Professeur au Museum National d'Histoire Naturelle, Paris
Recherches Africaines. Nos. 1-2-3-4/Janv-Déc. 1964. p. 151-158
Ce substantif féminin est un terme utilisé en Guinée et s'appliquant à des sortes de hameaux-jardins cloisonnées sur les plateaux du Fouta-Djallon.
Le terme désigne tout à la fois la « clôture » (tapade) et « l'enclos » ou « clos » (la tapade dans la tapade).
Aucun dictionnaire de français n'a connaissance de ce terme franco-guinéen ; les langues et dialectes locaux de Guinée l'ignorent aussi. L'appellation est pourtant courante depuis longtemps en Guinée francophone ; on l'utilise pour les lieux de vie familiale et rurale, mais seulement en ce sens au Fouta-Djallon, à peu près là où les hameaux-jardins cloisonnés représentent à la fois le mode de vie et le mode de production rurale
Au Sénégal, les Wolofs emploient concurremment les termes sakbete (1) et tapate pour désigner une clôture (haie morte ou vive, palissade). Tapade y est connu comme emprunté au portugais tapada ; sakbete ne paraît pas non plus propre au Wolof mais plutôt provenir du berber de Mauritanie ta'skekt (Fem.) de skek « habitation » , du radical SK, ShK (esk, cshk) pour « bâtir, construire, édifier » (ap. Nicolas). En tamacheq de l'Aïr, T/ch/ka est la « clôture du jardin (prononcer » tichuka comparer aussi à peul oriental (Taylor), sukka « clore, haie, abattis, jonchis » .
Ailleurs, partout, on constate une extension du sens « clôture » à celui d'« enclos » puis, plus largement encore, d'« enclos habité » .
Portugais et espagnol tapar (« fermer, boucher, voiler, couvrir » ), ont un participe passé — adjectif tapado, tapada. Mais tapar est d'origine germanique, exemple ; néerlandais, tap et stop « bouchon tampon, boucher, arrêter » , (stoppen « boucher, aveugler une voie d'eau, un arrêt » ). Le sens primitif serait dans germanique zapfen qui aurait le sens de « main » et « bonde » ce qui expliquerait français; « taper, tapoter, tape, tapage, retaper, tipon, tampon, etc. » Français; taper a eu autrefois le même sens que port. tapar.
Tapada est quelque chose de « fermée » , une « clôture fermée, » sens pouvant s'étendre à l'« enclos » même.
Au Fouta-Djalon, franco-guinéen tapade (prononcer tapàd) est traduit localement par fula galle (plur. galleeji) ; le terme désigne la « clôture » , le « clos » , l'« enclos habité ». Dans le langage courant, galle implique généralement la présence de « l'habitation » .
L'« enclos habité » ou galle comporte une haie vive, des habitations et des cultures.
L'enclos à bétail ou zeriba (ancien égyptien ZR « fermer, clore, entourer » ; berber de Mauritanie (Nicolas) (akzib : arabe akziba), connu aussi comme français et afrikandercorral, korral, kraal (du portugais corral « parc à bétail » sur les voiliers), est fula how “go” hoggo, hog (pluriel kowle), dont la clôture est faite de branchages ; hog. hogb est la clôture proprement dite (bâ-ndi, khân'di en susu.)
Bamana (Bambara) were désigne le « parc à bétail » , et le village de vacher peul. On trouve de même fula du Soudan, wuro, uro, (plur. gure) pour le village sommaire des pasteurs peul. Chez les Susu, le « parc à boeufs » est gore ; chez les Malinkés wore est « troupeau » , aussi were, weure, « parc à boeufs (more-mossi wuiri).
En peul oriental (fulfulde), le terme galle, n'existe pas et l'on trouve apparentés, wuro, gure (g = w) pour « ville » , « agglomération humaine » . En peul de Sokoto (Nord de la Nigeria), le sens est « compound » , c'est-à-dire un ensemble d'enclos habités (Taylor), donc analogue pour partie au galle du Fouta-Djallon.
Une « palissade » est fula n'garawal (plur. n'garaaje 2) et on appelle aussi gaalal (plur. gaale) la « barrière » ou « lisse » de bois, « perche » de bois, posée en travers d'un accès, sur deux poteaux fourchus.
