Institut Français d'Afrique Noire. Centre de Guinée, Conakry, 1950, no. 7, pp. 3-66
Le chat et les souris
Où le lapin trompe l'éléphant et l'hippopotame
L'hirondelle (bilibile) et la hyène (fowru)
Dembaru, Giddyam et Batyi
Kumba Firdi Dyona
Le courageux fils de chef
Les tindi mettent en scène de jeunes et valeureux héros, dont la naissance est souvent miraculeuse ou tout au, moins annoncée par les devins. Samba Niaro et Gueladyo sont parmi ces brillants chevaliers, heureux en amour comme à la guerre.
Le chat trompe les souris : il fait le mort, alors les souris se promènent partout dans la maison, une souris monte même sur le chat, elle redescend et va dire au chef des souris :
— « Notre ennemi le chat est mort ».
Le chat n'est pas mort, il fait le mort. Le chef des souris vient, lui aussi monte sur le chat et dit :
— « C'est vrai, le chat est mort ». Il dit aux souris :
— Un chef ne doit pas danser. Attachez-moi avant de danser la mort du chat, sinon je danserai.
On attache le chef des souris, puis toutes les souris se mettent à danser.
— Notre grand ennemi le chat est mort. Dansons autant que nous le pouvons.
Les souris dansent, le chef des souris regarde le chat mort. Mais la danse des souris amuse le chat, et l'intéresse : il ouvre un oeil. Le chef des souris voit cet oeil, il dit aux souris :
— Détachez-moi, je ne suis pas sûr de ce mort-là : un mort qui ouvre de temps en temps les yeux.
Alors les souris prennent la fuite, il n'y a pas une seule souris brave, pour vite détacher le chef. Toutes les souris courent vite se cacher dans leur caverne. Le chat se lève et, tenant le chef des souris, lui dit :
— C'est toi que j'ai chassé, et je ne t'ai pas attrapé. Tu as peur de la mort, mais tu mourras aujourd'hui. Il ne suffit pas d'être peureux.
Et il ajoute :
— Depuis que j'ai commencé à manger des souris, je n'ai pas encore mangé de chef des souris. Et bien toi, aujourd'hui je te mangerai.
La souris a eu beau pleurer, le chat l'a dévorée.
Le lapin a pris une corde et a dit à l'éléphant :
— Qui, de nous deux, est le plus fort, toi ou moi ?
L'éléphant répond :
— Comment ? Toi ? C'est moi. Qu'est-ce que tu dis, tu crois que je n'ai pas de force ? Tu es trop petit lapin. Tu ne vois pas comme je suis gros et fort ? Tu ne vois pas, toi lapin ! Même l'herbe est plus haute que toi.
— Bien, essayons. On va voir si tu es plus fort que moi.
Le lapin prend une corde, l'attache au pied de l'éléphant, puis il va au bord du fleuve et dit à l'hippopotame :
— De nous deux, qui est le plus fort ?
— Moi, répond l'hippopotame.
— Alors dit le lapin, essayons.
Il attache l'hippopotame au pied et lui dit :
— Je vais dans l'eau. Quand je remuerai la corde, commence à tirer.
Il repart trouver l'éléphant et lui dit :
— Je vais dans l'eau. Quand je remuerai la corde, tu n'as qu'à, commencer à tirer.
Le lapin remue la corde, l'éléphant tire. Il tire l'hippopotame jusqu'à le faire sortir de l'eau. Alors l'hippopotame « prend un coeur sévère, » il tire l'éléphant jusqu'à l'amener dans l'eau. L'éléphant à son tour « prend un coeur sévère » ; il tire l'hippopotame jusqu'à le faire sortir de l'eau. L'hippopotame court voir si c'est un éléphant qui le tire comme çà. Il trouve l'éléphant et lui dit :
— Comment éléphant, c'est toi qui me tirais comme ça ?
— Comment hippopotame, c'est toi qui me tirais comme çà ? C'est le lapin, dit l'hippopotame à l'éléphant, qui nous a trompés .
C'est pourquoi jusqu'à présent, quand l'éléphant et l'hippopotame se promènent et qu'ils voient du feuillage, ils le piétinent ils croient que le lapin est là et veulent le tuer.
Une hyène disait :
- Je demande à Dieu de m'envoyer un étranger rapide. Une hirondelle l'a entendu parler et se dit :
— Eh bien moi, j'irai chez toi, je suis, un étranger rapide. L'hirondelle va chez l'hyène et lui dit :
— Tu as un étranger.
L'hyène cuit un repas, réunit tous ses fils et leur dit :
— Venez manger avec l'étranger.
Mais avant que tous les fils soient réunis, l'hirondelle, pressée, a fini de manger le repas. Quand l'hyène ouvre le plat, il est vide l'hirondelle a tout mangé.
Au bout de deux ou trois jours, l'hyène dit :
— Cet étranger est très mauvais. Il veut nous faire mourir de faim. Cuisons maintenant un repas que l'étranger ne mangera pas.
L'hyène porte le repas près d'un rônier, pour faire un sacrifice, afin qu'ils puissent le manger seuls. Le repas cuit, l'hyène veut fermer la calebasse, mais l'hirondelle se pose sur le riz ; alors l'hyène pose le couvercle par-dessus l'hirondelle. Le sacrifice et la demande finis, l'hyène appelle ses fils :
— Venez que nous mangions.
L'hyène ouvre le plat, l'hirondelle s'échappe, le plat est vide. L'hirondelle se pose sur la tête de la femme de l'hyène, qui dit à sa femme :
— Attention, je vais tuer ce mauvais étranger qui veut nous tuer.
L'hyène va chercher un gros bâton :
— Penche la tête, je veux tuer aujourd'hui cet étranger.
L'hyène lève son bâton, l'hirondelle s'envole, et l'hyène brise la tête de sa femme. L'hyène dit :
— Ah c'est curieux, j'ai tué ma femme.
L'hirondelle va. se poser sur la tête de son premier fils.
