Institut Français d'Afrique Noire. Centre de Guinée, Conakry, 1950, no. 7, pp. 3-66
Ces contes mettent souvent en scène des animaux plus ou moins fabuleux, et des génies. Les enfants connaissent souvent plus de tali et de deddi que les adultes, qui les ont oubliés. Raconter des histoires est une des nombreuses occupations des enfants, qui n'en manquent pas : ils aident aux travaux des adultes et jouent dès qu'ils le peuvent. Ils connaissent d'ailleurs de nombreux jeux.
Les petits garçons portent une courte chemise faite de six bandes de coton et un pantalon long entre les jambes, serré à la taille par une ficelle, et fait comme la chemise en bandes de coton le plus souvent blanches ou rayées d'indigo. Les garçons luttent, jouent à des jeux de combinaison ou des noyaux ou des cailloux, courent dans des cupules creusées dans le sable, sculptent avec goût des cannes ou d'autres petits objets de bois, font de la musique : une sorte de vièle a ainsi été conservée par les enfants fulakunda, alors que les adultes ne s'en servent plus ; enfin les garçons fulakunda chassent, armés d'arcs et de flèches. Ils tuent des oiseaux ou d'autres petits animaux avec des arcs faits avec du palmier (ban) ou du bambou pour le bois (le bambou est plus solide), et pour la corde, avec de la ficelle. Seuls les adultes utilisaient autrefois du bambou pour la corde, comme chez les Koniagui.
Les flèches sont faites en palmier (ban) et munies de très longues pointes de bambou. Ces flèches ont jusqu'à deux mètres de long.
Les garçons sont habiles à des jeux d'adresse variés :
Garçons et filles sont très badauds et se précipitent quand ils entendent par exemple un griot. Il y a des jeux communs aux garçons et aux filles, des jeux de mains par exemple, accompagnés de chants comme ceux-ci :
— « Dongel dongel nyari » la petite charge, la petite charge du chat,
puis « nyaku fidi kam, nyaku fidi kam » : l'abeille m'a piqué l'abeille m'a piqué ; les deux phrases &emacute;tant mimées par deux mouvements de mains différents.
Un autre jeu de main mime toute une histoire :
— Mi wudyar (je m'en vais voler)
— honto (où) ?
— to gesa lamɗo (dans le champ du chef)
— Yele a nangama (et si on t'attrape)
— nono baccá? (comment vas-tu faire ?)
— mi diwa (je sautille)
— Nono diwurata (comment tu vas sautiller ferr, ferr…)
— hodo nangama (un a été pris) ».
Les jeux de ficelle sont communs aux garçons et aux filles, mais les garçons y sont plus habiles.
Les petites filles portent un pagne de bandes de coton bleu indigo, unies, fait de deux longues bandes effrangées devant et derrière et de deux courtes sur les côtés. A la taille, elles portent un fil de cauris et plusieurs fils de grosses perles de toutes les couleurs. Elles portent encore plusieurs rangs de fines perles en collier, aux bras et aux poignets, sous les genoux et aux chevilles. Ces petites perles sont de toutes les couleurs et se portent en général par cinq rangs à la fois. Les petites filles ont quelquefois des bracelets de poignet en aluminium empruntés aux Koniagui. A la mode fula, elles portent quelquefois aujourd'hui des tatouages au creux sur les tempes. La coiffure des petites filles comporte une dizaine de petites nattes, séparées par des emplacements rasés.
Les petites filles font des rondes, s'accrochant les unes aux autres par la jambe gauche, en chantant :
« nyongudyel (croiser les jambes)
nyongadyel (danser)
dia werle werle (en, tournant)
amanta (elles ne dansent pas) mawdho (pour les vieux)
si yennata (mais ils ne les injurient pas) ».