Au Futa-Toro (boucle du Sénégal), peul galle est seulement la barrière de grosses branches sèches et tordues posées sur de gros pieux fourchus, à l'effet d'empêcher les vaches de passer. Chaque famille occupe une surface délimitée par cette clôture (galle) qui lui est propre, sans mitoyenneté. Entre deux galleeji se situent des couloirs étroits, des ruelles bordée ; de Jatropha Curcas L. et surtout d'Elophophia balsamifera Ait. Cette ruelle est peul bolol, plur. boli (wolof beeti, berber zenaga mbeddiia). A la différence de ce que l'on trouve au Fouta-Djallon, les espaces clôturés ne comprennent que les habitations, sans jardins. Les cultures familiales sont reportées à l'extérieur, encloses aussi, avec d'autres couloirs étroits assurant des cheminements pour accéder à l'agglomération humaine. Tout l'ensemble n'existe ainsi, inscrit sur le terrain, que comme une défense organisée contre la divagation des zébus domestiques. Les petits animaux (chèvres, moutons) sont porteurs, au cou, de pièces de bois en travers pour les empêcher de franchir les clôtures par les petites brèches. Quant à l'enclos habité, il est soigneusement tenu propre, balayé, sans culture.
Dans les galleeji importants du Fouta-Djalon, outre les boli (sing. bolol) ou « ruelles d'accès » , on entre directement dans le cercle des habitations par une antichambre (bollon, bolon). Parfois il y a deux accès, celui des hommes, boloron celui des femmes bolloru. (Noter encore bamana (bambara) blo, bolo, bolon « vestibule, antichambre, case commune servant à recevoir les étrangers » . Rappelons aussi les couloirs d'eau marine on arroyos, de la Gambie dits bolon, bolong).
Mademoiselle Homburger (p. 332) a donné les équivalences et relations suivantes : copte Kolo « cercle, entourer » , et klo, takto « mettre autour » ; dérivant tous de ancien égyptien kdw : à rapprocher d'une part de peul galle et kolo « enclos » , d'autre part de copte taklo « assiéger » « entourer de palissades » et manding tata « enceinte fortifiée » .
Une espèce d'igname (fula kappe) dite encore fula buruure « de la brousse » est parfois cultivée au bord de la tapade vers l'entrée de la maison c'est le kappe bolon'da « à la porte du bolon » , l'igname « de tout le monde » , car on en partage le tubercule entre tous les gens (Dioscorea smifacifolia De Willd.)
La cour intérieure que délimitent les habitants est fula et soso tande (plur. fulatandeeji) ; aussi soso khande.
Dans les langues nilotiques (Haut-Bassin du Nil), on rencontre: teso a-go loki-ni « enfermer » ; shillouk kwol (plur, kol) « boucher » et kal (plur. kali) « haie, clôture, entourage » .
Dans les langues mande: bamana (bambara) koli; kolite signifient « cercle rond, circonférence, entourer » ; en malinké, la su-kala, ou so-kala, so = maison est un groupe d'habitations ceinturé d'un mur ; chez les Mossi, al-kala a le sens de « bastion, citadelle » que donne aussi tata en malinké (sens d'enceinte fortifiée).
En nubien delen, si sal est « habitation » (correspondant à peul oriental saare) village gol est un « enclos habité » ; tandis que les langues nilo-chamitiques donnent : teda sara pour l'« enclos » , kanuri sara pour « palissade » , da-za kola (plur. kola pour « champ » (entouré).
Peul occidental saare (pluriel tyaabe) est le village ou la case de culture ; peul du Macina donne ti'e pour village de culture ; mais peul oriental (Taylor) a saare (plur. tya'e pour « habitation » (maison) et « groupe d'enclos habités » (« compound » ou galle = tapade du Fouta-Djalon) avec encore Chura, un augmentatif de suudu « hutte » .
En nigritique sonrai (Prost), il existe deux termes pour clôture : kali et windi — kali est l'« enceinte » ou « clôture » (de branches épineuses), le « champ » (entouré d'épines), le « clos » , le « jardin » , et même le « troupeau » ; « ce qui est dans une enceinte » ; au Fouta-Djalon, galle prend aussi le sens de famille » . Windi signifie « tourner autour » , « faire des cercles, « cour délimitée par une palissade de nattes tressées » (la cour, le quartier, la concession) et la haie de nattes elle-même.
Tous ces termes (égyptien, copte, nilotique, nilo-chamitique, nubien, songhai, manding, peul, etc ... ) : K.D.V., Kobe, Klo, takto, golo, kwol, kal, koli, gol, galle, guro, wuro, etc., et qui ont sens de « cercle, circonférence, entourage » , sont à rapprocher (peut-être trop extrapolés) de berber gare, grec guros, latin circulas, pour « cercle » . Il faut noter aussi le mot portugais curral pour un enclos, un parc à bétail sur les bateaux à voiles et d'où proviennent, franç. Corral pour parc à bétail » à terre, comme déjà mentionné.
