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Bohumil Holas

Assistant d'Ethnologie à l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN)

Les Masques Kono (Haute-Guinée Française):
leur rôle dans la vie religieuse et politique

Paris. Librairie Orientaliste Paul Geuthner S.A. 1952. 200 p.


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Préface

On assiste depuis quelques années, et il faut grandement s'en réjouir, à une sorte d'approfondissement de l'ethnologie française. On sait enfin que de simples descriptions, trop souvent hâtives et dont le cadre, au moins dès qu'il ne s'agit plus de simple technologie, demeurait nécessairement à la surface des choses et des êtres, sont insuffisantes. On admet que les langues africaines elles-mêmes, loin de trouver dans les chapitres du Lhomond le cadre prédestiné de leur analyse, doivent être étudiées, pour être véritablement comprises, du dedans, de l'intérieur. On tend de plus en plus à replacer les faits, même matériels, dans l'ensemble vivant, et cohérent, auquel ils appartiennent. D'anatomique et de statique, l'ethnologie passe à la physiologie, à la dynamique : c'est à coup sûr un progrès certain, et qui implique, pour porter ses fruits, beaucoup plus que les méthodes de I' observation ou de l'érudition: les dons de la sympathie.
L'ouvrage de M. B. Holas est un signe, entre bien d'autres, de cette heureuse évolution Qu'était en effet, il y a encore quelques dizaines d'années, le masque africain pour beaucoup d'entre nous ? Un objet de curiosité, peut-être une œuvre d'art, en tous les cas une simple pièce de collection pour le musée, pour le salon de l'amateur (aux années du moins où la mode inclinait à a l'art nègre ») ou pour celui du colonial retraité.
Cette attitude périmée, a fait place à une autre à la fois plus scientifique et, ce qui n'est pas moins important, plus humaine: ces objets, ces « bibelots ,, sortis soudain du fond d'une forêt équatoriale et d'un immémorial passé, ils n'ont pas été fabriqués sans raison profonde, par divertissement, ni surtout pour notre déduit... Il s'agit donc de les connaître, de les comprendre, par conséquent de les replacer dans le vivant et organique microcosme dont le musée ou le marchand de curiosités les avaient arbitrairement séparés.
Il s'agit en fait de plonger, hardiment, courageusement, et s'il le faut, imprudemment dans un océan ténébreux, à la rencontre de découvertes qui risquent, une fois de plus — car les exemples se multiplient à vue d'œil — de modifier la traditionnelle et rassurante opinion que nous nous faisions jusqu'ici des « Sauvages ».
Il s'agit aussi, naturellement, de demeurer sur le terrain de l'observation et de limiter à un sujet sagement circonscrit les efforts du chercheur.
M. B. Holas a choisi pour thème à ses investigations les masques Kono de la Haute Guinée et applique à définir leur organisation et leur rôle les excellentes qualités que nous avaient révélées déjà ses autres publications (par exemple son important ouvrage sur le Libéria oriental) et son activité muséographique au Centre I.F.A.N. d'Abidjan. Esprit analytique et méticuleux, M. B. Holas décrit : c'est son rôle et il faut lui savoir gré de savoir le faire avec la précision et la sobriété qui s'imposent.
Il s'agit, avec le masque, d'une institution véritable, complexe, très ancienne 1, et dont le rôle, à la fois religieux, social, politique est énorme: « figuration matérialisée du monde transcendant » le masque est « le code moral personnifié », « I'agent permanent chargé de sauvegarder le coutumier non écrit », « le Grand Initiateur qui fait de l'embryon humain une unité sociale valide », qu'il « guide à travers les vicissitudes de la vie, protège, et punit au besoin ».
On ne se demandera pas sans inquiétude, si l'institution devait céder devant les assauts d'une civilisation étrangère, par quelle bénéfique et tutélaire entité elle pourrait bien se voir remplacée.
Mais pour le moment le masque kono existe, il a son rôle et il a trouvé en M. B. Holas un patient observateur pour le décrire. Il n'est pas question de généraliser les résultats localement obtenus, pas plus qu'un coup de drague ne permet de connaître la fanne d'un fond océanique. L'essentiel est que les coups de drague se multiplient, et ils le feront. Celui de M. B. Holas aura été particulièrement fructueux. Je souhaite que la carrière africaine où l'a fait entrer une vocation véritable lui fournisse l'occasion de lancer à nouveau le filet pour d'autres pêches aussi productives et qui viendront enrichir encore nos modestes connaissances actuelles sur la vie psychique des hommes d'Afrique. !

Th. Monod
Correspondant de l'Institut,
Professeur au Muséum National d'Histoire Naturelle,
Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN).

Note
1. Le masque serait une sorte de « phénomène préexistant » toujours « trouvé dans le sol ou péché dans l'eau » ; il « existerait eo ipso depuis les débuts des temps humains ; depuis, sa substance ne s'est jamais altérée et son volume magique n'a jamais diminué ».


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