Souvent aussi elles imitent les danses des adultes, prenant soin de se nouer sur la poitrine, en guise de seins, un mouchoir à deux noeuds. Elles chantent, en dansant à la fulakunda :
Siwe siwe, diakoda siwe, siwele, hawat diatya uro han are, noto siwenge
vache laitière, vache laitière, la dernière génisse de sa mère, elle est laitière maintenant, quand tu pars au troupeau pour la traire, il faut faire attention à elle.
Ou bien elles imitent les danseuses badyaranké, allant du centre à l'extérieur d'un cercle, réunies à l'intérieur, séparées à l'extérieur :
Tentekur wala fulanlya dimo runde.
Un cultivateur avait un champ de haricots. Le lièvre y va un jour ; il y trouve un enfant qui surveillait le champ et lui dit :
— Petit, ton père a dit que tu m'attaches dans le champ de haricots. Si j'ai soif tu me laisseras boire.
Trois jours plus tard, le lièvre revient dans le champ. Le petit saisit le lièvre, l'attache sur un arbre. Quand son père vient, le petit lui demande si c'est vraiment lui qui a dit au lièvre de venir dans son champ et de croquer les haricots. Le père dit que non ; il rapporte le lièvre au village et l'attache sur un manguier.
L'hyène vient demander au lièvre :
— Que fais-tu là ?
Le lièvre répond :
— On m'apporte des plats de riz et de viande.
L'hyène détache le lièvre, qui l'attache à sa place. Le cultivateur chauffe un feu, et brûle l'hyène, que le lièvre appelle sumadidi : celle qui a été brûlée. L'hyène coupe les cordes, part rejoindre le lièvre et lui dit :
— Tu m'as trompé cette fois-ci, mais la prochaine fois ce sera moi qui te tromperai ».
Un cultivateur est parti seul dans la brousse. Il s'est fait un champ près de l'habitation d'un dyina. Cet homme avait deux filles ; il aimait l'une Dyidhangel, il n'aimait pas l'autre : Ganyangel. Il avait des chiens ; le plus grand s'appelait : Dua, les autres Lemma, Lemu-lemu, Tura-tura, Mareti-mara, Konderel, Dua-mani, Dumbu-manka. Il a dit à la fille qu'il aimait :
— Dyidhangel, je m'en vais au champ.
Les chiens étaient dans une case dont il a fermé le battant de la porte, et il a dit à Dyidhangel :
— Il ne faut pas laisser les chiens sortir tant que je ne suis pas revenu.
Puis il part aux champs, et il trouve une réunion de tous les dyina, qui veulent l'emmener dans une caverne pour le tuer.
Certain que s'il arrive à la caverne, les dyina le tueront, il commence à appeler ses chiens. Il chante à haute voix leurs noms :
— Dua, lemu-lemu, tura-tura, mareti-mara, kondorel, dua-mani, dumbu-manka, ai, ai, ai. (viens; viens, viens) ».
Kondorel, le petit chien, a entendu son maître l'appeler, il a dit au grand chien :
— Eh Dua ! écoute appeler notre maître.
Tous les chiens ont crié que le petit chien a menti, ils se sont mis à le secouer :
— Tu es un menteur.
Alors le petit chien a dit :
—Vous dites que je mens mais écoutez quand même.
Tous les chiens ont écouté, le patron a encore, appelé :
— Dua, lemu-lemu, tura-tura, mareti-mara, kondorel dua-mani, dumbu-manka, ai, ai, ai !
Tous les chiens ont entendu la voix de leur patron et tous se sont mis à crier. Alors Ganyangel a dit :
— Je vais ouvrir, pour que les chiens puissent répondre à leur maître ». Mais Dyidhangel a dit :
— Ganyangel, il ne faut pas lâcher les chiens.
Leur père a encore appelé les chiens. Ganyangel a pris un coeur sévère, elle est allée prendre les clefs, a ouvert la case : les chiens sont sortis, et ont couru rejoindre leur maître que les dyina veulent tuer à la porte de leur caverne. Les chiens arrivent, les dyina prennent la fuite.
— Qui, demande l'homme, vous a laissé sortir ?
