCG), ce qui permit d’éviter de nouvelles critiques publiques émanant d’une société civile dont le soutien est capital pour la survie du gouvernement. Lors d’une rencontre de la société civile le 4 septembre dernier, le porte-parole de l’inter-centrale CNTG/USTG dénonça « les forces rétrogrades opposées au changement qui s’agitent et oeuvrent inlassablement à saper la mise en oeuvre des mesures salvatrices pour assurer le bonheur du peuple » et appela les syndicats, la société civile et les forces vives du pays à « prendre leurs responsabilités pour sauver le pays en pérennisant le changement obtenu au prix d’énormes sacrifices humains et matériels ».23
Les syndicalistes ont également exigé « le respect et l’application scrupuleux » du protocole d’accord signé fin janvier. Les animateurs de la société civile sont en fait perplexes et quelque peu déboussolés. Ils s’interrogent sur leur crédibilité auprès des populations et accessoirement d’une communauté internationale qui attend peut-être trop d’eux depuis le mouvement de janvier/février. Ils s’inquiètent aussi de leur capacité à contrôler les foules si un nouveau mouvement de colère devait éclater.24 Le gouvernement renoua également le dialogue avec les partis politiques, quelque peu oubliés à la fois par les acteurs de la société civile et par le Premier ministre pendant les premiers mois. Pour les leaders des partis politiques, la date et les conditions d’organisation des élections législatives reportées de juin à décembre 2007 constituent sans surprise une préoccupation majeure. Un grand nombre de partis d’opposition, y compris l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, émirent des doutes sur la volonté du gouvernement Kouyaté de garantir la neutralité de l’administration en matière électorale, au lendemain des nominations controversées des préfets et gouverneurs.25
Les rencontres entre Kouyaté et les partis politiques et l’initiation de réunions régulières entre ces derniers et le ministre de l’Intérieur Mamadou Bö Keïta n’ont pas permis de mettre fin à la méfiance. Mais elles ont au moins permis de mettre en route la toute première étape du processus électoral qu’est la désignation des membres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), la commission qui doit organiser les élections conjointement avec le ministère de l’Intérieur. La CENI n’était cependant toujours pas installée début novembre, les partis politiques de l’opposition ayant eu d’énormes difficultés pour s’entendre sur leurs représentants en son sein, preuve que la méfiance est aussi la règle entre les différents partis politiques.
Les élections législatives, qui peuvent et doivent constituer une étape essentielle pour consolider une transition démocratique en Guinée, ne seront pas organisées en décembre. La CENI ne sera probablement pas fonctionnelle avant la fin du mois de novembre. Les équipements informatiques qui doivent permettre de recenser les électeurs et de leur délivrer des cartes électorales avec photographies, ne seront pas disponibles avant le mois de décembre, repoussant d’autant le début de la révision des listes électorales.26 Le « Trust Fund » mis en place par le Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) pour l’appui au processus électoral et doté de 7 120 000 euros permettra de lancer les premières opérations, mais le financement de l’intégralité du processus électoral est loin d’être bouclé.27 Dans ces conditions, les élections ne pourraient au mieux se tenir qu’à la fin du premier trimestre 2008. Encore faudra-t-il que la Guinée traverse dans le calme les longs mois qui la séparent de cette échéance.

III. État des lieux du système Conté

A. Le repli tactique d’un président affaibli

Les gens du pouvoir n’avaient rien compris à ce qui se passait. Ils ne voyaient pas que ce n’était pas un mouvement comme les autres grèves de juin et de mars de l’année dernière. Le pouvoir ne s’est jamais remis en cause. Le président Conté est passé complètement à côté. Il a ensuite évolué dans sa position sous l’influence de sa femme, Henriette, qui appelait à l’apaisement. Conté est un militaire et a réagi en militaire : il y a des factieux, il faut les contourner et les soumettre. Il ne peut envisager de perdre. Il a signé un décret de nomination d’un Premier ministre mais dans le fond il reste le président avec toutes ses prérogatives.28 Le commentaire de cet interlocuteur de Crisis Group traduit parfaitement l’état d’esprit du clan qui était au pouvoir au moment des manifestations et celui de leur chef Lansana Conté. Lorsque les syndicalistes soumirent au président leurs propositions de sortie de crise au début de la grève générale, demandant « la mise en place d’un gouvernement de large consensus, dirigé par un Premier ministre chef de gouvernement » pour permettre au chef de l’État de « prendre sa retraite afin de mieux ménager sa santé », Conté, retranché dans un des camps militaires de Conakry, ne trouva d’autre réponse appropriée que la menace directe des leaders syndicaux venus le rencontrer :

« Je vais vous tuer tous tant que vous êtes, je suis militaire, j’ai déjà tué des gens »29.

Après la sanglante journée de manifestation du 22 janvier, le président, enfin conscient que la survie de son pouvoir était en jeu, montra qu’il était parfaitement lucide en appelant à l’unité de son armée, son vrai rempart. Conté a perdu depuis de longues années le goût de la gestion des affaires de son pays et n’en fait pas vraiment mystère mais il ne pouvait pas accepter qu’on osât lui demander de « prendre sa retraite » avant le terme de son troisième mandat constitutionnel (en 2010), et après 23 ans passés à la tête de la Guinée. Il vécut les demandes syndicales comme une humiliation personnelle, tout comme le rejet spontané et massif de son premier choix pour le poste de Premier ministre, Eugène Camara, ainsi que la médiation de la CEDEAO, qui l’amena à consentir à nommer un autre chef de gouvernement sur une liste proposée par ceux qui défiaient son autorité.

« Il n’y a pas de transition ouverte. Je suis le chef, les autres sont mes subordonnés…. Ni les syndicats, ni aucun corps étranger ne m’a obligé à nommer un Premier ministre….Le jour où il (le Premier ministre) ne fera pas le bonheur du pays, il s’en ira ».30

Le président Conté a tenu ces propos dans une interview accordée à la presse étrangère en juin dernier, trois mois après la nomination de Kouyaté. Pour lui, rien n’a changé depuis les évènements sanglants du début d’année. Il a vite repris ses habitudes, comme traverser la ville de Conakry pour rendre visite à son ami et partenaire financier Mamadou Sylla, l’homme d’affaires controversé qu’il était allé libérer de prison en décembre 2006, ce qui fut le détonateur de la grève générale de janvier 2007.31
Face au Premier ministre, Conté sait qu’il dispose de la légitimité constitutionnelle de chef d’État élu (certes à l’issue de plusieurs mascarades électorales), du puissant instrument du décret (puisque personne ne pensa à lui enlever la prérogative de signer tous les décrets qui lui seraient soumis par le chef de gouvernement)32 et du soutien des forces armées dont il est le chef suprême.33 Dans ces conditions, il pouvait déclarer dans la même interview que « C’est une bonne chose d’avoir un Premier ministre pour prendre des coups à la place du président ». C’est exactement ce qui se passe en Guinée huit mois après l’arrivée de Kouyaté à la primature. Conté dispose d’une extraordinaire capacité à susciter une certaine indulgence de la part des Guinéens malgré son bilan catastrophique à la tête du pays. Qu’il s’agisse de la corruption de son régime, de la faillite économique du pays ou des violations graves des droits humains, Conté réussit toujours à transférer, dans l’esprit de ses concitoyens, la responsabilité sur ses ministres, son administration, ses conseillers, sa famille, ses chefs militaires, ses courtisans. Par son apparente bonhomie, sa désinvolture, sa générosité (avec l’argent public), son mépris flagrant pour les règles qui gouvernent partout ailleurs l’exercice de la fonction présidentielle, Conté assume tellement bien son irresponsabilité qu’il a fini par convaincre nombre de ses concitoyens qu’on pouvait à la fois être chef d’État et être parfaitement irresponsable.