— Quoi, c'est encore l'étranger sur ta tête. Penche-toi, je crois que cette fois-ci je vais le tuer. L'hyène veut frapper l'hirondelle, elle s'envole, l'hyène écrase la tête de son fils :
— Ah c'est étonnant, j'ai perdu ma famille. Quoi ! Si je rencontre cette hirondelle qui a exterminé ma famille, à nous deux maintenant. ».
Il dit, et l'hirondelle est sur sa tête et le mord. L'hyène tâte, sent que c'est encore l'hirondelle et rit :
— Ha, ha, ma famille est finie. Mais tu es sur ma tête, très bien, on va voir.
Sous le rônier, il. y avait un caillou :
— Maintenant pour tuer cette hirondelle, je vais monter.
En montant, l'hyène touche l'hirondelle pour s'assurer qu'elle n'est pas partie. Arrivée au sommet du rônier, l'hyène touche de nouveau l'hirondelle :
— Ha, ha, tu es encore là.
L'hyène penche sa tête, lâche le rônier pour briser l'hirondelle en tombant. L'hyène est tombée, sa tête s'est brisée. L'hirondelle s'est encore envolée.
Dembaru l'hyène 1 habitait une brousse entre deux villages distants d'un jour démarche. Il était interdit d'y passer entre le crépuscule et le lever du soleil.
Deux jeunes gens s'aimaient : chaque jour le jeune homme part de chez lui, traverse la brousse, et va retrouver la jeune fille chez ses parents. Il part le matin vers sept heures et revient le soir vers six heures et demi.. Il fait ce trajet chaque jour pendant un an, toujours accompagné d'un de ses meilleurs amis. La jeune fille le reçoit aussi bien qu'elle le peut. Ils sont inséparablement unis.
Un jour le jeune homme demande à la fille si elle ne peut pas lui rendre visite. La fille répond qu'elle veut bien, mais ses parents s'opposent à ce projet, sous prétexte qu'elle est encore jeune, qu'elle ne peut faire cette route en un seul jour, et que Dembaru est encore redoutable. Cependant la fille se rend si bien compte que le jeune homme s'est beaucoup fatigué à cause d'elle et qu'il lui est tout dévoué qu'un jour elle veut aller chez lui. Elle se prépare bien, mais ses parents s'opposent à son départ. Comme elle l'avait promis à ses camarades et à son amant, pour ne pas être traitée de trompeuse et manquer de parole, elle attend le soir pour s'en aller en cachette de ses parents ; elle préfère être mangée par la hyène plutôt que faillir à sa promesse. Le soir, elle prend une ferme décision et s'engage dans la forêt. Dès qu'elle y pénètre, la fureur de Dembaru fait coucher tous les arbres, obscurcit le ciel et soulève un grand vent. La jeune fille n'a quand même pas peur, mais sa servante s'est effrayée, et s'en est retournée. Dembaru, en quelques minutes, va trois fois d'un village à l'autre, et saisit vivement la fille et l'interroge :
— Sais-tu si, pendant la nuit, je suis le maître de la forêt ? Veux-tu ternir ma réputation et te montrer plus courageuse que moi ? Je te dévore en un clin d'oeil si tu ne me promets trois choses
La fille prend le temps de s'expliquer :
— J'ai un ami qui m'aime beaucoup. Chaque jour, pendant un an, il a parcouru le trajet entre les deux villages et il a été tout pour moi. Je lui ai promis d'aller aujourd'hui chez lui. Mes parents m'en ont empêchée. J'ai préféré risquer d'être mangée par toi, si tu n'as pas pitié de moi, mais j'accepte toutes propositions que tu me feras, sachant que tu es le maître de cette brousse et n'ignorant pas ton histoire.
Dembaru l'hyène lui dit :
— Si on te demande au village comment tu as passé, que vas-tu répondre ?
La fille répond tout ce que la hyène lui dira de dire elle le dira.
— Bon, je, te défends de dire que tu as rencontré Dembaru, je te défends de dire que tu as parlé avec Dembaru, je te. défends de dire que tu as traversé la brousse de Dembaru. Si tu me promets de ne pas dire ces choses, même à ton amant, je te ferais arriver immédiatement chez lui. Mais si par hasard, par amour de ton amant, tu arrives à le lui raconter, avant de terminer ta première parole, tu mourras sur le champ, et moi j'irai te déterrer. Je te rendrai vivante à nouveau, je te redemanderai les promesses auxquelles tu auras manqué, et je vous mangerai, toi et ta famille par surcroît.
La fille jure de ne rien dire à personne, et se voit en une minute devant la porte de son amant, qui s'appelait Gyidyam.
Gyidyam était absent, la fille trouve Batyi, son camarade, à qui elle raconte le but de son voyage. Mais il s'intéressait surtout à la manière dont elle avait réussi à franchir de nuit la forêt sans être mangée par la hyène ; il l'interroge, mais elle ne veut pas le lui dire. Pensif le jeune homme va prévenir Gyidyam qui ne croyait plus qu'elle viendrait, puisqu'il faisait déjà nuit, et lui dit qu'il lui a demandé comment elle a réussi à venir, mais qu'elle ne lui a rien expliqué.
Avant que Batyi ne revienne, la fille a fini de préparer un grand plat.
Gyidyam la salue, et lui demande des nouvelles de ses parents. Elle présente son plat, mais son amant lui dit qu'il ne le mangera pas tant qu'elle ne lui dira pas comment elle est venue. La fille se trouve très embarrassée, et dit à son amant qu'il ne faut pas lui poser de telles questions, autrement un grand malheur les atteindra : il n'y a qu'à parler d'autre chose. Le jeune homme répond qu'il pourra toujours éloigner ce malheur. La fille a fini par lui faire une telle pitié que les garçons ont mangé son plat. Mais le plat terminé, ils ont recommencé leurs questions. La fille ne voulait rien leur dire. Gyidyam lui dit :
— Je ne te croyais pas ainsi. Je croyais qu'à cause de notre amour tu devais me raconter même ce qui te fait mourir.
Et au même instant Batyi dit au revoir et, mécontent, part se coucher.