Les chiens disent
— C'est Ganyangel qui nous a laissés sortir.
Puis l'homme rentre.
Sur le chemin il rencontre une biche, avec les chiens il la tue, les chiens la dévorent, il en prend le coeur qu'il perce et met au bout d'un bâton.
Il rencontre ensuite un python, les chiens l'attrapent, il le déchire, le fend et prend son coeur qu'il enfile sur un autre petit bâton. Il continue et rencontre un gros gibier, un buffle. Il le tue péniblement, le dépouille, coupe deux morceaux de viande et les pique sur deux bâtons. Il revient au village et dit :
— Alors Dyidhangel — il prend d'abord l'air méchant — qui a laissé sortir les chiens ?
Dyidhangel dit :
— Ce n'est pas moi, c'est Ganyangel et je lui avais dit de ne pas le faire.
Il les appelle toutes les deux. Il prend son rasoir et dit à Dyidhangel de se mouiller la tête la première, il lui rase toute sa chevelure et lui dit :
— Assieds-toi au soleil.
Il appelle Ganyangel. Ganyangel mouille sa tête, il la rase et lui dit :
—Va t'asseoir à l'ombre.
Il grille la viande et leur demande
— Reconnaissez-vous cette viande. Il y en a une bonne et une mauvaise. Celle-ci est la viande du serpent 1, celle-là la viande de bons animaux.
Il appelle Dyidhangel, prend son sabre et lui dit :
— Mange la viande du serpent.
Dyidhangel veut refuser, il lui dit :
— Eh bien, tu vas mourir aujourd'hui. S'il n'y avait que toi, le dyina m'aurait tué.
Il prend son sabre et coupe la tête de Dyidhangel.
Alors Ganyangel mange la viande du bon gibier. Son père lui demande si elle est rassasiée, puis lui dit :
— Bon, maintenant, nous allons rester ensemble. Tu es une bonne enfant, tu m'as sauvé. Va cuire un repas pour nous deux, maintenant, toi, je t'aiderai jusqu'à ma mort.
Un homme avait deux épouses, qui avaient chacune une fille que sa mère élevait. L'une des femmes était fille de chef de canton, ce qui les remplissait d'orgueil, elle et sa fille, qui étaient riches à cause de leur père et grand-père. La fille détestait sa demi-soeur, la femme sa co-épouse ; le mari n'y pouvait rien.
La plus pauvre des deux femmes est morte la première. Sa fille, se sachant détestée, a voulu s'enfuir son père l'a retenu en lui donnant de bons conseils. Elle est restée, mais sa camarade et sa belle-mère l'ont beaucoup fait souffrir. Un jour, à minuit, pour montrer que c'est elle qui commande, sa marâtre l'envoie chercher de l'eau dans une mare. Or, dans cette mare, qui ne s'était pas séchée depuis cent ans, personne n'osait tenter d'aller. La fille refuse d'abord mais, après cent coups de bâton, elle est obligée de partir, à l'insu de son père qui était en voyage. Résignée, certaine de sa mort, elle n'y pensait même pas, et préférait la mort à de pareilles souffrances. Comme elle approchait de la mare, le maître de la mare, se sentant pour la première fois menacé, cria, et tout le village l'entendit. Sans peur, à haute voix, la fille disait :
— Je préfère mourir plutôt que de supporter de pareilles souffrances ; dyina, je te prie de ne pas avoir pitié de moi ; je suis orpheline, on m'oblige à venir chez toi, alors que de vaillants personnages ne l'ont pas osé.
La fureur du dyina diminue : il s'attendait à des questions et à dés réponses.