B. Les forces de sécurité entre fidélité, crimes et malaise

Les évènements de janvier et février 2007 ont apporté au moins deux clarifications et permis de tirer une conclusion sur les forces de sécurité. Malgré les divisions en leur sein, elles sont bien contrôlées par le président Conté et lui sont fidèles, quelles que soient les raisons de cette loyauté. Leur capacité de répression ne peut être sousestimée. Les témoignages recueillis par les différentes organisations de droits de l’homme sont accablants aussi bien pour la hiérarchie militaire et policière que pour les éléments qui étaient déployés sur le terrain. Les forces de sécurité représentent de facto la plus grave menace sur le changement politique en Guinée et sur la vie des populations.
Pendant les semaines de crise, les Guinéens se demandaient si l’armée allait finir par « bouger » pour faire ce que les civils ne pouvaient pas réaliser par leurs gigantesques manifestations : déposer le président Conté pour mettre de l’ordre dans le pays. Beaucoup rêvaient d’un coup qui viendrait de ces « jeunes officiers » qui ne bénéficient pas autant que les vieux gradés et les officiers Sosso proches du président des prébendes du régime et qui devraient également être sensibles à l’exigence de changement politique portée par les populations civiles. D’autres pensaient que le coup pouvait aussi germer dans l’esprit du haut commandement très proche du président, le chef d’état-major des armées d’alors, le général Kerfalla Camara (décédé de cause naturelle le 10 septembre 2007 à Paris) ou de son adjoint de l’époque, le général Arafan Camara. Ils auraient ainsi pu enfiler le costume de libérateurs et se garantir un avenir serein dans l’après Conté.
Crisis Group a toujours soutenu que l’espoir que nourrissent nombre de Guinéens d’un coup d’État « à la mauritanienne » pour tourner la page Conté était à la fois un rêve et une solution de facilité extrêmement risquée.34 Le coup d’État ne sembla pourtant jamais aussi proche qu’au plus fort des manifestations et de la répression. Pendant quelques heures, des tirs dans l’enceinte d’un des camps militaires de Conakry donnèrent l’impression que des militaires avaient décidé de « bouger ». Il apparut qu’ils étaient davantage mécontents de leurs soldes que de la répression qui s’abattait sur les civils. Il n’y eut pas de coup d’État contre Conté, même si l’on ne peut affirmer qu’il n’y eut pas d’ébauche de tentative d’une telle action.35 Ce n’est pas seulement parce qu’il est chanceux que Conté échappa à un renversement venant des rangs de son armée au moment où il était conspué par la population. Le président avait retrouvé ses réflexes de militaire expérimenté. Installé au camp militaire, il a su garder l’oeil sur son état-major et appeler ses hommes à rester unis dans l’adversité, une autre manière de faire comprendre aux militaires qu’ils avaient intérêt à soutenir un président qui est un membre de la « famille » plutôt que de s’allier aux civils qui réclamaient un changement porteur de menaces sur l’influence ultérieure de l’armée dans le pays. Selon plusieurs sources, Conté répète souvent à ses militaires, notamment ceux de la garde présidentielle, que le pouvoir leur tomberait dans les mains lorsqu’il ne serait plus là, un message qui incite à la loyauté.36 Les hommes en tenue ne se sont pas contentés de rester fidèles à leur chef. Ils ont férocement réprimé les manifestants. Certes, tous les militaires n’ont pas tiré, tous les policiers n’ont pas tiré et tous les gendarmes n’ont pas tiré. Mais la diversité des circonstances dans lesquelles les forces de sécurité ont abattu des dizaines de personnes et la diversité des unités impliquées sont effrayantes, comme en attestent les témoignages rapportés par les organisations de défense des droits de l’homme.37 Entre 137 et 183 personnes ont ainsi été tuées et plus de 1500 autres blessées parce que chaque élément des forces de sécurité disposant d’une arme à feu et de munitions pouvait au fond choisir de tirer pour tuer des manifestants non armés, qu’il en ait reçu l’ordre ou pas ; ou parce que « le recrutement avait été très mal fait » et que certains militaires préféraient « tirer partout en rafale », fauchant dans plusieurs cas des civils qui se trouvaient dans l’enceinte de leurs maisons.38 Lorsqu’en mai 2007 les militaires se révoltèrent, cette fois contre leur hiérarchie pour demander le paiement d’arriérés de soldes, ils tirèrent à nouveau en rafale, a priori en l’air, mais huit civils au moins furent tués par des balles perdues. Selon les témoignages recueillis sur les évènements de janvier et février 2007 par Amnesty International, « les éléments des forces de sécurité qui ont tiré au cours de cette période provenaient essentiellement de la Garde présidentielle (appelée bérets rouges), unité de l’armée dépendant du chef d’état-major des armées et basée à la présidence, du corps de la gendarmerie, dépendant du ministère de la Défense, et des éléments de la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS), force de police qui dépend du ministère de la Sécurité. À l’intérieur du pays, des civils, connus sous le nom de « Volontaires » mais armés et portant des uniformes militaires ont également participé à la répression ».39 Pour l’essentiel, les responsables directs et indirects de cet usage pour le moins excessif de la force contre des civils non armés sont toujours à leurs postes et jouissent d’une totale impunité.40 L’un d’entre eux, le chef d’état-major des armées au moment de la grève, le général Kerfalla Camara, est décédé, mais les autres officiers commandent toujours l’armée guinéenne, même si le président Conté a effectué des changements au ministère de la Défense et à l’état-major au lendemain de la révolte des militaires en mai, essentiellement pour remettre de l’ordre et se prémunir d’un mauvais coup venant de ses frères d’armes.41 Le déni de la gravité des crimes commis par les forces de sécurité au début de l’année augure de l’énorme défi que sera le travail de la commission d’enquête nationale censée faire la lumière sur ces évènements en vue de la poursuite judiciaire des responsables. Il révèle également l’impérieuse nécessité de réfléchir aux moyens d’engager dès que possible une réforme des forces de sécurité guinéennes et l’extraordinaire difficulté d’une telle initiative. L’actuel ministre de la Défense va très loin dans le déni. Réputé populaire auprès des troupes et efficace pour discipliner l’armée, le général Baïlo Diallo 42 expliqua à Crisis Group que les évènements de janvier et février étaient juste « des problèmes momentanés » et que désormais, « il n’y a aucun problème entre les militaires et les civils ».43 Interrogé sur sa disponibilité à coopérer avec la commission nationale d’enquête sur ces violences, le ministre salua le caractère exclusivement national de cette commission et indiqua qu’il coopérait déjà pleinement avec elle. Cependant, ladite commission n’avait encore été ni formée, ni installée, au moment de l’entretien et n’est toujours pas fonctionnelle début novembre. Contrairement aux propos du ministre, la répression du début d’année provoqua une véritable rupture entre la population et leurs forces de sécurité. Des messages circulèrent sur les téléphones portables pendant les semaines d’après crise pour demander aux citoyens d’afficher leur mépris pour les hommes en tenue, qui eurent du mal par exemple à trouver des taxis.44 Le comportement de malfrats dont certains militaires firent montre en pillant des magasins lors de leur mouvement d’humeur du mois de mai acheva de discréditer l’armée.45
Cette institution est désormais caractérisée par un double malaise : malaise interne lié aux revendications récurrentes de paiement d’arriérés de soldes et de promotions équitables et malaise résultant de la désastreuse image des militaires après la répression et les exactions commises par une partie d’entre eux en janvier et février 2007. Ce malaise est-il suffisamment fort pour provoquer une réaction différente des forces de sécurité en cas de nouvelles manifestations ? Rien ne permet de l’affirmer. Il ne faut en tout cas s’attendre à aucun changement de comportement de la part des bérets rouges de la garde présidentielle.