Gyidyam et la fille restent seuls. Il lui dit :
— Comme tu n'es pas sincère, je ne passerai pas la nuit avec toi tant que tu ne parleras pas. Je sais maintenant que tu ne m'aimes pas.
La fille répond :
— Tu dis que je ne t'aime plus, que je ne suis pas sincère, tu veux que je te dise une chose qui te portera malheur. Je te le dirai maintenant, mais je te fais savoir ceci : je te préviens que si je te dis la chose je mourrai sur le champ, c'est certain. Aucun médicament n'y peut rien. A toi de partager ma mort et ma vie.
Le jeune homme dit qu'il sait que rien ne pourra tuer la jeune fille, là où ils sont.
— Ecoute, dit la fille, je t'avais promis de venir aujourd'hui. Je suis partie de bonne heure, mais mes parents m'ont retenue. J'ai seulement pu partir le soir, pour ne pas être vue. J'ai rencontré Dembaru, son souffle a couché les arbres, le ciel s'est obscurci, mais je préférais toujours mourir à te mentir. Dembaru a eu pitié de moi ; il m'a demandé de promettre de ne dire à personne que je l'avais vu et m'a affirmé que si je le disais, même à toi, je mourrais sur le champ, et qu'après mon enterrement il viendrait me déterrer, me ferait revivre, me redemanderait pourquoi j'ai parlé, pourquoi j'ai manqué à mes promesses, me mangerait ensuite ainsi que toute ma famille. Tu comprends maintenant le mystère. Au revoir.
Sur le champ, elle meurt.
Gyidyam a maintenant peur, il n'a plus sa tête, il va réveiller Batyi, lui raconter l'histoire que lui a narrée son amante, et il se demande quoi faire de son cadavre : le rapporter cette même nuit à ses parents, ou l'enterrer 2 ici même, et quoi dire ? Après quelques minutes d'amères pensées, Batyi lui dit :
— Ecoute-moi bien, enterrons la fille, et je te montrerai aujourd'hui qu'un bon ami vaut mieux qu'une méchante mère.
Ils enterrent la fille, après quoi Batyi dit :
— Cherche-moi un fusil, de la poudre, des balles; s'il plait à Dieu, je te rendrai ton amante vivante.
Gyidyam avait un fusil ; il va le chercher, prend de la poudre et deux balles. Batyi dit à Gyidyam :
— Puisque la hyène a dit qu'elle la déterrerait et la ferait revivre, je profiterai de ce moment pour te rendre ton amante. Toi, Gyidyam, va au village, et au premier coup de fusil, viens à mon secours. Gyidyam a tenu à rester et a promis de tuer lui-même la hyène, mais Batyi n'a pas accepté finalement., Gyidyam est rentré, mais il ne pouvait rester tranquille, il est allé chercher lui aussi un fusil.
A la mort de la fille, la hyène avait appris son ingratitude. Elle va au cimetière et commence à la déterrer. Mais Batyi était, avec sang froid, resté là en bonne position. Au moment où la hyène interroge la fille redevenue vivante, Batyi vise soigneusement, un fracas de tonnerre éclate, la hyène est renversée et Batyi et Gyidyam arrivent en même temps sur l'animal, lui donnant des coups de sabre de tous les côtés.
Alors une grande joie s'empare de la fille, les paroles s'entrecroisent, exprimant la fierté, l'amour propre, les regrets, etc.
Kumba 3 Firdi Dyona filait si vite qu'aucun tisserand n'arrivait à finir de tisser son fil. Le chef de son village dit :
— L'homme qui parviendra à finir de tisser le fil de Kumba Firdi Dyona l'épousera.
Il a réuni une centaine de tisserands 4. Tous ont tissé le fil de Kumba Firdi Dyona, mais ils n'ont pu le terminer. Alors le chef a appelé deux griots, leur a donné un cheval, un boubou, un pantalon et un bonnet brodé :
— Allez, leur a-t-il dit, vous promener par le monde, trouvez-moi un tisserand qui puisse finir le fil de Kumba Firdi Dyona.
Ils se sont promenés pendant deux années. La troisième, ils ont rencontré un pauvre récolteur de vin de rônier, qui leur a demandé où ils allaient. Les griots ont répondu :
— Nous cherchons un homme qui sache tisser. Il y a une femme dans notre pays, dont on ne finit jamais de tisser le fil.
— Moi aussi, dit l'homme, j'ai un métier à tisser, mais moi, je n'ai pas vu de femme qui ait tant de courage que je ne finisse pas de tisser son fil. Partons ensemble.
Les griots lui disent :
— Tu ne partiras pas à pied, voilà le cheval le boubou, le pantalon et le bonnet brodé. Monte.
L'homme prend le cheval, le monte. Les griots chantent ses louanges :
— Samba Ballaba, sur ce cheval, se vante : moi je suis un tisserand habile, et vous le verrez quand nous serons arrivés.
Arrivés près du village, le chef les aperçoit au loin, il va à leur rencontre, et leur demande où ils ont trouvé un tisserand habile.
— Nous avons trouvé ce tisserand en train de récolter le vin du rônier. Il nous a dit qu'il est aussi un tisserand habile.
Et le tisserand dit au chef :
— Tu vois comme je suis maigre, mais il ne faut pas me plaindre, il y a un dyina dans ce métier.
Alors on fait venir Kumba Firdi Dyona. Kumba Firdi Dyona apporte son fil. Le chef montre ce fil à Samba Baba'laba. Samba Baba'laba dit :
— Comment, c'est ce fil là ? Vous me faites rire, ce fil là n'est rien.
Et il dit au chef d'aller chercher l'animal qui court le plus vite.
On amène un cynhyène. Alors Samba Baba'laba dit :
— Que le cynhyène regarde à droite et à gauche en courant, il ne pourra pas suivre le fil.
Et il dit au chef :
— Qu'on m'apporte une hyène de neuf ans.
On lui apporte une hyène de neuf ans. Il dit au chef :
— Qu'on me donne un boeuf à tuer.
Et à l'hyène :
— C'est pour nous deux le boeuf. Je vais t'expliquer ce que je voudrais. Je vais commencer à tisser. Je voudrais que tu suives ce fil là, pour montrer aux gens que je sais tisser.