— Pourquoi, dit-il, es-tu venue chez moi ? Ne sais-tu pas que même le plus grand des dyina n'ose pas venir ici ? »
La fille répond :
— Je sais tout cela, aussi bien que je connais les plis de la paume de ma main. Orpheline, on m'a obligée à venir chez le dyina, j'aime mieux mourir que retourner chez ma méchante marâtre
Le dyina ne dit plus rien. Quand il parle avec la fille, son reflet monte jusqu'au ciel, et la forêt est toute entière éclairée comme en plein jour. La fille voit cette grande lueur s'éteindre peu à peu, la forêt redevient noire, et elle ne voit plus rien. Elle va prendre de l'eau à la mare et y trouve le dyina. Celui-ci, pour éprouver la fille, lui demande de frotter son dos - il était en train de se laver - qui était couvert d'aiguilles, de flèches, de toutes sortes d'objets pointus en fer. La fille, sans hésiter commence à frotter le dos du dyina, qui lui blesse les mains, mais elle ne s'arrête pas, malgré que les blessures et la douleur augmentent. Le dyina lui demande si cela ne lui fait pas mal. La fille répond :
— Si, mais j'ai, toujours été obligée par ma marâtre à faire des choses insupportables : voilà pourquoi je ne sens pas la douleur.
Le dyina lui dit de cesser et de puiser de l'eau ; il l'aide à charger sa calebasse et lui dit de retourner chez elle en lui recommandant :
— Demain tu trouveras devant ta porte une grande calebasse. A ton père qui sera de retour cette nuit tu diras de l'ouvrir. Je te donne ce qu'elle contient.
La fille rentre ; mais le dyina avait prévu que sa méchante marâtre allait refuser l'eau, disant qu'elle n'est pas allée à la mare : sa marâtre ne peut imaginer qu'on puisse aller à la mare et revenir vivant. Aussi le dyina a-t-il changé l'eau, parce qu'on disait souvent que l'eau de cette mare n'était pas semblable à celle des autres. Dès que la jeune fille a déposé sa charge, sa belle-mère est venue en l'injuriant et l'a frappée ; elle a voulu jeter l'eau, mais elle a oonstaté, à son étonnement, que cette eau venait vraiment de la fameuse mare,: on lui avait toujours parlé de sa couleur. Elle demande une explication à la fille qui répond simplement :
— C'est un don de Dieu, c'est la destinée.
De ce moment-là, la femme commence à constater que la fille changeait : elle devenait belle, son allure était différente.
Le lendemain matin, la fille a vu la calebasse devant sa porte, et a appelé son père. Sans même lui raconter ce que sa marâtre lui a dit la veille, elle lui dit d'ouvrir la calebasse. Le père prend un couteau, perce la calebasse qui était entière, et celle-ci s'ouvre immédiatement : elle était pleine, à la joie de la fille et à l'étonnement de toute la famille, d'or, d'argent, et de diamants, de perles et toutes sortes de parures. La fille s'écrie :
— Dieu est juste
Voyant cela, le soir même, la marâtre envoie sa propre fille à la mare, avant le crépuscule. Celle-ci, arrivée à la mare, trouve le dyina qui l'attendait et lui dit, en peu de mots, de lui trotter le dos. Elle le fait une fois : ses deux mains sont blessées. La fille, que le dyina n'avait effrayée ni par son cri. ni par sa grande lumière, refuse de frotter une seconde fois. Le dyina ne dit rien, il l'aide à charger sa calebasse, en lui recommandant :
— Demain tu trouveras devant ta porte une grande calebasse. Je te donne ce qu'elle contient.
La fille rentre fière et contente. Le lendemain matin, sa mère étant allée chercher du bois, elle est si pressée d'avoir or et argent qu'elle ouvre la calebasse de très bonne heure, avant le réveil du village ; elle avait gardé un couteau depuis le soir. Elle coupe elle-même la calebasse. Il en sort des cynhyènes, des hyènes et des lions, qui se précipitent sur elle et la dévorent, sans que personne ne les voit. Ils ne laissent que sa tête et les deux. poignets, et pas la moindre trace de sang. Un vautour était sorti de la calebasse au milieu de ces fauves il prend la tête et les poignets et va se percher sur un grand arbre.