Ainsi, la tapade est quelque chose de « fermé, bouché » , tandis que le galle est quelque chose « qui entoure, qui clôt » . Extensivement, le « clos » est la tapade, le galle, c'est-à-dire le « parc-jardin habité » , la « concession » . Les tapades, ou galleeji, sont des lieux d'habitat humain fermés au bétail ; ce sont surtout des lieux de vie et de subsistance (hameaux-jardins cloisonnés).
Les tapades ou galleeji se groupent en agglomérations : villages ou hameaux ; très rarement on trouve un galle « en écart ».
Le « village foula » ou fula-so (so mande = village) possédant une mosquée s'appelle misiide ou misiidi : paroisse » . Peul misside est le lieu où l'on se prosterne pour prier (arabe missidi, misjid) selon Vieillard.
Il est des villages fula sans mosquée. Les plus anciens villages, datant de la première installation des Peul islamisés, ont toujours une mosquée. Il existe aussi des groupements à misikun « petite mosquée » , d'autres où l'enclos à prière dit tippuru (tippadu?) suffit.
D'autres agglomérations sont des hameaux, certains issus de l'éclatement même de fula-so surpeuplé ; d'autres sont de simples lieux de culture à l'origine.
Le hameau de culture est le run'de ; en principe il est situé en contrebas du fula-so (pente, vallée). Le terme est une contraction de ruumirde (rum'irde) « l'endroit où l'on passe la saison pluvieuse » , celle des cultures, c'est-à-dire l'été pluvial; (run' = hivernage, saison des pluies ; irde = lieu, endroit).
Le même terme existe en peul oriental avec le même sens: rumde, plur. dumde (Taylor).
A l'origine ce furent simplement des abris temporaires au moment des cultures de riz, puis de millet (fonio), les serviteurs des Fula regagnant ensuite le « fulaso » .
On ne cultive d'ailleurs qu'en saison des pluies: rumi « passer la saison des pluies » , rema « houer, cultiver » , etc....
Dans le Bas-Fouta, « au pied des Monts » (ley-pelle), au lieu de fula-so, on emploie le terme marga (Timbo, Mamou, etc .... ) d'origine manding et diallonke au travers du Tekrur. Marga est le lieu on l'on entrepose le grain, les richesses, donc chez le maître « au fula-so » comme on dirait dans le Haut-Fouta ; la case-magasin est le margaaru dans le Haut-Fouta. Depuis longtemps, marga est pensé surtout comme village de culture, l'homologue même du run'de. Comparer avec Bambara mara « garder, conserver » , « yoro » lieu, endroit on l'on conserve. Peul marde « garder, conserver » , berber zenaga malag « posséder » et mal, elmal « biens » (origine arabe). Le fait tient à ce que les grains sont de plus en plus entreposés dans les hameaux.
Des fula-so ont essaimé en hameaux fula comme conséquence de l'accroissement de la population. Beaucoup de hameaux actuels sont aussi d'anciens lieux de culture créés par les anciens serviteurs des Fula.
Il est probable qu'au début de l'occupation du Fouta-Djalon, les maîtres et leurs serviteurs vivaient ensemble sur les hauteurs ; qu'au moment des cultures, des abris et des huttes de fortune étaient édifies par les serviteurs au plus près des terres à travailler, aux alentours même des lieux d'habitation.
L'érosion jouant, ce sont les parties en contrebas qui devinrent seules cultivables par la suite. D'abord en camp volant d'hivernage, ensuite en camp fixe, s'installèrent les serviteurs devenus plus nombreux, comme leurs maîtres. Les dume run'de sont issus de villages primitifs et en sont la copie sur les plans de l'édification matérielle de la vie sociale, du paysage, le site étant cependant quelque peu différent. Mais des hameaux fula, ségrégés de fula-so en éclatement, ont adopté aussi des situations semblables.
Les sites sont liés à la topographie et aux types de terre. En principe, le fula-so est sur une hauteur, un plateau ou bord de plateau. Le hameau, surtout le « run'de » , est en contre-bas soit à mi-pente, soit vers le thalweg
A l'origine, les Peul islamisés venus au Fouta-Djalon n'étaient pas des nomades au sens absolu du terme. C'étaient déjà des sédentaires ou semi-sédentaires connaissant à la fois bétail et cultures, avec habitats plus ou moins fixés. Ils étaient tels avant l'imprégnation islamique et c'est ce qui à permis à celle-ci de s'effectuer.