Alors on est allé attacher l'hyène près de la bobine de fil. Les tisserands commencent à tisser, l'hyène aussi commencer
à courir, pour attraper le fil avant qu'il ne soit tissé. Samba Baba'laba commence à tisser, l'hyène voulait arriver avant le fil jusqu'à Samba. Elle a couru tant qu'elle s'est brisé les pattes, et Samba a fini de tisser le fil. On rejoint l'hyène. Samba lui dit :
— Ce n'est pas toi seulement, tous les animaux qui courent n'arriveront pas à attraper mon fil.
Quand il a fini de tisser, le chef le remercie.
Kumba Firdi Dyona était toujours fille, elle dit au chef :
— Aujourd'hui, je serai mariée. Tu me donneras à cet homme. Lui seul a fini de tisser mon fil, il est le seul qui puisse m'épouser, et qui m'épousera.
Un chef avait un fils très courageux, que rien n'étonnait, que rien n'inquiétait, et qui recherchait toujours les aventures, et tout ce qui pourrait le surprendre ou l'inquiéter. Il quitta sa famille pour aller chercher aventure. Il alla dans tout le pays et ne vit rien d'étonnant. Toutes les choses lui semblaient pareilles. Il va trouver un marabout cordonnier, qui prédisait l'avenir avec justesse. Il lui demanda de lui indiquer un lieu où il pourrait rencontrer des choses étonnantes. Le marabout lui répond qu'il est incapable et lui dit d'aller trouver un certain forgeron. Le jeune homme y va, le forgeron lui répond la même chose et lui indique un autre marabout. Le jeune homme va le trouver :
- Je veux bien, lui dit celui-là, t'indiquer un lieu où tu seras étonné, mais à condition que tu sois courageux.
Le jeune homme sourit et répond :
— Indique-moi seulement ce lieu.
Le marabout lui montre une montagne, habitée par un grand dyina, et lui dit :
— Si tu as le courage d'aller consulter le dyina, ce dyina est capable de te procurer des aventures telles que tu n'en as jamais vu, ni même entendu parler. Je te conseille d'abord de laisser ton suivant chez moi, d'aller seul voir le dyina, et de n'y aller qu'au milieu de la nuit. Pour y aller il faut te déshabiller complètement, ne pas même laisser un morceau de fil sur ton corps. Ainsi le dyina ne s'irritera pas en voyant venir à lui un pauvre inconnu.
A minuit le jeune homme se déshabille complètement et va trouver le dyina, qui le reçoit très amicalement, avec un air de le prendre en pitié, lui disant :
— Je te souhaite la bienvenue. Tu es chez toi. Je veux seulement te dire quel est le but de ton voyage : tu es le fils d'un grand roi, tu as du courage, tu cherches des aventures, tu as consulté trois grands marabouts pour qu'ils t'en procurent, ils en ont été incapables ; le dernier t'a dit de venir chez moi. Je te prouverai que je suis un grand dyina, et l'ancêtre de tous les dyina. Pour te le prouver, je te prie de venir loger ici chez moi, ainsi que ton suivant que tu as laissé chez le marabout. D'ailleurs, pour t'éviter cette peine, je ferai en sorte que tu verras tout à l'heure arriver ton suivant, tes bagages et tous tes habits.
Mais ceci n'étonne pas l'aventurier.
Et en effet, quelques instants seulement après le jeune homme voit arriver son suivant, accompagné de porteurs inconnus. Un peu étonné, il demande au dyina qui sont ces porteurs. Le dyina ne veut pas répondre. Il se donne seulement la peine de loger le jeune homme dans une belle chambre. Le lendemain, le dyina se change en homme, et il montre au chercheur d'aventures un village où vivait un grand roi, qui avait une très belle fille. Cette fille avait été demandée en mariage par tous les fils de chefs, de rois, de riches. Mais la fille n'a voulu d'aucun. Sans rien en dire à personne de ce village, le dyina et son hôte s'y promènent ; en visitent tous les coins. Après quoi ils rentrent au logis du dyina, ef le dyina dit :
— Maintenant, si tu le veux, déguise-toi, abandonne tous tes habits de roi, prends ce haillon, mets-le, pars où nous, sommes allés hier. Je te donne ces trois noix de kolas blanches, avec ça tu demanderas la main de la fille du roi. Je t'assure que la fille te refusera, mais que son père ne te renverra pas. Là, tu commenceras à être un peu surpris. Tout ce qu'on te recommandera, accepte-le. Si tu veux vraiment voir des choses étonnantes, aies beaucoup de patience.
Le jeune homme alors se déshabille, prend des sacs en guise de pantalon et de boubou. Avec ses trois noix de kola. Il va au village du roi, qu'il trouve avec cinq de ses suivants. Il les salue très poliment, s'asseoit fièrement et expose le but de son voyage.
Les suivants, indignés, ne font que rire, et ne transmettent même pas ces paroles au roi. S'adressant au voyageur, ils lui disent :
— Toi avec ton haillon, tu oses demander la main de la fille du roi. Quelle folie te pousse à cela ? Retire-toi de là ou on te sacrifie, on te tue.
Aussitôt le roi prend la parole et dit à ses suivants :
— Est-ce un homme ou une bête cet étranger ? Je le crois un homme comme vous. Comme vous il a des parents et peut-être même des parents plus grands que les vôtres. Je n'aime pas les gens indiscrets comme vous. D'ailleurs faites-moi appeler ma fille. Je la donne à ce jeune homme, que cela lui plaise ou non. Je ne demande l'avis d'aucun des insolents que vous êtes. Un roi tel que moi ne doit pas mal agir envers un homme tel que cet étranger.
Honteux, les suivants s'excusent, et vont loger l'étranger dans la case de la fille du roi. Mais celle-ci se montre plus indignée encore que les suivants, à la vue d'un fiancé aussi malpropre et aussi mal habillé, mais elle n'ose s'opposer à la parole de son père ; elle veut pourtant se venger sur son futur mari. Elle lui dit :
— Tu seras bien traité. Tu oses te comparer à moi, puisque tu es mon futur mari, toi avec ton vêtement de chimpanzé.