C. Les dignitaires et les profiteurs du système Conté entre craintes et résistance

Les différents clans politiques et affairistes qui constituent, avec les forces de sécurité, la charnière du système Conté, furent surpris par le soulèvement populaire du début d’année. Il y avait bien eu les alertes des deux grèves générales de février/mars puis de juin 2006, mais les hommes et femmes du pouvoir ne croyaient toujours pas que les Guinéens, réputés résignés, pourraient un jour non seulement respecter un mot d’ordre de grève générale pendant des semaines, mais aussi sortir par dizaines de milliers dans les rues dans tout le pays pour exiger « le changement ». Les ministres d’alors continuaient à circuler sereinement dans Conakry dans les premiers jours de la grève générale en janvier 2007 et s’attendaient à un essoufflement du mouvement dès lors que le gouvernement aurait promis de satisfaire quelques points de revendication sociale des syndicats.
Même après la première vague de manifestations et de répression, et la signature d’un accord tripartite (gouvernement, syndicats, patronat) le 27 janvier décidant de la nomination d’un Premier ministre, les dignitaires du régime n’avaient toujours pas clairement saisi le message. Le ministre d’État chargé des Affaires présidentielles, Eugène Camara, était ainsi loin de s’imaginer que sa nomination le 9 février comme nouveau Premier ministre pût déclencher la furie des Guinéens et le chaos dans le pays.46 Tous les anciens ministres furent finalement emportés par les évènements puisque Kouyaté ne reconduisit aucun d’entre eux dans le gouvernement formé le 28 mars, un mois après sa désignation. Ils eurent cependant le temps d’autoriser d’ultimes décaissements suspects, et peut-être de passer quelques consignes à leurs collaborateurs dans les cabinets ministériels, qui sont pour l’essentiel toujours en place plus de six mois plus tard. Comme on le verra plus loin, certains des hauts fonctionnaires de l’ancienne administration retrouveront des postes importants dans la nouvelle, notamment comme préfets de département ou gouverneurs de région. Le changement de têtes radical au niveau ministériel l’est jusque-là beaucoup moins aux échelons inférieurs.
Les anciens ministres de Conté se rencontrent régulièrement pour, pense-t-on, organiser la résistance au changement.47 Ils ont des moyens d’action importants : de l’argent, des hommes dans les ministères, l’accès au président ou à ses proches, et la possibilité d’une alliance objective avec le clan des gradés de l’armée. Les difficultés que rencontre le gouvernement Kouyaté et les maladresses de ce dernier leur ont en plus fourni de puissants angles d’attaque pour manipuler l’opinion et discréditer le camp du changement. Le parti du président, le Parti de l’unité et du progrès (PUP), est l’autre bastion du pouvoir Conté qui navigue entre doute et résistance. Pour les Guinéens, le PUP est « le parti de l’administration » qui doit ses victoires électorales à la mobilisation des hauts fonctionnaires de Conakry et des régions pour organiser les fraudes et décider du verdict des scrutins. Le mouvement de contestation de janvier 2007 a déstabilisé les caciques du PUP qui, eux non plus, n’avaient pu imaginer tel réveil de la part du peuple guinéen. Les députés du parti ont montré davantage de limites que les forces de sécurité dans leur soutien à Conté pendant les jours de crise. Lorsque le président demanda à l’Assemblée nationale de voter la reconduction de l’état de siège et de la loi martiale, le parlement pourtant dominé par le PUP s’y opposa.
Pour la première fois, les députés jouèrent leur rôle de contre-pouvoir et désavouèrent le président. Il ne s’agissait cependant pas d’un signe d’adhésion du PUP aux revendications de changement exprimées par les populations. Dans une ville « où tout le monde se connaît », les députés de la mouvance présidentielle craignaient surtout pour leurs biens matériels, voire leur intégrité physique, au cas où ils auraient voté la prolongation de mesures d’exception qui devenaient insupportables pour les citoyens. Contrairement aux militaires, les députés du PUP vivent dans les quartiers de Conakry et non dans des camps. Ils avaient compris qu’ils seraient les premières cibles d’un éventuel nouvel accès de colère de la rue.48
Depuis l’installation du gouvernement Kouyaté et après une première période de discrétion, les personnalités du PUP retrouvèrent l’esprit d’initiative et la combativité. Alors que le parti était largement discrédité partout dans le pays au lendemain des manifestations massives contre le pouvoir, les responsables organisèrent une retraite (réunion politique) et des meetings à Conakry pour montrer que le parti existait encore. La remobilisation du PUP était d’autant plus urgente qu’il devait affronter des élections législatives quelques mois seulement après la fin de la crise. Initialement prévues en juin, ces élections furent reprogrammées pour décembre 2007 et ne devraient se tenir, au mieux, que vers la fin du premier trimestre 2008.
Pour la première fois dans l’histoire politique du pays, on peut espérer des élections transparentes et honnêtes, parce qu’elles seront organisées conjointement par un gouvernement neuf et a priori impartial, et une commission électorale nationale indépendante qui n’est pas aux ordres du camp présidentiel.49 Si le rejet populaire du régime Conté se traduisait dans les urnes, les partis d’opposition devraient être en mesure d’emporter la majorité des sièges du futur parlement et de mettre fin à l’hégémonie du PUP. La difficulté des partis d’opposition à travailler ensemble peut cependant permettre au PUP de surprendre lors des élections et de conserver une position forte. Entre fidélité sans faille à un régime en bout de course, opportune prise de distance par rapport à ce pouvoir ou rapprochement avec le gouvernement Kouyaté ou avec les partis de l’opposition, les membres influents du PUP s’interrogent sur leur avenir à court terme. L’enjeu est assez simple : la préservation d’un niveau de vie qu’ils ne doivent qu’à leur proximité avec le pouvoir. Ils n’ont pas renoncé à la bataille contre le changement. Et ils peuvent la gagner si les acteurs sociaux et politiques qui disent vouloir le changement se divisent et s’abîment eux aussi dans des luttes de positionnement individuel.