Avant eux, étaient des Peul venus au Fouta-Djalon nomades attachés uniquement au bétail, toujours en camps volants vivant en nomades, ils ne suivaient pas la loi coranique, et ce fût une des taches des Peul qui vinrent par la suite d'essayer de les éduquer en conséquence avec les moyens que cela comporte en la circonstance, et les échecs et les succès que cela implique aussi.
Nous avons noté plus haut qu'au Fouta-Toro, les agglomérations humaines étaient des hameaux cloisonnés avec ruelles sans jardins dans les enclos, à l'inverse de ce que l'on trouve au Fouta-Djalon.
Un proverbe toucouleur dit: « Hoɗande riway ngesa » ou (« l'habitation chasse le champ » , (Gaden 1935). Un autre dit : « Hoɗande riwata remru » ou « l'habitation prime la culture » (Abdou Salam Kane 1935).
Au Fouta-Toro, les champs-jardins, hors agglomération d'habitations, sont cependant contigus à celles-ci constituant une large auréole de ruelles rayonnantes, l'ensemble agglomération et champs formant un tout.
Au Fouta-Djalon, les jardins sont liés à l'habitation ; une seule clôture encerne jardin et habitation. Mais les champs proprement dits (céréaliers) sont hors habitat, plus lointains dans le paysage ; ils ne sont pas clôturés d'une barrière, mitoyenne ou non ; pas de « galle » , pas de ruelle. Toutefois, ils sont généralement groupés et leurs accès comportent pour le groupe quelques dispositifs gênant la circulation des bovins en période de culture et même l'interdisant.
Dans les deux pays Foutaniens on a affaire, avec des dispositifs différents à une protection contre le bétail en divagation, secondairement contre les hommes. Mais au Fouta-Djalon, le dispositif traduit une sédentarisation très évoluée.
Pour les Peul islamisés, c'est-à-dire les Fula actuels, la nature de la terre présentait une grande importance.
Les seules terres cultivables et déjà largement entamées par les anciens possédants ou usufruitiers (Baga, Diallonke, etc) étaient celles antérieurement sous forêt dite du « type foutanien » avec l'espèce dominante Parinari excelsa, Sabine (Rosacées) au-dessus de 800 m. et surtout de 1.000 m. d'altitude.
Ces terres facilement érodables tangentiellement sont ce que l'on donne au Fouta-Djallon comme étant du type ndantaari, un terme qui n'a pas de signification étymologique en fula ni en dialectes peuls divers. Ndantaari (plur. ndantaaji) doit être assimilable sémantiquement à tekrur (Toucouleur) ndantyiandi ; une sorte de terre à humus de récente formation, un terme du Fouta-Toro, au Sénégal, surtout employé pour des terres faites par l'homme (culture continue à terre enrichie près des habitations).
Ce sont, par vocation, les terres agricoles, les terres à semer (comparer Bambara dan « semer, ensemencer » ; manding danbanho la terre qui donne les produits vivriers d'accompagnement).
Les ndantaaje sont des terrains herbeux, à végétation anthropique, à vocation de cultures jardinées, lesquelles se pratiquent derrière les clôtures.
Hors les tapades, ce sont celles que l'on considère comme les « terres à Foulo » ou Fognie, Fundi, Fonié, etc. le Millet Digitaria exilis Stapf.
Dans les régions de hauts-plateaux ou dans certaines vastes dépressions, le ndantaari évoque un paysage sans rochers, sans cailloux, mais ce sens n'est pas général ; il y a seulement corrélation.
Le ndantaari est à sous-sol perméable en saison des pluies, à sol sablo-limono-argileux, avec l'horizon superficiel (A 1) souvent très léger par abus de la culture. On considère localement qu'il n'est pas (ou qu'il n'est plus) capable de supporter des cultures de riz. Les jachères sur ndantaari sont très pauvres ; la végétation y est si faible que pratiquement, les feux courants (feux de brousse) n'y prennent pas toujours ; elles constituent cependant d'excellents pacages en début de saison sèche, après les récoltes du fonio. Le ndantaari est cependant suffisamment riche pour supporter ce Millet plusieurs années de suite.
Tous les ndantaaji sont cultivés, il n'en est pas de libres. Quant ils sont très usés (trop légers en surface), y dominent particulièrement Eragrostis et Borireria verticillata Meyer.