Elle ne lui parle qu'avec insolence.
Le jeune homme ne répond pas. Le soir, sa future épouse lui présente un plat de son, et, au lieu d'eau, de l'urine de chèvre, après l'avoir logé dans la hutte des chèvres. Le jeune homme ne veut pas manger, mais n'en dit rien à la fille. Vers dix heures, il lui demande s'il peut entrer dans sa case. En réponse, elle lui donne quinze coups de cravache sur les fesses. Il retourne à son misérable logis. Vers minuit, il va chez le dyina, trouve son plat bien préparé, mange avec appétit, se couche sur un lit jusqu'au matin. De bonne heure, à cinq heures, il se lève, reprend ses vêtements de sac, et va s'accroupir, plié en deux, dans la hutte où sa future l'avait logé. Le matin il fait semblant d'avoir grand faim. En demandant de la nourriture à la fille il dit que le plat de son était insuffisant pour lui. La fille lui répond d'aller avant midi, chercher dix fagots de bois. Il y va, et revient très fatigué, les mains rouges de sang, car il n'avait pas l'habitude de travailler. Il trouve à nouveau son plat de son et l'urine de chèvre. Il fait semblant de manger son plat de son dans sa hutte, mais en réalité il a creusé un trou dans lequel il a vidé son et urine.
Ce qui étonne la fille, c'est que le jeune homme n'est pas maigre du tout, quoiqu'il soit mal traité et mal nourri. La fille avait une servante griotte, sorcière. Celle-ci, ayant vu, peut-être en rêve, que le jeune homme était noble, plus noble d'ailleurs que la jeune fille, conseillait toujours à sa maîtresse de bien entretenir cet homme qui serait jour son défenseur. Chaque fois qu'elle parlait ainsi à sa maîtresse, elle recevait une sévère punition, mais elle continuait toujours à la conseiller de cette manière. Sa maîtresse ne l'écoutait pas.
Une nuit que le jeune homme était parti chez le dyina, il reçut de celui-ci les paroles suivantes :
— Je vais te donner un fusil, un sabre et un cheval. A ton suivant je donnerai aussi un fusil, sabre et cheval. Ne va pas demain au village. Attends jusqu'à neuf heures. Va alors à l'est du village, là où se trouve une mare. Demain, la future-épouse ira laver son linge. Un fils de roi, avec tous ses camarades, viendra pour l'enlever. Au moment où ils s'en empareront, tu sortiras de ta cachette, tu les mettras en fuite, sur ton cheval tu ramèneras la fille à sa case, et tu reviendras ici. La fille ne te reconnaîtra pas, elle te remerciera énormément, et te suppliera de rester avec elle, d'être son fiancé. Il ne faut pas accepter. Ramène-là simplement et reviens. Après avoir mis en fuite les ennemis, en ramenant la fille chez elle, vous passerez sous un grand arbre : une branche de cet arbre passe au-dessus de la route, tu la couperas et la donneras à ton suivant, qui la laissera à la porte de la fille. Un jour, cela te servira de témoignage 1.
Le jeune homme accepte. Le lendemain, après avoir déjeuné, il prend ses habits, serrés à la taille par une ceinture rouge que le dyina lui a donné, s'arme de son fusil et de son sabre, et monte sur un cheval blanc. Son suivant fait de même, mais il porte une ceinture bleue, et monte sur un cheval gris. Ils partent à la mare que le dyina leur a indiquée. Cachés sous un arbre, ils voient arriver la fille, suivie de toutes ses camarades. Le jeune homme paraissait absorbé dans ses pensées, son suivant lui demande ce qui le préoccupe, mais il ne veut rien lui dire. Quelque temps après ils voient arriver toute une troupe de cavaliers armés jusqu'aux dents, le fils d'un roi à leur tête. Derrière lui des griots chantent ses louanges, le vantent, et les guerriers, excités par les chants, jurent chacun d'être le premier à s'emparer de la fille du roi qu'ils viennent enlever. Un griot, le préféré du fils du roi, saisit le premier la fille, avec beaucoup de respect. Celle-ci se débat, l'insulte, jure de ne pas partir. Le fils du roi, voyant qu'elle n'était qu'avec des filles, donne l'ordre à ses gens de ne pas s'approcher. Lui-même et son griot prennent la fille et il la met auprès de lui. Au moment où ils veulent s'en aller, ils voient arriver derrière eux le chercheur d'aventures et son suivant. Une ardente lutte s'engage. Au bout de quelques instants, le fils du roi et ses compagnons sont obligés de fuir, laissant une trentaine de blessés.
Le chercheur d'aventures met la femme auprès de lui, il la ramène au village, sans oublier de couper la branche que lui a indiquée son maître. La fille, par tous les moyens, lui demande de rester, mais il n'accepte pas. A deux heures seulement, il rentre au logis du dyina, très content de ne pas être reconnu par la fille. Celle-ci va trouver son père et lui dit :
— Je vous dois le plus grand respect, je n'ose pas m'opposer à vos ordres, mais vous m'avez donné en mariage au plus indigne des hommes. Aujourd'hui, grâce à deux jeunes hommes à qui je dois une reconnaissance infinie, j'ai échappé à la mort avec toutes mes camarades. Le mari que vous m'avez proposé n'y était pas, d'ailleurs, depuis ce matin, je ne l'ai vu. Je vous prie donc de nous séparer, et de faire des recherches pour retrouver ces deux jeunes gens. Je serai l'épouse de l'un d'eux .
Le père ne répond même pas, il ne fait que se moquer de sa fille et de sa lâcheté. La fille, désespérée, rentre chez elle.
Cette nuit là, elle ne dort pas. Le matin de bonne heure, elle voit sortir le jeune homme de sa hutte, avec ses vêtements habituels. Elle se précipite sur lui avec rage, le roule par terre et lui donne trente coups de chicote, en l'injuriant et en lui disant qu'elle ne serait pas son épouse, qu'hier des gens étaient venus pour l'enlever et que lui, vaurien, n'y était pas, et que c'est grâce à deux jeunes hommes auxquels elle doit toute sa reconnaissance qu'elle a été sauvée, ainsi que ses camarades. Elle l'oblige à aller chercher vingt fagots de bois le jour même.