IV. Sauver le changement

A. La responsabilité du Premier ministre

1. Les priorités politiques

Comme il le faisait comprendre dans un entretien cité plus haut, Conté se sert du Premier ministre comme d’un bouclier qui prend les coups à sa place. Kouyaté doit s’extraire de ce piège et apporter des corrections importantes à sa méthode de gouvernement. L’enjeu, c’est la stabilité du pays, et accessoirement sa propre survie politique. Il doit clarifier le sens de sa mission et rechercher l’appui de ses concitoyens, non pas en stimulant ou en tolérant la création de clubs de soutien et de mouvements de jeunes dévoués à sa cause,50 mais en leur tenant un langage de vérité et en engageant des actions concrètes dans le sens du changement, quitte à risquer l’opposition frontale avec le président. Sans un soutien clair de la majorité de la population et celui des leaders d’opinion que sont les acteurs syndicaux, les autres animateurs de la société civile et les acteurs politiques, Kouyaté n’a aucune chance de résister aux manoeuvres hostiles d’un président rusé et coutumier de l’épreuve de force et de son entourage déterminé à se battre. Fin septembre, le Premier ministre admit publiquement pour la première fois que le président ne lui facilitait pas la tâche en laissant traîner les projets de décret soumis à sa signature et cruciaux pour l’action gouvernementale. Il était temps de dire la vérité, certes avec les précautions diplomatiques d’usage, sur les blocages orchestrés par le chef de l’État. Les circonstances particulières de son émergence sur la scène guinéenne obligent Kouyaté à prendre un minimum de risques. Sur le plan politique, un dialogue national impliquant toutes les forces vives est toujours indispensable. Cela ne pourra qu’aider le Premier ministre à recadrer sa mission dans l’esprit de janvier et de février 2006. Il doit servir à mettre une pression collective sur le président Conté et à lui rappeler qu’il doit déléguer effectivement tous ses pouvoirs au chef du gouvernement, dans l’esprit de l’accord du 27 janvier. Un mécanisme spécifique pourrait être adopté pour que les retards de signature des décrets par le président n’entravent pas l’action gouvernementale. Les dialogues séparés entre le gouvernement et les syndicats, entre les syndicats et le Conseil des organisations de la société civile et le patronat ou entre le gouvernement et les partis politiques sont certes utiles, mais ils ne permettent pas de surmonter les malentendus et d’élaborer une plateforme minimale à opposer aux adversaires du changement.51
Une telle plateforme ne saurait représenter la solution idéale parce qu’elle résultera d’un compromis entre des acteurs qui veulent certes le changement mais n’en ont pas la même définition selon leurs intérêts particuliers. Mais il n’y aura pas de miracle en Guinée : le changement, s’il doit être pacifique et civil, ne se fera pas sans l’adhésion d’un nombre critique de leaders d’opinion à une position commune minimale sur la manière de réformer le pays. Le gouvernement Kouyaté doit aussi tout faire pour convaincre les acteurs politiques qu’il est déterminé à organiser les élections législatives dans des conditions de transparence et d’équité inédites dans un pays qui n’a connu que des mascarades électorales plus ou moins fragrantes. La neutralité de l’administration doit être garantie, notamment par l’accès de toutes les étapes du processus électoral aux observateurs de la société civile, y compris au niveau local des préfectures et des souspréfectures. Les autorités doivent être conscientes du changement déjà intervenu dans les mentalités après les évènements du début d’année : si les élections sont ouvertement truquées, il est quasiment certain que des jeunes réagiront violemment et s’attaqueront à nouveau aux édifices publics qui n’ont même pas encore été réhabilités depuis les destructions de février.52
Pour éviter d’en arriver là, le ministère de l’Intérieur et la Commission électorale indépendante (CENI) doivent s’élever à la hauteur de l’enjeu de ce scrutin, qui doit permettre aux populations de s’exprimer par les urnes et non plus par des manifestations de rue. Si le processus de révision des listes électorales commence rapidement et que les partis politiques jouent leur rôle, le scrutin suscitera l’intérêt des populations partout dans le pays. Les législatives doivent être organisées au plus tôt, l’Assemblée ayant épuisé son mandat depuis le mois de juin 2007, mais aucune concession ne devra être faite concernant la qualité de ce processus.

2. Une autre gouvernance

Sur le plan économique et social, le Premier ministre doit se consacrer aux priorités de ses concitoyens : le niveau des prix des produits de première nécessité partout dans le pays, puis l’accès aux services d’eau et d’électricité dans les zones urbaines, le désenclavement et les infrastructures rurales dans les zones rurales. Le programme d’urgence du gouvernement est prometteur. Sa mise en oeuvre doit être assortie d’une communication simple et honnête. Kouyaté doit expliquer ce que son gouvernement peut faire, quand il peut le faire et comment. La restructuration des ministères et la formation de cabinets dotés de nouvelles compétences, y compris de Guinéens de la diaspora, sont une exigence incontournable pour donner une chance de réussite à ce gouvernement.
La possibilité d’un recrutement contractuel de cadres à des niveaux de rémunération supérieurs aux dérisoires salaires actuels devrait être envisagée à titre exceptionnel, mais dans des conditions de transparence totale. L’administration publique ne sera pas réformée en six mois, ni en un an. Mais il faut donner le signal de la rupture en faisant au moins respecter les horaires de travail dans les ministères et en introduisant un minimum de rigueur et d’organisation.
Kouyaté doit aussi donner des gages de son adhésion aux standards les plus élevés en matière de réduction du train de vie de l’État, de transparence dans la gestion des deniers publics et de stricte séparation entre les activités privées de son entourage et ses activités publiques, pour se distinguer des pratiques du clan Conté. Kouyaté doit répondre aux accusations de gaspillage d’argent public portées par une partie de la presse locale plutôt que de se murer dans un silence qui ne peut qu’alimenter les soupçons.53 Kouyaté s’est finalement expliqué devant l’Assemblée nationale en réponse à un député le 11 octobre sur les critiques récurrentes sur le coût jugé exorbitant de la rénovation de sa résidence officielle.54 Que les critiques sur sa gestion soient de bonne ou de mauvaise foi, le Premier ministre devrait y répondre et faire de la transparence un des symboles de rupture avec les habitudes des gouvernements précédents. C’est à ce prix qu’il incarnera à nouveau l’espoir du changement.