Vers huit heures, la mère se demande où est sa fille. Le père dit :
— Comme sa case est fermée, elle dort peut-être encore.
Au même instant, comme si le vautour n'attendait que cette parole, prenant la tête et les poignets, il vole au-dessus du groupe que formait la famille et les laisse tomber. La femme reconnaît la tête et les poignets de sa fille et se met à pleurer et à crier. Tous, ayant vu la calebasse, ils ont réalisé que la calebasse contenait des bêtes féroces… A partir de ce jour, la marâtre est devenue la servante de l'orpheline.
La fille d'un chef dit qu'elle veut partir en promenade : on lui donne un cheval. Elle dit qu'elle veut aller au village des magiciens : on lui dit qu'une fille ne va pas là-bas, on l'y tuerait. Elle dit qu'elle y part même si on doit la tuer. Elle y arrive. Une vieille femme dit :
- Voilà un étranger. Un homme ou une femme ? »
La fille s'est changée en homme, les hommes ont dit :
- C'est un homme ».
Mais la femme a dit :
- C'est une femme ». Ils ont discuté longtemps ; ils ont dit que pour savoir la vérité, il n'y a qu'à l'envoyer au marigot se baigner. Si l'étranger accepte de traverser l'eau, c'est un homme et pas une femme.
Tous les hommes sont partis en brousse chercher du bois sec. On a confié l'étranger à une vieille. Quand les hommes sont revenus, ils ne trouvent plus l'étranger. Ils la poursuivent mais quand ils arrivent sur la route, la fille et son cheval se changent en tourterelle. La vieille femme se change en épervier. Mais quand l'épervier veut attraper la tourterelle, elle se change en bague. La bague tombe dans la poche d'un dioula. La vieille femme se change alors en griot, qui demande au dioula de lui donner quelque chose. Le dioula lui donne de l'argent, elle le refuse et dit qu'elle veut ce qu'il a dans la poche. Le dioula sort la bague, qui se change en fonio. La vieille se change en poule et mange le fonio. Mais il en reste un grain, qui se change en civette (mbam'bori).
La civette a mangé la poule.
Un magicien poursuivit un homme. Cet homme possédait trois choses : un oeuf, un morceau de canari, une aiguille. Il jette le morceau de canari, qui devient une grande montagne entre le magicien et lui. Mais le magicien trouve chez lui une hache et une pioche et il creuse la montagne. Quand il a fini, l'homme est loin. Mais le magicien court et le rattrape en quelques heures.
L'homme jette l'oeuf, qui devient un grand fleuve entre le sorcier et lui. Mais le magicien rentre chez lui chercher des calebasses, et il vide le fleuve. L'homme fuit, mais le magicien le rattrape. L'homme jette l'aiguille, qui se change en une forêt d'épines. Le magicien rentre chez lui chercher son coupe-coupe.
Mais quand il a eu coupé les épines, l'homme était déjà rentré chez lui.
Six hommes 2 étaient partis chasser dans la montagne. C'étaient :
Ils avaient faim. L'homme qui voit loin a vu sept éléphants assis, se lever et traverser sept brousses, sept pâturages, sept montagnes et sept marigots. Le chasseur mince a tiré, et tué les sept éléphants. L'homme au bras long a étendu son bras et ramené les sept éléphants. L'homme aux ongles robustes les a dépouillés. L'homme dont le regard enflamme le bois de bani a regardé un bani mort, sec, et il s'est enflammé.
Les six hommes ont grillé la viande et l'ont mangée. Il leur manquait à boire ; l'homme qui fait jaillir l'eau de la pierre a frappé le sol avec son pied une seule fois : une source a jailli, où l'homme au bras long, sans se courber, a pris de l'eau pour ses compagnons.
Des six hommes, quel est le plus habile ?