Dans les parties très pacagées par le bétail (ou aux abords des parcs à bétail) s'y développent Urene lobata L. et Waltheria americana L., sur les marges Borreria verticillata. En longues jachères on voit apparaître quelques Andropogonées avec des espèces des genres Andropogon, et aussi Diectomis fastigiata Kunth.
Mais dans les tapades ou galleeji, ces sols pauvres mais drainés naturellement en profondeur, sont d'assez bonne fertilité avec travail du sol et fumure (apports organiques végétaux, détritus issus de la vie humaine, excréments de bovidés et de chèvres).
Certains hameaux de culture sont installés sur des sols kollaaɗe ou kolleedi ? (sing. hollaande), ou bien sur des sols de transition entre hollaande et ndantaari.
Chez les Toucouleurs du Fouta-Toro, le kollengal (plur. kollaaɗe) désigne des terres en cuvettes allongées s'inondant à la saison des pluies, sans drainage. Plus particulièrement, le hollaande (plur. kollaaɗe) est une terre forte, se crevassant en saison sèche, réservée à la culture dit Sorgho « Same » . L'origine peut en être dans wolof gelladan « marigot, cours d'eau vaseux à très faible courant » (comparer en Mauritanie: hassania et zenaga galla « marigot » , hassania golta (plur. lagtat) pour le lac d'eau douce dans les rochers d'où franco-mauritanien « guelta » (Nicolas). Il est plus probable que hollaande dérive de peul hollude « montrer, faire voir » (holde être nu, pauvre en vêtements) si l'on compare avec manding kena ou banko « terre sans arbres » ; manding et bamana Kene ou kena « plaine, surface plane, esplanade, cour ; bamana kene « lumière, clarté, air ; malinké kenema « clairière » . Le kena correspond très bien à hollaande tekrur (Toucouleur) donnant kollengal « groupe de champs » inondés périodiquement par la crue et cultivés seulement en saison sèche.
Le hollaande est au Fouta-Djalon un terrain sans arbre, plat, non pierreux, sans pente argilo-silicieux à limono-silicieux ; en saison sèche, il est sec, dur et compact ; en saison des pluies, il est boueux et recouvert d'eau issue des pluies ; localement, le terme évoque « la plaine » .
Les kollaaɗe sont ainsi considérés comme des « terres à riz » et sont soumis, dans ce but, soit à l'opération de la « cendrée » ou muki (en fula), sorte d'écobuage, soit à celle plus rationnelle du billonnage avec végétation incorporée, pratique dite du nyolu.
Là où le hollaande n'est asphyxié, inondé, que temporairement (rupture en pente et retombée du plateau sur le thalweg, limite entre ndantaari et hollaande), la culture du millet fonio y est parfois pratiquée avec fossés d'écoulement et planches billons suivant le sens de la pente pour accélérer l'écoulement de la nappe d'eau d'origine pluviale ; généralement, on passe à la jachère pendant de nombreuses années, après une seule culture de fonio.
En amont du hollaande est le ndantaari et l'on y trouve, quand la densité humaine est forte, des hameaux de culture. Certains se retrouvent isolés sur hollaande, l'évolution des sols davantage découverts et cultivés depuis longtemps ayant favorisé l'induration ferrugineuse en profondeur, cependant que l'érosion de surface a déblayé le sol arable qui ne subsiste qu'à l'intérieur des clôtures.
Les kollaaɗe sont issus du déboisement général et des feux courants. En saison sèche, ils servent de pâturages. Il semble que les kollaaɗe ont été plus habités autrefois que maintenant.
Certains hameaux sont accrochés sur les plateaux, une position issue des premiers campements de pasteurs, aidée par la présence de poches de sol ndantaari et par les éboulis boisés, en contre-bas, lesquels sont favorables à la culture périodique du riz de pente sur défrichements forestiers derrière des jachères de plus en plus longues. Ces terres de pente du type hansaŋere, (plur. kansaŋe) sont des bordures effondrées de plateaux latéritique, (boowe) soumis aux feux courants en Novembre et Mars, pour l'obtention d'un regain d'herbes nourricières des animaux et fréquemment dans les défrichements (Mars-Avril) pour les cultures.
Sur les plateaux même on ne trouve plus d'habitation de sédentaires sauf sur les formations doléritiques ou il reste encore de la terre arable.