3. La lutte contre l’impunité et la sécurité

Enfin, le Premier ministre doit oeuvrer à contenir la menace provenant des forces de sécurité. La tâche est extrêmement délicate, d’autant plus qu’il n’a pas de prise sur les forces armées, domaine réservé au président Conté et à ses officiers généraux. Kouyaté peut cependant s’engager dans deux directions dans l’objectif de limiter le risque de nouvelles tueries de civils par les hommes en tenue : soutenir réellement le travail de la commission d’enquête indépendante « chargée de mener les investigations sur les crimes, délits et violations graves des droits de l’homme commis lors des grèves de juin 2006 et de janvier-février 2007 » et renforcer les moyens et la formation des forces de police et de gendarmerie qui doivent être les seules responsables du maintien de l’ordre, y compris en prévision de la sécurisation des futures opérations électorales. S’agissant de la commission d’enquête dotée selon la loi qui l’a créée « de tous les pouvoirs de police judiciaire et d’instruction », le gouvernement doit la doter de tous les moyens nécessaires pour qu’elle puisse accomplir sereinement sa mission, y compris en mettant à sa disposition une brigade spéciale mixte gendarmerie-police, tel que le prévoit la loi. Kouyaté a finalement procédé le 21 septembre dernier à la nomination des dix-neuf membres de la commission, après des mois d’attente de la promulgation de la loi par le président Conté et d’hésitation à faire jouer la disposition constitutionnelle qui rend applicable une loi votée par le parlement et non promulguée sans raison par le chef d’État après dix jours. Maintenant que le Premier ministre a désigné les membres de la commission, il doit l’installer effectivement et accepter le principe d’une assistance technique extérieure à cette commission (provenant notamment de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, instance de l’Union africaine, et du Bureau du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme).
Pour afficher son opposition à l’impunité et donner un signal clair aux membres des forces de sécurité, le gouvernement doit fixer une nouvelle date pour la visite du Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, Philip Alston. D’abord prévue au lendemain de la répression meurtrière en mars 2007, cette visite n’a toujours pas eu lieu malgré l’accord de principe du gouvernement guinéen.55 Plus aucune raison administrative ne saurait être invoquée pour la reporter indéfiniment. Les organisations locales de défense des droits humains ont fait un travail remarquable de collecte d’informations sur les évènements. Elles méritent le soutien et l’attention de la communauté internationale qui doit affirmer sa détermination à voir les auteurs des crimes répondre de leurs actes. Le carnage de janvier et février ne résultait pas seulement de la volonté des forces de sécurité de tuer le plus grand nombre de manifestants. La diversité des circonstances dans lesquelles des dizaines de personnes furent abattues montre que le déficit de formation des forces de sécurité, y compris au maniement des armes qu’elles portent, l’insuffisance des effectifs des forces normalement affectées au maintien de l’ordre (policiers et gendarmes) et l’insuffisance des moyens de contrôle de foules, qui devraient permettre à ces forces d’intervenir sans tirer à balles réelles sur des manifestants non armés, sont aussi les causes directes de la tragédie.56 Le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Défense doivent faire de cette question une priorité, évaluer les besoins urgents en matière de formation et d’équipements des forces de police et de gendarmerie, et rechercher les financements et l’assistance extérieure requis.57 Les pays qui ont une tradition de coopération militaire et sécuritaire avec la Guinée doivent s’impliquer, tout comme la CEDEAO qui doit en particulier contribuer à la sécurisation des futures élections législatives 58. À terme, il n’y a pas d’alternative à une véritable réforme du secteur de la sécurité.59

B. La responsabilité des acteurs de la société civile et politique

Pour l’ensemble des acteurs qui veulent vraiment un changement de gouvernance en Guinée, la seule véritable exigence est celle de l’unité d’action. La force de la révolte de janvier-février résidait dans son caractère national qui transcendait les considérations ethniques, régionales et partisanes. Elle résidait aussi dans l’apparente simplicité du message : le rejet d’un système politique et économique qui avait fait d’un pays potentiellement riche comme la Guinée un modèle de faillite (sans guerre civile) d’un État en Afrique de l’Ouest. Les divisions évidentes au sein du mouvement syndical, et plus généralement au sein des meneurs de la contestation de début d’année, ne peuvent profiter qu’au clan Conté. Les animateurs de la société civile ont raison d’émettre des critiques sur l’action du Premier ministre et de se montrer impatients. Mais ils ne devraient pas perdre de vue que les obstacles principaux au changement sont les tenants du pouvoir Conté et qu’il vaudrait mieux pousser discrètement Kouyaté à corriger ses erreurs et à éviter de nouvelles maladresses que de discréditer totalement son gouvernement et d’aider en fait Conté à reprendre tout le pouvoir. Dans le contexte actuel, l’alternative au maintien du Premier ministre, c’est une incertitude lourde de dangers : une nouvelle révolte populaire moins contrôlée que la précédente et/ou une reprise en main brutale de tous les leviers du pouvoir par Conté, ses gradés de l’armée et ses bérets rouges.
L’euphorie de la victoire de février et le nouveau statut acquis par les animateurs de la grève générale doivent maintenant céder la place au réalisme et à la concertation avec tous les autres acteurs, y compris les partis politiques de l’opposition. Malgré toutes les limites des partis guinéens, ce sont eux qui ont vocation à conquérir et à exercer le pouvoir dans un système démocratique. Ce sont eux qui seront représentés dans la future Assemblée nationale. Il est dans l’intérêt du pays et de la société civile de travailler avec les acteurs politiques pour les contraindre à adopter une plateforme minimale et une stratégie commune pour faire des prochaines élections le premier pas vers le démantèlement du système Conté. La société civile a un rôle clé à jouer dans l’éveil démocratique et elle l’a déjà montré avec brio. Ce rôle est distinct de celui des partis politiques et doit le rester. Les responsables syndicaux et ceux des organisations de la société civile doivent inciter les partis à proposer des idées au lieu de se consacrer au culte de leurs leaders et aux batailles de positionnement individuel. Accroître la qualité de l’offre politique est l’une des responsabilités de la société civile. Si certains acteurs de cette dernière sont tentés de s’engager dans la politique pour défendre leur vision du changement, ils doivent être libres de le faire. Les partis politiques de l’opposition doivent travailler à améliorer leur image globalement peu reluisante auprès des populations. Ils ne le feront qu’en étant présents sur le terrain et en montrant qu’ils sont capables de s’entendre sur une plateforme minimale en face de Conté et de ses partisans. On observera sans doute une effervescence de la scène politique au cours des prochains mois avec de nouvelles alliances, des défections, l’entrée en politique de nouvelles personnalités.60 Cela participe du jeu démocratique normal. Mais les partis peuvent rivaliser pour obtenir chacun le plus de sièges au parlement tout en oeuvrant ensemble pour obtenir les meilleures conditions de tenue des élections et pour définir une stratégie commune pour préparer l’après Conté.