Avant que le soleil se couche, le jeune homme a réuni ses vingt fagots, sans rien manger de la journée. Le soir, il reçoit encore son plat habituel, et son même logement. A minuit il arrive chez le dyina, mange bien, dort bien, jusqu'au lendemain matin. Ainsi vit il pendant six jours. Le septième, la fille devait aller se laver. La même histoire devait recommencer. Le jeune homme et son suivant, ce jour là, changent d'habits et de monture ; la fille a été emmenée jusqu'auprès du village du fils du roi lorsque le coureur d'aventures et son suivant l'enlèvent des mains de ses ennemis, après avoir mis ceux-ci en fuite. Cette fois, le dyina avait recommandé au jeune homme de se blesser légèrement à sa jambe. Comme il ramenait la fille, elle prit son mouchoir, en banda la plaie, de son sauveur, et supplia encore une fois le jeune homme de rester avec elle. Mais celui-ci n'accepte pas, rentre le soir au logis du dyina, se repose bien jusqu'au lendemain. Ce matin-là encore, il reçoit soixante coups de cravache, avec toutes sortes d'injures, sans nourriture le soir, et l'ordre de ramasser quarante fagots de bois.
La nuit, voulant se faire remarquer par la fille qui l'a si mal traité, il entre dans sa case, comme elle ronfle à côté de son amant. La lampe est allumée, il défait son pansement, prend de l'huile à côté de la lampe, en met sur sa plaie, puis, toujours avec le mouchoir de la fille, il panse sa plaie. La servante griotte, qui ne dormait pas reconnaît le mouchoir de sa maîtresse avec beaucoup d'inquiétude et de surprise. Sans mot dire,, elle laisse sortir le jeune homme, en se félicitant intérieurement des conseils qu'elle avait donnés à son sujet à sa maîtresse car, reconnaissant le mouchoir, elle avait vu que ses rêves disaient vrai. Quand le jeune homme est sorti, elle réveille sa maîtresse, en lui disant qu'elle a reconnu son mouchoir sur le jeune homme qui est dans la hutte des chèvres. Sa maîtresse ne la prend pas en considération et se rendort. Elle continue, pendant six jours encore, de mal traiter le jeune homme. Le septième, le fils de chef qui a tenté deux fois déjà de l'enlever fait une troisième tentative. Il réunit plus de jeunes gens qu'aux deux précédentes expéditions. Le chercheur d'aventures et son suivant ont, une fois encore ce jour-là, changé de costume. Ils se rencontrent au même lieu ; la bataille est plus acharnée, les deux compagnons tuent vingt-sept de leurs ennemis et en blessent trente. Ils ont, cette fois-là, de la peine à délivrer la jeune fille. Pour la seconde fois, le jeune homme est blessé. La fille lui donne un second mouchoir, qu'elle portait pour la première fois, et, ce jour-là, elle prend la peine de l'observer. Il n'était pas aussi déguisé que les jours précédents. Arrivés au village, le chercheur d'aventures et son suivant rentrent chez eux, passent une bonne nuit. Au matin, de bonne heure, le jeune homme revêt ses sacs et va terminer la nuit dans la hutte des chèvres. Cette fois-ci, il a emporté avec lui ses vêtements ordinaires : arrivé dans la hutte, il dépose ses sacs, s'habille normalement, entre à nouveau dans la case 6 de la fille et détache ses pansements pour mettre de l'huile sur ses plaies. La fille du roi, réveillée par le bruit du battant de la porte, reconnaît ses deux mouchoirs et reconnaît aussi le jeune homme qu'elle a si mal traité. D'abord honteuse d'elle-même, elle vient s'agenouiller devant le jeune homme en sanglotant et en lui demandant pardon de ce qu'elle a fait. Le jeune homme pardonne vite. La jeune fille s'empresse de chasser son amant qui dormait, elle embrasse son fiancé, le caressant avec tendresse. Au matin elle réunit tous les vieux, pour aller devant son père attacher le mariage entre elle et son sauveur. Tout en demandant pardon au jeune homme, elle lui montre tant de tendresse, de douceur, qu'il est ému, lui, le chercheur d'aventures, malgré qu'il n'oublie pas les malheurs qu'il a supportés. La main de la fille lui fut accordée, et on donna à la fille, comme dot, un kilo d'or, cent têtes de boeufs, cent chèvres, cent moutons, cent serviteurs, cent servantes, dix chevaux. Le jour même, le mari voulut partir. Il fut accompagné par tous les habitants du village , la griotte accompagnait sa maîtresse. Le dyina reçut bien l'aventureux garçon, il le félicita de son courage et de sa patience. Trois jours après, le jeune homme devait quitter le dyina pour rentrer chez lui. Ils se quittent avec beaucoup de regrets ; le dyina implore l'indulgence du jeune homme de la part de la femme ; l'homme et la femme quittent le dyina. Ils marchent, trois jours et trois nuits ; tout ce temps la fille porte sur sa tête trois fagots de bois mais elle ne reçoit pas même d'urine de chèvre à boire, ni de son à manger elle ne reçoit rien, elle supplie, elle se plaint, elle pleure, mais elle ne reçoit pas de pardon. Chaque pardon demandé irrite la colère du jeune homme, et les coups de cravache pleuvent sur le corps de la femme. Arrivé à un fleuve, le jeune homme la jette dans l'eau : elle fut la proie d'un crocodile.
Le chercheur d'aventures met la femme auprès de lui, il la ramène au village, sans oublier de couper la branche que lui a indiquée son maître. La fille, par tous les moyens, lui demande de rester, mais il n'accepte pas. A deux heures seulement, il rentre au logis du dyina, très content de ne pas être reconnu par la fille. Celle-ci va trouver son père et lui dit :
— Je vous dois le plus grand respect, je n'ose pas m'opposer à vos ordres, mais vous m'avez donné en mariage au plus indigne des hommes. Aujourd'hui, grâce à deux jeunes hommes à qui je dois une reconnaissance infinie, j'ai échappé à la mort avec toutes mes camarades. Le mari que vous m'avez proposé n'y était pas, d'ailleurs, depuis ce matin, je ne l'ai vu. Je vous prie donc de nous séparer, et de faire des recherches pour retrouver ces deux jeunes gens. Je serai l'épouse de l'un d'eux .