Ninkiri avait interdit à un village l'unique puits des environs. Pour permettre aux habitants d'y venir puiser, il exigeait chaque année qu'on lui livre une jeune fille. On la portait au puits, le génie s'en emparait. Ceci durait depuis des années. Vint une fois le tour d'une fille unique. Son père et sa mère pleuraient, sachant que le jour approchait. Mais voilà qu'arrive au pays un chasseur réputé, qui leur demande pourquoi tant de tristesse. Quand il en sut la cause, il fut pris de pitié, et décida que la fille ne serait pas livré au monstre. Il partit au puits et tua Ninkiri. Un grand tam-tam célèbre cette délivrance le chasseur valeureux fut admiré de tous et devint le chef de toute la région.
(Ce taalol suivant semble n'être qu'une variante de la très belle légende malinké qui raconte comment le génie de la montagne est devenu maître des eaux (pour variantes malinké, landouman, etc., cf. M. de Lestrange, Génies Guinéens, in Etudes Guinéennes, no. 4).
Une jeune fille très belle 4 habitait un village de la brousse. Bien des jeunes gens du voisinage auraient voulu épouser la jeune fille et venaient la voir : elle était si belle. Mais elle les refusait tous, ayant décidé de n'épouser qu'un jeune homme à la peau sans défaut ni cicatrice.
Un lion entendit parler de la jeune fille, il décida de lui rendre visite. Il se transforme en un bel homme et se dirige vers le village de la belle. Dès qu'il y est arrivé, toute la population l'entoure et l'admire. La fille était trop belle pour accomplir aucune besogne ménagère, aussi ses compagnes s'offraient-elles toujours à travailler à sa place. Dès qu'elle vit apparaître le visiteur, elle s'écria : « Voilà celui qui sera mon mari ! », et elle en fit part à ses parents. Les serviteurs se mettent à préparer le repas, et la fille qui, jamais auparavant n'a fait si rude besogne, prend elle-même le pilon. Elle prépare le riz et égorge un mouton. Le mariage a lieu.
Sur le chemin qui les ramène chez eux, le mari demande à sa femme :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Oui, c'est là que nos boeufs ont passé l'hivernage.
Un peu plus loin, le mari lui demande une deuxième fois :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Oui, c'est là que nous venons chercher du bois.
Une troisième fois :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Oui, c'est là que nous venons chercher de l'eau.
Une quatrième fois :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Oui, mon père, se promenant à cheval, m'y a
un jour amené.
Une cinquième fois :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Oui, J'y ai un jour porté du riz à mon frère.
Une sixième fois :
— Reconnais-tu cet endroit ?
— Non, Je n'ai jamais vu ces lieux à.
Aussitôt, le mari, qui était jusqu'alors très bien habillé, laisse tomber ses chaussures.
Pourquoi ?
- Oh, J'en ai d'autres ».
Mais à ce même endroit où le mari avait laissé tomber ses chaussures, le cheval de la jeune femme était venu les attendre, changé en chien : c'était un magicien. Il a avalé les chaussures. L'homme et la femme ont continué leur chemin.
Au bout d'un moment, le mari a laissé tomber son bonnet.
— Pourquoi ?
— Oh, j'en ai d'autres ».
Le chien a avalé la coiffure. Plus loin encore, le mari a laissé tomber son boubou : le chien l'a avalé ; plus loin encore son caftan le chien l'a aval&fin son pantalon : le chien l'a avalé.
Mais à ce moment-là ils étaient juste arrivés à la demeure du lion. L'homme et la femme descendent de cheval (ils montaient tous les deux le cheval du mari). Le mari fait entrer sa femme dans une belle chambre ; il sort quelques minutes, quand il revient, la femme voit qu'il est un lion. Elle veut crier, mais le lion lui dit :
— Si tu cries, je te mange tout de suite.
Elle se tait et le lion ajoute :
— Je vais nous chercher de quoi manger.
Il part chercher deux antilopes koba.
Le chien profite de son absence pour dire à la femme :
— Je t'avais bien dit que c'était un génie. Maintenant tu ferais bien de croire tout ce que je te dis.