C. La responsabilité de la communauté régionale et internationale

L’organisation régionale qu’est la CEDEAO avait joué un rôle positif dans le dénouement de la crise en février 2007, au lendemain du chaos qui avait suivi la nomination par Conté de son ami Eugène Camara comme Premier ministre. Le président de la Commission de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas, et un médiateur ad hoc choisi pour l’occasion, l’ancien chef d’État nigérian, le général Ibrahim Babangida, avaient rencontré les acteurs de la crise et obtenu du président Conté le remplacement de Camara par un autre Premier ministre qui soit acceptable par les populations. Les promesses de suivi attentif de la mise en oeuvre de l’accord de sortie de crise par la CEDEAO, y compris par l’ouverture d’un bureau à Conakry, n’ont cependant pas été honorées. Une fois de plus, l’organisation régionale a donné le sentiment qu’elle était plus prompte à intervenir ponctuellement pour calmer une situation explosive qu’à s’investir durablement pour soutenir un changement démocratique, tâche beaucoup plus complexe. L’hostilité du président Conté et de ses compagnons d’armes de la vieille école à toute interférence extérieure, y compris régionale et africaine, est un obstacle important mais la CEDEAO ne saurait invoquer cette difficulté pour renoncer à toute action forte pour soutenir un changement politique en Guinée.
La Commission de la CEDEAO a participé au Forum des partenaires organisé à Paris en juillet 2007 et contribue à la mobilisation de l’attention internationale sur la Guinée, y compris au sein du Groupe de contact international sur les pays du Bassin du Fleuve Mano.61 Tous les partenaires extérieurs importants du pays, dont l’Union européenne, la France, les États-Unis, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et les Nations unies, doivent adopter une position commune sur les moyens de contribuer à un changement démocratique, pacifique et civil en Guinée, chacun dans son domaine de prédilection. Sur le plan économique et financier, le Forum de Paris constitua un signal intéressant.
Les promesses de financement doivent se concrétiser rapidement pour permettre la réalisation du programme d’urgence du gouvernement. L’urgence est réelle : l’équipe de Kouyaté a un besoin de résultats. Au-delà du programme de court terme, le pays doit renouer pleinement avec les bailleurs de fonds de Washington, le FMI et la Banque mondiale, et se rapprocher du point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) afin de bénéficier à terme d’une remise substantielle de sa dette extérieure. Si elle réussit à se débarrasser d’une équipe dirigeante prédatrice, la Guinée pourrait profiter des investissements directs étrangers colossaux prévus dans le secteur minier ($15 milliards à $20 milliards dans les quinze à vingt prochaines années uniquement dans le fer et la bauxite)62 pour sortir sa population de la grande pauvreté.
Sur le plan politique, les partenaires extérieurs doivent continuer à soutenir le Premier ministre tout en l’encourageant à clarifier sa mission auprès de ses concitoyens, à faire de l’organisation d’élections législatives incontestables une priorité et à afficher des symboles forts de transparence dans la gestion des affaires publiques. Au-delà de l’Union européenne et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les partenaires doivent apporter les financements additionnels nécessaires à la tenue des élections. Dans le domaine de la lutte contre l’impunité et de la prévention de nouvelles tueries, le début des travaux de la commission d’enquête, le renforcement des moyens et de la formation des forces de police et de gendarmerie et la surveillance extérieure du comportement des forces de sécurité représentent des priorités. Le Groupe de contact international doit affirmer son soutien à la commission d’enquête, exiger la participation d’experts étrangers à ses travaux, encourager le Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires à effectuer une visite en Guinée, et inviter ses membres à appuyer financièrement en cas de besoin les travaux de la commission d’enquête.
La CEDEAO devrait affecter une petite équipe d’officiers de police et/ou de gendarmes pour aider à la mise en place de la brigade mixte qui doit servir de bras armé à la commission d’enquête. Cette équipe pourrait constituer l’embryon d’une mission militaire et sécuritaire de la CEDEAO d’observation du comportement des forces de sécurité guinéennes au moment des élections à venir.63 Les officiers guinéens ne sauraient à la fois participer aux missions extérieures de la CEDEAO dans d’autres pays membres et refuser toute immixtion de ces derniers dans leurs affaires. Des discussions doivent être ouvertes dès maintenant entre la Commission de la CEDEAO, la présidence en exercice de l’organisation (le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré) et les autorités civiles et militaires du pays.
Enfin, les pays qui ont établi une coopération militaire et sécuritaire avec la Guinée, la France et les États-Unis en particulier, doivent également jouer un rôle. Ils devraient non seulement faire passer un message clair sur le refus de toute prise du pouvoir par l’armée, mais aussi aider le gouvernement Kouyaté à renforcer les moyens d’intervention et la formation de la police et de la gendarmerie afin que celles-ci puissent faire du maintien de l’ordre sans tirer à balles réelles sur les civils, et qu’elles soient les seules forces à se déployer dans les rues en cas de troubles.

V. Conclusion

La « révolution de février » a-t-elle en réalité échoué ?

La grève générale, les manifestations, les nombreux jeunes massacrés, tout cela n’a-t-il servi à rien ? Trois mois avant l’anniversaire de la contestation populaire du régime Conté, le président est toujours le seul maître à bord et le socle de son pouvoir, les forces armées, résiste à toutes ses contradictions et tensions internes pour s’aligner derrière le chef. Le Premier ministre Kouyaté dirige laborieusement un gouvernement dont la capacité d’action est particulièrement limitée et dont la popularité s’effrite. Les résultats obtenus par ce gouvernement, notamment une reprise capitale des financements internationaux à destination de la Guinée et un ralentissement de l’inflation, ne semblent pas suffire à dissiper le sentiment de malaise et d’incertitude sur la longévité de l’expérience du changement. Les acteurs de la société civile et politique guinéenne, y compris ceux qui ont été aux premiers rangs du mouvement du début d’année, sont aujourd’hui divisés : divisés sur le soutien à apporter à Kouyaté, divisés sur l’attitude à adopter envers Conté, divisés sur la suite à donner au combat pour le changement. Comme le signale ce rapport, Kouyaté porte une part de responsabilité dans le malaise actuel, mais les divisions sont aussi stimulées et nourries par le clan présidentiel, celui dont le mépris pour l’intérêt général ne peut plus faire l’ombre d’un doute après 23 ans de gestion de l’État.
Sans dialogue entre les leaders syndicaux, les autres animateurs de la société civile, les leaders politiques et le gouvernement, il sera impossible d’adopter une vision commune du contenu minimal du changement et de la manière la plus sûre d’y arriver. Si les Guinéens s’engagent dans cette voie, ils doivent être fortement soutenus par les institutions régionales et internationales et les partenaires extérieurs qui connaissent le potentiel économique du pays à long terme. Si, par contre, les intérêts particuliers des acteurs, y compris celui du Premier ministre et des candidats potentiels de longue date à la succession du président Conté, prennent le dessus sur toute autre considération, la fracture du corps social pourrait bien conduire à de graves violences politiques et à une instabilité durable.