Le père ne répond même pas, il ne fait que se moquer de sa fille et de sa lâcheté. La fille, désespéxée, rentre chez elle.
Cette nuit là, elle ne dort pas. Le matin de bonne heure, elle voit sortir le jeune homme de sa hutte, avec ses vêtements habituels. Elle se précipite sur lui avec rage, le roule par terre et lui donne trente coups de chicote, en l'injuriant et en lui disant qu'elle ne serait pas son épouse, qu'hier des gens étaient venus pour l'enlever et que lui, vaurien, n'y était pas, et que c'est grâce à deux jeunes hommes auxquels elle doit toute sa reconnaissance qu'elle a été sauvée, ainsi que ses camarades. Elle l'oblige à aller chercher vingt fagots de bois le jour même.
Avant que le soleil se couche, le jeune homme a réuni ses vingt fagots, sans rien manger de la journée. Le soir, il reçoit encore son plat habituel, et son même logement. A minuit il arrive chez le dyina, mange bien, dort bien, jusqu'au lendemain matin. Ainsi vit il pendant six jours. Le septième, la fille devait aller se laver. La même histoire devait recommencer. Le jeune homme et son suivant, ce jour là,
changent d'habits et de monture ; la fille a été emmenée jusqu'auprès du village du fils du roi lorsque le coureur d'aventures et son suivant l'enlèvent des mains de ses ennemis, après avoir mis ceux-ci en fuite.
Cette fois, le dyina avait recommandé au jeune homme de se blesser légèrement à sa jambe. Comme il ramenait la fille, elle prit son mouchoir, en banda la plaie, de son sauveur, et supplia encore une fois le jeune homme de rester avec elle. Mais celui-ci n'accepte pas, rentre le soir au logis du dyina, se repose bien jusqu'au lendemain. Ce matin-là encore, il reçoit soixante coups de cravache, avec toutes sortes d'injures, sans nourriture le soir, et l'ordre de ramasser quarante fagots de bois.
La nuit, voulant se faire remarquer par la fille qui l'a si mal traité, il entre dans sa case, comme elle ronfle à côté de son amant. La lampe est allumée, il défait son pansement, prend de l'huile à côté de la lampe, en met sur sa plaie, puis, toujours avec le mouchoir de la fille, il panse sa plaie. La servante grioyte, qui ne dormait pas reconnaît le mouchoir de sa maîtresse avec beaucoup d'inquiétude et de surprise. Sans mot dire,, elle laisse sortir le jeune homme, en se félicitant intérieurement des conseils qu'elle avait donnés à son sujet à sa maîtresse car, reconnaissant le mouchoir, elle avait vu que ses rêves disaient vrai. Quand le jeune homme est sorti, elle réveille sa maîtresse, en lui disant qu'elle a reconnu son mouchoir sur le jeune homme qui est dans la hutte des chèvres. Sa maîtresse ne la prend pas en considération et se rendort. Elle continue, pendant six jours encore, de mal traiter le jeune homme. Le septième, le fils de chef qui a tenté deux fois déjà de l'enlever fait une troisième tentative. Il réunit plus de jeunes gens qu'aux deux précédentes expéditions. Le chercheur d'aventures et son suivant ont, une fois encore ce jour-là, changé de costume. Ils se rencontrent au même lieu ; la bataille est plus acharnée, les deux compagnons tuent vingt-sept de leurs ennemis et en blessent trente. Ils ont, cette fois-là, de la peine à délivrer la jeune fille. Pour la seconde fois, le jeune homme est blessé. La fille lui donne un second mouchoir, qu'elle portait pour la première fois, et, ce jour-là, elle prend la peine de l'observer. Il n'était pas aussi déguisé que les jours précédents. Arrivés au village, le chercheur d'aventures et son suivant rentrent chez eux, passent une bonne nuit. Au matin, de bonne heure, le jeune homme revêt ses sacs et va terminer la nuit dans la hutte des chèvres. Cette fois-ci, il a emporté avec lui ses vêtements ordinaires : arrivé dans la hutte, il dépose ses sacs, s'habille normalement, entre à nouveau dans la case 7 de la fille et détache ses pansements pour mettre de l'huile sur ses plaies. La fille du roi, réveillée par le bruit du battant de la porte, reconnaît ses deux mouchoirs et reconnaît aussi le jeune homme qu'elle a si mal traité. D'abord honteuse d'elle-même, elle vient s'agenouiller devant le jeune homme en sanglotant et en lui demandant pardon de ce qu'elle a fait. Le jeune homme pardonne vite. La jeune fille s'empresse de chasser son amant qui dormait, elle embrasse son fiancé, le caressant avec tendresse. Au matin elle réunit tous les vieux, pour aller devant son père attacher le mariage entre elle et son sauveur. Tout en demandant pardon au jeune homme, elle lui montre tant de tendresse, de douceur, qu'il est ému, lui, le chercheur d'aventures, malgré qu'il n'oublie pas les malheurs qu'il a supportés. La main de la fille lui fut accordée, et on donna à la fille, comme dot, un kilo d'or, cent têtes de boeufs, cent chèvres, cent moutons, cent serviteurs, cent servantes, dix chevaux. Le jour même, le mari voulut partir. Il fut accompagné par tous les habitants du village , la griotte accompagnait sa maîtresse. Le dyina reçut bien l'aventureux garçon, il le félicita de son courage et de sa patience. Trois jours après, le jeune homme devait quitter le dyina pour rentrer chez lui. Ils se quittent avec beaucoup de regrets ; le dyina implore l'indulgence du jeune homme de la part de la femme ; l'homme et la femme quittent le dyina. Ils marchent, trois jours et trois nuits ; tout ce temps la fille porte sur sa tête trois fagots de bois mais elle ne reçoit pas même d'urine de chèvre à boire, ni de son à manger elle ne reçoit rien, elle supplie, elle se plaint, elle pleure, mais elle ne reçoit pas de pardon. Chaque pardon demandé irrite la colère du jeune homme, et les coups de cravache pleuvent sur le corps de la femme. Arrivé à un fleuve, le jeune homme la jette dans l'eau : elle fut la proie d'un crocodile.