Ces plateaux ou boowe (sing. boowal), en soso fili, avec le sens de steppe, couvrent des surfaces immenses dans le plateau central et dans les régions occidentales ; ce sont des landes sans arbres, cuirassées, inondées pendant les pluies, et des micro-tourbières s'y développent. Le terme boowal n'a pas le sens étymologique de plateau, de crête (hoore = sommet, faite, crête ; fello = montagne ; jeeri = région surélevée, haut-pays), mais celui « d'extérieur, dehors, hors de » dans les dialectes peul, aussi en tekrur. Le boowal est à l'extérieur de la zone d'habitation agraire parce que non utile (on sent déjà l'évolution de nomade à sédentaire).
Toute une région importante à l'Ouest du Plateau Central n'est constituée que par ces plateaux « à l'extérieur » de l'ancien Fouta-Djalon.
Sur ces formations latéritiques de sommet plat, des affaissements et des effondrements de la carapace développent des sillons d'érosion ou parfois des mares ou beeli (sing. weendu).
Le boowal, en tant que formation issue d'accumulation et d'induration des éléments ferrugineux descendus des pentes, peut se retrouver en contrebas des kollaaɗe et de ndantaaji.
Si le ndantaari est très cultivé, le hollande beaucoup moins, il existe encore des sols trop peu exploités au Fouta-Djalon, vers le thalweg.
Ce sont ceux du type dunkiire (plur. dunkiji, dunkiije, dunkiwii) ou plaine humide, plaine basse peu inondée, autrefois forestée et servant à la culture du riz de marais, (casiers, écobuage, etc.) A Dalaba, le dunki est le « marais » , aussi la vallée plate formant pâturage humide à Axonopus compressus. Il convient bien, après drainage, à certaines plantations arborées et aux bananeraies. (Noter bamana danka, danga « rive, berge de cours d'eau » , berber zenaga adku'de « vallée » .
Comparer encore, par analogie, tekrur (Toucouleur) falo (plur. fale, pale, palle, « terre cultivée en bordure de cours d'eau » inondée par la crue mais se drainant ; manding faro « la rizière aquatique » ; bambara jaro, « trou abreuvoir » , fula « mare » , fula falo (plur. pale) « la pente qui conduit à l'eau » .
Le fitaare (plur. pitaaje, pitaaji) est la futaie riveraine, la galerie forestière. Sur le Haut-Fouta elle n'est guère maintenant constituée qu'avec des Raphias, des Pandanus, des Fougères arborescentes, de l'Herbe à Eléphant et quelques arbres (Carapa, Pterocarpus). La région des Pitaadji (région des Galeries Forestières » , celle de Pita, doit probablement son nom à ce qu'elle était recoupée partout de futaies riveraines à la fin du XVIIème siècle quand un groupe Irlaabhe-Diallo (descendant du Macina) vint s'installer avec la famille de Njobbo (un petit fils de Bodhewal). Comparer aussi susu fita « brousse arbustive épaisse » .
Le Wen'du, ven'du (plur. beeli, beri), est la plaine endoréique, fermée transformée en mare, en étang, et apte à la riziculture dès que l'on peut assurer une évacuation contrôlée des eaux.
Weendu est le même terme qu'emploient les Toucouleurs (aussi Wein'du) dans le Bas-fleuve Sénégal, en Peul oriental wen'du (plur. beeli) est « lac » et m'beela le « grand lac » .
Weendu a un sens de « ce qui s'étale durant longtemps » et en même temps de « marc temporaire, saisonnière » . Ce double sens demande une interprétation. Le terme semble en relation avec peul walo, welo, weengo, « crue, vallée inondée » , et walde « se répandre (liquides) » . En tekrur du Fleuve Sénégal, la terre inondée et fertilisée périodiquement par la crue du Fleuve et utilisée pour les cultures de décrue, est waalo (maure chemana) par opposition à jeeri, la terre ferme, la terre haute non touchée par l'inondation (mais jeeri au Fouta-Djalon est le Haut pays, le toit du Fouta, le Hoore-fello « sommet de la montagne » .)
En peul oriental (Taylor), waloowe (plur. walooji) est le « marais » et waala s'étendre par terre, « s'étaler » . Bamana walan-kata « déborder » (kata, un expansif), wala-wala ou walan-wala « plaine sans végétation au bord des eaux » . Dans toutes les langues Mande-Sud, il existe un radical wa|wu pour « s'étendre, se coucher, s'étaler » (Prost).
Notes
1. Sauf pour tapade, tous les termes en italique non français possédant e, celui-ci est prononcé é, comme dans été ou comme en anglais a dans table.
2. Le signe ' mouille ce qui suit ou bien donne sonorité à une nasale suivie d'une consonne.
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