Notes

1. Pour une description et une analyse du mouvement de grève et de l’insurrection de janvier et février 2007, voir le rapport Afrique de Crisis Group N°121, Guinée : le changement ou le chaos, 14 février 2007. Pour une description des violations graves des droits humains, notamment par les forces de sécurité guinéennes avant et pendant l’état de siège, voir « Guinée : Mourir pour le changement », rapport de Human Rights Watch, vol. 19, n.5 (A), avril 2007 ; « Guinée : les militaires tiraient partout en rafale », rapport de Amnesty International, AFR 29/004/2007, 27 juin 2007.
2. Voir le « Procès verbal de négociation suite à la grève générale de l’Inter-centrale composée de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), élargie à l’Organisation nationale des syndicats libres de Guinée (ONSLG) et à l’Union démocratique des travailleurs de Guinée (UDTG) déclenchée le 10 janvier 2007 », Annexe C du rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
3. Entretiens de Crisis Group, journalistes et diplomates, Conakry, juillet 2007.
4. Pour une description de la situation politique, économique et sociale de la Guinée depuis 2003, voir le rapport Afrique de Crisis Group N°74, Incertitudes autour d’une fin de règne, 19 décembre 2003 ; le Rapport Afrique de Crisis Group N°94, Guinée : conjurer la descente aux enfers, 14 juin 2005 ; le Briefing Afrique de Crisis Group N°37, La Guinée en transition, 11 avril 2006 ; et le rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
5. Entretiens de Crisis Group, source diplomatique et animateurs de la société civile, Conakry, juillet 2007.
6. C’était notamment le cas de l’ancien Premier ministre Sidya Touré, président de l’Union des forces républicaines (UFR), parti d’opposition qui avait donné plusieurs interviews durant la crise. Voir « Interview exclusive de M. Sidya Touré, ancien Premier ministre, président de l’UFR », 26 janvier 2007, www.aminata.com.
7. Voir les recommandations du rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
8. Entretiens de Crisis Group à Conakry, Kissidougou, N’Zérékoré, Kankan, Labé, juillet 2007.
9. Inter-Centrale CNTG-USTG élargie à l’ONSLG et à l’UDTG, Lettre ouverte à Monsieur le Premier ministre, signée par Hadja Rabiatou Serah Diallo (CNTG), Louis M’Bemba Soumah (USTG), Fatoumata Diakité (ONSLG) et Abdoulaye Baldé, UDTG, 3 juillet 2007.
10. Entretiens de Crisis Group, personnalités de la société civile et diplomates, Conakry, juillet 2007.
11. Entretiens de Crisis Group, Conakry, Kissidougou, N’Zérékoré, Kankan, Labé, 3-20 juillet 2007.
12. Le respect d’un strict équilibre entre les grands groupes ethniques (les Malinkés de Haute Guinée, les Peuls ou Fulbe de la Moyenne Guinée, les Soussous ou Sosso de la Basse Côte et les différents groupes ethniques de la Région Forestière) au moment de chaque nomination n’est certainement pas le meilleur moyen de garantir à la fois l’égalité des citoyens dans l’accès à la haute administration publique, et la compétence de cette dernière. Mais en l’absence d’un mode de gestion institutionnelle de la diversité qui soit accepté par tous et compte tenu du contexte politique délicat du pays, il est toujours imprudent et maladroit de donner l’impression de privilégier son groupe ethnique dans des nominations. Le réflexe de solidarité ethnique est une indiscutable réalité. La majorité des interlocuteurs Malinkés interrogés par Crisis Group avaient tendance à moins critiquer Kouyaté que les autres ; et parmi ces autres, les Peuls résidant à Conakry ou à Labé étaient les plus sensibles à l’« ethnocentrisme » dont ils accusent le Premier ministre de faire preuve.
13. « L’ethnocentrisme fait débat au parlement: « J’ai plus de ministres peul que malinké! » dixit Lansana Kouyaté », 12 octobre 2007, www.guineenews.org.
14. Ibid.
15. Programme d’actions prioritaires pour la consolidation de la paix et la relance du développement économique et social, document provisoire consulté par Crisis Group, Conakry, juillet 2007.
16. Communiqué de la Banque mondiale et de la Commission européenne à l’issue du Forum des partenaires de la Guinée, Paris, 25 juillet 2007.
17. La dette extérieure est estimée à $3 billions, soit 100 pour cent du produit intérieur brut. Si les réformes économiques et financières se font dans le cadre d’un accord formel avec le FMI et la Banque mondiale sur la période 2007-2010, la Guinée pourrait à terme bénéficier de l’effacement de deux tiers de sa dette. Voir « Mission FMI-Banque mondiale, le programme à portée de main », Le Diplomate, 11 octobre 2007.
18. « Flambée des prix : le carrefour de Bambéto en ébullition », 18 septembre 2007, www.guineenews.org ; « Hamdallaye, Bambéto et Cosa : on manifeste contre la cherté des prix », Le Diplomate, 18 septembre 2007.
19. Comme il fallait s’y attendre, quelques autorités locales furent accusées de vendre une partie des sacs de riz à des commerçants qui les revendent au prix du marché. « Le riz importé par le gouvernement guinéen pour soulager la population n’échappe pas à la spéculation », Agence de presse africaine (APA), 27 septembre 2007.
20. Entretien téléphonique de Crisis Group, journaliste guinéen, Dakar, 4 octobre 2007.
21. « Conakry : le courant, de plus en plus courant », 25 septembre 2007, www.guineenews.org.
22. Entretiens téléphoniques de Crisis Group, Dakar, 4 octobre 2007. Voir aussi « le projet d’éclairage solaire public avance », 11 septembre 2007, www.guineeconakry.info.
23. « Les syndicats dénoncent des « rétrogrades opposés au changement », Agence France-Presse, 4 septembre 2007.
24. Table ronde de Crisis Group avec des acteurs de la société civile, Conakry, 29 août 2007.
25. Entretiens de Crisis Group, responsables de partis d’opposition, Conakry, juillet 2007.
26. « Législatives prochaines, report probable du scrutin : Bö Keita donne des explications techniques », 7 septembre 2007, www.guineenews.org.
27. « Élections législatives : le comité de pilotage tient sa première réunion », 20 septembre 2007, www.guineenews.org.
28. Entretien de Crisis Group, diplomate, Conakry, 20 juillet 2007.
29. Rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
30. « Je suis le chef, les autres sont mes subordonnés », affirme le président Conté », Agence France-Presse, 15 juin 2007.
31. Rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
32. Selon le décret portant attributions du Premier ministre et conformément à la volonté d’en faire le véritable chef de gouvernement, ce dernier nomme aux emplois civils. Mais aucune mention n’a été faite sur la prérogative du décret, ce qui revient à laisser au seul chef de l’État la signature de tous les décrets, y compris ceux portant nominations aux emplois civils comme militaires.
33. Le décret portant attributions du Premier ministre ne confère pas à celui-ci le pouvoir de nommer aux emplois militaires. Le Premier ministre ne peut avoir une influence sur les forces armées qu’à travers la gestion du budget du ministère de la Défense qui ne peut échapper totalement au contrôle du ministère des Finances.