Notes
1. Si un chasseur fulakunda tue une panthère ou une hyène, il doit pour éviter le malheur qui ne manquerait pas de lui arriver, accomplir une cérémonie. L'animal tué, on bande les yeux du chasseur, et on ramène au village l'animal porté sur la tête de deux hommes ; le chasseur par deux ou quatre hommes. Les habitants du village, hommes et femmes, viennent au devant du chasseur, en portant des « léfa » (couvercles de vannerie) et de « burirgal » (pl. burirdhe, (morceaux de bois qui servent à frapper le lait) avec lesquels ils frappent l'animal jusqu'à ce qu'on arrive à la porte de la case du chasseur, jusqu'à ce qu'on rentre chez lui, on ne doit pas prononcer le nom du chasseur avant que la cérémonie soit finie.
On évite soigneusement la vue de la tête de la hyène aux femmes, car sinon elles auraient des enfants aussi vilains que la hyène. La hyène est brûlée ou enterrée très profondément (cinq mètres), de crainte que les sorciers ne prennent sa cervelle ou ses intestins, qui sont un poison violent. Avec les griffes de panthère on fait un charme qui protège les enfants.
La hyène (fowru, pluriel : pobbi) est souvent appelée Demba ou Dembaru (nom du troisième fils) ou encore sulu : grand coureur. La panthère, badagu, s'appelle aussi woddu ou bodhel. Le lion est considéré comme le roi des animaux.
2. Enterrement. La mort d'un vieux chef de hameau ou d'une vieille femme bien connue est l'occasion de grandes fêtes. Si le défunt est riche, on tue trente ou quarante boeufs, et on tire beaucoup de coups de fusil. Le jour de la mort, le fils ou le frère du défunt tue le taureau chef du troupeau : saundi makko, i.e. premier sacrifié.
Puis pendant trois ou quatre mois, garçons et filles, jeunes et vieux, dansent chaque soir devant la porte de la case du décédé. Les hommes boivent du vin et tirent trois ou quatre coups de fusil.
La tombe est orientée. Le mort a la tête au nord et les pieds au sud. S'il s'agit d'un homme il est couché sur la droite, s'il s'agit d'une femme sur la gauche. Le mort est habillé (si c'est un homme il porte un pantalon et un bonnet), mis dans une couverture et couché dans la tombe. Il est recouvert de bois, puis de feuilles, enfin de terre.
Enfin, au bout de ces trois ou quatre mois, on fait une grande fête. On cuit de la bière de mil ou de maïs, et les maris des filles du mort doivent fournir chacun un boeuf, sinon le mariage est cassé. Un sacrifice a lieu, on danse. Tout le bien du vieux est sorti : bandes de coton, argent, etc… et mis en tas dans sa case. Les captifs portent une tête de boeuf sur la tête et les femmes une bande de coton, également sur la tête. Tous dansent autour de la case. On jette du riz partout dans le village. Le lendemain matin on distribue l'héritage. On a tué trente ou quarante boeufs.
3. Il existe chez les Fulakunda des prénoms indiquant l'ordre de naissance :
A chacun de ces noms correspond un nom de respect donné par les neveux et nièces à leurs oncles paternels (frères aînés ou cadets de leur père).
Mais il existe aussi un nom transmis par le père à ses fils, filles et serviteurs, correspondant à notre nom de famille. Les principaux sont :
un jour les Balde avaient été hors de chez eux faire la guerre et s'étaient fait battre. Ils se sont enfuis, mais leur chef n'a pu traverser un grand fleuve qui lui barrait la route que grâce à un grand crocodile qui s'était mis en travers pour lui servir de pont. Après quoi des pintades sont venues en piétinant effacer sa trace : ses poursuivants ne l'ont pas retrouvée et le crocodile est parti ; ils n'ont pu traverser.
4. A propos du tissage chez les Fulakunda et dans tout le Badyar, cf. M. de Lestrange, « Teinturiers Sarankolé du Badyar », In Etudes Guinéennes, numéro 6.
5. Mon informateur a oublié un incident : on ne parle plus, dans la version qu'il m'a donné de ce conte, de cette branche d'arbre.
6. Chez les Fulakunda, les cases d'hommes et les cases de femmes sont très différentes. Toutes sont circulaires et couvertes d'un toit pointu de chaume. Les cases d'hommes sont en pisé et maintenant parfois en briques (à l'imitation des cases fula parce que les fulakunda ne nomadisent plus et veulent construire des cases solides) elles ont une véranda circulaire. Le mur des cases de femmes est fait en vannerie. Chaque femme va coucher à tour de rôle chez son mari, mais chaque homme et chaque femme mariés disposent d'une case individuelle. Le mobilier des cases est très pauvre, Il se compose avant tout d'un lit fait de bambous posés (et non fixés) sur quatre pieds.
7. Chez les Fulakunda, les cases d'hommes et les cases de femmes sont très différentes. Toutes sont circulaires et couvertes d'un toit pointu de chaume. Les cases d'hommes sont en pisé et maintenant parfois en briques (à l'imitation des cases fula parce que les fulakunda ne nomadisent plus et veulent construire des cases solides) elles ont une véranda circulaire. Le mur des cases de femmes est fait en vannerie. Chaque femme va coucher à tour de rôle chez son mari, mais chaque homme et chaque femme mariés disposent d'une case individuelle. Le mobilier des cases est très pauvre, Il se compose avant tout d'un lit fait de bambous posés (et non fixés) sur quatre pieds.
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Fulbright Scholar. Rockefeller Foundation Fellow. Internet Society Pioneer. Smithsonian Research Associate.