Le lion, à son retour, trouve sa femme avec le chien ; il leur donne à manger
Mais, le lendemain, le chien va à la chasse avec le lion et, chaque fois que le lion guette un animal le chien vient effrayer l'animal, qui s'enfuit. Le chien fit cela quatre fois dans la matinée, mais à la cinquième fois il eut peur d'être mangé et le lion tua un koba. Ils sont rentrés au village. Le lion a conseillé à la femme de renvoyer son chien chez ses parents. La femme a accepté de le renvoyer le lendemain.
Le lion avait fait part à ses camarades de son mariage. Un festin était préparé pour le lendemain, où la femme devait mourir. Pour se montrer bon hôte, le lion est allé à la rencontre de ses invités, très loin, et est donc parti de bonne heure. Le sachant, le chien a dit à la femme de fuir. Mais la femme avait tellement peur qu'elle refusa la première fois. Mais finalement, elle désirait tant quitter son mari qu'elle a accepté, et ils se sont enfuis par le chemin par où ils étaient venus.
Tout en courant, chaque fois qu'ils arrivaient là où le mari avait laissé un vêtement, le chien le vomissait et le laissait là. Quand ils sont arrivés là où le mari avait laissé son bonnet, le lion et ses camarades les ont aperçus. Mais le chien était un très puissant magicien, aussi a-t-il avalé la femme et fait pousser autour de lui de grandes herbes. Il s'est arrêté et a attendu le lion. Les lions sont arrivés jusqu'à l'endroit où la fille avait dit ne plus connaître. Ils se sont arrêtés, et n'ont vu aucune trace. Ils sont revenus sur leurs pas et ont vu que l'herbe avait envahi le chemin. Ils n'ont pas compris ce qui se passait.
Devant le lion même, le chien s'est déplacé et a pris la direction du village ; les lions sont allés plus près de lui, mais ils n'osaient s'approcher trop.
Là où il avait avalé les chaussures, le chien les a crachées et laissées. Les lions n'osaient pas sortir des lieux que la femme ne connaissait pas. Les lions se sont arrêtés. A cent mètres d'eux, le chien s'est débarrassé de ses herbes, il a craché la femme et a appelé le lion pour lui dire que c'était lui le chien, avec sa maîtresse. Au moment où le lion a voulu le poursuivre, ses camarades furieux se sont jetés sur lui et l'ont dévoré. La femme est rentrée au village sur son cheval, mais tremblante et maigre. Elle est allée droit chez son père lui demander pardon, et s'offrir en mariage 5 au plus vilain garçon du village.
Notes
1. Au Badyar, seuls les Badyaranké mangent la viande du python. Chez les Fulakunda, même les buveurs de vin non musulmans ne la mangent pas.
2. Ce conte, très connu dans toute la région, et par des populations diverses, est considéré par certains Fulakunda comme un deddol, par d'autres comme un talol ou un tindol.
3. Une autre version appelle le second Fewa Dyungo, l'homme au bras adroit, le cinquième Woddya Gite, l'homme aux yeux rouges, le sixième Mawna Koldhe ou Koyngal, l'homme aux gras pieds.
4. Le canon de la beauté fulakunda veut qu'une femme soit de taille moyenne, svelte, qu'elle ait le nez droit, les lèvres minces (caractères europoüdes), de belles dents ni trop grandes ni trop petites (un diasthème est considéré comme un trait de beauté), les gencives « noires » (c'est-à-dire en réalité bleuâtres), le cou long, la chevelure belle et bien tressée, les mains petites mais proportionnées à la taille de la femme, de grands yeux. Il faut enfin que la femme ait une démarche gracieuse et très féminine. Les femmes apprécient à peu près les mêmes caractères chez les hommes, pour lesquels cependant la taille des yeux importe peu.
En réalité on rencontre chez les femmes fulakunda de nombreux caractères europoüdes, qui ne sont d'ailleurs pas liés entre eux. Ainsi certaines femme au teint noir ont des cheveux longs et plats, d'autres les cheveux courts et crépus mais la peau claire.