34. En Mauritanie, une junte militaire dirigée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall renversa l’autocrate Maaouiya Ould Taya en août 2005, entreprit des réformes politiques et respecta son engagement de remettre le pouvoir aux civils au terme d’une période de transition sanctionnée par des élections. Voir Crisis Group Middle East/North Africa Report N°53, Political Transition in Mauritania: Results and Prospects, 24 April 2006. Sidi Ould Cheikh Abdallahi remporta le scrutin présidentiel en mars 2007.
35. Entretien de Crisis Group, source diplomatique et source militaire, Conakry, 6 et 20 juillet 2007.
36. Entretiens de Crisis Group, source proche de la présidence, novembre 2006.
37. « Guinée : Mourir pour le changement », Human Rights Watch, op. cit. ; « Guinée : les militaires tiraient partout en rafale », Amnesty International, op. cit.
38. « Guinée : les militaires tiraient partout en rafale », Amnesty International, op. cit.
39. Ibid.
40. En conservant leurs fonctions et leur liberté d’action, les éléments responsables des tueries de janvier/février au sein des forces de sécurité peuvent en particulier menacer et attenter à la vie des témoins qui pourraient collaborer avec la future Commission d’enquête sur ces évènements. Il est établi que certains membres de la Garde présidentielle se sont déjà engagés dans cette voie. Entretien de Crisis Group, Dakar, septembre 2007.
41. Entretiens de Crisis Group, sources diplomatiques et militaires, juillet 2007.
42. Brutalement mis à la retraite par le président Conté à la fin de l’année 2005 alors que les généraux de la même génération comme Kerfalla Camara étaient maintenus, le général Baïlo Diallo, officier Peul à forte personnalité, a été nommé ministre de la Défense pour remplacer le général Arafan Camara, ancien chef d’état-major adjoint des armées, au lendemain de la révolte des militaires en mai 2007. Conté voulait se débarrasser officiellement des généraux comme Arafan Camara et Kerfalla Camara qui étaient accusés par les jeunes officiers et les hommes du rang de mal gérer les promotions dans l’armée et de détourner les soldes promis aux soldats.
43. Entretien de Crisis Group, ministre de la Défense, Conakry, 30 août 2007.
44. Entretiens de Crisis Group, journalistes, animateurs de la société civile, juillet 2007.
45. Dans la nuit du 12 au 13 mai, des centaines de militaires venus en camions avaient ainsi défoncé les murs des magasins de la Société de commerce et de financement (SCF), appartenant au riche homme d’affaires El Hadj Alpha Amadou Diallo, situés à Matam, à Conakry, et emporté diverses marchandises, dont du savon, du riz et des véhicules. Des civils ont ensuite achevé le pillage en règle des soldats. « Guinée : les limogeages n’ont pas suffi à apaiser la colère des militaires », Agence France-Presse, 13 mai 2007.
46. Entretien de Crisis Group, source diplomatique, Conakry, 20 juillet 2007.
47. Entretiens de Crisis Group, journalistes, acteurs de la société civile et diplomates, juillet 2007.
48. Même les militaires ont dû dans certaines localités moduler leur comportement en face des menaces de représailles sur leurs familles vivant dans les quartiers civils. Ce fut notamment le cas à N’Zérékoré où les associations de jeunes n’hésitent pas à passer des messages clairs au commandement militaire sur la capacité de représailles violentes de leur part. Ailleurs, comme à Labé, des tracts anonymes menaçant de tuer « quatre parents de militaires pour un civil tué par un homme en tenue » auraient contribué au bilan relativement limité de la répression dans cette ville de Moyenne Guinée. Entretiens de Crisis Group, Conakry, N’Zérékoré, Labé, juillet 2007.
49. La Commission électorale nationale indépendante est composée paritairement de représentants de la mouvance présidentielle et de l’opposition auxquels s’ajoutent des représentants de l’administration et de la société civile. Voir le rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
50. Des associations de soutien à l’action de Kouyaté sont apparues à Conakry et en dehors, notamment en Côte d’Ivoire où il était basé avant sa nomination. (Un « Forum des amis de Lansana Kouyaté pour les actions positives » y a été présenté 23 septembre dernier). Le Premier ministre est également soupçonné de vouloir utiliser le nouveau Conseil national des Jeunes de Guinée comme d’un mouvement dévoué à sa cause. Voir « Conseil national des jeunes de Guinée : les raisons de l’échec vues par son secrétaire chargé de la communication », 27 septembre 2007, www.guineenews.org ; « La rencontre des jeunes dégénère à Dalaba », 7 septembre 2007, www.guineenews.org.
51. Voir les recommandations du rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
52. Entretiens de Crisis Group, syndicalistes et autres animateurs de la société civile, Conakry, N’Zérékoré, Kankan, Labé, juillet 2007.
53. Voir « Face aux accusations, Kouyaté doit s’expliquer », Le Diplomate, 9 octobre 2007.
54. Il a ainsi pu rétablir la vérité sur les chiffres avancés par la presse en expliquant que la rénovation de la résidence avait coûté 900,9 millions de francs guinéens (environ $215 000) et non 4 milliards de francs guinéens ($952 000) comme mentionné à plusieurs reprises par la presse résolument hostile à Kouyaté en septembre, notamment le journal L’Observateur.
55. Rapport du Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires, Assemblée générale des Nations unies, 16 août 2007.
56. Entretiens de Crisis Group, officier de gendarmerie et source diplomatique, Conakry, juillet 2007.
57. L’annonce par l’état-major de la gendarmerie guinéenne du recrutement prochain de 2,000 élèves gendarmes va dans le bon sens, mais cet effort doit être accéléré et appuyé par les partenaires extérieurs, en particulier dans le domaine de la formation, y compris aux normes internationales de respect des droits de l’homme. Voir « La gendarmerie de Guinée recrute 2000 éléments pour combler ses effectifs », 15 octobre 2007, www.guineatime.com.
58. Voir la section IV, C ci-après.
59. Rapport de Crisis Group, Le changement ou le chaos, op. cit.
60. L’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo ne cache pas par exemple son intention d’entrer en scène à l’approche des élections législatives et de rejoindre l’autre ancien Premier ministre Sidya Touré l’opposant historique Alpha Condé et peut-être l’actuel chef de gouvernement Lansana Kouyaté dans le groupe des candidats potentiels à la succession du président Conté le moment venu.
61. Le Groupe de contact international sur le Bassin du Fleuve Mano (Guinée, Liberia, Sierra Leone et par extension, Côte d’Ivoire et Guinée Bissau) comprend la CEDEAO (présidence et commission), l’Union africaine, l’ONU, l’Union européenne (présidence et commission), la France, le Royaume Uni, les États- Unis, le Nigeria, le Ghana et le Maroc. Ce groupe a pris le relais en septembre 2004 du Groupe de contact international sur le Liberia (créé en septembre 2002).
62. Entretiens de Crisis Group, diplomates, Conakry, juillet 2007.
63. Une mission de la CEDEAO de ce type vient d’être expérimentée à l’occasion des élections législatives au Togo le 14 octobre 2007.


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