5. Mariage : diongwol (en fula : tiggugol). En général, un vieux à qui un garçon a apporté du bois et fait maintes autres politesses lui propose sa fille. La fiancée peut n'avoir que dix . ans, le fiancé environ dix-huit, mais les filles ne se mariaient autrefois que vers vingt ou vingt-cinq ans, alors qu'au Fouta les filles se marient vers quinze ans.
Un homme ne peut pas épouser la fille de sa tante maternelle (soeur de sa mère), mais il épouse souvent la fille de son oncle maternel. Ainsi l'oncle de Mamadu Boiro (fils du chef de Kammabi) a donné à chacun de ses neveux une fille en mariage. Ses neveux maintenant l'aident par leurs bras - ils travaillent à ses cultures - et par leur argent C'est l'intérêt qu'il y a à donner ses filles en mariage près de soi : les gendres qui gagnent des enfants grâce à vous à vous aident dans votre champ. Il existe de rares cas d'échanges de femmes , un frère et une soeur épousent une soeur et un frère.
Pour « attacher » le mariage, le garçon donne une bande de coton à son futur beau-père, et quelques gourdes de vin de palmier ou de rônier qu'on attache au milieu du carré, là où les garçons se réunissent pour manger. Il donne à la fille des pagnes et des perles, et deux ou trois vieux amis de sa famille portent des kola au père de la fille.
Jusqu'au jour où la femme habitera chez lui, le mari doit travailler quinze jours par an aux champs des parents de sa femme et fournir à la belle-mère du bois pour son feu (après il ne le fait plus que si cela lui plait). Il va par exemple trois fois dans l'année, pour trois ou cinq jours, travailler pour sa
belle famille, au moment où l'on prépare les. champs, au moment du désherbage et au moment de la récolte. S'il est malade, il envoie à sa place de l'argent ou des camarades. Dès qu'on a attaché le mariage, l'homme vient chez la femme aussi souvent qu'il le veut. Si l'homme lui plait, la femme va aussi chez lui; Quand elle a eu deux, trois ou quatre enfants, c'est-à-dire au bout de six ou dix ans de fiançailles », la femme va habiter chez son mari. Mais à cette occasion une fête a lieu. On danse chez les pauvres de huit heures à dix heures du soir, chez les riches de quatre heures jusqu'au matin. Le mari reste chez lui, mais il envoie trois amis et deux ou trois filles chercher son épouse. La femme après être restée huit jours ou un mois chez son mari retourne un soir chez elle et revient le lendemain matin avec son matériel de cuisine : cuillères, marmites, etc. La femme a été emmenée chez son mari sans avoir pris avec elle ce qui lui appartient.
Quelquefois d'ailleurs un véritable enlèvement a lieu : des amis du mari « volent » la femme qui, au bout de huit jours, est rendue à sa famille et demandée dans les formes habituelles. Si les parents acceptent, on « attache » le mariage et la femme va habiter chez son mari soit cette même année, soit quatre ans plus tard. Mais les parents peuvent refuser de donner leur fille à ce garçon, et la fête donnée par les amis de celui-ci en l'honneur de la nouvelle,« volée » lui coûte deux ou trois boeufs qui ne seront pas remboursés. Ses amis risquent aussi, en allant enlever la jeune fille, de recevoir quelques mauvais coups.
D'autres fois encore, c'est la fille qui demande à épouser un certain jeune homme. La maîtresse d'un garçon va demander sa main à ses parents. Les parents sont très fiers et s'en vont alors voir les parents de la fille.
— Nous avons reçu une étrangère venue demander à épouser notre garçon ».
Si les parents de la fille sont tout à fait opposés au mariage, il ne peut toutefois se faire. Mais s'ils sont d'accord, on attache. le mariage, et la fille, dans ce cas, ne reste pas longtemps chez ses parents avant d'aller habiter chez son mari.
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